B. AUDITIONS DE MME CLAUDE GRAILLOT, RESPONSABLE DE LA DELEGATION A LA RECHERCHE CLINIQUE AU SEIN DE LA DIRECTION PROSPECTIVE ET DE L'INFORMATION MEDICALE A L'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE PARIS ET DE M. PHILIPPE CHAUMET-RIFFAUD, RESPONSABLE DE LA CELLULE PROMOTION AU SEIN DE LA DELEGATION

Nous accueillons maintenant Mme Graillot et M. Chaumet-Riffaud de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris. Vous voudrez bien, madame, monsieur, nous présenter votre mission au sein de l'Assistance publique de Paris, et les experts vous poseront des questions en tant que de besoin.

Mme Claude GRAILLOT - Je suis chargée, au sein de la direction de la prospective et de l'information médicale, de l'organisation administrative et de l'évaluation des recherches cliniques développées à l'Assistance publique. Cette délégation existe depuis un peu plus de quatre ans. Elle nous a amenés à nous interroger sur les facilités et les possibilités à donner aux médecins de l'intérieur de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris pour poursuivre leurs recherches, puisqu'il n'existait jusqu'à il y a quatre ans, aucune structure leur permettant de promouvoir leurs recherches au sens de la loi.

Ce que nous avons voulu faire, c'est apporter une aide dans ce domaine aux médecins qui mettaient en place des recherches à l'Assistance publique. Il y a deux volets à notre action :

- évaluation scientifique des recherches proposées et financement de ces recherches ;

- aide administrative, juridique, conseils, assurance des projets proposés par les cliniciens, non seulement pour les recherches en thérapie génique mais pour tous les projets de l'Assistance publique. La procédure, d'une manière schématique, est la suivante : les cliniciens demandent à l'Assistance publique si elle accepte d'être promoteur de leur projet de recherche. L'Assistance publique a souscrit une assurance générale pour l'ensemble de ces projets qui sont évalués anonymement par deux experts. Par la suite, la cellule promotion effectue une évaluation administrative, qui s'assure de la conformité des projets avec la législation et donne son accord ou non de promotion.

Pour la thérapie génique, la structure est un peu plus contraignante puisque les projets sont inscrits dans la procédure « groupe d'étude et de recherche sur le médicament ». l'Assistance publique n'est promoteur d'un projet de thérapie génique que dans la mesure où il s'inscrit dans cette procédure qui est sous la responsabilité du Docteur Chaumet-Riffaud.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Je suis chargé de mission à la délégation à la recherche clinique de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, où j'assure la responsabilité de la cellule promotion, assurance de qualité. En fait, tout ce qui concerne les procédures d'application de la loi Huriet/Sérusclat, tant au niveau des promotions internes que des promotions externes. Ceci inclut le problème des conventions qui doivent être établies entre les hôpitaux et les promoteurs extérieurs à l'Assistance publique. Enfin, j'ai la responsabilité du groupe d'Etudes et de Recherches sur le médicament (GERMED).

M. Claude HURIET - Peut-on conclure qu'en matière de thérapie génique vous avez mis en place une procédure distincte de celle que vous appliquez pour les demandes et les protocoles d'essais non sponsorisés ? Vous avez considéré que cela devait être traité différemment. Pourquoi ? Quel est le nombre de protocoles pour lesquels vous avez été saisi et quelle est l'expérience que vous avez en matière d'instruction de ces protocoles ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Nous avons souhaité une procédure particulière pour la thérapie génique, c'est-à-dire une procédure la plus renforcée possible pour plusieurs raisons :

- d'une part parce que les essais de thérapie génique sont des enjeux considérables. S'ils étaient mal encadrés, des erreurs dans leur conception ou leur mise en oeuvre sont à craindre qui pourraient condamner les espoirs qui sont mis dans cette thérapie ou au contraire, conduire à un optimisme inconsidéré au vu de présentation de résultats partiels. Nous souhaitons un encadrement optimal afin que l'évaluation de la thérapie génique soit faite dans les meilleures conditions possibles.

- d'autre part, il y a une floraison d'idées intellectuelles qui ont amené des cliniciens à envisager des projets de thérapie génique essentiellement sur des concepts précliniques dans un contexte très médiatisé.

Nous suivons au plus près la procédure d'application de la loi Huriet et les bonnes pratiques cliniques. Nous contrôlons aussi au maximum toutes les obligations de présentation à l'ensemble des commissions. Nous n'avons pas créé de contraintes supplémentaires mais nous renforçons simplement l'examen et la validité de l'ensemble des dossiers, en apportant une aide aux investigateurs.

