CONCLUSION

Les évolutions en cours en Europe dans le domaine du transport ferroviaire conduisent les Etats membres à une réflexion tout à fait positive sur la manière dont ils envisagent l'avenir de leurs chemins de fer.

Il est exact que la Commission européenne défend parfois une conception idéologique de la concurrence, que notre délégation a maintes fois stigmatisée. Cela ne saurait masquer que, dans certains cas, les initiatives européennes permettent de mettre en oeuvre une modernisation des entreprises chargées de missions de service public, jusqu'alors rendue impossible par des pesanteurs accumulées depuis trop longtemps.

La France se doit aujourd'hui d'avoir une position offensive dans le domaine du transport ferroviaire. La SNCF a de multiples atouts à faire valoir sur le marché européen, mais doit s'adapter à un nouvel environnement, dans lequel la concurrence jouera un rôle accru.

On s'accorde aujourd'hui à reconnaître que la directive de 1991 est un bon texte, malgré les réticences qu'elle a suscitées lors de son adoption. Elle doit être mise en oeuvre de manière complète avant d'être modifiée dans le sens d'une ouverture accrue à la concurrence ; cette période doit être mise à profit pour restaurer la compétitivité de la SNCF. En outre, toute nouvelle étape dans l'ouverture de ce secteur devra naturellement, pour réussir, être accompagnée d'une réflexion approfondie sur les risques d'écrémage du marché, sur les conséquences sociales et sur l'avenir des missions de service public.

Le Conseil européen de Turin, réuni le 29 mars 1996, a défini les objectifs de la Conférence intergouvernementale qui s'est ouverte le même jour et a estimé que « la Conférence intergouvernementale pourrait aussi aborder la question de la compatibilité entre la concurrence et les principes de l'accès universel aux services essentiels, dans l'intérêt du citoyen ». Le message adressé par la France sur la question des missions de service public a donc été entendu par ses partenaires.

Sans rien céder sur les missions de service public indispensables à l'aménagement du territoire, la France doit aujourd'hui moderniser en profondeur l'organisation du transport ferroviaire. Tout retard pris dans des adaptations indispensables ne les rendra que plus difficiles.

Après avoir examiné le présent rapport, la Délégation s'est prononcée en faveur du dépôt d'une proposition de résolution dont le texte est le suivant :

PROPOSITION DE RESOLUTION

Le Sénat,

Vu la proposition d'acte communautaire E 510 ;

Considérant que l'unification de l'espace européen peut constituer un facteur important de renouveau pour le transport ferroviaire ;

Considérant que la directive 91/440 du 29 juillet 1991, relative au développement des chemins de fer européens, repose sur quatre piliers : l'indépendance des entreprises ferroviaires à l'égard des Etats, l'assainissement financier, la séparation entre activité de transport et gestion de l'infrastructure, enfin une ouverture limitée du réseau ferroviaire à la concurrence ;

Considérant que le bilan de l'application de la directive de 1991 présenté par la Commission européenne ne permet aucunement d'évaluer les résultats de ce premier texte, qui n'a pas encore été transposé dans l'ensemble des Etats membres ;

Considérant que la proposition d'acte communautaire E 510 a pour objet d'étendre les droits d'accès à l'infrastructure, qui seraient désormais accordés à toutes les entreprises souhaitant offrir des services de transport de marchandises ou des services internationaux de transport de voyageurs ;

Considérant que les conséquences possibles de l'extension des droits d'accès n'ont fait l'objet d'aucune réflexion préalable, notamment en ce qui concerne les risques d'écrémage du marché, la nécessité de maintenir un haut niveau de sécurité et un niveau de formation du personnel satisfaisant ;

- Demande au Gouvernement de s'opposer à la proposition d'acte communautaire E 510 afin de permettre, dans un premier temps, une application complète de la directive 91/440 ; souhaite qu'un bilan approfondi de cette directive puisse être établi par la Commission européenne et que les conséquences d'une plus large ouverture à la concurrence soient étudiées avec précision ;

Considérant que la coopération entre opérateurs ferroviaires peut souvent permettre des progrès substantiels dans l'unification de l'espace européen ; que la politique communautaire de la concurrence doit prendre en compte les particularités du transport ferroviaire ;

Considérant également que l'ouverture progressive à la concurrence est un phénomène irréversible et que les entreprises ferroviaires peuvent en tirer un important profit en termes d'efficacité ;

- Demande que les accords de coopération entre opérateurs soient examinés en fonction des spécificités du transport ferroviaire et non seulement au regard des principes généraux de la politique communautaire de la concurrence ;

