2. La pérennité de la croissance en question

a) Une économie dynamique

Par le revenu par habitant (16 300 dollars en 1995), Israël se classe au même rang que le Royaume-Uni. Israël présente aujourd'hui les structures d'une économie moderne, fruit d'une croissance ininterrompue depuis 1990.

· Les bases de l'économie

L'agriculture qui emploie 5 % de la population active mais assure 9 % du PNB se signale de longue date par ses résultats remarquables malgré la rigueur des conditions naturelles. L'eau demeure ici en effet une ressource rare -l'agriculture représente 75 % de la consommation d'eau- et un enjeu stratégique. Le Golan constitue le château d'eau d'Israël. Malgré ces contraintes, le secteur primaire peut se prévaloir de la variété de ses productions et de sa rentabilité dans de nombreux domaines : les rendements de lait s'élèvent ainsi à 9 839 litres par an et par vache (contre 5 395 litres pour la France). Israël par ailleurs figure au premier rang des producteurs mondiaux d'agrumes par habitant (995 000 tonnes).

Placées sous le régime de la propriété collective , les terres relèvent du " Fonds national juif ", l'exploitation en est confiée à part égale entre des coopératives de production (les moshavim) et des collectivités économiques dépositaires de l'ensemble des ressources et des moyens de production (les kibboutzim).

Malgré les résultats obtenus, la balance agricole reste déficitaire (de l'ordre de 949 millions de dollars, soit 1,2 % du PNB en 1994).

L'industrie occupe 28 % de la population active et contribue à hauteur de 40 % au PNB. Le secteur des machines et matériels de transport représente 31 % de la valeur ajoutée industrielle totale.

Les structures de production se singularisent ici encore par la part réservée à la collectivité (55 % de l'appareil industriel appartiennent au privé, 20 % à l'Etat et 25 % aux coopératives, principalement à la centrale syndicale Histadrout).

· Une croissance remarquable

De 1990 à 1995, Israël a connu une croissance régulière et forte de l'ordre de 6 % par an. Cette croissance résulte d'une conjonction de plusieurs facteurs favorables :

- l'assainissement des bases économiques grâce au plan d'ajustement mis en oeuvre de 1985 à 1990 qui a permis de juguler l'hyperinflation, de limiter les déficits publics et enfin de ramener la part de la dette extérieure à moins de 30 % ;

- le dynamisme de la consommation du fait des augmentations salariales accordées dans le secteur public : entre 1990 et 1995 les salaires publics ont progressé en moyenne de 4,7 % par an (avec des hausses de 9,4 % et de 6 % en 1994 et 1995) ; à l'inverse, dans le secteur privé les salaires se sont réduits sur l'ensemble de la période de 9,1 % en termes réels du fait, d'une part de l'afflux de main-d'oeuvre, et d'autre part, de l'appréciation du shekel qui a contraint les entreprises à rechercher des gains de productivité ;

- la progression du taux d'investissement aujourd'hui égal à 25 % du PIB ; cette évolution doit beaucoup aux grandes entreprises internationales soucieuses notamment de tirer parti du formidable potentiel scientifique et technologique d'Israël ;

- l'arrivée des immigrants russes qualifiés et prêts à accepter de bas salaires ;

- la remise en cause de facto du boycott économique décrété par la Ligue arabe en 1950.

La croissance soutenue garantit une situation proche du plein emploi. En effet, malgré la présence de 200.000 travailleurs immigrés en Israël et de 35 000 Palestiniens titulaires d'un permis de travail, le taux de chômage ne dépassera pas 6 % en 1996 et sans doute 6,5 % en 1997.

b) Une économie en transition

L'économie israélienne, malgré une situation encore largement favorable, laisse paraître aujourd'hui des signes de tension qui pourraient s'aggraver dans un contexte d'incertitudes politiques. Les réformes entreprises par le gouvernement suffiront-elles à surmonter ces difficultés ?

· Les signes de tension

Un déficit commercial et une inflation élevée : ces deux maux endémiques de l'économie israélienne paraissent aujourd'hui prêts à se réveiller. Le maintien d'une consommation importante dans un contexte d'activité désormais ralentie constitue ici le principal facteur de risque.

L'inflation s'est élevée à 12 % en 1996 contre 8 % en 1995.

En conséquence, la politique monétaire a pris un tour restrictif en 1994 et 1995. En juin 1996, les taux ont été portés de nouveau à 17 %. La hausse des taux d'intérêt s'est traduite mécaniquement par la baisse du cours des actions et des obligations (les épargnants ont dès lors arbitré au profit de placements à court terme et au détriment d'une épargne longue orientée vers les fonds de prévoyance et les fonds d'investissements).

