D. AUDITION DE M. PATRICE DEBRÉ, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ PARIS VI, DIRECTEUR DU LABORATOIRE CNRS D'IMMUNOLOGIE CELLULAIRE ET TISSULAIRE À LA PITIÉ SALPÊTRIÈRE

M. Patrice DEBRE - Je dois me présenter. En dehors de mon unité de recherche d'immunologie cellulaire et tissulaire à la Pitié Salpétrière, j'ai été conseiller pour les affaires biomédicales au CNRS, à la Direction des sciences de la vie, puis j'ai pris la direction de ce qu'on a appelé la Mission des sciences du vivant au secrétariat d'Etat à la Recherche, et je suis maintenant aux côtés du Comité (SEDI) que l'INSERM est en train de mettre au point.

En fait, je suis mandaté par Pierre Tambourin et vous me voyez au titre du CNRS...

M. Charles DESCOURS, président - Mais en fait, vous êtes à l'INSERM. Je pense que nous allons recevoir M. Tambourin, de toute façon.

M. Patrice DEBRE - Je viens plus spécialement à son titre. M. Huriet vient de me dire une chose un peu différente, puisqu'on m'avait essentiellement parlé du problème du contrôle sanitaire.

Cela dit, vous m'avez cité tout à l'heure, dans le couloir, un certain nombre d'agences et d'institutions qui couvrent des domaines très différents (l'Agence française du sang ou l'Agence pour les greffes), mais également de grandes institutions comme l'INSERM ou le CNRS, et vous faites entrer aussi l'Université, l'hôpital, etc.. Il est exact qu'il y a, dans le domaine que vous êtes en train d'expertiser, une multiplicité d'opérateurs et qu'il est certainement nécessaire d'intervenir à cet égard. Je m'étais effectivement placé du côté du domaine de la santé, mais je ne sais pas si vous prenez également en compte le problème de l'environnement.

M. Claude HURIET, rapporteur - Nous prenons en compte tout ce qui peut toucher indirectement à la sécurité et à la veille sanitaire.

M. Patrice DEBRE - L'impression que l'on ressent, c'est que les scientifiques sont capables de faire remonter les facteurs de risques à partir de ce qu'ils trouvent dans leurs laboratoires. Ensuite, vous remontez en général aux directions des institutions concernées et puis, souvent, la formule risque ensuite de s'arrêter. C'est ce qui s'est passé pour l'amiante et en partie pour la vache folle.

M. Charles DESCOURS, président - Est-ce que vous avez fait remonter quelque chose à ce sujet ?

M. Patrice DEBRE - Il y avait des travaux. Ce n'est pas un problème de manque de travaux. Simplement, il semble qu'il n'y ait pas eu de concertation ou de coordination ni une redescente de décision politique. Autrement dit, je pense que le plus important serait de trouver une sorte de conseil de veille sanitaire qui soit en partie formé de représentants du monde politique, qui soit donc à même d'imposer des décisions, qui soit averti par la base de tel ou tel problème existant et qui puisse s'appuyer, pour toute expertise, sur ce qu'on appelle l'expertise collective.

Je ne sais pas si vous connaissez ce principe de l'expertise collective qui existe à l'INSERM et au CNRS. Il consiste, sur un sujet donné, à réunir des experts de toutes tendances qui sont mandatés pour une expertise collective. Il s'agit par exemple de dire : "faites-moi le point sur l'encéphalopathie spongiforme bovine". Si on avait posé la question, on aurait fait le tour de la question. C'est ainsi que, toutes tendances confondues, l'INSERM ou le CNRS peuvent faire ce type d'expertise, à condition qu'ils soient mandatés et qu'on le leur demande.

Autrement dit, j'aurais vu personnellement un comité de veille qui puisse à la fois recevoir des informations (on pourrait lui dire : "attention, il y a un problème posé par l'amiante ou par la vache folle"), faire une demande à l'une ou l'autre des institutions d'une expertise collective dans tel sujet et, enfin, ayant reçu cette expertise, prendre des mesures d'incitation à un niveau politique.

