Audition de M. Raymond-Max Aubert, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (19 février 1997)

M. Jean François-Poncet, président - Nous commençons nos auditions sur le problème des infrastructures routières. Cette question constitue certes une préoccupation permanente pour tout élu local -et notre collègue Boyer est celui qui est le plus directement à l'origine de ces auditions, et je dois le remercier de sa suggestion-, mais s'inscrit aujourd'hui dans la préparation du schéma national d'aménagement du territoire. Conformément à ce qui avait été prévu par la loi sur l'aménagement du territoire, un nouveau schéma directeur est en préparation. Il sera adopté par voie de décret, mais il faut en avoir connaissance pour nous prononcer sur le schéma national.

C'est une bonne façon de l'éclairer que d'entendre le délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le Délégué, je ne sais pas dans quelle mesure vous pouvez nous révéler les secrets du débat interministériel, mais nous aimerions savoir quelles sont les orientations que la DATAR a dans l'esprit, et si ces orientations se heurtent ou non à des résistances de l'administration. Si vous me dites qu'il n'y a aucune divergence de vue, je ne vous croirais pas ou je serais très déçu, puisque nous comptons sur la DATAR pour protéger les territoires enclavés, les zones oubliées, les populations en décadence. Vous êtes donc notre porte-parole, notre défenseur, parlez-nous du " combat héroïque " que vous conduisez !

Avant de vous donner la parole, je vais demander à notre collègue Boyer s'il a un mot à nous dire puisque c'est à sa demande que nous avons organisé ces réunions.

M. Jean Boyer . - Alors que cette journée d'auditions sur laquelle nous avons déjà pris un acompte substantiel, hier, sur la politique d'investissements routiers en France, vient d'être ouverte, je souhaite vous remercier, Monsieur le Président, d'avoir bien voulu l'organiser très largement.

Ainsi se concrétise une suggestion que j'avais modestement émise à la fin du mois de juin 1996, lorsque nous avions fait le point sur les travaux du groupe de travail sur l'espace rural et sur le sous-groupe " transports " que j'anime. Nous avons rencontré, à la même époque, notre collègue M. Michel Rufin, le Président Jean François-Poncet, et moi-même les représentants de l'union des syndicats de l'industrie routière française, l'USIRF, que nous allons d'ailleurs réentendre aujourd'hui.

Je voudrais également vous remercier, Monsieur le Président, pour la qualité des personnes que vous nous permettrez d'entendre et qui se trouvent parmi les mieux placées pour nous aider à réfléchir sur la politique d'investissement routière française.

Cette journée, je me permets de l'affirmer, ne devra pas rester sans suite. Aussi voudrais-je émettre une suggestion que j'avais déjà esquissée en décembre dernier.

Nos travaux vont être denses et je propose qu'ils fassent l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information du Sénat, à couverture rouge. Si nos collègues en étaient d'accord, je serais prêt à établir, sous la houlette du Président Jean François-Poncet, la préface qui en serait en quelque sorte la synthèse. Je vous soumets cette idée, il vous appartiendra d'en prendre la décision.

Je me réjouis, quant à moi, que notre commission soit redevenue pionnière sur ce sujet qui est au coeur de l'aménagement du territoire. Personnellement, Monsieur le Délégué général, je suis très heureux de vous voir, étant donné que nous avons beaucoup travaillé ensemble. Nous allons pouvoir vous poser des questions auxquelles vous répondrez certainement avec toute la sincérité qui est la vôtre.

M. le Président . - J'avais oublié de vous dire qu'à la suite de demandes qui nous ont été adressées, nous avons invité l'ensemble des sénateurs à nos réunions. Je voudrais ici saluer trois sénateurs qui ne sont pas membres de notre commission : M. Henri Belcour de Corrèze, M. Louis Souvet, et M. Marcel Lesbros.

Monsieur le Délégué, nous vous écoutons.

M. Raymond-Max Aubert . - Merci, Monsieur le Président. Je vous remercie tout d'abord de m'accueillir devant votre commission. Vous avez orienté les réflexions de votre journée sur le problème des routes, mais puisque c'est le début de cette journée, j'espère que vous me pardonnerez si, dans un premier temps, je resitue ce problème important des routes dans un cadre plus général d'aménagement du territoire. De ce point de vue, si vous en êtes d'accord, je vais faire une présentation très rapide et le mieux serait que je puisse répondre à vos questions.

Dans cette présentation, je voudrais vous dire où en est la réflexion du Gouvernement sur le schéma national puisque c'est au fond le document de référence qui sera ensuite décliné dans différents schémas sectoriels, dont celui des routes, et peut-être également reprendre rapidement les grandes priorités telles qu'elles sont arrêtées dans la mouture actuelle du schéma national. A dire vrai, ces grandes priorités ne vous étonneront pas beaucoup, Monsieur le Président. Je dois vous dire que le texte que nous préparons s'inspire largement des travaux des commissions thématiques mises en place, dont l'une était présidée par M. Jean François-Poncet et avait pour objet les réseaux et territoires. Vous retrouverez largement, dans les priorités que je rappellerai tout à l'heure, les suggestions et les propositions faites par M. Jean François-Poncet et par certains d'entre vous.

Je voudrais simplement vous donner quelques principes et interrogations qui pourraient inspirer notre dialogue.

Concernant la procédure elle-même, la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire a retenu le principe de la définition d'un schéma national. La préparation de ce texte est maintenant très avancée, puisque votre Président m'a invité à vous dire toute la vérité. Après une phase d'interrogation ou d'incertitude sur ce que devait être ce document, nous en sommes aujourd'hui à une phase où les décisions devraient être prises assez rapidement. Il ne s'agit d'ailleurs pas, dans l'immédiat, de définir un projet de schéma national. C'est une nuance que je voudrais introduire tout de suite : il s'agira d'un simple avant-projet de schéma national. Comme vous le savez, ce texte, dès qu'il sera adopté par le Gouvernement, fera l'objet d'une concertation locale extrêmement poussée puisque le législateur lui-même avait prévu 4 mois pour cette concertation locale, sous la coordination des préfets de région. Il s'agit bien d'un avant-projet qui, je l'espère, se nourrira des suggestions, des critiques, des propositions faites pendant toute cette phase de concertation.

Cela signifie aussi que lorsqu'il sera adopté, et j'espère maintenant que l'on approche de son adoption, cet avant-projet ne se transformera en véritable projet qu'au mois de septembre, octobre. Ensuite, il fera l'objet d'un dépôt devant le Parlement. Ce texte pourrait être éventuellement étudié par le Parlement en fin d'année, et probablement pas avant.

Dans l'immédiat, le Gouvernement organisera un séminaire de ministres, probablement vers la mi-mars, pour examiner le texte, tel qu'il lui est proposé. En fonction des différentes orientations arrêtées au niveau de ce séminaire gouvernemental, le texte lui-même serait adopté en CIAT vers le début du mois d'avril. Je suis toujours très gêné quand je donne ce genre de prévision car j'ai toujours été démenti jusqu'à présent. Vraiment, mon sentiment, aujourd'hui, est que l'on approche du dénouement et que le Gouvernement proposera un avant-projet à une large concertation aux alentours de début avril. Voilà pour le calendrier.

Le schéma national sera un texte de portée assez générale. Il ne sera pas accompagné de cartographie trop précise. Cet exercice est renvoyé dans le cadre des schémas sectoriels. De ce point de vue, il y a eu une interrogation sur la méthode. Fallait-il d'abord définir des schémas sectoriels et faire un schéma national qui soit la synthèse de tous ces schémas sectoriels ? Les schémas sectoriels interviennent dans le domaine des transports -route, fer, aéroports, voies navigables, et ports-, mais ils interviendront également dans d'autres secteurs comme les équipements culturels, l'organisation sanitaire, l'éducation supérieure et la recherche. Est-ce que le schéma national devait être la synthèse de ces schémas sectoriels ou ces schémas sectoriels être des déclinaisons du schéma national ?

