C. COMMUNICATION DE M. PAUL MASSON SUR L'APPLICATION DES ACCORDS DE SCHENGEN ET L'AVENIR DE CES ACCORDS DANS LE CADRE DE CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE

Le mercredi 13 mars, la délégation a entendu M. Paul Masson, a l'issue de sa mission auprès du Premier ministre, sur les conditions d'application de la convention de Schengen.

M. Paul Masson rappelle d'abord que le traité de Schengen est entre en vigueur en juin 1995 alors que, à cette date, la délégation du Sénat pour l'Union européenne avait adopté un rapport d'information proposant de suspendre cette mise en application. Bien que l'Assemblée nationale ait adopté une position opposée, le Gouvernement français avait rejoint le point de vue du Sénat et, après avoir vainement demandé à nos partenaires que l'on reporte l'entrée en vigueur, avait invoqué la clause de sauvegarde de l'article 2, paragraphe 2.

M. Paul Masson précise que cette position, qui a été arrêtée un mois avant le premier attentat terroriste en France, est justifiée par la progression des quantités de stupéfiants saisies en France et provenant des Pays-Bas. Cette même position a été réaffirmée par le gouvernement français en décembre 1995 et a justifié une nouvelle suspension de la partie du dispositif du traité portant sur les contrôles de personnes aux frontières terrestres, aériennes et maritimes.

M. Paul Masson indique que la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre comportait un double objet; d'une part l'examen des mesures nécessaires au plan national pour pallier les lacunes constatées durant la phase initiale d'application de l'accord de Schengen; d'autre part la sensibilisation des partenaires de la France aux points de vue du gouvernement de manière à mieux faire comprendre notre position et nos souhaits.

M. Paul Masson présente alors les grandes lignes du constat qu'il avait pu dresser au terme de sa mission :

- le dispositif d'application du système Schengen fonctionne mal en France ;

- en dépit de l'objectif de libre circulation des personnes, les frontières intérieures ne peuvent rester sans surveillance ;

- ainsi que le montre notamment les déplacements qu'il a effectués sur les frontières est-allemandes, il se confirme que le contrôle des frontières extérieures pose un problème d'ampleur croissante ;

- enfin la question de la drogue reste incontournable dans la mesure où les Pays-Bas ont accepté de s'engager explicitement, dans le cadre de la convention, à réprimer les importations et les exportations de produits stupéfiants, y compris le cannabis.

M. Paul Masson insiste alors sur les ajustements qu'il estime nécessaire d'apporter au traité en raison de la nouvelle conception qu'il suggère en matière de surveillance des frontières intérieures, de la nécessaire réforme du fonctionnement du Comité exécutif des ministres et de l'indispensable contrôle parlementaire qui doit s'exercer dans ces domaines.

De son point de vue, ces ajustements pourront être examinés à l'occasion de la prochaine conférence intergouvernementale qui s'ouvrira à Turin le 29 mars prochain, Schengen représente en effet un enjeu considérable dans cette négociation : c'est en effet un acquis qui est très convoité. La Commission européenne s'est prononcée, dans son avis officiel, en faveur d'une intégration de l'Accord de Schengen dans le cadre du traité sur l'Union européenne et pour la communautarisation intégrale de ces questions, à l'exception de la coopération en matière pénale et policière. Le groupe de réflexion préparatoire à la conférence a eu une position plus incertaine.

La question est de savoir s'il est possible de remédier à la confusion actuelle qui aboutit à un éclatement de la politique de sécurité intérieure de l'Europe entre des responsabilités diverses : le comité exécutif de Schengen, la Commission européenne pour les visas, les États dans leurs zones propres de souveraineté, les arrangements particuliers entre États, le Royaume-Uni.

M. Paul Masson rappelle alors que le traité permet déjà, par le jeu des articles K 1 et 100 C, une communautarisation de six des neuf matières couvertes par les dispositions du titre VI et que rien n'empêchait la commission de poursuivre sa réflexion dans le domaine normatif de la sécurité intérieure dans le cadre des dispositions actuelles du traité sur l'Union européenne. Aller plus loin dans la voie d'une communautarisation des matières du titre VI du traité sur l'Union européenne aurait comme inconvénient d'augmenter la confusion, qui est déjà grande, par l'immixtion, dans cette matière, du droit communautaire en raison de l'intervention de la Cour de justice des communautés européennes, parallèlement à celles de la commission et du parlement européen. Le conflit serait alors permanent entre les organes communautaires et les États. Enfin, M. Paul Masson estime que, en tout état de cause, le dispositif opérationnel, notamment dans le domaine de la drogue et de l'immigration, doit rester du domaine de la coopération entre États.

M. Paul Masson énumère enfin les avantages qui, à ses yeux, résultent du maintien du dispositif Schengen :

- clarification des compétences entre la commission et les États ;

- possibilité de faire appel à un organisme institutionnel d'impulsion en matière de sécurité intérieure en Europe : le comité exécutif Schengen ;

- existence d'une base juridique pour la lutte contre les trafics de drogues ;

- respect de la subsidiarité ;

- maintien de la règle de l'unanimité dans un « club » de sept États qui disposent de règles particulières pour l'admission de nouveaux membres dans le cadre d'un élargissement à vingt États ou plus dans l'Union européenne ;

- souplesse des protocoles particuliers qui peuvent être mis en place sur des bases bilatérales ou multilatérales régionales :

- sécurité constitutionnelle du dispositif qui a été validé par le Conseil constitutionnel en juillet 1991 ;

- non exonération des Pays-Bas de leurs engagements internationaux en matière de lutte contre les trafics de drogues, contrairement à la situation qui résulterait d'une communautarisation de cette matière.

M. Christian de la Malène se déclare en plein accord avec M. Paul Masson sur les inconvénients que comporterait tout compromis sur la communautarisation partielle de la sécurité intérieure ainsi que sur la séparation entre le normatif et l'opérationnel. Si les Pays-Bas ont d'ores et déjà accompli des progrès dans leur approche du phénomène du trafic de drogue, en revanche on peut encore s'interroger sur le laxisme qui imprègne l'opinion néerlandaise.

Mme Michèle Demessine constate que la position de fermeté prise par le gouvernement français depuis plus de six mois a incontestablement obligé les néerlandais à évoluer sur la question de la drogue, car la France est probablement, en Europe, le seul pays qui résiste encore. Mais les résultats ne sont pas pour autant acquis car les enjeux économiques des trafics sont considérables et les Pays-Bas abritent les principales mafias européennes de la drogue. La population néerlandaise commence à prendre conscience de ce danger; les manifestations à Rotterdam d'octobre 1994 et de l'automne 1995 le confirment. Mais le danger subsiste notamment au regard du progrès du marché de l'ecstasy chez les jeunes. Les populations de la région Nord-Pas de Calais et des banlieues parisiennes sont particulièrement visées par ces trafics. La responsabilité des autorités néerlandaises est engagée car le refus de l'installation d'un scanner de containers dans le port de Rotterdam n'est pas seulement justifié par des considérations financières, mais aussi par des préoccupations commerciales liées à la rapidité du traitement du fret dans ce port.

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