II. LE RÔLE DE PROPOSITION TRONQUÉ DU PARLEMENT

Le deuxième objectif fondamental de l'évaluation doit être de restaurer aux parlementaires leur pouvoir de proposition en matière fiscale. Ils n'ont pas la possibilité de démontrer la pertinence de leurs options, et tombent aussi dans le travers d'une vision expérimentale de la loi fiscale. D'une certaine façon, ils y sont encouragés par le Gouvernement, qui propose fréquemment à son tour des mesures qu'il leur avait auparavant refusées.

A. DES DIFFICULTÉS À FAIRE VALOIR LES PROPOSITIONS

Les propositions fiscales ne sont pas des propositions législatives comme les autres, car elles ont toujours une incidence sur l'équilibre des finances publiques, à propos duquel il est difficile de tolérer une incertitude excessive.

On ne sait jamais si un allégement fiscal sera efficace, mais on est toujours sûr qu'il coûtera à l'État par l'amoindrissement des recettes. Aussi le principe de précaution conduit-il le plus souvent le Gouvernement au refus des propositions, sous deux motifs : celui du coût budgétaire et celui de l'effet d'aubaine.

1. Le problème du coût budgétaire et la notion de dépense fiscale

L'article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires de proposer des amendements qui conduiraient à des diminutions de recettes, à moins qu'ils ne proposent de les compenser par une création ou augmentation d'une autre recette. Cette tolérance du "gage" permet aux parlementaires de proposer des allégements fiscaux. Mais le gage est rarement opérationnel, et un allégement fiscal voté n'est jamais appliqué avec le surcroît de recettes censé le compenser. Aussi, réduisant l'assiette ou le taux de l'impôt, un allégement entraîne-t-il toujours, à comportement inchangé du contribuable et toutes autres choses relatives étant égales d'ailleurs, une perte de recettes pour les finances publiques (État et collectivités locales s'agissant de l'assiette logement). Cette perte de recettes, entraînée par une modification du droit commun fiscal, prend le nom de "dépense fiscale", notion élaborée par le Conseil des impôts et qui traduit bien l'idée d'un manque à gagner actif, à la différence des moins-values de recettes qui ne résultent pas de décisions mais de l'évolution de l'environnement conjoncturel 13 ( * ) .

La notion de dépense fiscale

L'article 32 de la loi de finances pour 1980 oblige le Gouvernement à faire figurer la liste complète des dépenses fiscales dans le fascicule "Voies et moyens" annexé au projet de loi de finances. C'est dans ce fascicule qu'on trouve probablement la meilleure définition du concept qui se révèle malaisé à cerner et dont le chiffrage, souvent difficile à estimer, est en général impossible à contrôler ex post.

Un concept difficile à cerner

« Peut être qualifiée de dépense fiscale toute disposition législative ou réglementaire dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et pour le contribuable un allégement de charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la "norme", c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français.

Cette définition pose un problème théorique délicat, celui de la définition de la norme. Il n'existe pas de document décrivant dans cette optique l'ensemble des principes de la fiscalité française ; la norme est une notion en général implicite qui de plus varie dans le temps, en fonction de l'évolution des moeurs. Cependant, en pratique, "les mesures qui soulèvent des problèmes d'appréciation sont finalement peu nombreuses", ainsi que le soulignait le Conseil des impôts.

En cas de difficultés, plusieurs critères théoriques peuvent faciliter l'appréciation à porter sur la nature de la mesure. Il s'agit :

- de l'ancienneté de la mesure : certaines dispositions finissent par constituer une norme après plusieurs années d'application ;

- du caractère général de la mesure : une disposition concernant la grande majorité des contribuables ou des opérations assujettis peut être considérée comme une norme ;

- du rattachement de la mesure à un principe considéré comme une norme par la doctrine.

À l'inverse, toute disposition de caractère incitatif peut être qualifiée de dépense fiscale si l'on admet que la norme est la neutralité de la structure fiscale.