En terme de nombre, nous avons à l'heure actuelle, officiellement présenté en demande de promotion à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, cinq projets :

- deux projets sont commencés :

• mélanome malin métastasique présenté par le Professeur Klatzman à la Salpétrière, qui concerne un patient ;

• glioblastome, toujours avec le Professeur Klatzman à la Salpétrière, pour lequel il y a déjà deux patients.

- un projet a été soumis et refusé par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris : nous avions demandé des modifications au protocole qui n'ont pas été effectuées ;

- deux projets sont en cours d'instruction pour la demande de promotion : l'un devant aboutir rapidement, présenté par M. Fischer alors que l'autre est au tout début de l'examen.

M. Claude HURIET - Cette structure est en amont des comités de protection des personnes. Dans le cas où la commission émet un avis défavorable, c'est un refus en fait. C'est-à-dire que l'Assistance publique n'accepte pas d'être promoteur de ce projet et on n'envisage pas qu'il soit possible que l'initiateur, le porteur du projet, puisse saisir un comité de protection des personnes sans être passé par le filtre.

Mme Claude GRAILLOT - C'est bien cela le problème, non seulement pour la thérapie génique, mais pour l'ensemble des projets de recherche clinique. C'est que l'investigateur peut être promoteur de son propre projet, c'est ce qui s'est passé pour le projet que nous avons refusé. Nous avons eu des problèmes non seulement en terme de promotion mais en terme de communication. Nous essayons autant que possible de bloquer des communications extérieures prématurées vers la presse qui ne nous semblent pas opportunes, mais nous n'avons aucun moyen d'empêcher les dérapages. Cette possibilité de promoteur/investigateur -il ne s'agit pas que l'Assistance publique soit seule promoteur, il peut y avoir des industriels ou d'autres institutions publiques- c'est-à-dire d'être juge et partie, sans un regard différent, nous crée un certain nombre d'inquiétudes. D'autant qu'en règle générale, le promoteur seul n'a pas la possibilité de suivre la réglementation telle qu'un promoteur institutionnel ou industriel peut le faire. Pour nous c'est une grave responsabilité parce que le promoteur/investigateur se trouve être -dans le cas précis du refus évoqué- praticien, clinicien de l'Assistance publique. L'hôpital a une responsabilité pour ce qui se passe dans ses murs.

M. Claude HURIET - A-t-il pu s'assurer en tant que promoteur/investigateur ?

Mme Claude GRAILLOT. Il y a toujours une possibilité d'assurance à des prix beaucoup plus importants que ceux que l'Assistance publique peut négocier puisqu'elle garantit à l'assureur une évaluation des projets préalables, mais on peut trouver un assureur ; en l'occurrence c'est une association qui finance.

M. Dominique MARANINCHI - Avez-vous eu des problèmes, en dehors de la procédure interne qui est très bien mesurée, pour le problème de la mise en oeuvre, c'est-à-dire au moment où vous passez dans les différentes commissions ? Etes-vous satisfait du timing entre votre travail d'expertise et ensuite ?

Mme Claude GRAILLOT - C'est effectivement long et compliqué mais c'est aussi parce que cette procédure se met en place, donc obligatoirement il y a un temps de rodage.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - J'irai dans le même sens. Dans la mesure où ce n'est pas un médicament classique avec des phases I..., il y a un énorme travail de réflexion sur ces protocoles et qui prend réellement beaucoup de temps. Pour le premier protocole, je crois qu'il a fallu dix-huit mois, période moyenne qui semble se présenter et qui me paraît normal dans la mesure où il y a une implication importante de tous les acteurs concernés dans la conception et la mise en oeuvre des projets. Les protocoles maturent dans le temps... Une des difficultés est l'obligation, pour les investigateurs, de préparer des dossiers relativement similaires à quelques nuances près pour des commissions différentes. Beaucoup de papiers doivent être générés et une simplification serait souhaitable. Sur le délai total, je pense que nous sommes dans un domaine avec tellement d'inconnues qu'il ne faut pas dire d'aller plus vite, mais au contraire, qu'il est nécessaire de bien réfléchir pour savoir ce qui sera fait.

