III. LE DÉBAT ENTRE NEUTRALITÉ FISCALE ET FISCALITÉ ÉCONOMIQUE

Le débat sur l'amélioration de la fiscalité immobilière est posé selon une alternative : faut-il aboutir à la neutralité fiscale entre le logement locatif et les autres produits de rapport, l'épargne financière en particulier, ou bien faut-il traiter les bailleurs de logements comme des professionnels en donnant à leur activité un statut économique ?

L'évaluation devrait permettre, à terme, de trancher ce débat.

A. LA VOIE DE LA NEUTRALITÉ FISCALE

1. Le logement considéré comme un placement quelconque.

Les évaluations déjà réalisées ont permis de constater que la fiscalité du patrimoine influençait les choix de placement en faveur des valeurs financières, au détriment du logement (voir supra -I-).

Dès lors, le logement peut être considéré comme un placement parmi d'autres, comparables aux autres en termes de rentabilité.

Le douzième rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité de l'immobilier urbain, relayé sur ce point par la commission Raynaud 99 ( * ) , a fait observer que la rentabilité après impôt du placement immobilier était fortement pénalisée par rapport à celle des placements financiers en 1992. Le Conseil (pages 316 à 318) faisait ainsi remarquer que, pour un contribuable imposé au taux marginal de 33 %, la fiscalité faisait perdre deux points de rendement au logement locatif ancien par rapport aux sicav de capitalisation, Un logement neuf bénéficiant du système Quilès-Méhaignerie perdant entre un demi et un point.

Ce constat a servi de base de travail au ministre du logement nommé en 1993, Hervé de Charette, qui s'était fixé pour objectif d'atteindre la neutralité fiscale entre les différentes formes de placement.

Au début de l'année 1994, il a mis en place un groupe de travail interministériel chargé de rechercher les améliorations à apporter à la fiscalité immobilière pour aboutir à cette neutralité.

2. La neutralité fiscale : un objectif primordial.

Ce groupe de travail a donné de la neutralité fiscale entre placements mobiliers et placements immobiliers une définition pertinente :

"La neutralité fiscale ne signifie pas que les deux types de placement doivent être imposés d'une manière identique. Un tel objectif se heurterait à la diversité des régimes s'appliquant aux valeurs mobilières. Par ailleurs, il faut tenir compte d'une certaine spécificité de l'investissement immobilier des personnes physiques. En effet, le particulier qui achète un bien pour le mettre en location cumule une double fonction : il est d'abord investisseur comme celui qui acquiert des actions ou des obligations mais il exerce aussi une activité économique et sociale comme un entrepreneur individuel. "

La neutralité fiscale se constate lorsque la rentabilité de deux placements est affectée par l'impôt de façon analogue. En revanche, les taxes qui les frappent peuvent être très différentes. D'où la grande difficulté de l'exercice de neutralisation.

À l'automne 1994, le ministre signait une convention d'objectifs avec l'Union nationale de la propriété immobilière, dont le but principal était un "retour à l'équité fiscale entre placements immobiliers et mobiliers". Cette convention comportait quatre principes :

- des rapports locatifs équilibrés,

- une fiscalité fondée sur la neutralité,

- des revenus stables,

- une représentation reconnue des propriétaires dans les institutions consultatives.

Les travaux du groupe de travail interministériel sur la neutralité fiscale (1994)

Le groupe de travail a réuni, début 1994, le ministère du logement, le ministère de l'économie et le ministère du budget.

Il a examiné sept propositions faites par le ministère du logement en vue de parvenir à une neutralité fiscale, qui tienne néanmoins compte de "l'activité économique et sociale" du bailleur :

I. Mesures destinées à favoriser l'investissement locatif

Proposition n° 1 : Amélioration du traitement fiscal des déficits fonciers :

- plafond d'imputation du déficit foncier sur le revenu global porté de 50.000 francs à 100.000 francs ;

- imputation des déficits fonciers non imputés sur le revenu global sur les revenus fonciers des dix années suivantes au lieu des cinq années suivantes.

Proposition n° 2 : Augmentation de 10 à 25 % du taux de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers.

Proposition n° 3 : Instauration d'une franchise de 12.000 francs annuelle sur les loyers afin de favoriser les locations à loyers modérés par analogie avec la franchise sur la taxe additionnelle au droit de bail (TADB) et avec l'abattement sur les revenus de valeurs mobilières.

Proposition n° 4 : Exonération totale des plus-values immobilières des particuliers au bout de 12 ans au lieu de 22 ans.

Proposition n° 5 : Extension aux bailleurs de logements de la possibilité d'adhérer à des associations agréées, à l'instar des professions libérales, ouvrant droit à un abattement de 20 % ou 10 % sur le revenu foncier imposable selon son montant.

Proposition n° 6 : Création d'un plan d'épargne immobilier à l'instar du plan d'épargne en actions.

II. Mesure destinée à moderniser le marché immobilier

Proposition n° 7 : Baisse de 2,5 points des droits départementaux de mutation à titre onéreux.

III. Conclusions

Le ministère du logement et les ministères financiers ne sont pas globalement tombés d'accord sur ces propositions :

- les propositions n° 3, 4 et 5 ont fait l'objet d'un désaccord. La proposition n° 3 pouvait s'apparenter aux abattements de 8.000 francs et 16.000 francs sur les revenus de valeurs mobilières, même s'il s'agissait d'une franchise (en cas de revenus fonciers supérieurs à 12.000 francs, l'impôt aurait été perçu au premier franc) ;

- la proposition n° 1 et la proposition n° 2 ont fait l'objet d'un accord de principe, avec des divergences sur le niveau acceptable. La proposition n° 1 a abouti à une imputation du déficit foncier sur le revenu global dans la limite de 70.000 francs (contre 50.000) avec report du surplus sur cinq ans (au lieu de dix). La proposition n° 2 a abouti à un relèvement à 13 % de la déduction forfaitaire (au lieu de 10 %) ;

- la proposition n° 6 est apparue envisageable dans son principe, en remplacement du système Quilès-Méhaignerie. Elle n'a cependant pas eu de suite ;

- la proposition n° 7 n'avait pas fait à l'époque, l'objet d'un consensus, même si les trois ministères étaient tombés d'accord sur la nécessité de réduire les droits de mutation à titre onéreux (ils ont été réduits à titre expérimental pour les parts régionale et départementale, du 1er août 1995 au 31 décembre 1996).

En grande partie pour des raisons budgétaires, le groupe de travail n'a pas parfaitement abouti. On peut néanmoins constater que les propositions n os 1, 2 et 7 ont été partiellement mises en oeuvre.

L'objectif de neutralité fiscale a été ensuite confirmé par la commission Ducamin, à laquelle il a semblé (page 143), qu'une fiscalité professionnelle pour les bailleurs serait trop complexe attendu que 93 % des titulaires de revenus fonciers en déclarent moins de 100.000 francs annuels. Par ailleurs, la commission Ducamin pensait qu'il n'était pas certain qu'une fiscalité professionnelle soit plus favorable, impression confirmée de façon objective s'agissant du régime des BIC par les recherches du groupe de travail de votre commission (voir supra I-A et B).

* 99 Commission d'évaluation de la situation sociale, économique et financière - juin 1993 -F ascicule "Le logement en France"

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