Finalement, la méthode adoptée a été la définition d'un schéma national qui serait décliné en schémas sectoriels. C'est dire que les schémas sectoriels et en particulier, celui des routes, à mes yeux, ne pourra être envisagé qu'après l'adoption du schéma national. Vous voyez que cela reporte la définition du schéma sectoriel des routes à l'année 1998.

Bref, les schémas sectoriels découleront du schéma national. Le schéma national, dans sa forme actuelle, celle qui sera soumise au séminaire gouvernemental, est un texte général avec une loi d'adoption. Dans cette loi d'adoption, nous avons proposé, dans un premier temps, que certaines dispositions véritablement normatives soient intégrées dans le corps de la loi. La loi ne serait pas simplement une loi de deux articles disant "le schéma ci-annexé est adopté et un article d'exécution", mais ce serait une loi plus nourrie qui retiendrait dans une dizaine d'articles les principes normatifs qui devraient présider à l'élaboration des schémas sectoriels. C'est du moins la position actuelle. C'est une proposition qui n'est pas forcément accueillie avec un enthousiasme marqué par les différents ministères. Il n'est donc pas impossible que l'on revienne à une forme plus simple, c'est-à-dire une loi d'adoption de deux articles et une discussion portant sur le texte lui-même.

Dans un premier temps, nous nous étions dit que le fait de réunir quelques principes normatifs forts dans la loi d'adoption pouvait être utile pour guider le débat. Je ne suis pas certain que cette solution sera finalement retenue. A mon avis, on aura le choix entre cette solution et la solution d'une loi d'adoption en deux articles.

Concernant les grandes orientations actuellement retenues, je vous les rappelle pour nourrir notre débat.

Les grandes priorités géostratégiques pour ce qui concerne les infrastructures de transport sont tout d'abord de renforcer et diversifier l'axe nord-sud en assurant la fluidité de l'axe Lille-Paris-Lyon-Méditerranée. Cela suppose l'achèvement des autoroutes A51 et A75. Cela suppose probablement de réaliser des contournements, aussi bien routiers que ferroviaires, de l'Ile-de-France. Créer des corridors de fret ferroviaire est un élément qui apparaît comme une demande assez forte pour l'avenir.

L'axe nord-sud est un problème essentiel, c'est un axe en danger qu'il faut traiter. Il faut développer deux axes : l'axe atlantique et l'axe Rhin-Rhône. Cela suppose d'achever la rocade des estuaires. Pour l'axe Rhin-Rhône, cela signifierait le TGV Rhin-Rhône.

Troisième grande priorité géostratégique, l'émergence de l'axe sud européen, de la Catalogne à la zone du Piémont et à la Lombardie, couvrant donc tout l'arc méditerranéen. C'est l'un des grands axes structurants pour l'avenir avec d'ailleurs le débouché du couloir rhodanien. Cette priorité suppose de fluidifier le trafic de l'autoroute A9, améliorer les traversées alpines et pyrénéennes, réaliser les tunnels TGV et fret Perpignan-Barcelone, Lyon-Turin, et achever la percée du Mercantour.

Quatrième grande priorité géostratégique : créer les grands axes ouest-est pour relier la façade Manche-Atlantique aux grands axes européens. Vous connaissez la A89 qui est une transversale de Bordeaux à Clermont-Ferrand et qui intéresse beaucoup le Massif Central. Il y a aussi la route centre Europe atlantique, mais vous avez d'autres axes très importants comme Le Havre vers Metz avec le contournement nord de Paris, et Nantes vers Belfort. Enfin, l'axe Nantes-Méditerranée pourrait faire l'objet d'une disposition spécifique dans le cadre du schéma sectoriel.

Voilà les cinq grandes priorités géostratégiques.

Il faut dire que ces priorités sont renforcées par d'autres principes qui ont un effet direct sur les routes. Si l'on veut conforter des places portuaires et aéroportuaires, il ne s'agit pas simplement de développer les infrastructures, il faut aussi assurer leur desserte.

Pour ce qui concerne les ports, le schéma national retiendra deux grands pôles portuaires à développer en priorité, dans le cadre d'une politique générale de reconquête de l'espace maritime : Le Havre et Marseille. Ces deux places portuaires que nous voulons privilégier dans l'avenir supposent des dessertes intérieures très importantes, à longue distance. C'est un élément essentiel de réussite du développement de ces pôles portuaires. Pour Le Havre, cela conduit à développer à la fois sur le plan ferroviaire et sur le plan routier, l'axe Le Havre-Metz qui passerait par le nord de Paris, mais à développer également un axe Le Havre-Tours avec le contournement sud de l'Ile-de-France. Ce sont deux axes nécessaires pour le développement du complexe portuaire Rouen-Le Havre.

Pour ce qui concerne Marseille, il y a le couloir rhodanien qui est un élément essentiel, mais il y aura évidemment l'arc méditerranéen.

Concernant les aéroports, vous savez qu'en dehors même des grands aéroports de la région parisienne, et du fait qu'un site est réservé en Eure-et-Loir, l'une des volontés du Gouvernement est de mettre en place des plates-formes aéroportuaires à vocation internationale, bien entendu à Lyon-Satolas, mais aussi à Marseille, Bordeaux, Nantes, Toulouse, Strasbourg, Mulhouse. Le principal problème, dans cette perspective, c'est la desserte routière de ces aéroports à partir de l'agglomération concernée. Dans la perspective du schéma routier, l'affirmation de grands pôles aéroportuaires aura une implication au niveau des infrastructures routières et autoroutières d'accompagnement.

Pour conclure, dans toutes ces réflexions, quelques grands principes s'imposent.

Pour ce qui concerne les routes, un premier grand principe est d'assurer une bonne insertion dans un espace européen. Ceci dit, je suis souvent étonné de voir à quel point, quand on discute, en France, du réseau autoroutier, on ne vous donne qu'une carte de France. C'est un problème de fond. Il faut avoir, me semble-t-il, le réflexe européen qui est évident. Il faut intégrer toutes ces priorités dans un espace européen et assurer la continuité des maillages européens à travers l'exercice national que nous faisons.

Par ailleurs, et dans le même esprit, l'un des grands principes qui oriente notre réflexion et qui avait d'ailleurs été très précisément souligné par votre commission, Monsieur le Président, est de privilégier la continuité des axes plutôt que l'accumulation d'opérations ponctuelles.

Je dois dire que plus cette période de réflexion, pour aboutir au schéma national et aux schémas sectoriels, se prolonge, plus les décisions ponctuelles ont tendance à s'accumuler. Je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen de traiter le problème dans sa cohérence, mais on ne peut empêcher le Gouvernement de fixer quelques arbitrages sur des problèmes qui apparaissent chaque jour. Ces arbitrages ponctuels ne sont cependant pas nécessairement la méthode la plus satisfaisante pour aboutir à un schéma général cohérent.

En outre, ces arbitrages ponctuels accaparent une partie des financements dont vous savez mieux que quiconque qu'ils sont particulièrement limités en ce moment.

Troisième grand principe. Quand on parle de désengorger les grands axes comme ceux de Lille, Paris, Lyon, Marseille, il ne s'agit pas de le faire en cumulant et en concentrant des infrastructures, mais de le faire par des axes qui desserviront des zones moins bien irriguées. Le fait de désengorger est aussi un moyen de mettre en place des infrastructures d'aménagement du territoire.