M. Alain FISCHER - Comme vous le savez, actuellement se termine un appel d'offres conjoint du ministère de la santé et du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur, et d'autres instances concernant la mise en place de centres de recherches en thérapie génique qui impliquent la phase clinique -pas uniquement la phase préclinique. Il est tout à fait logique de penser qu'il y aura des petits centres de ce type à l'Assistance publique de Paris. Je sais que l'Assistance publique s'intéresse aux conséquences de cet appel d'offres mais j'aimerais savoir dans quelle mesure les résultats de celui-ci et la mise en place de ces structures vont modifier votre façon de travailler? Imaginez-vous une instance particulière d'évaluation de ces protocoles là, revus par l'Assistance publique après qu'ils aient eu toutes les autorisations ou pas ?

Mme Claude GRAILLOT - C'est une question que nous nous sommes posés effectivement et à laquelle nous n'avons pas encore répondu. Elle sera posée au conseil scientifique de l'Assistance publique au mois de juin. On a toujours la possibilité à l'Assistance publique, dans la mesure où l'on est au courant, d'interdire ou de demander à ce qu'un protocole ne soit pas fait, aussi bien pour un protocole de thérapie génique que pour un autre sujet. C'est une procédure exceptionnelle que nous nous sommes réservés mais qui pourrait jouer pour la thérapie génique. Il y a une petite difficulté à savoir la répartition des compétences d'autant que nous n'avons pas encore tous les éléments de réponse dans une réflexion qui commence.

Sur les centres, si la question est de savoir s'ils pourraient être eux-mêmes promoteurs... ? Dans un premier temps, certainement non, ils n'ont pas de personnalité juridique. Quelle sera l'implication de l'Assistance publique dans les centres ? La question a été posée au dernier conseil scientifique ; le directeur général souhaitant, avant que la commission du ministère de la recherche se réunisse, pouvoir donner son avis sur ce que lui désire voir se mettre en place à l'Assistance publique.

La réunion du conseil scientifique du 28 mars prochain rendra, à partir des dossiers fournis par les cliniciens de l'Assistance publique ou par des personnalités qui sont dans les murs de l'Assistance publique, un avis sur la stratégie générale de l'Assistance publique dans ce domaine. Après, je pense que la réflexion se poursuivra.

M. Jean-Paul CANO - C'est une stratégie qui va concerner les pathologies ou sera-t-elle plus générale ?

Mme Claude GRAILLOT - La stratégie sera générale.

M. Dominique MARANINCHI - Vous êtes extrêmememnt expérimentés et à la pointe en Europe et dans le monde sur la thérapeutique et le médicament en général. Pour vous est-ce un médicament ou une thérapeutique ?

Mme Claude GRAILLOT - Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre compliment ; j'y suis très sensible. C'est vrai que c'est une question que l'on se pose et je ne suis pas sûre de pouvoir y répondre plus que d'autres. Cela dit, moi j'ai trouvé la réflexion de M. Piveteau dans le rapport de MM. Fischer et Cano intéressante ; je pense que cette voie d'approche serait à creuser.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Il y a deux aspects dans la question : d'un côté, l'aspect médicament avec tous les règlements qui s'y appliquent et de l'autre côté, la méthodologie des essais cliniques.

Même s'il y a une réflexion au fond, qui peut en faire un médicament en terme de sécurité, de tolérance..., le raisonnement sur le développement n'est pas tout à fait superposable à celui d'un médicament. Comment développer une procédure opératoire de thérapie génique ? C'est la question que nous essayons de résoudre avec des spécialistes actuellement ; nous n'en sommes qu'aux balbutiements.

Au niveau pratique, nous les traitons actuellement comme des médicaments puisque nous avons envoyé des lettres d'intention selon le modèle CERFA 38 à l'Agence du médicament, avec un descriptif des produits parfois très complexe. Les deux essais actuellement en cours dans le groupe hospitalier Pitié Salpétrière sous la promotion de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris impliquent à la fois l'administration de cellules murines M11 modifiées, d'un médicament le Ganciclovir et la réalisation d'un geste chirurgical pour l'un des deux protocooles. Le protocole va donc étudier une procédure combinant un geste chirurgical et l'injection de cellules modifiées et d'un médicament.

Pour moi, le principal est que le protocole donne toute garantie de sécurité pour le patient et réponde réellement à une question. C'est l'ensemble de la procédure de thérapie génique qui doit être regardé.

M. Jean-Paul CANO - Vous parlez à juste titre beaucoup du protocole, vous parlez peu du produit, pourquoi ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Est-ce que le produit est un médicament ou non ?