M. Charles DESCOURS, président - Qui dit au CNRS ou à l'INSERM : "la vache folle ou l'amiante, c'est un problème ?

M. Patrice DEBRE - Personne, ou seulement le chercheur. Si le chercheur qui travaille sur les maladies des prions (en l'occurrence, c'est plus du domaine de l'INSERM que du CNRS) s'aperçoit d'un problème, il en parle à sa direction scientifique. Mais que peut-elle faire ? Elle peut pousser ce domaine parce qu'elle pense que c'est intéressant scientifiquement, mais pour faire remonter une notion du genre : "attention, il y a un risque sanitaire et des précautions à prendre", je ne vois pas bien à qui elle va s'adresser au-dessus, parce qu'elle va partir dans tous les sens.

Si vous prenez le CNRS, son ministère de tutelle est le ministère de la Recherche. Donc on va le renvoyer à ce ministère. Ensuite, cela part dans l'un ou l'autre des services, cela remonte à la Mission scientifique et technique, cela atterrit à la DGRT et la DGRT avertit éventuellement le secrétariat d'Etat à la Santé. Donc c'est un réseau très compliqué.

M. Charles DESCOURS, président - Et le Réseau national de la santé publique ?

M. Patrice DEBRE - Là encore, vous n'aurez pas un responsable politique qui dira : "moi, je pense que cette affaire est importante" et qui incitera un ministère ou un autre à agir.

M. Claude HURIET, rapporteur - Cela rejoint un peu l'idée qu'on peut avoir un excellent système de veille dont l'effectivité n'est pas bonne.

M. Charles DESCOURS, président - C'est effrayant.

Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS - Nous n'avons qu'un morceau de la chaîne.

M. Patrice DEBRE - L'effectivité, c'est le domaine du politique. Je pense qu'il faut un comité de veille qui soit constitué, comme pour les comités habituels, de scientifiques, de grands sages représentant la société et de politiques. Ils seraient susceptibles de recevoir des informations d'amont qui viendraient du monde de la recherche mais aussi d'autres milieux (industriels ou autres) pour les avertir d'un problème et ils devraient le faire redescendre.

M. Charles DESCOURS, président - Vous voulez dire que ce serait un comité interministériel : cela concernerait aussi bien l'Agriculture que l'Industrie ou la Santé, c'est-à-dire que tous les ministères pourraient lui envoyer des informations ?

M. Patrice DEBRE - Ce serait un comité de veille sanitaire à l'échelle nationale. Au lieu d'avoir un comité national d'éthique, vous auriez un comité national de veille sanitaire qui recevrait des informations qui peuvent venir d'un peu partout, soit directement des institutions, soit d'un ministère, etc. Ce comité pourrait décider d'abord d'un approfondissement des informations, et à cet égard, je propose qu'il s'appuie sur ce qu'on appelle l'expertise collective plutôt que de s'adresser à l'Académie des sciences. L'expertise collective consiste à confier à un organisme ou à un autre la responsabilité de faire une expertise collective, ce qui veut dire qu'on fait venir des gens de tous les domaines et qu'en un mois ou deux, on doit débrouiller le problème.

Donc le problème aurait été soulevé, le comité aurait une expertise entre les mains et il serait alors capable, parce qu'il est composé de politiques, de proposer des mesures incitatives aux différents ministères compétents. Si cela intéresse la recherche, ce sera le ministère de la Recherche ; si cela intéresse la recherche et l'environnement, ce seront les deux ministères ; si cela intéresse la santé, on y ajoutera le ministère de la Santé, etc.

M. Claude HURIET, rapporteur - Cela rejoint ce que disait tout à l'heure le représentant de l'OMS au sujet des éléments annonciateurs de l'épidémie de peste en Inde. J'avais tendance jusqu'à ce matin à voir le comité de veille se situant beaucoup plus en aval, sans inclure suffisamment dans cette démarche les chercheurs, qu'il s'agisse de la recherche fondamentale ou non, qui peuvent détecter des faits scientifiques avant qu'il y ait des conséquences visibles sur la santé.