Toutefois, aucun de ces critères n'est absolu. »

Un chiffrage délicat à réaliser

« Le fascicule "Voies et moyens" annexé au PLF 1996 indique le coût des mesures pour 1994 et 1995. Ces montants ne sont pas la plupart du temps des résultats constatés, mais seulement des estimations. En effet, si l'administration fiscale recueille les déclarations, effectue des évaluations et procède à des vérifications sur les matières taxables, les opérations économiques exonérées sont largement ignorées. Ainsi est indiquée l'évaluation du coût de la mesure, c'est-à-dire du supplément de recettes fiscales qu'aurait perçu le Trésor si la disposition avait cessé de produire ses effets pour l'année considérée (1994).

En raison du décalage entre la date du fait générateur d'un impôt et la date de perception, le coût ainsi calculé diffère du coût en année pleine. Le coût 1995 a été calculé suivant le même principe ; faute d'informations suffisantes sur l'année en cours, il n'est en règle générale qu'une simple actualisation du coût 1994. Il peut arriver que le coût soit estimé à moins d'un million de francs.

Par ailleurs, ces estimations n'intègrent pas les effets secondaires de la dépense fiscale. En effet, telle disposition peut inciter les contribuables à adopter un certain type de comportement, ce qui peut se traduire par des pertes ou des gains sur d'autres impôts : par exemple, les réductions d'impôt pour économie d'énergie représentent une moins-value sur l'impôt sur le revenu mais, si la mesure est efficace, elle peut entraîner une baisse de la consommation d'énergie et en conséquence réduire les recettes en matière de TVA ou de TIPP. Il est impossible de prendre en compte ces effets secondaires et les coûts qui figurent dans le fascicule ne représentent que la conséquence immédiate et directe de la mesure sur l'impôt concerné.

En outre, l'estimation 1995 des dépenses fiscales n'intègre pas le relèvement à 20,6 % du taux normal de TVA à compter du 1er août 1995.

Enfin, les chiffrages ne prennent pas en compte les interactions entre les mesures. La suppression d'une dépense fiscale peut encourager une plus large utilisation d'un autre avantage ou, à l'inverse, se traduire par une réduction du coût d'une autre mesure. Ainsi, l'abrogation simultanée de toutes les dispositions favorables aux entreprises réduirait leurs bénéfices et donc leur distribution de dividendes, et entraînerait ainsi une baisse de coût des mesures dont bénéficient les actionnaires. Aussi une totalisation de l'ensemble des dépenses fiscales est-elle dépourvue de toute signification. » 14 ( * )

Le calcul des dépenses fiscales relève du monopole des administrations du ministère de l'économie et des finances, qui disposent seules des sources statistiques (les déclarations fiscales, les versements d'impôt).

Dès lors, il n'est pas rare que les parlementaires se voient réfuter leurs propositions d'amendements au motif d'un coût excessif, résultat d'une simulation du dispositif proposé par les services du ministère 15 ( * ) .

La fiabilité de ce type d'estimation n'est pas en cause, mais l'argument est en général opposé au tout dernier moment en séance publique, rendant impossible toute modification de la proposition pour la rendre éventuellement moins coûteuse.

Il serait donc du plus haut intérêt de pouvoir sereinement mesurer le coût fiscal d'une proposition avant même qu'elle ne soit déposée, ce qui permettrait aux commissions des Finances de se déterminer de façon plus pertinente à son sujet.

Deux voies complémentaires doivent être poursuivies dans ce domaine : l'instauration de relations transparentes avec les administrations, afin d'obtenir un accès aux sources, la mise en place d'un outil de traitement autonome. L'idée de faire bénéficier le Parlement de sources autonomes ne peut être qu'une illusion 16 ( * ) compte tenu de la charge administrative que cela représenterait.