La place financière de Tel Aviv a fait, à cette occasion, démonstration de sa fragilité, liée à l'étroitesse d'un marché dominé par le quasi-monopole de l'Etat sur les émissions de titres longs et la prépondérance des fonds de prévoyance et de placements collectifs.

En outre cette politique monétaire a entraîné une appréciation du shekel qui risque ainsi de compromettre encore davantage l'équilibre de la balance commerciale, déjà hypothéqué par le dynamisme de la consommation. Au cours des neuf premiers mois de l'année 1996, le déficit commercial s'est accru de 12 % par rapport à la même période de 1995 pour atteindre 8,2 milliards de dollars.

Le déficit de la balance des paiements (qui intègre notamment les services) s'est également dégradé (de 4,2 milliards de dollars en 1996, soit 4,5 % du PIB). Les recettes touristiques se sont contractées de 16 % au cours du premier semestre 1996 à la suite de la reprise des actes de terrorisme : entre février et juillet, le nombre de touristes est passé de 170 000 à 130 000 par mois tandis que parallèlement les Israéliens se déplacent de plus en plus souvent hors de leurs frontières (de 500 000 en 1995, leur nombre est passé à 1 million en 1996).

Pour remédier en partie au déficit courant, Israël a besoin des investissements étrangers . Jusqu'à présent, ces derniers n'ont pas fait défaut : les investissements directs (1,3 milliard de dollars) devraient dépasser le montant atteint en 1995, les investissements de portefeuille pourraient s'élever quant à eux à 1,5 milliard de dollars. L'ensemble des investissements des non-résidents (près de 3 milliards de dollars) contribueraient ainsi à financer la moitié du déficit courant. Toutefois, ces flux restent étroitement dépendants de la confiance qu'inspire Israël aux opérateurs étrangers. Or cette confiance pourrait se trouver ébranlée si le processus de paix devait continuer à connaître des retards.

A ces deux sujets de préoccupation s'ajoute l'incertitude que fait peser la conjoncture immobilière sur la pérennité de la croissance. En effet si la baisse de 20 % des prix de l'immobilier observée au cours des deux derniers mois devait se confirmer, elle pourrait enrayer la croissance économique dont l'immobilier a constitué l'un des principaux ressorts depuis cinq ans. En outre, une telle inversion de tendance pèserait sur les banques largement engagées dans ce secteur.

Il convient cependant de relever qu'une partie du secteur de la construction ne dépend pas des lois du marché. Ainsi le gouvernement accorde son soutien financier aux nouveaux immigrants à la recherche d'un logement. Le développement des implantations relève principalement de fonds privés même si les pouvoirs publics prennent en charge la mise en place des infrastructures nécessaires.

· Une adaptation suffisante ?

L'économie parviendra-t-elle à surmonter ces difficultés et à poursuivre sur les tendances favorables qu'elle a connues jusqu'à présent ? Le gouvernement israélien a entrepris de réduire le déficit budgétaire et de lancer un programme de privatisation. Cette double orientation suffira-t-elle ?

Le déficit budgétaire devrait représenter 4 % du PIB en 1996 contre 3,5 % en 1995. Même si cette dégradation s'explique moins par des dépenses excessives que par des recettes inférieures aux prévisions compte tenu du ralentissement de l'activité, le gouvernement de M. Netanyahou a décidé de procéder à d'importantes coupes budgétaires sur l'exercice 1997 afin de ramener la part des dépenses publiques au sein du PIB de 48 % à 46,7 %. L'effort devrait porter en particulier sur les prestations sociales et les retraites. Le projet de budget se heurte à une double opposition : politique et syndicale. M. Dan Meridor, le ministre des finances, n'a d'ailleurs pas caché devant votre délégation que des résistances s'exprimaient au sein même de la coalition au pouvoir. Le débat budgétaire s'est achevé au début de l'année 1997 à la suite de discussions très difficiles.

Depuis plusieurs années, Israël conduit une réforme de ses structures dont le socle repose sur la privatisation des grandes entreprises publiques (la compagnie aérienne El Al ou les Télécom...). Cependant, alors que les cessions d'actifs publics avaient rapporté 533 millions de dollars en 1995, quatre opérations seulement auront été menées à bien en 1996 pour un montant de 198 millions de dollars (la vente à des investisseurs non-résidents de 16 % du capital de la banque Discount a procuré à elle seule près de 160 millions de dollars). S'il est encore trop tôt pour évoquer un mouvement de défiance des investisseurs, ce risque, une fois de plus, ne peut être totalement écarté.

L'économie israélienne a su tirer parti des promesses d'avenir qu'ouvraient pour les investisseurs les développements du processus de paix. La politique économique pourra-t-elle aujourd'hui compter sur ses seuls mérites pour ranimer l'intérêt des investisseurs ?

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