De ce point de vue, il est évident qu'il faut compléter le réseau et retenir les normes fixées par la loi, c'est-à-dire assurer un maillage tel qu'aucun point du territoire ne sera à plus de 45 minutes ou à plus de 50 kilomètres d'une autoroute ou d'une deux fois deux voies. C'est un principe clairement posé par la loi d'orientation qui doit être retenu dans la future définition du schéma routier.

Quatrième principe. C'est un point que les commissions thématiques avaient souligné. Les contournements urbains doivent maintenant être conçus à une distance suffisante des grandes agglomérations. Les contournements urbains qui ont enserré les agglomérations, jusqu'à présent, ont eu des effets pervers en terme de développement urbain. Cela a contribué à accentuer le développement en tache d'huile des agglomérations, et ce n'est sûrement pas le meilleur des développements que l'on puisse souhaiter. Ils doivent être conçus de façon à éviter les grandes concentrations urbaines.

Cinquième principe. Un schéma autoroutier ne vaut que s'il est accompagné d'un réseau secondaire de qualité. Cela ne relève pas forcément exclusivement du schéma national, mais c'est une mobilisation de toutes les collectivités pour concourir à la complémentarité des réseaux secondaires, en particulier départementaux, par rapport au schéma national des routes. C'est par exemple ce qui a été fait en Corrèze, où nous avons un plan routier qui a anticipé la venue des deux autoroutes A20 et A89.

Dernier point, et bien entendu j'aurais peut-être pu le citer dans des priorités plus avant : limiter les nuisances, intégrer la notion de développement durable, la notion d'insertion paysagère. Au point de vue des nuisances, un schéma autoroutier, aujourd'hui, doit être accompagné des mesures nécessaires pour réduire l'impact sonore dans les traversées des régions assez peuplées, pour limiter les impacts sur des espaces sensibles. Nous avons les franchissements alpins qui vont se développer et il faut porter une attention très particulière à cette insertion et à cette qualité d'environnement.

Cet exercice pose une ou deux interrogations de fond.

La première est évidente, c'est l'opposition entre la rentabilité des grands réseaux routiers et les impératifs de désenclavement ou d'aménagement du territoire. Ce sont deux notions qui se contredisent souvent. La rentabilité supposerait la concentration des équipements sur certains grands axes, au détriment de l'aménagement du territoire et en concentrant l'activité des hommes sur des espaces restreints. Comment concilier une rentabilité et des principes plus sains d'aménagement du territoire ? Il y a un principe que tout le monde admet : il faut prendre en compte les coûts externes en terme d'environnement de ces infrastructures. De même, il faut prendre en compte les avantages sociaux et collectifs retirés de ces équipements. Une approche moins strictement économique doit donc être privilégiée, si l'on veut concilier la nécessité d'une vue en termes d'aménagement et de desserte du territoire avec une approche purement économique et de taux de rentabilité.

Deuxième interrogation : l'intermodalité. C'est une approche importante. Quand on est confronté à cette idée et à cette nécessité sur le plan pratique, on s'aperçoit qu'il y a un assez faible taux de substitution entre les modes de transport. Le choix entre une desserte aérienne et une autoroute ou entre une autoroute et un TGV sont des choix assez théoriques. En fait, il y a une assez faible substitution entre les modes de transport. Dans certains cas, ces substitutions sont réelles car on peut avoir le choix entre le rail et l'autocar. Dans nos départements, on le sait. C'est d'ailleurs un problème suffisamment douloureux, parfois, pour les élus locaux. On peut avoir des choix entre les modes de transport pour tout ce qui concerne le fret et les marchandises en conteneurs.

Même si ces effets de substitution sont marginaux, il faut quand même les prendre en compte dans l'analyse générale des différents modes de transport. La rentabilité économique tient parfois à très peu de choses. Si vous interrogez les responsables des sociétés autoroutières -et je crois que vous avez invité le Président de la société autoroutière, Cofiroute- ils vous diront qu'avec une évolution de trafic de 4 %, ils n'ont pas de crainte particulière pour l'avenir et leur équilibre financier n'est pas menacé, mais que si cette évolution de trafic devait se limiter à une évolution de l'ordre de 2 %, ils passent dans le rouge d'ici 3 ou 4 ans. Dans ces domaines, de simples infléchissements ont parfois des effets très importants.

En tout état de cause, l'intermodalité est une approche absolument nécessaire. Là où elle a les effets les plus intéressants en terme d'aménagement du territoire, c'est à travers les plates-formes multimodales. Le Gouvernement a confié une mission au député M. Marc-Philippe Daubresse pour réfléchir sur ce problème. Les conclusions du rapport M. Marc-Philippe Daubresse devraient être connues le mois prochain. Il y a peut-être un chaînon manquant dans ce qui était prévu dans la loi d'orientation : c'est justement le fait d'anticiper sur la future carte des plates-formes multimodales qui assureront le rôle de jonction et de complémentarité des différents modes de transport. Dans le rapport, tel qu'il est actuellement préparé par M. Marc-Philippe Daubresse, on parle d'une dizaine de terminaux multimodaux de caractère européen qui mailleront le territoire et des plates-formes multimodales d'intérêt national, en nombre plus important, mais qui ne sont pas définies par M. Marc-Philippe Daubresse.

Cette carte du réseau des terminaux multimodaux est vraiment un élément essentiel pour assurer une cohérence générale, dans l'avenir, aux différents modes de transports et aux différents schémas sectoriels qui devront être adoptés par le Gouvernement.

Le schéma national ne fixera que les grandes orientations. En revanche, j'imagine mal un débat au Parlement avec simplement un schéma national liminaire, sans que certaines indications ne soient données aux parlementaires sur les principales options qu'envisage le Gouvernement pour les différents schémas sectoriels. En dehors même du principe de la primauté du schéma national sur les schémas sectoriels, il y a un dialogue entre le schéma national et les schémas sectoriels. J'espère que nous serons en mesure, au moment du débat sur le schéma national, de donner des orientations sur les différents schémas sectoriels qui éclaireront les dispositions que vous aurez adoptées dans le cadre du schéma national.

M. le Président . - Je vous remercie. Je ferai deux brefs commentaires avant de donner la parole à mes collègues.

Le premier concerne le schéma national. Le pré-projet que j'ai vu est d'une généralité telle qu'il laisse en réalité les administrations totalement libres de faire n'importe quoi dans les schémas sectoriels qui, ne nous y trompons pas, sont l'essentiel. Le schéma national, c'est de la littérature, les schémas sectoriels, c'est la réalité.

Par conséquent, soyez convaincu que si le Gouvernement nous présente un texte comme celui que j'ai vu, le Sénat le réécrira. On ne peut pas faire moins de 10 pages sur les infrastructures routières pour savoir à peu près où vous allez les mettre et ce que vous allez faire. Soit on a ces précisions soit on se moque du Parlement. Je suis clair là-dessus et je pense être suivi sur ce point. C'est ma première observation.

Par conséquent, en réalité, les schémas sectoriels doivent être " corsetés ", sinon commençons par les schémas sectoriels et, ensuite, on fera la littérature à partir d'eux.

Deuxième observation. Dans le pré-rapport, je constate ce que j'ai déjà constaté dans le groupe de travail que nous avons fait : au fond, la France a rayé l'Espagne de la carte de l'Europe. On connaît les relations est-ouest, on connaît la Méditerranée, mais on ne connaît pas l'Espagne. Or, c'est un pays en plein développement. On aurait le plus grand tort de considérer que des pays comme la République tchèque, la Pologne ou la Hongrie, vers lesquels on a le regard tourné, se développeront plus vite que l'Espagne. L'Espagne fera partie de l'Union monétaire à mon avis avant l'Italie. C'est un pays tout à fait fondamental. Vous avez mentionné les percées pyrénéennes, mais pas la façon dont elles sont raccordées au centre de la France et de l'Europe. J'avais attiré à plusieurs reprises l'attention sur ce problème, mais dans le schéma, cet axe avait disparu. Je vous mets en garde, nous y veillerons le moment venu.