M. Jean-Paul CANO - Ce n'est pas ce que je veux savoir. Dans votre intervention, à un moment vous ne parlez plus du médicament...

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Parce que le produit est un élément d'une chaîne opératoire. Nous avons constaté sur les deux protocoles de thérapie génique (nous avons en tout 300 protocoles sur d'autres secteurs) que nous nous posions des questions sur des cellules, des matériaux style gortex, des facteurs de croissance..., c'est-à-dire que dès le départ nous avons beaucoup d'interrogations sur les produits par rapport aux autres essais thérapeutiques médicamenteux classiques. Nous partons un peu dans l'inconnu, et nous sommes obligés d'intégrer beaucoup de composantes dans l'analyse des dossiers qui nous sont soumis..

Nous essayons d'avoir de nombreux contacts avec les autorités administratives (Agence, Direction Générale de la Santé) pour savoir où aller.

M. Claude HURIET - Est-ce que vous obtenez des réponses ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Je ne crois pas, à l'heure actuelle, pouvoir dire que nous avons toujours eu des réponses. Si je prends les premiers projets de M. Klatzman, nous avons eu des réponses suffisamment satisfaisantes pour pouvoir répondre à toutes les exigences, obtenir l'accord de l'Agence du médicament et lancer les essais. Sur certains projets, j'ai encore des questions sur des problèmes de classification... on ne sait pas toujours à qui s'adresser pour des problèmes relatifs à certains types de matériaux ou de produits.

Autre question importante : faut-il le même niveau d'exigence que dans un développement classique ? Je ne suis pas sûr que nous ayons les réponses. Nous passons souvent par des experts extérieurs en toxicologie pour leur poser toutes nos interrogations mais nous ne sommes pas toujours, nous-mêmes, rassurés.

M. Olivier AMÉDÉE-MANESME - Pouvez-vous nous détailler précisément toutes les étapes de votre intervention auprès de l'Agence du médicament ? Lorsque vous évoquez les trois malades, nous nous rapprochons toujours de la nécessité d'avoir en France et en Europe un statut des médicaments orphelins.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Pour nos deux protocoles, au niveau de la procédure, ce sont les investigateurs qui présentent leurs dossiers aux commissions de génie génétique et génie biomoléculaire. Nous les aidons dans la préparation quand ils en ressentent le besoin, mais nous n'intervenons pas nous-mêmes au niveau des commissions. Quand nous évaluons positivement l'ensemble du dossier, nous émettons un avis favorable de la délégation à la recherche clinique et nous donnons à l'investigateur une attestation d'assurance. Avec ces documents, en tant qu'investigateur/coordonnateur, il doit présenter son projet au comité consultatif de protection des personnes et nous envoie ensuite l'avis favorable. Nous complétons alors l'ensemble de la lettre de déclaration d'intention (CERFA) et c'est ce document que nous envoyons à l'Agence du médicament. C'est le contact unique que nous ayons avec celle-ci. Cela c'est très bien passé pour les deux premiers dossiers, mais comme ce ne sont pas des dossiers standards, l'Agence avait reçu des informations préalables. Je n'ai pas eu de contact personnel avec l'Agence, c'est l'investigateur qui a eu les contacts.

M. Philippe LAMOUREUX - Les discussions ont lieu très en amont, dès avant le dépôt du CERFA.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Pour l'instant, notre expérience relève essentiellement des investigateurs. C'est-à-dire que, si l'investigateur vient nous voir avant, et nous demande des informations qui sont de notre domaine, nous lui donnerons. Il faut rappeler que nous sommes une délégation à la recherche clinique et que notre expertise porte surtout sur la méthodologie en recherche clinique. Tous les aspects qui vont concerner les questions précliniques ne sont pas particulièrement de notre domaine. Ce que nous exigeons avant de donner l'accord de promotion, c'est d'avoir toutes les pièces réglementaires. Nous avons du mal actuellement à les aider pour la partie préclinique même si nous avons maintenant une personne dans notre équipe qui est plus spécialisée dans ce domaine.

M. Philippe LAMOUREUX - Quand vous disiez que la réglementation pharmaceutique n'était peut-être pas tout à fait adaptée au développement des essais en thérapie génique ou cellulaire, à quoi pensiez-vous particulièrement ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Je ne dis pas tout à fait qu'elle n'est pas adaptée, je dis que je me pose des questions quand on envisage, par exemple, pour des fibres de gortex qui n'ont pas la taille réglementaire, de les implanter dans une cavité péritonéale. Quelles sont les niveaux d'exigence à demander quand on sait qu'il y a six malades à traiter ?