Les dépenses fiscales ayant le logement pour objectif

(voies et moyens - PLF 1996)

Le fascicule "voies et moyens" annexé au PLF 1996 recense 443 dépenses fiscales, dont 229 (soit 52 %) sont chiffrées.

Ces dépenses sont présentées de quatre façons : de façon générale, par nature d'impôt, par objectif, par catégorie de bénéficiaires.

Trente-neuf dépenses fiscales concernent le logement, dont vingt-trois sont chiffrées (59 %). Les dix mesures les plus coûteuses sont les suivantes :

(1) Réduction d'impôt au titre des intérêts des emprunts contractés pour

l'acquisition, la construction ou les grosses réparations, et les frais de

ravalement afférents à l'habitation principale 7.400 MF

(2) Déduction des dépenses de grosses réparations et d'amélioration de

logements locatifs. La dépense fiscale résulte de ce que ces charges

constituent des dépenses en capital normalement non déductibles

pour l'établissement de l'impôt sur le revenu 4.800 MF

(3) Réduction d'impôt au titre des dépenses de grosses réparations, d'isolation

thermique et acoustique, de régulation du chauffage et d'amélioration afférentes

à la résidence principale du contribuable (dépenses payées jusqu'au 31 décembre

1995) 2.200 MF

(4) Exonération des organismes d'HLM 1.370 MF

(5) Réduction d'impôt au titre des dépenses engagées pour la construction ou

l'acquisition de logements neufs destinés à la location (dépenses engagées

jusqu'au 31 décembre 1997) 1.340 MF

(6) Application du taux de 5,5 % aux terrains à bâtir achetés par des organismes

d'HLM ou des personnes bénéficiaires d'aides de l'État prévues aux articles L301-1

et suivants du code de la construction et de l'habitation 1.100 MF

(7) Exonération du revenu des logements loués à certaines personnes

défavorisées 490 MF

(8) Déduction des déficits et charges foncières afférents aux monuments

historiques, nues-propriétés et opérations de restauration immobilière 450 MF

(9) Déduction forfaitaire de 35 % et 25 % sur les revenus des propriétés urbaines

neuves affectés à usage d'habitation principale (Régime Quilès-Méhaignerie) 310 MF

(10) Exonération des plus-values de cessions de titres d'OPCVM de capitalisation

investis en titres de taux en cas de réinvestissement dans l'acquisition ou la

construction d'un logement. Mesure applicable aux plus-values réalisées du

1er octobre 1993 au 30 juin 1995 300 MF

Le compte du logement pour 1996 estime, quant à lui, à 24 milliards de francs en 1994 le montant total des avantages fiscaux consentis au logement. Ce total comprend les efforts des collectivités locales (qui ne sont pas compris, par nature, dans le fascicule "voies et moyens"), mais pas les aides dites "de circuit" (exonérations du livret A et du plan d'épargne logement notamment) 1.

La répartition est la suivante :

Les avantages fiscaux selon le type de bénéficiaire

Ce tableau fait apparaître la maturation des différents régimes fiscaux. On peut par exemple lire le déclin, à partir de 1990, de la réduction d'impôt pour intérêts d'emprunt dont bénéficient les accédants et propriétaires occupants 17 ( * ) . Il fait également apparaître l'importance du volume des dépenses fiscales en faveur du logement, qui justifie les réticences du Gouvernement à les voir augmenter.