M. Raymond-Max Aubert . - J'ai bien conscience que l'avant-projet de schéma national actuel est très général, mais très sincèrement, j'attends beaucoup de la concertation locale pour qu'il y ait des demandes et des remontées très fermement exprimées. Dans notre réseau d'arbitrage interministériel, on va nécessairement vers l'évacuation des problèmes. S'il y a une remontée forte de demandes, ce sera un élément très intéressant pour renforcer le texte au sortir de la concertation.

Quand vous parlez de l'Espagne, il est vrai qu'aujourd'hui, nous avons retenu l'arc méditerranéen, l'arc atlantique, mais pour l'instant, il n'est pas retenu un axe de pénétration centrale. C'est un thème qui doit remonter, en particulier lorsque le texte ira en Midi-Pyrénées.

M. Francis Grignon . - Vous avez parlé de développement durable et de plates-formes multimodales, mais vous n'avez pas parlé de la possibilité de mettre des camions sur des trains. Or, il est des axes où le problème se pose de façon importante, par exemple, dans la vallée du Rhin. Est-ce que ces possibilités sont examinées sérieusement ? A-t-on fait des calculs globaux à ce niveau ?

M. Raymond-Max Aubert . - Le transport combiné est une préoccupation très présente. Je vous indique d'ailleurs que le FITTVN, le fonds créé pour ce qui concerne les transports terrestres et les voies navigables, consacre une partie importante de ses dotations au développement du transport combiné.

M. le Président . - Monsieur le Délégué, il lui consacre une petite partie -ne dites pas une partie importante- et il consacre la partie essentielle à compenser les crédits budgétaires débudgétisés, ce qui, en réalité, contourne la volonté du Parlement.

M. Louis Moinard . - Je me réjouis de l'importance accordée dans le cadre de l'aménagement du territoire aux infrastructures routières et autoroutières. On ne peut pas tout faire en même temps, mais il ne faut pas faire d'abord des ronds-points sans savoir où l'on va.

Comment le ministère de l'environnement est-il associé à ces réflexions et à ces orientations ? Quelles sont vos possibilités de lui faire passer la vitesse supérieure ? En effet, j'ai connaissance d'un cas précis où l'on attend depuis des mois un avis du ministère de l'environnement, alors qu'on sait aujourd'hui la qualité et l'attention portées sur ces schémas.

M. Jean-Pierre Vial . - J'interviens tout d'abord pour déplorer que le schéma national ne donne pas suffisamment de points forts.

Premier exemple : toute la partie sud semble non pas occultée, mais ne pas faire apparaître suffisamment la partie Espagne et le raccordement sur tout l'arc Méditerranée. Pour tous les grands équipements autoroutiers et le TGV, c'est un réel problème.

Deuxième aspect : en ce qui concerne le transport combiné, on semble manquer d'éléments et d'orientations sur le plan national quand on travaille sur le plan régional. Je pense par exemple au TGV Turin, dont on ne connaît pas les grandes orientations qui permettront de prendre les décisions sur le plan local.

M. Roger Rinchet. - Mon collègue Vial a dit l'essentiel de ce que je souhaitais dire, mais je voulais m'adresser à vous, Monsieur le Délégué parce que cela m'est plus facile de le dire à vous qu'aux personnalités qui viendront après.

On ne peut pas traiter le problème des transports par tranche. On ne peut pas parler des autoroutes et des trains séparément. Il y a des régions de France où l'on ne pourra faire passer d'autres autoroutes et où il y aura saturation d'ici 5 ans. En Savoie, l'autoroute qui va en Italie aura 1 million de camions par an, à la fin du siècle. Il faudra vraiment traiter ce problème, mais si on laisse faire, chacun défendra son point de vue et le fer sera battu. Il faut une volonté ferme de l'Etat de rééquilibrer les transports en France.

M. Fernand Tardy . - Vous avez beaucoup parlé des infrastructures autoroutières dans le cadre de l'aménagement du territoire. Il est vrai que c'est très important. On verrait mal que l'A51 ne se termine pas, bien qu'il y ait beaucoup de difficultés. Mais il y a quand même des infrastructures routières très importantes, hormis les autoroutes : les GLAT, par exemple. Prenons l'exemple de la GLAT qui, à partir de l'A51, doit rejoindre Nice et va dégager toute la côte.

Tout cela forme un ensemble de travaux très important. Comment peut-on financer cela ? Faudrait-il que les GLAT passent aussi avec des concessions ? C'est possible, je ne le sais pas. Je ne vois pas comment, dans les 20 ou 30 ans à venir, on va arriver à mailler suffisamment correctement le territoire pour pouvoir dire que tout le monde est desservi. C'est sur le plan financier que je voudrais quelques indications.

M. Bernard Hugo . - M. le Délégué nous a dit que la priorité était dans un axe nord-sud et nous le savons fort bien. Il y a donc l'autoroute A7, il y a maintenant l'A51, l'A75, mais il y a une diagonale que vous n'avez pas mentionnée et qui est l'A79. Elle apparaît sur les documents et passe par Satolas, Valence, Alès, et dessert l'Ardèche. Ce projet d'autoroute assurera une liaison facile avec l'Espagne. En effet, n'oublions pas que l'autoroute A7 va être saturée. Elle est saturée à 60.000 véhicules par jour et on prévoit 76.000 véhicules par jour dans 10 ans.

Par conséquent, c'est une autoroute importante qui rejoint les préoccupations de l'aménagement du territoire puisque comme l'a dit le Président Jean François-Poncet, il y a encore des territoires enclavés et des zones oubliées. C'est le cas du département de l'Ardèche et du Haut Gard. Est-ce un oubli ?

M. Jean Pépin . - Monsieur le Président, Monsieur le Délégué, je ne vais pas revenir sur l'intérêt soit des autoroutes soit des lignes ferroviaires, bref, tout ce qui concerne les transports. La question que je voudrais poser est la suivante. Pourrions-nous avoir une étude qui pose enfin le problème de la rentabilité de l'aménagement du territoire ? Nous sommes dans une phase où il faut tenir compte de la rentabilité des équipements. A partir de là, c'est toujours le même processus depuis 50 ans, mais on n'a jamais vu, de mémoire, une volonté de renverser cette tendance ou de la corriger.

En raisonnant de la sorte -de façon très honnête mais toujours inscrite dans la même logique que par définition, l'aménagement du territoire n'est pas rentable- on concentre toujours plus et on appauvrit toujours plus le tissu territorial. Or, au terme de plusieurs décennies -cela peut paraître utopique, j'en conviens-, est-on persuadé de la non rentabilité d'un aménagement du territoire qui ne serait pas à caractère de concentration ?

L'un des problèmes qui nous est posé est celui des quartiers des grandes villes, ces fameux quartiers si difficiles dans lesquels il faudra casser les immeubles, reconstruire, redistribuer l'urbanisme, et pour lesquels nous avons des problèmes sociaux et d'emploi posés d'une façon majeure. Faisant le calcul du coût du chômage dans ces secteurs, de ce qu'il faudra redistribuer en matière de logements et reconstruire en matière d'urbanisme, est-on sûr que l'aménagement du territoire qui serait mieux réparti dans le tissu territorial ne coûte pas moins cher ?

