II. UN DISPOSITIF DE CONVENTIONNEMENT PEU SÉCURISANT POUR L'ACTION ASSOCIATIVE

Certaines des difficultés rencontrées par les associations dans la conduite de leurs actions résultent des défauts de la procédure de conventionnement.

A. LES CONVENTIONS : PRINCIPAUX SUPPORTS JURIDIQUES DES SUBVENTIONS DE L'ÉTAT AUX ASSOCIATIONS

1. Pour les projets ponctuels, les conventions annuelles préférées aux actes unilatéraux
a) L'attribution par décision unilatérale : une option réservée aux petites subventions

Aux termes de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, l'attribution d'une subvention par un acte unilatéral n'est possible que pour les montants les plus faibles, c'est-à-dire inférieurs à 23 000 euros. Le support juridique utilisé est généralement une décision attributive ou un arrêté de subvention.

Cette option présente plusieurs avantages : facile à rédiger pour l'administration, l'adoption de tels actes est également plus rapide que pour une convention. D'une part, s'agissant d'un acte unilatéral, la négociation avec l'association n'est pas nécessaire, seul un circuit interne à l'administration aboutissant à la signature. D'autre part, en raison des faibles montants, les décisions peuvent être prises à un échelon plus proche du terrain, celui du chef de bureau.

Bien qu'il s'agisse d'une décision unilatérale de l'administration, elle inclut depuis 2018 quelques objectifs et indicateurs d'activité, quand bien même le montant de la subvention est peu élevé. Cette pratique doit permettre d'évaluer le résultat ex post du projet, après remise des pièces justificatives par l'association ; en pratique, cette évaluation demeure insatisfaisante.

b) Les conventions annuelles : une option privilégiée

Au-delà du seuil de 23 000 euros, la négociation et la signature d'une convention est obligatoire. Lorsqu'il s'agit d'un projet ponctuel, cette convention est annuelle, ce qui permet d'attribuer et de verser les crédits selon le principe de l'annualité budgétaire.

L'administration a tendance à privilégier, parfois même pour des montants inférieurs à 23 000 euros, le passage par une convention, qui permet d'impliquer l'association dans la rédaction de l'acte et, par extension, dans la définition du projet, de ses objectifs et des indicateurs d'activité.

Le recours aux conventions annuelles est souvent perçu peu favorablement par les associations. En effet, l'octroi d'une subvention étant un pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative et l'octroi antérieur d'une subvention annuelle ne conférant aucun droit à son renouvellement en application d'une jurisprudence bien établie des juridictions administratives10(*), les associations n'ont aucune certitude quant à la pérennité du soutien financier de l'État.

Il arrive que des associations subventionnées sur des projets ponctuels bénéficient de la reconduction de la convention l'année suivante lorsqu'elles reconduisent un projet ponctuel qui continue d'intéresser l'État. Elles n'ont néanmoins aucune garantie.

Alternativement, la convention annuelle peut être une étape avant d'inscrire le partenariat entre l'État et une association dans la durée. Par exemple, la direction régionale aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes (DRDFE) des Hauts-de-France a indiqué aux rapporteurs spéciaux proposer des conventions pluriannuelles aux associations dont les résultats sont positifs dans le cadre de conventions annuelles.

2. Des conventions pluriannuelles pour financer les associations qui sont à la tête d'un réseau ou qui mènent des actions structurantes

Lorsque l'administration souhaite inscrire son soutien à une association dans la durée, soit qu'elle souhaite soutenir un projet structurant dont la mise en oeuvre s'étale sur plusieurs années, soit qu'elle finance des associations « têtes de réseaux », elle recourt à une convention pluriannuelle d'objectifs (CPO).

La signature d'une telle convention pluriannuelle fait de l'association, qui prend ainsi pleinement part à la réalisation d'objectifs de politique publique, un partenaire durable de l'administration. Les associations « têtes de réseaux » sont ainsi des partenaires indispensables de l'État : elles participent à une politique publique identifiée dans les projets annuels de performance (PAP), elles sont représentatives (en nombre d'adhérents comme en maillage territorial), elles animent un réseau - c'est-à-dire qu'elles coordonnent l'action de plusieurs associations.

Plusieurs associations entendues par les rapporteurs spéciaux sont des têtes de réseaux : il est possible, à titre d'exemple, de citer l'Association nationale des épiceries solidaires (ANDES) dans le domaine de l'aide alimentaire, ou la Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) en matière de défense des droits des femmes.

Le recours aux CPO s'est développé, en particulier sous l'impulsion de la circulaire du 29 septembre 2015, pour favoriser « dans la durée le soutien public aux associations concourant à l'intérêt général.11(*) » Contrairement aux conventions annuelles en effet, les CPO assurent aux associations une visibilité et une certaine stabilité du soutien de l'État.

Le principe d'annualité est préservé, mais ne fait en pratique jamais obstacle à la mise en oeuvre d'une convention pluriannuelle : si toutes les conventions comportent une clause selon laquelle les subventions pour les années N+ 1 et N+ 2 sont versées sous réserve de « l'inscription des crédits en loi de finances », la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué aux rapporteurs spéciaux ne jamais l'avoir invoquée.

Tableau récapitulant les intérêts et limite du recours
à différents actes attributifs de subventions

Source : Réponses de la DGCS au questionnaire des rapporteurs spéciaux

3. Des subventions nombreuses, des montants moyens peu élevés

Le nombre de subventions versées est en hausse, de 9 101 en 2017 à 14 928 en 2022, mais leur montant moyen est relativement faible : 25 290 euros (76 427 euros en centrale, 20 289 euros en administration déconcentrée). Ainsi, si la part de ces subventions devant donner lieu à une convention augmente, elle demeure peu élevée (5,68 % en 2017, 16,31 % en 2022).

Subventions dont le montant est supérieur à 23 000 euros

(en unités et en pourcentage)

Note de lecture : le nombre de subvention versé diffère du nombre d'associations subventionnées, certaines associations recevant plusieurs subventions.

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGCS

Recommandation n° 1 : Maintenir, voire augmenter, le niveau du financement des associations par la mission.

- maintenir, voire augmenter, les crédits destinés aux subventions aux associations, en particulier les associations financées par le programme 137, principal vecteur de la politique de défense des droits des femmes ;

- poursuivre le mouvement de hausse du montant moyen des subventions, pour éviter le saupoudrage.


* 10 Tribunal administratif de Paris, 26 février 1964, Union nationale des étudiants de France, Lebon 686.

* 11 Circulaire n° 5811-SG du 29 septembre 2015 relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations : déclinaisons de la charte des engagements réciproques et soutien public aux associations.