M. Patrice DEBRE - Ils peuvent être des détecteurs.

M. Charles DESCOURS, président - Pour l'épidémie de peste en Inde, il y a eu des alertes et des communications, mais personne n'a bougé jusqu'à ce qu'il y ait l'épidémie.

M. Claude HURIET, rapporteur - C'est très important, parce que cela donne une dimension nouvelle à notre réflexion sur le système de veille.

M. Charles DESCOURS, président - En l'occurrence, les politiques seraient responsables et coupables.

M. Patrice DEBRE - Je pense également que la veille doit se coupler avec une notion d'information et de communication. Le grand public, à l'heure actuelle, est extrêmement mal informé de tout ce qui concerne les dangers et les risques sanitaires au sens large. C'était beaucoup mieux au XIXème siècle qu'actuellement, finalement. Je pense que ce comité aurait à préconiser différentes formules, ne serait-ce que dans les domaines de la prévention et de l'éducation des jeunes (je crois qu'il y a beaucoup à faire à cet égard pour les jeunes lycéens), en ce qui concerne l'information du grand public.

D'une certaine manière, je pense que la France est l'un des pays qui comprend le plus mal la science. Or qui comprend mal la science est incapable de comprendre pourquoi il faut des mesures sanitaires et des mesures d'hygiène. Parlez à quelqu'un d'un microbe : il sait à peine ce que c'est. J'exagère, mais il y a quelque part une forme de mauvaise information et de mauvaise communication vis-à-vis du monde social qui fait que la société dirige avec des à-coups les sources de financement. Tantôt on montre le sida, tantôt on montre le prion, et tout cela n'est pas pris dans une réelle compréhension de ce qui est en train de se passer.

M. Charles DESCOURS, président - A mon avis, c'est surtout la prévention qui n'est pas comprise. Qui se lave les mains avant de passer à table aujourd'hui dans les jeunes générations ? Nous qui sommes médecins, cela nous choque. On ne l'apprend jamais à l'école.

M. Patrice DEBRE - Faites expliquer les travaux de Semmelweis et Dister ou relisez la thèse de Céline qui était médecin. Or il a fait une thèse sur (Semmelweis) et le lavage des mains. C'est Semmelweis qui a introduit le premier le lavage des mains, et vous savez que Pasteur ne se lavait jamais les mains (c'est pourquoi je raconte qu'il a toujours raté sa carrière politique) parce qu'il ne supportait pas de détruire des microbes. Il n'y a que lorsqu'il les touchait qu'il se lavait les mains dix fois par jour. Ces notions sont simples, mais les gens ne les comprennent pas bien.

Donc je pense que ce comité devrait également avoir un rôle d'éducation du pays. Au fond, au-delà d'un rôle d'éducation, il devrait avoir un rôle d'instruction, afin de mieux faire passer des messages scientifiques de base sur ce qu'est l'environnement, la pollution, la transmission des microbes, les risques liés aux radiations, toute une série de domaines... Il n'aurait donc pas qu'une notion de veille ; je lui ajouterais une notion d'information et de communication dans le domaine de la veille et dans le domaine sanitaire (le mot "sanitaire" n'étant d'ailleurs pas très joli : il faudrait trouver autre chose).

Il s'agit d'une articulation transversale au niveau national.

Il y a une deuxième chose qui manque dans ce pays, à mon sens. Vous avez multiplié les agences qui doublent les choses. Quand j'étais au secrétariat d'Etat à la Recherche, pour la simple coordination dans le domaine des sciences du vivant, je devais m'adresser à un nombre de partenaires invraisemblable. Nous sommes un pays complètement éclaté avec des rôles très mal distribués. Si je ne prends que l'INSERM et le CNRS, ils travaillent tous les deux dans le domaine du biomédical. Il en est de même pour le CEA, l'INRA, etc. Donc il y a clairement une nécessité de coordination.