J'aimerais qu'il y ait une étude assez étoffée sur cette question, sinon avant, mais au moins pendant ou parallèlement à un tel débat. Je travaille, en tant qu'élu local avec des études mais aussi avec de l'intuition. Pourra-t-on avoir un jour un grand rapport sur la rentabilité, sur trois décennies, de l'aménagement qui consiste à concentrer les choses, tous paramètres confondus ? Je ne suis pas persuadé de la réponse et cette réponse m'intéresse.

M. le Président. - C'est une fort bonne question, mais nous n'aurons pas le temps d'y répondre.

M. Jean Boyer. - Je voudrais simplement vous dire combien j'ai partagé vos réactions brillamment musclées de tout à l'heure. Si nous sortons de l'épure, il est véritablement certain que dans cette maison, il y aura des réactions aussi musclées que celles que vous avez faites, Monsieur le Président.

On a beaucoup parlé de transfert des compétences de l'Etat vers les régions en matière de transports routiers. Vous est-il possible, Monsieur le Délégué, de nous dire si la pensée évolue ou si au contraire elle est stagnante ?

M. Raymond-Max Aubert . - D'une manière générale, toutes vos interventions vont dans le sens à la fois des interrogations de la délégation à l'aménagement du territoire, mais en même temps des idées que nous essayons de faire passer dans un contexte interministériel qui n'est pas toujours facile.

Je suis très heureux que vous exprimiez ces idées. D'une certaine manière, je pense que vous pouvez nous aider à renforcer certains aspects du schéma actuel qui vous paraissent insuffisants ou à compléter les premières priorités envisagées par les directions compétentes au niveau des schémas sectoriels. Vous avez un rôle très important à jouer dans l'année qui vient et qui devrait aboutir aux différents schémas sectoriels.

Pour ce qui concerne l'Espagne, il est difficile d'affirmer que les débouchés sur l'Espagne ne sont pas pris en compte. Deux des grands axes structurants qui seront clairement affichés au niveau du schéma national sont d'une part, l'arc atlantique qui dessert toute la côte atlantique espagnole, et d'autre part, l'arc méditerranéen. Je comprends qu'il y a dans ce schéma une défaillance au niveau central. C'est un message fort à faire remonter au moment de la concertation au niveau des régions. Mais encore une fois, l'Espagne en tant que telle n'est sûrement pas négligée. Je vous indique que tous ces grands axes s'inscrivent parfaitement dans la réflexion que nous menons actuellement au niveau du programme de coopération européen.

Nous avons aussi une interrogation de fond sur l'évolution des fonds structurels et l'infléchissement de l'utilisation des fonds structurels avec la perspective de l'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe centrale et orientale. Ces grands espaces de cohérence, de solidarité seront sûrement des éléments forts pour la réorientation des fonds structurels. J'ai beaucoup de craintes sur le maintien des objectifs 2 et 5B, à terme. Je vois mal comment ils passeront le cap de l'élargissement, même s'il y a une phase de transition de quelques années.

En revanche, l'Europe tiendra à maintenir des programmes de solidarité au niveau des pays fondateurs, mais dans le cadre de ces grands espaces de cohérence. C'est un exercice très important, y compris pour l'évolution des actions et des financements européens.

Vous avez évoqué l'environnement. J'ai eu l'impression que beaucoup d'entre vous contestaient l'action du ministère de l'environnement. Il m'a semblé que vous y voyiez plutôt un frein à la mise en place des infrastructures nécessaires. Il faut être quand même un peu mesuré et c'est en même temps l'élu du Massif Central qui parle. Il me semble, malgré tout, que l'on a fait beaucoup de progrès dans la bonne insertion des autoroutes dans le paysage et dans l'environnement. On ne l'aurait pas fait s'il n'y avait pas eu certaines administrations destinées à assumer le rôle des "metteurs de bâton dans les roues", si j'ose dire. On a maintenant une approche beaucoup plus complète de ce point de vue. Il faut concevoir toutes nos grandes infrastructures, dans l'avenir, en intégrant pleinement cette dimension de l'environnement et cette nécessaire insertion dans les paysages.

Par exemple, l'autoroute A89 Lyon-Bordeaux sera l'autoroute du bois. Les résultats seront très convaincants et porteront le développement local de la filière bois du Massif Central. Je vous signale que les préoccupations environnementales ne s'opposent pas forcément à un développement économique sur des pôles forts de certaines régions. Il est cependant vrai, dans certains cas, qu'il ne faudrait pas que des querelles un peu trop exclusivement environnementales bloquent les programmes nécessaires.

M. Fernand Tardy avait évoqué le problème des concessions pour les grandes liaisons d'aménagement du territoire. Je ne me trompe pas sur votre proposition : pourquoi ne pas concéder ? le seul problème est qu'il est très difficile de concéder des voiries de type grandes liaisons. Comment voulez-vous organiser ne serait-ce que le péage ? Si vous commencez à organiser un péage, vous aurez forcément des entrées limitées.

M. Fernand Tardy . - Comment les réaliser si l'Etat n'a pas d'argent ?

M. Raymond-Max Aubert. - L'Etat n'a pas beaucoup d'argent, c'est incontestable, mais il est exagéré de dire que l'Etat n'a pas d'argent. Le gouvernement de M. Balladur avait, en 1994, pris les dispositions pour accélérer la réalisation des programmes autoroutiers de façon qu'ils soient terminés en 2004. Ceci supposait un financement de 14 milliards de francs par an. On ne peut pas dire que nous soyons totalement dénués de moyens. Concernant ces grandes liaisons d'aménagement du territoire, on aurait pu penser à un système concédé, mais pour l'instant, on n'a pas de réponse technique à cette suggestion.

M. le Président . - Il faut conserver dans l'esprit la question de notre collègue PEPIN car elle est au coeur de toute la problématique de l'aménagement du territoire. Vous parlez du développement durable, mais la durabilité est aussi dans les coûts indirects reportés d'une urbanisation dont on n'a jamais pris en compte les catastrophes qu'elle peut entraîner.

M. Raymond-Max Aubert . - Les coûts externes sont malheureusement limités. Dans les coûts externes, il faudrait considérer l'évolution du territoire avec la concentration urbaine. C'est très difficile à définir, mais tout le monde sent intuitivement qu'il y a là un véritable problème.

M. le Président . - Je vous remercie. Nous aurons sûrement l'occasion de vous voir souvent si le schéma sort.

Audition de M. Guy Maillard, Président de Cofiroute (19 février 1997)

M. Jean François-Poncet, président - Nous recevons à présent le Président Guy Maillard. Je ne vais pas, si vous le permettez, développer votre curriculum vitae, si ce n'est pour dire que vous avez fait une bonne partie de votre carrière dans la " préfectorale ", à la fois outre-mer et, ensuite, en métropole. Tout cela pour terminer secrétaire général de la ville de Paris et, de là, vous êtes devenu Président de Cofiroute.

Je suggère que vous nous disiez un mot de Cofiroute. Comment Cofiroute se situe-t-il dans le paysage des sociétés concessionnaires d'autoroutes ? J'aimerais bien que vous répondiez à la question de M. Fernand Tardy, mais pas tout à fait comme il l'a formulée. Lorsque nous avons eu notre commission thématique organisée par la DATAR, il nous a été dit par des gens qui donnaient le sentiment de savoir de quoi ils parlaient -puisqu'il y avait là des représentants du ministère des travaux publics- que l'on pouvait imaginer un type d'autoroute dont les spécifications seraient simplifiées, les contraintes allégées, et par conséquent, le coût diminué ; tout en restant des autoroutes à péage. On pourrait ainsi, disait on, espérer économiser de l'ordre de 20 à 25 % de l'investissement, ce qui permettrait de gagner en longueur.

