TROISIÈME PARTIE - LA FINLANDE OU L'EUROPE CONTRE LE VOISIN RUSSE

Pour le géographe, la Finlande, troisième des pays visités par notre Mission, s'étend sur 337.009 kilomètres carrés est, à 65 %, couverte par la forêt et, pour 9 %, par les eaux des lacs.

Pour l'analyste politique, la Finlande apparaît comme une démocratie pluraliste dotée d'une régime présidentiel.

Le président de la République est élu pour six ans au suffrage universel. Le Premier ministre dirige le Gouvernement. La Chambre des Députés (Eduskunta) groupe 200 membres, élus pour quatre ans au suffrage universel direct 10 ( * ) .

L'organisation sociale, proche de celle de la Suède, et très avancée. est celle d'un « Welfare State ».

Pour le démographe, la population finlandaise a atteint 5,1 millions d'habitants en 1994. Sa densité est de 15,1 habitants au kilomètre carré. La durée moyenne de la vie humaine en Finlande est de 76 ans. Le taux de fécondité de 1,8 à 2,1 (contre 1,65 en France).

La spécificité finlandaise ne peut être appréhendée sans connaissance des traits principaux des mentalités. Ces mentalités ont été dépeintes avec acuité aux membres de la Mission lors de leur passage à Helsinki :

« Pour bien comprendre les choix économiques de la Finlande, il faut comprendre le caractère national : une soif de savoir inassouvie, un respect envers la nature, une confiance en l'égalité sociale, en un travail acharné, en un succès économique et en une attention envers elle-même. Ces traits de caractère sont à l'origine des choix historiques : très tôt, une scolarité obligatoire pour tous, une bonne sécurité collective, un respect luthérien du travail et de son exécution, une ambition matérielle du bien-être » 11 ( * ) .

Mais l'affirmation profondément démocratique de ce peuple doit être corrigée par un vécu plus oligarchique s'agissant de l'exercice du pouvoir politique et économique. Au cours de son séjour à Helsinki, la Mission a pu s'entendre dire -il est vrai, sous la forme d'une boutade- que « la classe dirigeante finlandaise se réduit à environ deux cents personnes issues des mêmes écoles, se connaissant toutes et qui règlent leurs problèmes entre elles au sauna » . Cette affirmation, qui prête à sourire en Finlande, n'a paradoxalement pas été démentie. Une distance sociale importante sépare encore le paysan carélien transplanté, après la dernière guerre, sur un lopin de terre ou le cultivateur de la région de Lapin -dont l'avarice est brocardée- et le descendant des familles germano-baltes ou suédophones qui maîtrise la langue française et prétend se nourrir de cuisine « pétersbourgoise ».

I. LE CADRE ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

L'économie finlandaise a traversé, de 1992 à 1993, une récession sévère. Certains commentateurs 12 ( * ) ont pu évoquer « l'ampleur du désastre économique finlandais ».

En dépit des contraintes budgétaires, l'amélioration de la conjoncture, déjà perceptible à la fin de 1993, a été confirmée en 1994 par la plupart des indicateurs et devrait se renforcer encore en 1995.

A. APRÈS QUATRE ANNÉES DE DÉCROISSANCE

1. Le retour de la croissance du produit intérieur brut

Le produit intérieur brut global était tombé à 81,8 milliards de dollars en 1993. Il a atteint 98,2 milliards de dollars en 1994, soit un progrès de 2 %. Le produit intérieur brut devrait croître de 5 % en 1995. Selon certaines prévisions, une progression de 5 % l'an peut être attendue en Finlande jusqu'en 1997.

ÉVOLUTION DU PIB FINLANDAIS (en %)

1989

+ 5

1990

+ 0,4

1991

+ 6,4

1992

- 3,5

1993

- 2,5

1994

+ 3,5

Le produit intérieur brut finlandais était de 22.780 dollars par habitant en 1992, soit le huitième rang en Europe. Il n'a été que de 16,165 dollars en 1993 mais est remonté à 19,266 dollars par habitant en 1994.

