B. CRÉER DE VÉRITABLES PARCOURS DE CARRIÈRE DANS L'INVESTIGATION POUR LUTTER CONTRE LA DÉSAFFECTION DU JUDICIAIRE

La création d'une filière judiciaire unifiée constitue une opportunité d'offrir aux personnels qui la composent de véritables parcours de carrière en son sein.

D'abord en matière de formation , puisque la complexification des enquêtes, quel que soit le niveau de délinquance concerné, du fait des évolutions de la criminalité et de la procédure pénale, nécessite le recours à des personnels d'un haut niveau de technicité ou disposant de compétences particulières. Des formations « sur mesure » pourraient ainsi être élaborées en fonction du degré de spécialisation des unités d'affectation des enquêteurs.

Ensuite en matière d'opportunités d'évolution de carrière et d'avancement ouverts aux personnels constituant la filière investigation. Deux voies de spécialisation pourraient être envisagées : vers des enquêtes plus complexes et vers l'encadrement de groupes d'enquêteurs plus généralistes, ce qui contribuerait à répondre notamment au déficit d'encadrement actuel dans les services de la sécurité publique.

C. ASSURER LE RESPECT DES PRÉROGATIVES DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

La contestation de la réforme de l'organisation de la police nationale a également été l'occasion de mettre en lumière les difficultés de l'autorité judiciaire à faire respecter ses prérogatives, qui doivent être solennellement rappelées.

Aux termes de l'article 39-1 du code de procédure pénale , le procureur de la République met en oeuvre , en tenant compte du contexte propre à son ressort, la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice, précisées et, le cas échéant, adaptées par le procureur général. Or, la définition des priorités assignées par les parquets aux services d'enquêtes se heurte parfois aux priorités définies par le préfet aux services de voie publique. Il convient donc de rétablir les procureurs de la République dans leur rôle de décisionnaires , en demandant au préfet d'ajuster ses orientations en fonction de la définition des priorités de politique pénale sur un territoire. Un dialogue croissant entre préfets et procureurs est ainsi nécessaire pour assurer la bonne déclinaison territoriale de la mise en oeuvre de la politique pénale définie par l'autorité judiciaire .

Les magistrats disposent du libre choix du service enquêteur , comme l'indique l'article 12-1 du code de procédure pénale. Dans les faits cependant, ce principe se heurte déjà fréquemment aux capacités de traitement limitées de certains services spécialisés . Ainsi, au-delà de cette affirmation de principe, c'est en fait l'affectation et la répartition dans le temps des moyens humains entre les différents services appelés à réaliser des investigations qui est en jeu. Il convient ainsi de renforcer l'effectivité de ce principe , par exemple en assurant un suivi du maintien des moyens matériels et humains affectés aux missions de police judiciaire, en inscrivant dans les textes règlementaires l'intégralité des services que l'autorité judiciaire pourra saisir dans la nouvelle organisation de la police nationale, en prévoyant l'information systématique du procureur et du juge d'instruction des moyens alloués par enquête , et en instaurant une obligation du chef de filière investigation et du directeur départemental de la police nationale de rendre compte aux procureurs de l'état des procédures et de l'état d'avancement de certaines enquêtes.

La commission considère en outre qu'il serait nécessaire que les doctrines nationales en cours d'élaboration rappellent formellement et solennellement les grands principes des relations entre l'autorité judiciaire et les services de police judiciaire que sont :

- le placement de la police judiciaire sous la direction, le contrôle et la surveillance de l'autorité judiciaire ;

- les prérogatives de l'autorité judiciaire s'agissant notamment de la mise en oeuvre des priorités de politique pénale ;

- le secret de l'enquête et de l'instruction ;

- la préservation de la possibilité pour le procureur de la République ou le juge d'instruction de choisir librement le service d'enquête en charge des investigations ;

- la préservation d'une capacité à lutter contre l'ensemble du spectre de la criminalité, depuis la criminalité organisée ou financière à la délinquance du quotidien, en passant par la délinquance intermédiaire présentant un ancrage interdépartemental ou interrégional.

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