Le fait est que quand on se promène à l'étranger, je pense par exemple à l'Italie, on voit des deux fois deux voies beaucoup plus modestes. Elles me paraissent, comparées aux nôtres, médiocres, mais quand on n'a rien, on se contenterait volontiers de quelque chose qui serait moins luxueux. On a le sentiment que la France s'est dotée, en matière d'autoroutes, " de Rolls Royce ". Un certain nombre d'entre nous seraient relativement heureux si on avait des Clio adaptées aux moyens et aux ressources de la France du début du XXIème siècle.

M. Guy Maillard . - Je vous remercie, Monsieur le Président. J'interviens aujourd'hui en tant que Président de Cofiroute, compagnie financière et industrielle des autoroutes, qui est l'un des opérateurs en charge de réaliser le schéma directeur autoroutier en France, et qui est l'un des concessionnaires autoroutiers de l'Etat parmi d'autres, mais avec une particularité sur laquelle je met tout de suite le doigt : c'est une société à capitaux privés.

Je vous rappelle que dans les années 1970, le Gouvernement a voulu faire participer des capitaux privés à l'effort national de réalisation du réseau autoroutier. A cette époque, quatre sociétés privées se sont vu accorder des concessions. Trois d'entre elles sont mortes, preuve que l'exercice n'est pas si facile, et la quatrième a survécu, c'est Cofiroute.

Cofiroute, aujourd'hui, s'inscrit dans un cadre régional très précis. Au départ de l'Ile-de-France, elle dessert trois régions : centre, Pays de Loire, et Poitou-Charentes. Comme toutes les autres sociétés d'autoroutes, elle a commencé par la réalisation des axes radiaux convergeant vers Paris. Pour nous, ce fut l'autoroute A10 Paris-Bordeaux que Cofiroute a réalisée jusqu'à Poitiers, et l'autoroute A11 Paris-Nantes que Cofiroute a réalisée pour la plus grande partie.

A une certaine époque, Cofiroute n'était pas en état de supporter le coût de la construction de la section Le Mans-Tours qui a été confiée à une société d'économie mixte. Ces deux branches ont été complétées par deux rameaux, l'un qui, au départ du Mans, va jusqu'en Bretagne et se raccorde au réseau routier breton, libre de péage, c'est l'autoroute A81, et un second rameau, au départ d'Orléans, va vers le Massif Central et vers Clermont-Ferrand que Cofiroute a construit et exploite jusqu'à Bourges.

Aujourd'hui, nous avons dépassé ce stade et nous sommes en train de mailler le réseau. Ce sont des autoroutes que l'on pourrait qualifier d'autoroutes d'aménagement du territoire parce qu'elles desservent en profondeur le tissu régional. Ce sont particulièrement deux autoroutes qui entrent d'ailleurs dans une problématique générale de desserte du territoire national : d'une part, A28 pour la partie Alençon/Le Mans/Tours, qui est un des éléments du grand contournement à l'ouest du bassin parisien et, d'autre part, A85 Angers/Tours/Vierzon qui est un élément de la grande transversale est-ouest dont se préoccupe l'association atlantique Rhin Rhône. Il ne faut pas oublier une troisième autoroute en Ile-de-France, celle-là d'esprit tout à fait différent, c'est l'achèvement du deuxième périphérique, A86, dont la réalisation a été confiée à Cofiroute.

Voilà la configuration de notre réseau à l'heure actuelle.

Cofiroute est donc impliquée dans l'achèvement du schéma directeur autoroutier, tel qu'il a été conçu en 1992. M. Raymond-Max Aubert rappelait tout à l'heure qu'en 1994, le Gouvernement a décidé de terminer le réseau, tel qu'il était prévu par le schéma de 1992, à l'horizon 2005, ce qui représente un effort important, puisqu'à l'origine, il y avait 5 ans de plus pour le réaliser. Le montant des investissements correspondant à ces 2.500 kilomètres d'autoroute s'élève à 140 milliards de francs, ce qui est une charge extrêmement lourde sur le schéma autoroutier. Cofiroute est donc en charge de réaliser une part importante de ce programme.

Le gouvernement a pris des dispositions, en 1994, pour contractualiser les relations entre les sociétés autoroutières et l'Etat, sur la base de programmes dont les plans de 5 ans définissaient l'échéancier et le montant, ainsi que des normes d'évolution tarifaire. Cofiroute, au titre du seul premier programme, celui qui s'étend de 1995 à 1999, doit réaliser à peu près 17,9 milliards, soit 25 % du programme d'investissement de l'ensemble national pour la période.

On peut se demander comment on peut parvenir à réaliser un tel effort. En quelques mots, je souhaiterais retenir votre attention sur ce point en rappelant mon propos initial : Cofiroute est une société privée. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cofiroute ne peut pas avoir recours à la caisse nationale des autoroutes pour le financement de son programme réalisé essentiellement sur emprunt. Cofiroute doit se présenter sur le marché financier sous sa propre signature. La concession qui est la garantie que Cofiroute est en mesure d'offrir à ceux qui lui prêtent de l'argent, doit être assez solide pour supporter un niveau d'endettement important. Cofiroute est dont obligée de se porter sur le marché obligataire pour des montants très importants, et d'une manière répétitive, tous les ans et jusqu'au-delà de l'an 2000.

Cofiroute peut le faire, tout d'abord parce qu'elle s'appuie sur une concession déjà développée dont le produit de péages est de 3,9 milliards de francs. Ensuite, elle dispose de fonds propres importants : 2, 5 milliards de francs ; ce que n'ont pas les sociétés d'économie mixte, à mon avis pas suffisamment capitalisées. Mais surtout, Cofiroute s'appuie sur un contrat passé avec l'Etat qui définit d'une manière très claire, au moins pour les 5 premières années, la loi d'évolution tarifaire, et qui définit par ailleurs le programme d'investissement, année après année, en ayant soin, à tout moment, de veiller à ce que les ratios d'endettement que toute société privée soumet pour se présenter sur le marché financier, ne dérivent pas. Ces ratios sont très rigoureux pour ce qui concerne Cofiroute. Par conséquent, le marché financier et nous-mêmes sommes très attentifs à tout ce qui serait de nature à dérégler le dispositif prévu dans le contrat de plan.

Pourtant, il nous faut assumer un certain nombre de risques. En disant ceci, je recoupe un certain nombre de choses que vous avez dites au cours de l'audition de M. Raymond-Max Aubert. Quels sont les risques à assumer ?

Le premier, à mon avis, est celui du coût des travaux. Je rejoins là ce que vous disiez, Monsieur le Président, c'est un risque très sérieux, les autoroutes sont devenues très sophistiquées. Y ont concouru des réglementations et des législations nombreuses qui se surajoutent les unes aux autres. La légitime préoccupation de l'environnement a conduit, par exemple, dans le domaine de l'eau, et dans d'autres domaines, à raffiner en introduisant des procédures qui interviennent postérieurement à la déclaration d'utilité publique. Les élus locaux savent bien que ce caractère répétitif des enquêtes, générateurs d'ailleurs d'allongement des délais d'exécution, donc de renchérissement des coûts, crée un état permanent d'énervement autour de la réalisation de ces grands équipements. C'est une chose dont nous avons tous à souffrir et qui a des conséquences sur le coût de la réalisation. Je ne pense pas qu'il puisse en être autrement, mais il y a là une difficulté à assumer, et en tout cas, un risque de coût important.

Vous évoquiez tout à l'heure, Monsieur le Président, la possibilité d'avoir des autoroutes à géométrie réduite. Je préfère dire des autoroutes à géométrie évolutive. On peut parfaitement concevoir que l'autoroute s'ajuste au flux de trafic prévu et, par conséquent, adopte des caractéristiques géométriques réduites : par exemple, la suppression de la bande d'arrêt d'urgence. Faut-il en attendre des augmentations de l'importance que vous dites ? Je ne me prononcerai pas sur ce point, mais cela va dans le bon sens.

