B. UNE TENDANCE HAUSSIÈRE DU SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS QUI MASQUE D'IMPORTANTES DISPARITÉS

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » subventionne des associations au titre de trois programmes :

le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte principalement des financements en faveur de l'aide alimentaire, mais il subventionne également des associations dans le champ de la protection juridique des majeurs, ou de l'économie sociale et solidaire ;

le programme 157 « Handicap et dépendance » finance principalement des associations de défense des droits des personnes handicapées ;

enfin, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » porte les subventions destinées aux associations intervenant dans la défense des droits des femmes, de la lutte contre les violences faites aux femmes ou contre la prostitution.

Il convient cependant de rappeler que les crédits dédiés au soutien aux associations représentent moins de 1 % des crédits d'une mission dotée d'environ 30 milliards d'euros, qui finance principalement des allocations de solidarité, comme la prime d'activité.

Part des subventions aux associations dans les crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGCS au questionnaire des rapporteurs spéciaux et les documents budgétaires

1. Les subventions aux associations : un poste de dépense marginal pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Au sein des crédits de la mission, la part des crédits consacrés au subventionnement des associations est relativement modeste. Ainsi, sur les programmes dont la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est responsable, le montant des crédits versés à des associations en 2022 s'élève à 200,8 millions d'euros en CP, soit 0,66 % des crédits totaux consommés. En évolution, on note une augmentation de cette part à partir de l'année 2020, liée essentiellement à la gestion de la crise sanitaire et au déploiement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : de 2017 à 2019, la part était stable à 0,3 % des crédits consommés ; en 2020, cette part est passée à 0,74 % et s'est stabilisé à 0,66 % en 2022.

Cette part varie néanmoins d'un programme à l'autre : 2,3 millions d'euros en CP, soit 0,02 % pour le programme 157 « Handicap et dépendance », 149 millions d'euros en CP soit 0,99 % pour le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » et 49,4 millions d'euros, soit 92,88 % pour le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». L'action de l'État en matière de défense des droits des femmes repose donc très largement sur le soutien aux associations.

Part des crédits de la mission consacrés aux subventions

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGCS au questionnaire des rapporteurs spéciaux

2. Une tendance haussière des crédits dédiés aux subventions, variable selon les champs d'intervention des associations

Le soutien de l'État à ces associations a crû sensiblement au cours du dernier quinquennat. Alors qu'en 2017 le montant total des subventions accordées via les trois programmes de la mission s'élevait à 60,7 millions d'euros, ce sont 200,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) qui ont été versés en 2022, soit plus qu'un triplement (+ 230,9 %).

Évolution des subventions versées aux associations au titre de la mission
sur le dernier quinquennat

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGCS

Cette hausse provient principalement du programme 304, et singulièrement de l'aide alimentaire. Les crédits de soutien aux associations sur l'action 14 du programme 304 « Aide alimentaire » ont ainsi connu une augmentation importante en 2020, pour faire face à l'impact de la crise sanitaire, et notamment les périodes de confinement, sur les populations vulnérables : 94 millions d'euros ont ainsi été ouverts en 2020 et 15 millions d'euros en 2021 à ce titre.

Une nouvelle hausse des crédits a eu lieu en 2022. La forte inflation touchant particulièrement les produits alimentaires et l'énergie a une nouvelle fois fragilisé les publics vulnérables, augmentant les files actives et nécessitant un soutien accru des associations de distribution de l'aide alimentaire, à hauteur de 28 millions d'euros. Enfin, pour faire face à la problématique des marchés infructueux, conséquence des tensions d'approvisionnements causées par la guerre en Ukraine, des subventions ont été versées aux associations concernées pour garantir leur approvisionnement (28,5 millions d'euros en 2022).

Des subventions ont également été attribuées pour désengorger les hôpitaux dans le cadre de la crise sanitaire (2,8 millions d'euros en 2022) et pour accompagner la montée en charge de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (80 millions d'euros en 2022).

Les crédits du programme 137 ont fortement augmenté au rythme de la montée en puissance - trop timorée aux yeux des rapporteurs spéciaux - de la politique de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. Sur la période entre 2017 à 2020, le montant global du programme 137 a atteint un plateau autour de 30 millions d'euros. Il a ensuite augmenté sensiblement en 2021 (38,4 millions de subventions versées en exécution), ce dont les rapporteurs spéciaux, qui avaient appelé de leurs voeux une telle montée en charge dans un rapport d'information remis en 20209(*), se réjouissent.

Cette augmentation s'est poursuivie en 2022 (49,4 millions d'euros) et dans le PLF 2023 (57,7 millions d'euros initialement budgétés et 65,4 millions d'euros votées en LFI). Depuis 2018, la réserve de précaution est systématiquement levée pour pouvoir utiliser la totalité des crédits votés en loi de finances. Cette hausse des crédits a permis, sur une période de cinq ans, de mettre en oeuvre plusieurs actions nouvelles passant par des conventions avec le secteur associatif. Ainsi, la prise en charge des auteurs de violences conjugales a été renforcée à travers la création de centres de prise en charge (CPCA) via des appels à projets nationaux. Les services emploi des centres d'informations sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ont aussi été renforcés pour offrir un accompagnement individualisé à l'insertion professionnelle des femmes.

Évolution des montants alloués aux subventions
au titre du programme 137

(en millions d'euros - CP - et en pourcentage)

Sources : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGCS au questionnaire des rapporteurs spéciaux et les documents budgétaires

Les crédits liés au handicap et à la dépendance sont stables et leur niveau est peu élevé. Les associations intervenant dans ce secteur sont en effet souvent des gestionnaires d'équipement - c'est-à-dire qu'elles gèrent des établissements et des services qui accueillent des personnes en situation de handicap - et sont financées à ce titre par d'autres biais (principalement en provenance de la Sécurité sociale).

3. Une gestion des subventions largement déconcentrée

Les subventions financées par les programmes de la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » sont mises en oeuvre très majoritairement par les services déconcentrés, soit les directions régionales ou départementales de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DREETS et DDEETS) pour les programmes 304 et 157, soit les directions régionales des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (DRDFE) pour le programme 137.

En 2022, 82 % des crédits de subvention ont ainsi été versés par les services déconcentrés (respectivement 84 % pour le programme 137, 45 % pour le programme 157 et 82 % pour le programme 137). Cette proportion est en hausse depuis 2022 - elle se situait précédemment autour de 70 % - du fait de la montée en charge du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » dont les crédits sont majoritairement exécutés en administration déconcentrée et du déploiement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont les crédits sont confiés à des commissaires à la lutte contre la pauvreté dans chaque préfecture, donnant plus de marge de manoeuvre à l'échelon déconcentré.

Au total, 7 159 associations ont été subventionnées en 2022 dont 316 « en centrale » et 6 843 en services déconcentrés.

Décomposition et évolutions des subventions
entre échelons central et déconcentrés

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGCS


* 9 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, relatif au financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.