De même, nous avons eu le cas d'un produit orphelin fabriqué par la pharmacie centrale des hôpitaux, destiné à 60 malades pour Paris, 150 en tout en France, produit que seule l'Assistance publique des hôpitaux de Paris fournit actuellement. Si à l'heure actuelle on devait être obligé de lancer le dossier pharmaco-toxicologique classique, nous serions confrontés à un problème. C'est un produit qui est utilisé depuis vingt ans. N'y-a-t-il pas nécessité d'avoir des adaptations, je ne sais pas.

M. Claude HURIET - Quelles sont vos critiques sur les critères habituels en matière de pré-requis scientifiques pour passer à l'expérimentation humaine. Est-ce que vous considérez qu'il y a une différence de degré ou de nature en fonction des possibilités de faisabilité et de conclusions à tirer de toute la période des pré-requis ? On nous a dit que les pré-requis en matière de thérapie génique ne pouvaient pas être comparés en terme d'exigence aux autres traitements.

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Je connais surtout le problème des xénobiotiques. De façon globale, c'est vrai que le raisonnement appliqué aux xénobiotiques est difficilement extrapolable à l'ensemble des produits utilisés en thérapie génique.

Il y a une réflexion à poursuivre dans la thérapie génique mais je reviens à mon leitmotiv : on est très tôt dans l'expérience. Nous avons besoin d'un peu de recul pour juger de la pertinence des solutions à proposer.

En thérapie génique, quels modèles pharmaco-toxicologiques demander en matière de pré-requis ? Un, plusieurs modèles ? La question est peut-être de ne pas demander des choses qui fournissent de fausses sécurités. Nous sommes au stade du défrichage dans ce domaine.

De même, y-aura-t-il un dossier type ? Pour les xénobiotiques, par définition, il y a des grandes caractéristiques. La thérapie génique, ce sont des procédures opératoires, tellement complexes qu'il n'y aura peut-être pas deux "produits" tout à fait similaires. Cette hétérogénéïté des "produits" qui pour l'instant est une source de difficultés.

M. Claude HURIET - Considérez-vous, dans l'optique qui est la vôtre de sécurité maximale, que les comités de protection des personnes, avec tout ce qui peut être émis en amont, peuvent être saisis, émettre un avis en matière de thérapie génique ou pensez-vous qu'il est nécessaire de créer un organe nouveau ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - C'est la discussion latente depuis cinq ans sur le rôle des comités consultatifs de protection des personnes. Pour nous, le comité doit vérifier que le dossier présenté est conforme dans son contenu aux exigences de la loi ; le tout est de savoir jusqu'où ça va et qu'est-ce que cela veut dire ! Nous avons vu à plusieurs reprises que les comités n'étaient pas des super conseils éthiques ni scientifiques.

Par exemple, le projet que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a refusé a reçu l'aval d'un comité, avant qu'il ne soit bloqué par l'Agence du médicament.

Mais faut-il encore recréer un organisme spécialisé ? Je ne le pense pas, je serais plutôt favorable à une simplification

M. Claude HURIET - Dans le cas d'espèce que vous évoquez, le comité a émis un avis favorable : a-t-il eu recours à un ou des experts ?

M. Philippe CHAUMET-RIFFAUD - Je ne peux pas vous répondre.

M. Alain FISCHER - Je voudrais réagir en tant qu'investigateur : si je suis médecin à l'Assistance publique, nous avons en fait six instances d'évaluation qui prennent du temps, et c'est normal, pour instruire les dossiers. Les aspects négatifs :

- liés au temps (les délais sont quand même très longs),

- en partie contradictoires : c'est-à-dire qu'il arrive que telle commission suggère ou demande une position précise et que telle autre émette un avis opposé. Nous devons donc « naviguer » entre les avis.

Enfin, il y a la volonté, tout à fait humaine, des commissions à vouloir donner un avis sur tout, au-delà de ces prérogatives. C'est clair, il faudrait simplifier. Peut-être faudrait-il envisager une forme d'association des comités avec cette intercommission dossier par dossier.

M. Claude HURIET - Après la lecture de votre rapport, j'ai réalisé l'urgence de la mise en place de cette intercommission. Il ne faudrait pas que la mission qui m'a été confiée soit un prétexte pour retarder la mise en place de l'intercommission. Est-ce que c'est le cas ou pas ?