On peut parfaitement concevoir, pour les autoroutes qui n'ont pas et qui ne sont pas susceptibles d'atteindre un niveau de rentabilité à un terme proche, d'adapter la configuration au trafic et, par conséquent, d'avoir des autoroutes à caractéristique réduite. Nous y travaillons, c'est l'une de nos préoccupations.

Deuxième risque : le risque d'évolution du trafic. Certes, sur le long terme, l'évolution du trafic ne nous paraît pas être menacée, mais nous avons affronté des mouvements conjoncturels. L'année 1996, à cet égard, a été très révélatrice. Nous terminons l'année 1996 avec un niveau d'intensité kilométrique sur l'année, au niveau de l'année précédente. Nous avons une courbe d'évolution plate, voire même légèrement négative. L'exécution du schéma autoroutier sur de si nombreuses années nous expose à des incertitudes sur l'évolution du trafic. C'est l'un des risques que le concessionnaire doit courir.

Troisième risque : le risque de l'instabilité fiscale. L'équilibre de la concession est affecté par des prélèvements fiscaux spécifiques. Je parle de prélèvements spécifiques qui visent le secteur autoroutier concerné. Nous en avons vu la manifestation très évidente avec la fameuse taxe que nous appelons taxe d'aménagement du territoire, alias taxe Pasqua, qui, pour l'année 1996, a imposé à Cofiroute une charge de 288 MF. C'est un prélèvement très important sur la société. Ce qui nous a encore plus alarmés, c'est qu'à peine cette taxe avait-elle été créée que l'année suivante, elle a été doublée. Nous sommes donc très vigilants sur les risques de dérives que ce dispositif est susceptible de générer.

Il existe d'autres risques fiscaux, celui de la TVA en particulier. Nous avons une TVA qui n'en est pas une puisqu'elle n'est pas récupérable. Elle est spécifique aux sociétés d'autoroutes. L'Europe fait actuellement pression pour l'application d'une TVA de droit commun. Grâce à un coefficient modérateur qui s'applique à la TVA actuelle, le taux pour notre société est de l'ordre de 10 %. Ce taux pourrait être appelé à doubler si, sous la pression des transporteurs européens, la TVA de droit commun est appliquée au secteur autoroutier.

Il y a également la prise en charge des dépenses de gendarmerie sur le réseau autoroutier ; mesure d'ailleurs condamnée et annulée par le Conseil d'Etat, mais que l'Etat se propose de remplacer par un autre dispositif.

Il existe donc tout un champ d'incertitudes fiscales que nous sommes obligés de prendre en considération pour vérifier qu'à tout moment, les fameux ratios ne divergent pas par rapport à ce que le marché financier est disposé à accepter.

J'en aurais terminé, si je ne devais me porter vers l'avenir. Il est certain que le schéma autoroutier de 1992 n'est pas en soi définitif. D'ailleurs, la loi d'aménagement du territoire a prévu que ce schéma serait révisé et vous allez bientôt en délibérer. Ce que je viens de dire sur la sensibilité du secteur autoroutier à un certain nombre de paramètres difficiles permet de dire qu'à l'heure actuelle, nous ne sommes pas certains de pouvoir assumer de grosses charges nouvelles. Celles que nous assumons à l'heure actuelle définissent un profil pour l'équilibre des concessions très tendu.

Si les trafics augmentent d'une manière plus importante qu'en 1996 et retrouvent la pente générale d'évolution du trafic que nous avons connue dans le passé, et si les risques fiscaux ne sont pas confirmés, on peut espérer assumer quelques éléments supplémentaires. En effet, le schéma directeur mérite sans doute quelques compléments.

Pour ne prendre que l'exemple de Cofiroute -et je parlais tout à l'heure de la transversale est-ouest-, dans l'état actuel des choses, notre transversale butte à Vierzon, c'est-à-dire à Bourges, mais l'ambition finale est de poursuivre cette transversale jusqu'à l'axe rhodanien, l'axe de la Somme et du Rhône. Il y a un certain nombre de compléments, au-delà de Bourges, d'ores et déjà intégrés dans la réflexion du ministère de l'équipement. Je dis cela pour illustrer le fait que le schéma directeur de 1992, même s'il est terminé par rapport à ce qu'il était en 1992, mérite à présent quelques compléments.

C'est là qu'intervient un grand débat dont je ne dirai qu'un mot : le débat de l'intermodalité. Est-ce que le développement de l'intermodalité est de nature à infléchir sensiblement le dessin du schéma autoroutier futur ? Franchement, pour ma part, je ne le pense pas. Bien que souhaitant que se développent des conditions plus harmonieuses de répartition du trafic de marchandises et de voyageurs entre l'autoroute et le rail, le poids relatif de ces deux moyens de déplacement, à l'heure actuelle, la supériorité écrasante de la route que nous constatons aujourd'hui fait qu'il est difficile d'imaginer qu'un transfert massif puisse changer les données de l'équilibre ou du déséquilibre actuel.

Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle, en ce qui concerne le trafic de marchandises, 75 % du marché sont captés par la route dans son ensemble.

Par ailleurs, concernant le trafic voyageurs, la répartition est environ pour 80 % au bénéfice de la route. Tout ceci est mesuré en tonnes kilométriques pour les marchandises et en voyageurs/kilomètre pour la route. On pourrait concevoir d'autres moyens de calculer la part respective dans le marché de la route et du rail, mais toute autre méthode ne fait qu'alourdir la part de la route. Si à la place des tonnes/kilomètre, on met la valeur transportée, le chiffre d'affaires, on approche davantage des 90 %. La part de la route est donc écrasante par rapport à la part du rail. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour développer d'autres moyens d'acheminer le flux des marchandises. On peut penser aux transports combinés, mais il ne faut pas en attendre un changement de fond de l'équilibre modal entre la route et le rail.

A l'horizon du prochain schéma directeur autoroutier qui devra être préparé dans une optique intermodale, la part du rail n'est pas de nature à diminuer les perspectives de développement du réseau autoroutier.

M. le Président . - Merci beaucoup. Vous nous avez éclairé de façon très intéressante. Evidemment, j'avais conscience du fait que Cofiroute était la seule société privée. C'est un élément important du dispositif. Ce que vous nous avez dit, à la fois de la situation, du caractère relativement tendu de l'équilibre, mais avec l'espoir que la reprise économique entraînera une reprise du trafic, est important.

Je voudrais vous faire une demande. Dans la perspective des travaux que nous aurons à faire et des positions que nous aurons à prendre sur le schéma national, j'aimerais bien que vous poussiez aussi rapidement que possible vos études sur un axe deux fois deux voies concédé mais simplifié, de façon que nous ayons une idée des économies qu'il est possible de faire, en essayant d'aller aussi loin que possible, étant entendu que l'adaptation ultérieure de la voie à un trafic croissant représente quelque chose de très intéressant.

Je pense, par exemple, à la possibilité de créer, entre deux ou trois villes moyennes, une université éclatée. Cette université ne peut vivre que si elle est reliée par des voies rapides. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.

Par conséquent, on peut rattacher toute une série de projets de développement territorial à partir d'axes rapides, mais encore faut-il qu'ils soient les plus économiques possible, sinon ils ne seront pas réalisés.

Si vous pouviez nous aider dans cette évaluation, vous nous rendriez un grand service.