Le calcul des dépenses fiscales ne fait pas l'objet de divergences majeures entre les parties intéressées (ministère des finances, ministère du logement, chercheurs extérieurs). Il reste à s'entendre, parfois, sur certaines définitions. Ainsi, l'administration fiscale et le compte du logement considèrent que la "norme" fiscale en matière de déduction forfaitaire sur le revenu foncier est de 10 %, et qu'une déduction forfaitaire de 8 % (en vigueur en 1991 et 1992) constitue une recette fiscale de 1,1 milliard de francs. Cette opinion peut être discutée, tant une déduction forfaitaire de 10 % paraît peu réaliste au regard des charges réelles des propriétaires. De même, faut-il prendre en considération les aides de "circuit" (exonération du livret A, de l'épargne-logement) ou le revenu fictif des propriétaires occupants ? 18 ( * ) Mais dans l'ensemble, les divergences paraissent modestes et un consensus pourrait probablement s'établir entre le Parlement, le Gouvernement, les professionnels et les organismes indépendants pour délimiter les écarts à la norme que constituent les dépenses fiscales. Les parlementaires pourraient alors se caler sur cette norme pour élaborer et chiffrer leurs propositions.

2. L'argument de l'effet d'aubaine renvoie au problème général de l'efficacité

Le second argument opposé aux propositions d'amendements fiscaux est celui de l'effet d'aubaine. Les bénéficiaires d'un effet d'aubaine sont les contribuables qui réalisent une opération qui fait l'objet d'un avantage fiscal sans avoir pris en considération l'existence de cet avantage. Le coût budgétaire des effets d'aubaine est constitué par la somme des avantages associés aux opérations qui auraient eu lieu en l'absence de mesure fiscale.

Un dérivé atténué de l'effet d'aubaine est l'effet de calendrier : il consiste à modifier la date d'une opération (l'avancer ou la retarder) en fonction d'un avantage fiscal, alors que cet avantage n'a en rien motivé l'opération elle-même.

L'argument de l'effet d'aubaine est légitimement opposé aux propositions d'avantages fiscaux rétroactives. On sait qu'aucun bénéficiaire n'a motivé sa décision par le dispositif d'incitation, puisqu'il n'existait pas encore. En revanche, cet argument est plus discutable s'agissant de propositions ne valant que pour l'avenir, car les effets d'aubaine sont très difficiles à mesurer. Présumer qu'ils sont de grande ampleur revient à postuler l'inefficacité des mesures fiscales, argument qui peut être opposé de la même façon aux projets Gouvernementaux.

PAP et effet d'aubaine

La direction des études et synthèses économiques de l'INSEE a tenté d'évaluer les effets d'aubaine à propos du programme de prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP) du plan de relance de 1993 19 ( * ) Les effets d'aubaine y sont décrits comme des substitutions de PAP à des prêts classiques par des emprunteurs qui en tout état de cause auraient acquis un logement financé par emprunt même s'ils n'avaient pas bénéficié d'un PAP. Les effets de calendrier ne sont pas considérés comme des effets d'aubaine, car ils influencent l'activité économique par l'accélération (ou non) des décisions d'investissement. En utilisant trois modélisations différentes, les statisticiens ont abouti à trois spécifications.

Première spécification :


• Le postulat de départ est que les ménages acquièrent des logements de fonction du stock de logements qu'ils désirent, lequel dépend de facteurs démographiques et économiques.

S'agissant de ces seconds facteurs, les chercheurs de l'institut aboutissent à des estimations sur quatre déterminants :


• l'élasticité 20 ( * ) revenu des investissements est évaluée de 0,5 à 2,5 à court terme et de 0,2 à 1,3 à long terme ;


• la sensibilité au niveau des taux d'intérêt réels est ainsi évaluée : une baisse de 1 point engendre, à court terme, une croissance de 1 % à 5 % des investissements et à long terme, une croissance de 1 % à 2 % du stock de logements désiré ;


• une hausse de 1 % du taux de chômage engendre une baisse de 0,3 à 0,4 % de l'investissement à court terme (pas d'effet à long terme) ;


• le rôle des aides de l'État apparaît peu significatif aux yeux des statisticiens, qui concèdent éprouver des difficultés à le déterminer. 1 % de hausse des subventions pourrait engendrer de 0 % à 0,1 % d'investissement à court terme (0 à 0,15 % du stock de logements désiré à long terme) ; à condition que le niveau du chômage soit une variable déterminante.

