PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON, PRÉSIDENT : SÉANCE DU JEUDI 6 FÉVRIER 1997

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I. M. DIDIER PINEAU-VALENCIENNE
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION SOCIALE DU
CONSEIL NATIONAL DU PATRONAT FRANÇAIS

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M. le Président - Mes chers collègues, ce matin nous recevons M. Pineau-Valencienne accompagné de M. Bernard Boisson, vice-président du CNPF et de M. Michel de Mourgues, directeur général des études législatives pour nous parler des stages diplômants.

M. Pineau-Valencienne est à l'origine de cette idée, car dans sa société il a accueilli des jeunes et continue à le faire. Ainsi, il va nous dire comment il a mené cette expérience et pourquoi.

Je le remercie en votre nom. Ce matin, notre commission a trois auditions, la vôtre, Monsieur le Président, celle de M. Barrot et celle de M. Bayrou et nous avons deux auditions de responsables syndicaux cet après-midi.

La semaine dernière, nous avons eu une journée et demie de travail sur ce thème et, pour lancer notre débat, je voudrais résumer ce que j'en ai retenu.

En effet, nous avons reçu des représentants des grandes organisations professionnelles, des représentants d'organisations d'enseignants et d'étudiants.

Un point nous a frappés, la méconnaissance des intervenants sur le projet.

Apparemment, nos interlocuteurs attendaient -c'était avant l'envoi de la lettre de M. Gandois aux principaux partenaires- un document leur permettant de se prononcer en meilleure connaissance de cause.

Par ailleurs, nous n'avons pas ressenti d'opposition formelle de principe, ni systématique sur le projet. Il nous a semblé qu'il existait des points de convergence assez forts et que nous pouvions aboutir sur ce dossier.

Néanmoins, les uns et les autres avons en tête un certain nombre de difficultés, notamment sur la durée des stages dont nous avons beaucoup débattu.

Il semble que ce point ne soit pas tout fait tranché, même si le module du semestre universitaire semble paraît recueillir l'assentiment, plus ou moins enthousiaste, des uns et des autres.

Ensuite, des débats se poursuivent sur la place des stages dans le cursus universitaire. Nous avons relevé que les uns souhaitaient des stages organisés tout au long du cursus -surtout dans le premier cycle- et d'autres -notamment l'Unef-ID- en voulaient dans le second cycle, puisque c'est à ce moment que les étudiants commencent à savoir ce qu'ils veulent faire dans l'avenir.

Sur un troisième point, nous avons bien senti que les débats devaient se poursuivre. Il s'agit de la validation des stages, avec le rôle respectif de l'université et des entreprises. Nous avons parlé du jury mixte. Si la participation des responsables d'entreprise à ce jury ne paraît pas poser de problème, la notation et même la délivrance de la validation semblent en revanche en soulever.

En effet, cette validation peut s'intégrer dans les unités de valeur et, par conséquent, aboutir à un diplôme ou à un grade.

Ces points ont focalisé l'essentiel des remarques de nos interlocuteurs et semblent encore susciter des débats.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais c'était pour que notre travail soit aussi utile que possible.

Merci encore, Monsieur le Président, d'avoir accepté notre invitation. Nous sommes très sensibles à votre présence.

M. Didier Pineau-Valencienne - Merci de votre accueil.

Il était très important que le jeu démocratique fonctionne comme il convient et que chacun se trouve éclairé, en particulier nos élus.

L'idée de cette participation des jeunes à la vie active au cours de leur formation théorique, nous est venue en constatant, malheureusement, une réalité spécifiquement française.

En effet, près de 40 % des jeunes se trouvent au chômage neuf mois après leur sortie de l'enseignement.

Si nous voulions polémiquer, nous pourrions dire que la faute en revient au système éducatif ou aux entreprises.

Or, notre but n'est pas de rechercher les responsabilités. Je ne connais pas de famille en France qui, aujourd'hui, n'ait un problème avec la jeune génération.

Moi-même, parmi mes enfants, j'ai ce problème et, cependant, -je le reconnais- je fais partie d'une catégorie privilégiée.

Au cours des vingt dernières années, la population active employée a progressé faiblement en France avec un chiffre d'à peu près 4 %, tandis que l'emploi des jeunes de moins de 26 ans a diminué de 30 %.

Cependant, ces chiffres sont à prendre avec certaines précautions, car la durée des études a sensiblement augmenté.

En effet, en 1958, 7 % seulement de la jeunesse française atteignait le niveau du bac et je crois qu'en 1996, près de 70 % d'une classe d'âge y est parvenue.

Cela explique qu'une plus grande partie des jeunes se dirige vers l'enseignement supérieur puisque, depuis 1968, l'entrée à l'université s'opère sans sélection.

Nous avons également constaté, parmi les jeunes ayant le plus de difficultés à s'insérer dans le monde économique, que certaines formations, -je ne critique pas les formations en elles-mêmes qui sont de qualité- sont en très grand surnombre.

