II. L'UNION EUROPÉENNE EN QUÊTE D'UN RÔLE À PART ENTIÈRE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

A. LA CONSTRUCTION INACHEVÉE D'UNE IDENTITÉ EXTÉRIEURE COMMUNE

Que les espoirs placés dans le nouveau dispositif ainsi mis en place ne se soient pas réellement concrétisés, le bilan de la PESC 3 ( * ) , au terme de trois années d'expérience, le montrera sans doute.

Le jugement porté sur la PESC ne peut être seulement négatif. La mise en place du second pilier a en effet permis un rapprochement réel des diplomaties des Etats membres. Elle a également favorisé une prise de conscience des enjeux communs que présentent deux zones essentielles pour l'Union : l'Europe centrale et orientale, d'une part, le bassin méditerranéen, d'autre part.

1. Le rapprochement progressif des positions diplomatiques

Bien que la PESC reste, votre rapporteur y reviendra, de nature essentiellement déclaratoire, la pratique des déclarations et des positions communes invitent à une concertation régulière et même quasi quotidienne. Si laborieuse soit-elle, cette coordination fixe des méthodes de travail communes . En outre, les prises de position à quinze finissent par générer un corps de doctrine commun dont le caractère certes n'est guère contraignant ; il n'en reste pas moins à moyen terme le facteur d'une cohérence plus grande entre les politiques étrangères des différents Etats membres.

A cet égard, la concertation au sein des organisations internationales (art. J 2 du traité) a porté ses fruits. Le cas des Nations Unies apparaît particulièrement significatif : la convergence des votes entre les Etats membres au sein de l'Union a progressé au cours des quinze dernières années ; le pourcentage des votes identiques sur le total des résolutions adoptées est en effet passé de 77,3 % en 1981 à 85,5 % en 1991 et 91,5 % en 1994. Ces bons résultats apparaissent le fruit d'une concertation dont les documents d'orientation agréés à quinze ont fixé le cadre : coopération systématique sur les sujets d'intérêt commun, déclaration commune de la présidence complétée le cas échéant, et non contredite, par les déclarations nationales.

En outre, les quinze se concertent pour favoriser une approche commune dans la perspective des grandes manifestations (Conférence sur le développement social, conférence sur les femmes) ou encore pour privilégier des candidatures communes de l'Union européenne aux postes de direction des agences des Nations Unies.

Naturellement, ce rapprochement progressif s'inscrit dans une perspective à moyen ou long terme qui n'est pas nécessairement pertinente quand il s'agit de réagir aux situations d'urgence ou de conduire une diplomatie préventive.

Cependant, dans la diplomatie conduite à l'égard des pays d'Europe centrale et orientale et du bassin méditerranéen, l'Union européenne a su faire prévaloir une réelle vision d'ensemble sur les conditions de la stabilité du vieux continent qui fait honneur à la PESC.

2. La prise de conscience des intérêts communs

a) Le pacte de stabilité en Europe

L'éclatement du bloc socialiste, la résurgence de nationalismes, les effets de la crise yougoslave enfin : ces éléments paraissent conspirer contre la stabilité de l'Europe centrale et orientale, et aussi la sécurité du Vieux continent tout entier.

Instruite par les leçons du conflit dans l'ex-Yougoslavie et la difficulté de porter remède à une crise quand elle a éclaté, l'Union a souhaité promouvoir, pour limiter les risques de tension, une approche préventive très largement inspirée d'une initiative du premier ministre français, M. Edouard Balladur.

Le Plan Balladur, principalement destiné aux pays de l'Europe centrale liés à l'Union par des accords d'association (groupe de Visegrad, Bulgarie et Roumanie) ainsi qu'aux pays baltes liés à l'Union européenne par des accords de libre-échange, proposait que soit négocié, entre pays voisins, un code de bonne conduite. Le dispositif, sous la forme de convention-cadre, garantirait les droits des minorités et organiserait le règlement pacifique des conflits.

La première action commune adoptée au titre de la PESC, s'appuie sur le « Plan Balladur ». Elle a décidé de réunir une conférence de lancement d'un pacte de stabilité en Europe , à Paris les 26 et 27 mai 1994. Sous ces auspices, plusieurs traités bilatéraux de relations de bon voisinage ont pu être signés, notamment entre la Pologne et la Lituanie, la Biélorussie et la Lituanie. L'utilisation des moyens communautaires comme le programme Phare dans une perspective d'accompagnement incitatif, n'a sans doute pas été étrangère à ce bilan plutôt satisfaisant.