M. Marcel Lesbros . - Je voudrais apporter un exemple pratique. Concernant l'autoroute A51, la grande discussion était le passage de l'autoroute par la vallée du Rhône et par Gap. Le ministre a tranché pour le passage par Gap. Il s'agit d'une autoroute de "montagne", mais on n'a eu le bénéfice de cette autoroute, dont la réalisation est en cours, que parce que le Ministre Pons a tranché en disant : nous allons faire avec les moyens que nous avons ; nous avons une autoroute avec les caractéristiques de montagne, c'est-à-dire moins onéreuse avec un tunnel au lieu de deux. C'est une autoroute d'aménagement du territoire.

Je trouve qu'il est anormal de prélever systématiquement des taxes fiscales, en matière d'aménagement du territoire, pour renflouer d'autres transports, alors que les autoroutes ont d'abord pour mission de faire des bénéfices pour investir. Le Gouvernement devrait y réfléchir à deux fois.

M. Guy Maillard . - Nous sommes tout à fait à votre disposition pour vous fournir les quelques idées que nous élaborons sur les caractéristiques géométriques qui, à la limite, ne seront pas perçues par les utilisateurs. Il ne s'agit pas d'avoir des autoroutes au rabais, mais des autoroutes susceptibles d'évoluer en fonction du trafic. Nous y travaillons actuellement sur l'A28 Alençon/Le Mans/Tours. Je suis tout à fait disposé à vous faire bénéficier de notre expérience.

M. le Président . - L'expression "autoroute au rabais" ne me gênerait pas, à partir du moment où les précautions nécessaires auraient été prises pour une adaptation ultérieure, et que ce ne soit pas une fois pour toutes.

Il existe des axes où il y a aujourd'hui 4.000 ou 5.000 véhicules/jour, bien loin des 10.000 véhicules/jour considérés comme le plancher, et qui sont pourtant des axes d'aménagement du territoire absolument vitaux.

M. Désiré Debavelaere . - Monsieur le Président, je voudrais vous faire une remarque. Je suis toujours effrayé quand j'arrive sur une autoroute car cela me donne l'impression d'être en claustrophobie : canalisé d'un côté, enfermé de l'autre avec du béton au milieu et, de l'autre côté, des rambardes. J'habite le nord et on a souvent du brouillard. Or, quand vous entrez sur l'autoroute A1, vous vous demandez toujours si vous allez en sortir vivant. Avec le trafic de camions belges et hollandais qui ne se privent pas d'aller vite, on est enfermé, il n'y a aucune échappatoire possible vers la droite. Vous ne pouvez peut-être même pas sortir, en cas de danger, sans franchir des rambardes et des obstacles. Est-ce que l'autoroute est devenue un rail fermé ? Est-ce qu'on peut faire abstraction, sur de longs parcours, de l'enfermement que comportent ce genre de rambardes utilisées ?

M. Guy Maillard . - L'enfermement que vous percevez et que je comprends est aussi la rançon de la sécurité parce que l'autoroute est protégée des débouchés de toute nature dont doit s'accommoder la route nationale. Je sais bien qu'il y a un sentiment d'enfermement lorsqu'on circule avec un camion à sa droite ou à sa gauche. Mais je le répète, la définition même de l'autoroute est un itinéraire protégé, donc d'une certaine manière, enfermé. S'il ne l'était pas, cela créerait des dangers autrement plus graves, dangers qu'il nous arrive d'ailleurs d'avoir à assumer. Par exemple, les traversées de gibiers nous obligent à prévoir des grillages et des clôtures sur des espaces assez longs.

Je n'ai malheureusement pas de réponse à la question que vous posez.

M. Hilaire Flandre . - Peut-on espérer avoir un jour un système de péage harmonisé sur l'ensemble du réseau autoroutier ?

M. Guy Maillard . - Les sociétés d'autoroutes, à la demande et à l'instigation du ministère de l'équipement, développent actuellement une étude qui doit déboucher sur un télé-péage généralisé sur l'ensemble du réseau. Avec les cartes de péage que vous acquérez sur le réseau de la SANEF, vous pourrez sortir à n'importe quel point du réseau national, que ce soit un réseau géré par Cofiroute ou par un autre. C'est une recherche très longue et très difficile qui a de multiples aspects, notamment l'aspect humain. Notre personnel des péages est très inquiet de voir automatiser ce qui est son métier actuel. Il y a donc des précautions à prendre. La technique permet beaucoup de choses, mais le facteur humain est à prendre en compte.

M. Jean Boyer . - Dans 20 ou 30 ans, je pense que le réseau d'autoroutes sera complet car il faudra peut-être inventer du terrain pour en faire d'autres. Que vont devenir les sociétés autoroutières privées ou non privées ? Vont-elles employer leur réserve à améliorer les réseaux départementaux ?

M. Guy Maillard . - Je pense que les sociétés d'autoroutes ont pour première ardente obligation de rembourser les emprunts qu'elles ont contractés. Le problème que vous évoquez est à une échéance assez lointaine.

Les sociétés d'autoroutes sont capables d'apporter un savoir-faire très important dans la manière de manipuler les flux qui parcourent les autoroutes. Cet aspect de l'exploitation, la nécessité de l'exploitation du réseau autoroutier est un problème qui ne finira pas avec les concessions actuelles. C'est quelque chose de permanent pour lequel le savoir-faire des sociétés d'autoroutes sera mobilisé.

Le terme des concessions a été étudié pour permettre à chacune des sociétés de rembourser tous ses emprunts au terme de sa concession. Quant à savoir ce que l'on fera après, c'est un problème auquel je ne peux pas répondre. Va-t-on maintenir le péage au-delà des concessions actuelles ? C'est une question sur laquelle je ne peux avoir que des idées mais pas plus que n'importe lequel d'entre nous. C'est d'ailleurs une question sur laquelle j'ai envie de me tourner vers notre tuteur, M. le Directeur des routes.

M. Bernard Joly . - Je voudrais justement profiter de la présence du Président Maillard et de M. le Directeur des routes pour demander comment se fait ce schéma autoroutier national. Est-ce que l'aménagement du territoire y trouve davantage son compte que dans les comptages futurs ?

M. Guy Maillard . - C'est une question à laquelle M. Christian Leyrit répondra sûrement mieux que moi. La loi de l'aménagement du territoire a prévu qu'au terme du schéma autoroutier, chaque partie du territoire national ne devra pas être éloignée de plus de 50 kilomètres d'un échangeur autoroutier ou d'une gare TGV. Je suis moins orfèvre en la matière pour répondre sur ce point. Le schéma autoroutier a été taillé pour assurer une bonne desserte du territoire.

M. Jean Huchon . - Je fréquente assidûment Paris/Le Mans/Angers où il y a un travail permanent de passage à trois voies. Est-ce une décision de Cofiroute seule qui améliore et finance son investissement ?

M. Guy Maillard . - C'est une décision prévue par le traité de concessions de Cofiroute : à partir d'un certain seuil, Cofiroute élargit. Je dois dire que Cofiroute anticipe aussi sur les élargissements.

Actuellement, nous avons terminé l'élargissement à deux fois quatre voies du tronc commun en Ile-de-France. Les autoroutes ont été élargies à deux fois trois voies jusqu'à Orléans en direction de Tours, et nous allons continuer. De même, nous élargissons au-delà de Chartres.

M. le Président. - Merci beaucoup. J'aurais bien aimé savoir si vous commercialisez ce savoir-faire à l'étranger. Je pense notamment à des pays comme la Chine ou comme l'Inde.

M. Guy Maillard . - Nous sommes présents dans beaucoup d'endroits : en Californie, au Brésil, en Argentine, en Angleterre, non pas comme investisseurs mais comme consultants.

M. le Président . - Est-ce que cela vous procure des rentrées substantielles ?

M. Guy Maillard . - Cela nous permet de couvrir les frais de notre action à l'international. C'est surtout un renvoi d'image remarquable pour la France.

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