M. Olivier AMÉDÉE-MANESME - Sur ce point, il n'y a rien eu de fait pour que l'intercommission se mette en place. Pour information, il y a une enquête menée par Mme Donneli, à Bruxelles, sur ces problèmes et les charges demandées par les différents pays. Nous avons la chance dans ce cadre d'être réellement en tête devant tout le monde parce que nous avons la plus grande charge de commissions qui suivent le même sujet.

Il y a cinq commissions successives qui ont à gérer le même dossier. Par rapport aux autres pays européens, dans le cadre d'une concurrence internationale, nous sommes les mieux placés très loin devant.

Mme Donelli était tellement étonnée de cette multiplication de contrôles qu'elle m'a demandé une confirmation écrite de tout le système de contrôle.

M. Claude HURIET - Les personnes auditionnées considèrent qu'il n'y a pas d'allongement des délais de traitement des dossiers du fait de la complexité des contrôles. Lorsque j'ai posé la question de savoir s'il était justifié de conserver deux commissions (parmi les six), la réponse a été oui.

J'insiste pour que l'on n'attende pas les conclusions du rapport pour mettre en place d'ores et déjà l'intercommission. Je m'étonne que notre courrier, de M. Fourcade et de moi-même, n'ait pas reçu de réponse.

M. Philippe LAMOUREUX - Le cabinet du ministre a organisé plusieurs réunions sur ce thème et on se dirige vers une intercommission partielle puisqu'elle ne concernerait, dans un premier temps, que les commissions dépendantes du ministère de la santé, avec des représentants de l'Agence du sang, de la Direction Générale de la Santé, de l'Etablissement Français des Greffes, de l'Agence du médicament. Il a été répondu favorablement à la demande du ministère de la recherche qui demandait que les deux administrations se rapprochent pour étudier le projet d'une intercommission plus générale.

Un des problèmes est le périmètre des compétences de cette intercommission.

Avoir une intercommission pour normaliser les documents, par exemple, qui est une des grandes préoccupations relevées par M. Fischer, est tout à fait utile. Avoir une intercommission qui soit un lieu de concertation, voire de conseil aux promoteurs, c'est également peut-être envisageable. Au-delà, c'est-à-dire une intercommission qui cumulerait les fonctions d'autorisation, puis de contrôle, cela me paraît -et il y avait consensus au niveau des administrations- peu souhaitable.

Mme Claude GRAILLOT - Je suis perplexe face à cette réponse parce que je crains énormément que cette intercommission ne demeure en réalité une 7° ou 8° commission. Si tel est le cas, nous allons devenir fous...

M. Philippe LAMOUREUX - Je vous rassure, pour qu'une intercommission soit un « obstacle », une garantie supplémentaire, encore faut-il qu'elle ait un pouvoir de décision. Si l'intercommission est un lieu de discussion sur des documents normalisés, une instance consultative et non délibérative, vous ne créez pas une instance supplémentaire, mais un lieu d'échange tout à fait nécessaire pour coordonner les différentes commissions des ministères.

Cela dit, je vous indique très clairement et c'est une position officielle de l'Agence du médicament que la commission de sécurité virale ne se fondra pas dans une intercommission. En tout cas, nous ferons tout pour que cela ne se passe pas ainsi.

M. Claude HURIET - L'intercommission ne signifie pas fusion !

M. Olivier AMÉDÉE-MANESME - Vous avez complètement raison, monsieur le sénateur. Les délais ne sont pas très longs parce que les personnes en charge de ces commissions se connaissent et s'entendent bien. Mais cela peut gripper à tout moment par changement d'une personne.

Au niveau européen, toute une législation se met en place et nous pourrions en tenir compte dans nos auditions en invitant Mme Donelli et le Professeur Alexandre... Il serait hautement souhaitable qu'on simplifie, car nous sommes ridicules au niveau international et nous sommes « anti-développement » pour notre pays, si je puis me permettre.

Mme Claude GRAILLOT - La thérapie cellulaire a le même problème et cela risque d'aller beaucoup plus vite me semble-t-il. Si on bloque les problèmes de la thérapie cellulaire par toute une série de commissions qui seront les mêmes que celles de la thérapie génique, le blocage risque d'être beaucoup plus dommageable.

M. Claude HURIET - Je vous remercie beaucoup, madame.

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