2. Une dépréciation monétaire en cours d'atténuation

L'inflation a tendu à s'apaiser, ainsi que le montre le tableau ci- après :

1989

+ 6,6

1990

+ 6,1

1991

+ 4,3

1992

+ 2,9

1993

+ 2,2

1994

+ 1,1

En dépit de la généralisation de la taxe sur la valeur ajoutée au taux moyen de 22 % introduite en juin 1994 en remplacement de la taxe sur les ventes, l'inflation s'est limitée à 1,1 % en 1994 et ne devrait pas dépasser 1,5 % à 2,5 % cette année.

La baisse des prix alimentaires (- 7,4 % sur le premier semestre) liée à l'entrée dans l'Union européenne en janvier dernier, et l'appréciation continue du markka. qui diminue le coût des importations (la monnaie s'est appréciée de plus de 10 points depuis le début de l'année par rapport au dollar) ont sensiblement contribué à contenir la hausse du coût de la vie.

Enfin, à l'issue d'une difficile négociation, qui se déroulait pendant le séjour de votre Mission en Finlande, les partenaires sociaux ont conclu un accord salarial bisannuel modéré. Il prévoit en effet 1,8 % d'augmentation au 1er novembre, suivi de 1,3 % en octobre 1996.


L'endettement extérieur brut de la Finlande représentait, en 1993, quelque 46 milliards de dollars, soit 53 % du produit intérieur brut (contre 51,6 % en France).

L'endettement public représentait en 1993 70 % du produit intérieur brut, en raison du coût annuel du chômage et du soutien apporté à un secteur bancaire sinistré.

En 1995, le service de la dette coûte plus à l'État finlandais, que ce qu'il consacre à l'éducation.

La dégradation des finances publiques est telle qu'elle nécessite des économies budgétaires. Limité à 15 milliards de markkas 13 ( * ) en 1991, le déficit budgétaire est brusquement passé à 60 milliards de markkas en 1992. 77,7 milliards en 1993 et atteindrait déjà 68,3 milliards cette année. L'impasse atteint un niveau préoccupant compte tenu de la diminution des recettes (- 9 % pour l'impôt sur le revenu en 1993) du coût croissant de la protection sociale et de la nécessaire consolidation des banques au bord de la faillite qui a exigé une injection de 40 milliards de markkas en 1994.


• Le fléchissement économique pendant quatre années s'est traduit sur le plan monétaire. La politique du « markka fort » n'y a pas résisté. Dès novembre 1991, la banque centrale de Finlande a été contrainte de laisser flotter le markka qui a perdu 10 % de sa valeur par rapport à Écu. En septembre 1992, un nouveau « décrochage » du markka par rapport au « système » monétaire européen fut décidé. Le markka perdit 30 % de sa valeur. Mais, depuis 1994, le markka tend, il faut le répéter, à s'apprécier progressivement, notamment par rapport à l'ÉCU.

3. L'assainissement des finances publiques semble plus rapide que prévu

La dégradation des finances publiques était telle qu'elle a nécessité des économies budgétaires. Limité à 15 milliards de markkas en 1991, le déficit budgétaire est brusquement passé à 60 milliards de markkas en 1992. 77,7 milliards en 1993 et atteindrait déjà 68,3 milliards cette année.

a) Le Gouvernement a amplifié les mesures de réduction des déficits amorcées par son prédécesseur

La décision, prise en 1994 par le Gouvernement AHO, de geler 12 milliards de markkas de dépenses pour plafonner à 179 milliards les dépenses de l'État de 1995 à 1997 a été maintenue. Les cinq partis au pouvoir se sont engagés, en avril 1995, dans leur plate-forme de gouvernement, à de nouvelles et importantes économies.

Celles-ci portent sur 20 milliards de markkas, équivalant à 4 points de PIB, étalés sur l'ensemble de la législature en cours (mars 1995 à mars 1999), dont 10 milliards de réductions dès l'exercice 1996. 4,4 milliards de 1997 à 1999, et un dernier « paquet » de 5,5 milliards, qui fait actuellement l'objet d'ultimes arbitrages.