Sur le thème qui vous intéresse, c'est-à-dire la coordination de la veille à une échelle opérationnelle, nous en sommes au stade de dire : "vous avez donné les ordres ; essayez maintenant de vous mettre d'accord". Il faut que les partenaires qui ont à agir dans le système (l'INSERM, le CNRS, l'Agence française du sang, l'Agence des greffes, etc.), soient capables de se coordonner. Or elles n'ont aujourd'hui aucune instruction particulière pour le faire. Ce n'est que du ressort de leur bonne volonté.

Vous le voyez dans les appels d'offres. En ce qui concerne la thérapie cellulaire, j'en suis, depuis le printemps, au sixième appel d'offres sur le même sujet avec des réponses des ligues anti cancéreuses (non pas une mais deux), du ministère de la Santé, du secrétariat d'Etat à la Recherche, de l'Agence française du sang, de l'INSERM lui-même, de l'Assistance publique en particulier. C'est fou ! Donc ce pays n'a pas été capable de se coordonner.

En ce qui concerne la partie sanitaire, car je ne vais pas prendre tous les problèmes, je pense qu'il faudrait confier à l'INSERM (puisqu'il est là pour cela) une mission de coordination dans l'action. Il s'agirait de le mandater pour être capable de réunir de manière coordonnée les différents partenaires. Cela me semblerait sain.

M. Charles DESCOURS, président - C'est le deuxième niveau.

M. Patrice DEBRE - C'est le niveau action. Ensuite, quand le politique aura décidé qu'il faut intervenir dans tel ou tel domaine, encore faut-il que vous ne fassiez pas retomber des informations qui vont aller dans cinquante endroits dont les actions ne seront pas coordonnées. Il faut donc qu'au niveau de l'action, il y ait une sorte de coordination, et il me semble que le coordinateur, en matière de risques sanitaires, devrait être l'INSERM. Il devrait coordonner les actions qui sont faites par chacun des partenaires, c'est-à-dire qu'il s'occuperait de la coordination de l'action. Sinon, vous aurez des décisions qui vont descendre d'un côté au CNRS, d'un autre côté au ministère, etc., c'est-à-dire qu'on risque de retomber sur ce que j'ai cité tout à l'heure : des appels d'offres et des dispositions qui seront lancés sans coordination les uns avec les autres, avec des individus qui ne seront pas forcément mandatés par les mêmes institutions.

En revanche, si on se mettait d'accord, il existerait au moins une coordination dans l'action.

M. Claude HURIET, rapporteur - Et la DGS ?

M. Patrice DEBRE - Il est vrai que je me plaçais du côté de la coordination dans l'action au niveau de la recherche en santé, mais c'est peut-être à un mélange des genres qu'il faudrait parvenir, encore que l'INSERM ait une double tutelle. Mais peut-être faudrait-il une association INSERM/DGS.

M. Claude HURIET, rapporteur - Une DGS qui ne serait pas forcément celle d'aujourd'hui !

M. Patrice DEBRE - ... Vous n'aurez pas par la DGS des retombées dans le monde de la recherche, d'autant plus qu'elle n'est pas écoutée. Maintenant, il est vrai qu'elle agit dans les hôpitaux. Donc peut-être faut-il avoir les deux systèmes.

M. Claude HURIET, rapporteur - Il y a l'efficacité d'action sur laquelle on réfléchit en partant d'une structure de veille qui serait beaucoup plus large que la simple addition d'un certain nombre d'organismes existants, mais il peut avoir des décisions à prendre dans des domaines qui sont très larges et qui concernent la vie des individus. Cela peut être des décisions aussi bien dans le domaine de l'industrie que dans le domaine de la santé ou dans le domaine de la recherche.

M. Patrice DEBRE - Il est vrai que je ne peux pas m'arrêter à ma vision "recherche" car elle est insuffisante. Il faut qu'elle soit intégrée, mais il faut que ce soit opérationnel, car vous vous adressez à la fois à l'homme malade, à l'homme sain ou aux animaux. Donc il faut une association des deux.

M. Charles DESCOURS, président - Il faut que ce comité ait autorité.

M. Patrice DEBRE - Le comité supérieur doit avoir autorité, effectivement.

M. Charles DESCOURS, président - Donc il faut qu'il soit coordonné par le ministre, avec des parlementaires et des hommes politiques, pour qu'il ait autorité.