Le processus reste fragile : les problèmes de minorités et de frontières principalement visés par le Pacte de stabilité n'épuisent pas les causes possibles de conflit dans la région. En outre les traités signés jusqu'à présent ne couvrent qu'un champ géographique restreint. Enfin, les rapports entre des pays tels que la Roumanie et la Hongrie restent encore problématiques.

Aussi, afin de compléter l'action conduite dans le cadre du pacte de stabilité, plusieurs mesures ont été prises pour associer les pays d'Europe centrale et orientale à la PESC : instauration d'une concertation dans les pays tiers et les organisations internationales, possibilité d'association à des déclarations, démarches ou actions communes.

L'action de l'Union s'inscrit ici cependant dans une perspective à moyen terme ; elle doit pouvoir tirer parti du souci manifesté par l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale de participer rapidement à l'intégration européenne. De ce point de vue, une bonne cohérence entre les objectifs politiques et les moyens communautaires apparaît indispensable.

b) La mise en place d'une stratégie globale à l'égard de la Méditerranée

A l'instar du Pacte de stabilité pour les pays d'Europe centrale et orientale, la Conférence de Barcelone organisée en 1995 entend promouvoir à l'intention des pays du bassin méditerranéen une démarche globale intégrant un volet politique et économique. Cette initiative, adoptée sous la présidence française, visant à rééquilibrer les relations de l'Union, légitimement attentive aux évolutions sur ses frontières orientales, vers sa façade méditerranéenne. Mais la Conférence de Barcelone répondait à une autre motivation : inclure le Maghreb dans une politique qui ne peut se borner au seul Proche-Orient.

L'enjeu que constituait un soutien financier d'importance a certainement favorisé l'adhésion des partenaires méditerranéens au double objectif repris dans la déclaration finale : respect des principes fondamentaux sur le plan intérieur, relations de bon voisinage sur le plan extérieur. Par ailleurs la Conférence de Barcelone a posé les jalons d'une coopération ultérieure, notamment la préparation d'un pacte euro-méditerranéen, qu'il importera de concrétiser dans les années à venir.

Dans l'immédiat, les nouveaux accords conclus avec les pays méditerranéens (Tunisie, Israël, Maroc) ou en voie de l'être (Egypte, Jordanie, Liban, Algérie et autorités palestiniennes) intègrent un volet politique.

Incontestablement ces exercices diplomatiques européens témoignent d'une prise de conscience salutaire d'enjeux régionaux prioritaires pour l'Europe.

Cependant si ces démarches s'inspirent d'une vision globale, indispensable pour la PESC, leur mise en oeuvre ne laisse pas de susciter nombre d'interrogations. Les moyens communautaires répondront-ils précisément aux objectifs politiques que le Conseil a assignés aux relations entre l'Union et l'Europe centrale et orientale d'une part, et entre l'Union et les pays méditerranéens d'autre part ?

Par ailleurs la mise en place d'un dialogue entre des partenaires aussi nombreux présente le risque que les bonnes intentions initiales ne s'enlisent dans des procédures et des structures très lourdes, la paralysie des instruments servant de caution à l'inertie des européens et à l'absence d'accord sur le fond.

L'impuissance de l'Union à agir efficacement dans le contentieux gréco-turc conduit votre rapporteur à un certain scepticisme dans ce domaine. La mise en place de l'Union douanière avec la Turquie, la préparation d'un calendrier d'adhésion avec Chypre ne devaient-elles pas conférer à l'Union de nouveaux moyens pour contribuer au règlement de la question chypriote ? Or l'Europe reste toujours en arrière-plan dans une crise où les Américains s'imposent régulièrement comme les médiateurs principaux.

La PESC avait justement pour ambition de ne pas se satisfaire de cette situation. Aussi bien ce scepticisme est-il conforté par le bilan, décevant dans son ensemble, que l'on peut dresser des autres actions conduites au titre de la politique étrangère commune.

* 3 L'abréviation PESC sera utilisée ici par commodité bien que ce rapport s'intéresse principalement au volet « politique étrangère ».

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