Pour cette spécification, le rôle déterminant paraît être celui du niveau du chômage.

Deuxième spécification

Le postulat de départ ne repose plus sur le stock désiré de logements à terme, mais sur une estimation de la propension à investir des ménages.

Dans ce scénario, et selon l'indicateur de taux d'intérêt retenu (taux de base bancaire ou taux des obligations de seconde catégorie), 1 % de hausse de subvention engendre de 0,04 à 0,1 % d'investissement supplémentaire (les autres déterminants restent à un niveau analogue à la spécification précédente).

Troisième spécification

Le postulat de départ est le même que le précédent, sans distinction du court et du long terme.

Le comportement des ménages reste fortement influencé par le niveau du chômage et les taux d'intérêt. Si la référence des taux est celui des obligations de seconde catégorie, alors un programme de 500 PAP peut induire 200 à 250 mises en chantier supplémentaires.

Compte-tenu de ces différences entre les trois modèles retenus, les chercheurs de l'INSEE adoptent une très grande prudence dans leur estimation de l'efficacité (hors effet d'aubaine) d'un programme supplémentaire de PAP, d'autant que leurs estimations ne tiennent pas compte de l'évolution dans la période des conditions d'attribution (relèvement des plafonds de ressources, baisse du taux d'intérêt, montant de l'emprunt, taux d'apport personnel).

Cette prudence les conduit à fixer une fourchette de 1 à 4 : 1 milliard de francs de subventions supplémentaires entraînerait 1 à 4 milliards de francs d'investissement supplémentaire en logements. Cette fourchette laisse place à une grande marge

d'incertitude ; elle est pourtant plus précise que la fourchette théoriquement possible qui va de 1 à 10.

Les statisticiens résument ainsi leurs estimations :

"Dans le cadre du plan de relance de 1993, la subvention PAP était d'environ 48.400 F pour un prêt de 350.000 F. Le coût d'une opération moyenne est de 590.000 F, dont 20 % de charge foncière, ce qui implique 472.000 F de travaux.

Ainsi, des autorisations de programme supplémentaires d'un montant initial de 10 milliards de francs, qui correspondraient à un peu plus de 200.000 prêts PAP supplémentaires, pourraient théoriquement permettre jusqu'à un nombre équivalent de nouvelles mise en chantier. Ce qui correspond à près de 100 milliards de travaux générés .

Cependant, on a vu précédemment que des ménages seraient tentés de profiter des nouvelles dispositions pour demander un prêt PAP alors qu'ils auraient de toute façon acquis un logement. Le plan de relance va donc inciter certains ménages à substituer un prêt PAP, plus avantageux (en raison d'un taux d'intérêt minoré) et plus disponible (en raison de l'accroissement des subventions) à un prêt classique plus coûteux. Cet effet d'aubaine limite l'impact du plan de relance. Il est important d'en tenir compte dans le diagnostic sur les effets macro-économiques de cette politique. Malheureusement, l'effet d'aubaine et très difficile à évaluer de façon précise : 10 milliards de F de subventions entraîneraient de 10 à 40 milliards F de dépenses supplémentaires (10 nouveaux PAP concernant de 1 à 4 mises en chantiers qui n'auraient pas eu lieu sans eux)."

À partir de cette estimation rustique de l'effet d'aubaine qui concernerait 60 % (effet de levier fort) à 90 % (effet de levier faible) des opérations, et de deux calendriers de mise en oeuvre -délivrance des autorisations de programme du plan de relance- (l'un rapide, l'autre lent), les statisticiens croisent les deux séries de données pour aboutir à 4 scénarios sur les effets en termes de logements supplémentaires du plan de relance.