M. Claude HURIET, rapporteur - Ce serait une attribution du ministre en charge de la Santé.

M. Patrice DEBRE - Ensuite, en-dessous, il faut que l'efficacité des actions soit coordonnée.

M. Charles DESCOURS, président - On n'échappera pas à une DGS nouvelle formule.

M. Claude HURIET, rapporteur - Je vais citer un exemple que je ne reprends pas souvent, celui de la vache folle. Qui aurait dû agir, puisque chacun est bien d'accord pour dire qu'il y avait des informations qui ont été données et que d'après des données scientifiques et médicales, et non pas forcément épidémiologiques, on aurait dû donner l'alerte ? On débouche sur un comité de veille. Donc si ce comité de veille donne l'alerte, qui prend les décisions, sachant qu'on est bien d'accord pour dire qu'elles ont été tardives en l'occurrence ?

M. Patrice DEBRE - Une fois que le comité a dit : "je suis alerté", il faut qu'en-dessous, il indique quel type de décision doit être pris. On l'a alerté et son expertise collective lui a dit : "cela peut être dangereux". Ensuite, quel type de décision doit-on prendre ? C'est là qu'à mon avis, il faut qu'il y ait cette coordination qui doit dire : "en matière de recherche, voilà ce qu'il faudrait faire ; en matière de législation sur l'industrie et le traitement des aliments d'origine bovine, voilà ce qu'il faudrait faire ; en matière de risques sanitaires pour ce qui est de l'introduction des animaux aux frontières, voilà ce qu'il faudrait faire..." Donc il faudrait avoir en amont la prise en considération de tous les domaines.

M. Claude HURIET, rapporteur - En termes politique, c'est un problème interministériel, et celui qui a en charge la santé, c'est bien le ministre de la Santé.

M. Charles DESCOURS, président - Le problème est de savoir pourquoi ce serait remonté ou non. Quand on préparait l'internat, on avait des mésotélium de la plèvre qui étaient dus à l'amiante. On le savait bien. Pourquoi a-t-on attendu vingt ans pour en parler ?

Mme Jacqueline FRAYSSE CAZALYS - On pensait que l'amiante dans les plafond ne gênait pas.

M. Patrice DEBRE - A terme, il s'agit de la santé de l'homme. C'est bien ce qu'on souhaite. Je reprends donc la chaîne. Ce comité a alerté, il a fait son expertise et il a besoin de savoir ce qu'il faut faire. Je reviens donc à mon idée. Il s'agirait de confier à un opérateur (qui peut être l'INSERM, la DGS ou ce que vous voulez) le soin de vous faire toutes les propositions indispensables pour la santé de l'homme dans ce domaine, sachant que ce serait à lui de réunir les partenaires qu'il juge intéressants pour vous faire toutes les propositions : l'AFS, les Douanes, etc.. Il dirait en gros : "vous m'avez posé une question en me demandant ce que je peux proposer. Donc je propose des textes législatifs, d'augmenter les recherches dans tel domaine et de faire ceci ou cela". Ensuite, il reste à répercuter la décision au niveau du ministère. Je réfléchis au moment où je vous en parle, mais je pense que pour ce comité opérateur, la DGS n'est pas assez forte.

M. Charles DESCOURS, président - Il s'agirait d'une DGS " nouvelle formule ".

M. Patrice DEBRE - Alors il faudrait sacrément la bouger. Par contre, les scientifiques savent s'adapter et ils ont des relations industrielles. Donc si on confiait à deux opérateurs, la DGS et l'INSERM, le soin de vous fournir ces éléments, cela leur permettrait de réunir qui ils veulent et de vous faire un rapport contenant des propositions.