Considérant que l'absence de prise en compte de certains coûts externes -pollution, encombrements, accidents...- nuit au développement du transport ferroviaire ; que le chemin de fer ne pourra toutefois profiter d'une modification de cette situation que s'il améliore sensiblement ses performances dans le domaine du transport de marchandises ;

- Estime important de poursuivre les études sur la prise en compte des coûts externes entraînés par les différents modes de transport, afin de parvenir à une concurrence plus équilibrée entre le rail et la route ;

Considérant que la politique de l'Union européenne en matière de réseaux transeuropéens de transport paraît aujourd'hui fragilisée du fait de l'absence de financements suffisants ;

- Invite le Gouvernement à agir au sein du Conseil afin qu'une clarification soit apportée sur la situation des projets de réseaux transeuropéens de transport, dont la réalisation paraît aujourd'hui compromise, faute de financement suffisants ;

Considérant que l'harmonisation technique entre réseaux et matériels européens a progressé tout en restant insuffisante ; que les incompatibilités techniques sont source de coûts importants, qui nuisent à la compétitivité du transport ferroviaire ;

- Souligne la nécessité de renforcer les actions menées dans le domaine de l'harmonisation technique, afin de faciliter l'unification de l'espace européen ;

Considérant que le transport combiné, malgré les soutiens dont il fait l'objet, tant au niveau communautaire qu'au niveau français, ne connaît qu'un développement assez lent et ne détient encore que des parts de marché limitées ;

- Souhaite que le transport combiné, compte tenu de ses avantages, fasse l'objet de mesures de soutien, tant au niveau communautaire qu'au niveau français ;

Considérant que la politique européenne n'est pas la source des difficultés de la SNCF ; que l'action communautaire offre au contraire une opportunité de mettre en oeuvre des réformes indispensables trop longtemps différées ;

Considérant que la SNCF est aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile, qui pose la question de sa survie dans un environnement en profonde évolution ;

Considérant qu'il est aujourd'hui en pratique impossible d'identifier les responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF dans la situation et l'évolution du transport ferroviaire ; que la séparation comptable entre exploitation et gestion de l'infrastructure doit permettre de progresser dans cette voie ; qu'il paraît désormais peu souhaitable de laisser la SNCF prendre en charge la construction des nouvelles infrastructures ferroviaires ;

- Souligne la nécessité d'une clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF dans l'organisation du transport ferroviaire en France ; estime qu'il convient d'envisager une prise en charge par l'Etat de la construction de nouvelles infrastructures ;

Considérant que la situation financière de la SNCF n'est aujourd'hui plus supportable pour l'entreprise et qu'elle conduit à une démotivation profonde ; que la directive du 29 juillet 1991 invite les Etats à assainir la situation des entreprises ferroviaires ;

- Estime qu'un assainissement important et rapide de la situation financière de la SNCF est indispensable ;

Considérant que la France est légitimement attachée au maintien de missions de service public ; que la SNCF n'est pas un service public, mais qu'elle est appelée à exercer des missions de service public ; que ces missions ne sont actuellement pas clairement identifiées ;

- Réaffirme son attachement à l'existence d'un service public du transport, élément indispensable de la politique d'aménagement du territoire et de la cohésion sociale ; observe que les missions de service public confiées à la SNCF devraient être définies de manière plus précise;

Considérant que le transfert aux régions de la gestion du transport régional contribuera à la clarification des responsabilités et permettra de rapprocher la décision de l'usager ; qu'un tel transfert doit naturellement être accompagné d'un transfert de moyens suffisants ; qu'il convient, dans un premier temps, de mettre en place une expérimentation réversible ;

- Souhaite une mise en oeuvre rapide du transfert aux régions de la responsabilité du transport régional, dans le cadre de l'expérimentation prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 ; estime que ce transfert devrait se faire dans le cadre d'une réflexion globale, au niveau de l'Etat, sur l'avenir du transport ferroviaire ;

Considérant que la SNCF est une entreprise, qu'elle doit, à ce titre, disposer d'une large autonomie pour entreprendre les réformes indispensables à l'amélioration de son efficacité ; qu'elle doit dès lors être jugée sur les résultats qu'elle obtiendra ;

- Souligne que la SNCF, qui dispose de nombreux atouts, doit entreprendre de profondes réformes de fonctionnement et améliorer rapidement ses performances, afin d'être un opérateur dynamique et conquérant dans l'espace européen.

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