C. LA PROGRESSION DU DJIHADISME VERS LE GOLFE DE GUINÉE

1. Des djihadistes qui savent exploiter les faiblesses des États de la région

Depuis plusieurs années, la « descente » du terrorisme djihadiste qui sévit au Sahel vers le golfe de Guinée constitue une préoccupation croissante. Après l'attentat de Grand Bassam en Côte d'Ivoire en 2016, plusieurs attaques ont eu lieu dans des pays du golfe de Guinée, surtout depuis 2021 . Les djihadistes n'occupent pas de territoire dans les États côtiers mais ils s'infiltrent dans les régions du Nord, en particulier dans les grands parcs naturels, où ils mènent des attaques ponctuelles contre les gardes et les représentants des États. Le Togo et le Bénin ont ainsi subi plusieurs attaques. Le Bénin, en particulier, a dû renforcer son armée, construire des postes avancés et des forts dans les zones frontalières.

Les djihadistes cherchent aussi à s'implanter dans les communautés locales et à s'infiltrer dans les écoles coraniques. Comme au Sahel, ils mènent des attaques contre les symboles de l'État là où les populations sont frustrées et se considèrent comme insuffisamment soutenues, tout en instrumentalisant les conflits interethniques ou sociaux préexistants.

Ainsi, tous les pays de la région sont menacés car ils partagent un terrain de vulnérabilité au terrorisme lié aux conflits d'usage de la terre, aux inégalités extrêmes et à la « contagion » des groupes déjà constitués dans les pays du Sahel.

2. Une situation sécuritaire toujours mauvaise au Nigeria

La situation sécuritaire au Nigeria reste également très dégradée . Dans le nord-est du pays, le terrorisme djihadiste semble avoir fléchi, notamment du fait de l'action de l'armée de l'air nigériane autour des grandes villes de la région. Des investissements importants dans l'armement et la capacité ont permis d'obtenir des résultats tangibles. Toutefois, l'État Islamique en Afrique de l'Ouest (EIAO ou ISWAP) a revendiqué plus d'attaques en 2021 qu'en 2020, même si ces attaques ont fait moins de victimes. On assisterait en réalité à un enracinement de l'ISWAP qui, grâce à l'appui de son échelon central, atteindrait désormais une position dominante parmi les groupes présents dans la région, et aurait consolidé une forme de gouvernance sur le territoire rural qu'il contrôle. Le groupe Ansaru, d'inspiration Al-quaediste, aurait lui aussi ré-émergé après une période de sommeil consécutive à l'arrestation de son leader en 2016. En outre, depuis environ un an, le Nord-Ouest du pays est devenu le théâtre d'actes de banditisme de grande ampleur . Des groupes criminels dirigés par de véritables seigneurs de la guerre se financent grâce au kidnapping et à l'extraction minière illégale.

La force multilatérale mixte contre Boko Haram a quant à elle un bilan mitigé . Ses membres, notamment le Tchad et le Niger, se sont en partie désengagés de cet effort commun afin de consacrer leurs forces à la résolution de leurs problèmes internes.

3. Des pays conscients de la menace, qui ont réagi rapidement

Les pays du golfe de Guinée ont pris très tôt conscience de la menace. Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo ont ainsi lancé dès septembre 2017 l'initiative d'Accra afin de partager des renseignements, de former des personnels et de conduire des opérations militaires transfrontalières conjointes . Ce cadre a surtout permis de renforcer le dialogue et la confiance entre les pays de la région, sans faire reculer le djihadisme. Néanmoins, le contexte actuel est porteur pour l'Initiative d'Accra et la redéfinition de la stratégie française dans la région doit le prendre en compte . En décembre 2022 s'est tenu un sommet de l'Initiative d'Accra où se sont rendus plusieurs dirigeants européens (dont le Président du Conseil européen Charles Michel). Des appels à des financements extérieurs ont été lancés. Cette initiative est un peu à la croisée des chemins. Il est nécessaire, selon les rapporteurs, de la renforcer, au besoin par de nouveaux financements et des projets de coopérations. Le G5 Sahel n'a pas bien fonctionné mais le contexte était différent : il convient d'en tirer les leçons et de mieux soutenir des pays qui prennent le problème plus en amont.

Les pays de la région ont également accompli des efforts dans le domaine économique et social, car ils ont compris qu'il fallait traiter les causes profondes du terrorisme. Ils s'efforcent ainsi de réduire les vulnérabilités socio-économiques en développant des infrastructures de base dans le domaine de la santé ou de l'éducation . Ils tentent aussi de coopérer avec des chefs religieux pour lutter contre les processus de radicalisation et promouvoir des pratiques religieuses pacifiques. Ces démarches peuvent et doivent être soutenues par l'aide publique au développement française.

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