Autrement dit, il y aurait trois étages. Vos chercheurs, votre industriel, votre voyageur ont fait remonter à ce comité de veille l'éventualité d'un problème quelque part. Ce comité de veille (toute information n'étant pas bonne à prendre), pour asseoir son dossier, se sert essentiellement de l'expertise collective qui lui dit effectivement : "vous êtes en face d'un problème important" ou "ce n'est qu'un problème anecdotique". S'il est important, il l'envoie à un opérateur (INSERM plus DGS associés) qui dit : "voilà les mesures à prendre" et qui vous les renvoie. Il vous reste à les prendre en motivant les ministères concernés.

M. Claude HURIET, rapporteur - D'accord. Il faut éviter qu'il y ait une dilution et que suivant les mesures à prendre, on doive s'adresser au ministère de l'Agriculture ou à d'autres ministres. C'est le ministre en charge de la Santé qui doit voir cela. Grâce à vous, nous avons creusé beaucoup de choses.

M. Charles DESCOURS, président - C'est bien dans ce sens qu'on doit aller.

M. Patrice DEBRE - J'insiste également sur le rôle d'information et de prévention. Ce comité a cette vocation de veille, mais je crois qu'il est très important que la société soit informée de ce qu'est la santé. On ne s'informe de la santé que lorsqu'on se rend compte des risques. Par conséquent, une bonne information me paraît importante.

Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS - Nous sommes beaucoup sous la pression des informations diffusées n'importe comment dans le grand public, puis répercutées très fortement. C'est le cas du sida, par exemple.

M. Patrice DEBRE - Je vais vous donner un petit exemple de la vie d'un laboratoire aujourd'hui. Pour ce qu'on appelle la recherche cognitive, c'est-à-dire le fait d'aller vers la connaissance, un laboratoire ne reçoit quasiment rien en crédits du CNRS. Donc un laboratoire ne vit qu'à partir des lancements d'appel d'offres. Or quelque part, c'est la société qui fait ces lancements d'appel d'offres. Il y a énormément d'argent dégagé sur le sida ou sur les prions. Donc les chercheurs vont aller là où il y a de l'argent. Par conséquent, on est en train de désarmer le tissu de fond pour le lancer sur des pistes. Elles sont parfois intelligentes et importantes, mais il faut faire attention à ne pas désorganiser les choses. Une société qui serait mieux informée serait à même de comprendre l'importance à donner à chacun des différents secteurs.

M. Claude HURIET, rapporteur - Cela rejoint une audition que j'avais proposé d'inscrire au sujet du rôle des médias, c'est-à-dire l'aspect médiatique.

M. Patrice DEBRE - Dans ce domaine, c'est une catastrophe. Qui va vous dire aujourd'hui qu'il ne faut pas continuer à donner autant d'argent sur le sida ? La France est le premier pays du monde à cet égard. Ce comité-là pourrait avoir une sorte de régulation des flux d'importance.

M. Claude HURIET, rapporteur - Hier, le Président du Conseil de l'ordre des pharmaciens nous a parlé de la Josacine. Il nous a dit qu'à son avis, il y avait eu des morts du fait de l'explosion de l'angoisse des parents suite à l'annonce à TF1, un soir, de l'accident lié à la Josacine (dont on a su après la cause). Il nous a dit que les médecins et les services d'urgence et de réanimation avaient été submergés de parents qui venaient avec leurs gosses en disant : "mon gamin a pris de la Josacine, il va être intoxiqué !" Il y a eu un tel encombrement de certains services que cela aurait eu des conséquences. Donc je ne sens pas bien les attributions dont vous parlez dans une instance de veille sanitaire, mais le volet information me paraît tout à fait indispensable.

M. Charles DESCOURS, président.- On sait que pour le sida, on donne 6 milliards, parce que c'est individualisé à travers les réseaux départementaux. Mais aujourd'hui, le ministre de la Santé est incapable de savoir ce qu'on donne pour le cancer et les maladies cardio-vasculaires.

M. Patrice DEBRE - Beaucoup d'argent qui passe par les fondations. La lutte contre le cancer est prise en charge par les fondations.

M. Charles DESCOURS, président - Le sida aussi, mais c'est regroupé. C'est ce que dit le ministre.

M. Patrice DEBRE - C'est vrai.

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