À également été adoptée la désindexation des régimes sociaux (retraites, chômage, allocations familiales) sur la hausse du coût de la vie ; en outre, pour éviter toute surenchère sur les salaires, à la veille d'une difficile négociation collective cette automne, les revalorisations éventuelles des salaires et traitements dans la fonction publique devront être automatiquement compensées par des réductions de dépenses courantes équivalentes dans chaque administration.

b) Le besoin net de financement de l'État devrait se réduire des deux-tiers d'ici à 1998

Conjuguées à une hausse annuelle des recettes de base estimée à 8 % sur la législature, résultant de la croissance économique prévue, les mesures qui précèdent devraient réduire sensiblement dès l'an prochain le déficit budgétaire.

Le budget de l'État qui, jusqu'en 1990, était resté le plus souvent en équilibre (+ 0,7 milliards en 1990), a enregistré depuis d'importants dérapages, sous l'effet cumulé de la récession économique et de la crise bancaire.

Depuis 1992, les dépenses globales de l'État se situent à une moyenne de 200 milliards de markkas, pour un déficit oscillant entre 62 et 70 milliards de markkas, soit 12,6 % du PIB !

Le gel à hauteur de 193 milliards de markkas, arrêté pour la période de 1996 à 1999, et les mesures d'économies décrites précédemment devraient se traduire par une réduction importante du besoin de financement net de l'État, correspondant au volume d'accroissement de la dette publique.

Il passerait ainsi de 54 milliards de markkas cette année (9,71 % du PIB) à 40 milliards en 1996 (6,72 %) pour tomber à 15 ou 20 milliards en 1998.

4. Le chômage reste le problème principal de l'économie finlandaise

La récession s'est traduite par un fléchissement de 20 % du nombre des emplois. Le chômage s'est élevé à 18,2 % de la population active en 1993 et à 18,4 % en 1994. Il atteignait encore 18,1 % au premier semestre de 1995, soit de 450.000 à 487.000 chômeurs. Bien plus, le chômage a, par moment, frappé 45 % des moins de vingt-cinq ans.

Le chômage demeure, par conséquent, la priorité du nouveau gouvernement. Un comité de réflexion sur l'emploi (commission Pekkanen) a été constitué au printemps 1994 pour tenter de dégager, en accord avec les associations syndicales, un plan d'action structurelle contre le chômage, notamment à travers une flexibilité accrue du marché du travail. Les résultats des négociations salariales, engagées en novembre 1994 et qui prévoient une augmentation des salaires pour 1995 de 6 %, inquiètent les autorités finlandaises, qui craignent que ces augmentations soient de nature à compromettre la création d'emplois. En effet, si les entreprises industrielles, exposées à la concurrence internationale, peuvent espérer compenser partiellement la hausse de leurs charges par un accroissement de la productivité, il n'en est pas de même dans les secteurs de l'économie intérieure. Aussi, le nouveau Premier ministre a-t-il mis en garde les syndicats contre tout risque de « dérapage » salarial.

Dans le cadre de l'accord de septembre 1995, le Gouvernement a toutefois accepté de consacrer entre 300 et 500 millions de markkas à une indemnisation améliorée des chômeurs qui choisissent de se recycler.

* 10 Les élections législatives finlandaises se sont tenues en mars 1995. Elles ont été remportées par le Parti social-démocrate dont le secrétaire général Paavo Lipponen est devenu Premier ministre. Outre les sociaux-démocrates, les conservateurs, l'Alliance de gauche, le Parti libéral suédois et les Verts partagent la responsabilité gouvernementale Pour la première fois dans l'histoire de la Finlande, aussi bien les représentants de la droite que ceux de l'extrême gauche sont assis autour de ta même table.

* 11 Propos de M. Johannes KOROMA, directeur général de la Confédération de l'industrie et des employeurs

* 12 Atlaseco 1995 p. 93.

* 13 Un markka = 1,20 francs

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