Cela donne le tableau simplifié suivant, pour 10 milliards de francs de subventions PAP supplémentaires, soit 200 000 PAP

Pour la même somme injectée par l'État, on peut avoir de plus 180.000 à moins de 10.000 mises en chantier par effet d'aubaine. La fourchette de la "défense efficace" est large : de l'ordre de 20.000 à 90.000 mises en chantier supplémentaires.

On peut tirer trois enseignements et une observation des travaux de l'INSEE. D'abord, l'effet d'aubaine existe, et il est important. Ensuite, il est extrêmement difficile à mesurer. La marge d'incertitude déterminée ici sur les PAP reste énorme, tout en ayant été réduite par rapport à l'incertitude théorique. De plus, aucun travail n'a porté sur les effets d'aubaine relatifs à des mesures fiscales, pour lesquelles l'incertitude reste plus grande encore. Enfin, dans le cas considéré par l'INSEE, la dépense publique n'est jamais totalement inefficace. Il en est probablement de même avec les dépenses fiscales.

L'observation porte sur l'effet de calendrier : l'accélération de la décision d'investissement semble avoir à terme une incidence sur le volume final de cet investissement. Cela conditionne l'idée que l'on peut se faire de l'efficacité d'une mesure et de ses retombées induites pour les finances publiques.

Cerner les effets d'aubaine avec davantage de précision est donc un enjeu important de l'évaluation fiscale. Très fréquemment, les effets induits sur l'économie sont invoqués à l'appui des propositions fiscales, notamment la hausse des constructions et des transactions, et les retours de TVA. Ces derniers sont parfois supposés supérieurs au coût initial de la dépense fiscale. Si cela était possible et en raisonnant par l'absurde, la fiscalité nulle serait la plus rentable pour les finances publiques !

Il serait donc utile de mettre en place, éventuellement au sein de l'office d'évaluation des politiques publiques, des moyens de recherche approfondis sur ce sujet. Mais, dans l'ignorance qui est aujourd'hui la nôtre, il convient d'adapter une attitude de bon sens.

Dans un premier temps, lorsqu'on propose une mesure fiscale, il convient de déterminer quel volume d'activité supplémentaire elle doit générer Pour se rembourser. Cela peut donner une idée de son réalisme 21 ( * ) .

Dans un second temps, dès lors qu'un dispositif d'incitation est adopté, il convient d'en favoriser la publicité, de façon à éviter que les contribuables n'en bénéficient que par hasard. Plus un dispositif est connu, Plus il peut être efficace. Moins il est connu, et plus la dépense fiscale associée constituera un effet d'aubaine.

* 13 Dans son rapport de 1979, le Conseil des Impôts définissait ainsi la nouvelle notion : "Dérogation ayant pour but de faire bénéficier d'un traitement favorable certaines activités ou certains contribuables ; dérogation par rapport à la structure fiscale généralement acceptée "

* 14 Extraits du fascicule "Voies et moyens" - Tome I, annexé au projet de loi de finances pour 1996.

* 15 Voir en annexe l'audition des représentants du service de la législation fiscale, de la direction générale des impôts et de la direction de la prévision

* 16 On voit mal faire bénéficier le Parlement d'un double de tous les documents fiscaux incombant aux contribuables...

* 17 Voir sur ce point en annexe l'audition du professeur Michel Mouillart.

* 18 Voir en annexe l'audition de M. André Thomas, économiste de la fédération nationale du bâtiment.

* 19 Impacts macro-économiques de mesures d'aide au logement. Quelques éléments d'évaluation - Didier Eyssartier - Patrice Maire - Document de travail de l'INSEE - mars 1994.

* 20 L'élasticité est la mesure de la sensibilité d'une variation à une autre variation. Par exemple, la mesure du nombre de logements supplémentaires acquis par les ménages au cours d'une année si leur revenu réel augmente de 1 %.

* 21 Voir à ce sujet en annexe les tests réalisés par le professeur MOU1LLART. Il cherche à évaluer les effets induits nécessaires pour qu'une dépense fiscale puisse générer son propre remboursement.

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