En effet, les jeunes pouvant arriver jusqu'à bac + 5, à savoir la fin du troisième cycle de l'enseignement supérieur, ont le plus grand mal à s'insérer, car leur formation n'est pas en adéquation avec les besoins de l'entreprise.

On peut constater un véritable gâchis d'intelligence et d'argent et une mauvaise insertion de nos étudiants. C'est une spécificité française dont nous n'avons pas tellement de raisons d'être fiers.

Par conséquent, plutôt que de rechercher les responsabilités, nous nous sommes demandés si nous ne pourrions pas apporter une contribution à la solution du problème.

Tout d'abord, si des formations ne permettent pas d'obtenir un travail, nous pouvons peut-être, dans le cadre du cursus scolaire, permettre à ces jeunes, à un certain moment, d'acquérir autre chose.

Ainsi, une expérience en entreprise pourrait, éventuellement, les amener à chercher une autre voie, à envisager une autre formation ou à acquérir un complément de formation.

Cela pourrait se réaliser si l'université mettait en place des passerelles pour sortir d'une tour dans laquelle les jeunes se trouvent enfermés, c'est-à-dire la formation choisie initialement.

Par ailleurs, dans les expériences étrangères, en particulier en Allemagne, au Danemark, dans les Pays scandinaves, aux Pays-Bas, il existe une alternance d'enseignement théorique et pratique.

En France, les contrats de qualification et d'apprentissage permettent aux jeunes ayant suivi une formation théorique secondaire ou supérieure d'accéder à une formation professionnelle par la voie de l'alternance.

C'est dans cet esprit que l'expérience menée par le groupe Schneider, a permis, au cours des quatre dernières années, d'accueillir 3 000 jeunes, soit 12 % de nos effectifs, dans une formation en alternance par contrat de qualification et d'apprentissage et en liaison extrêmement étroite avec l'enseignement secondaire ou supérieur.

De plus, le groupe a engagé une autre expérience originale, car nous avons pris en stage deux classes en situation d'échec, l'une au lycée de Voiron et l'autre au lycée de Rouen.

Ces classes connaissaient des taux d'échec considérables de 90 % avec des jeunes, au bord de l'échec total et, par conséquent, de l'exclusion.

Nous avons eu l'immense satisfaction d'avoir 100 % de reçus aux examens après la première année avec une étroite collaboration entre les enseignants et l'entreprise, par le biais du tutorat.

En effet, toute notre expérience est fondée sur un accompagnement du jeune à l'intérieur de l'entreprise et nous avons prévu jusqu'à trois tuteurs par jeune.

Ces tuteurs sont à la fois responsables du jeune, de son parcours dans l'entreprise et également de son succès scolaire, car ils passent alternativement 15 jours dans l'entreprise et 15 jours en milieu scolaire.

Par ailleurs, nous avons fait appel aux retraités et aux préretraités pour aider bénévolement le jeune à s'insérer dans notre propre entreprise ou les entreprises voisines.

Nous avons accueilli plus de jeunes que nous n'en avions besoin et nous avons demandé à tous les jeunes récemment embauchés en CDD dans l'entreprise d'être les parrains de leurs camarades non encore insérés et en cours de formation.

Par conséquent, il existe une sorte de petit " conseil de famille " qui accompagne le jeune dans son premier parcours d'expérience professionnelle.

C'est en tirant partie de cette expérience de formation professionnelle à l'intérieur de l'entreprise que nous nous sommes demandés si nous devions faire la même chose en formation générale.

En effet, c'est précisément ceux qui sortent de ces formations qui ont le plus de mal à s'insérer.

Toute notre idée a été de donner la possibilité aux étudiants des formations générales de l'enseignement supérieur, de pouvoir se prévaloir de ce que nous appelons la première expérience professionnelle sous statut universitaire, qui serait validée par des points, par une unité de valeur ou par une dispense de passer tel ou tel examen.

Le temps passé en entreprise serait considéré comme équivalent à celui passé dans l'université : ceci se pratique à l'étranger. De plus, ce passage du jeune en entreprise correspond à une formation et nous pourrions considérer que cela ne doit pas être rémunéré.

Cependant, pour attirer les étudiants, nous sommes prêts à leur donner une indemnité, car il convient de distinguer les différentes formes de stage.

Par ailleurs, nous avons certaines critiques à formuler sur la façon dont les stages sont actuellement à la fois suggérés par l'université et attribués dans l'entreprise.

En effet, parfois, les étudiants nous disent que ce stage est obligatoire et nous ne savons pas pourquoi. Ils viennent "quémander" des stages de courte durée de 2 mois et demi ou de 3 mois.

Malheureusement, ils ont beaucoup de difficultés à trouver par eux-mêmes des stages, car l'université ne s'en charge pas : très souvent, les parents nous écrivent ou les jeunes eux-mêmes envoient spontanément une demande de stage.

J'en reçois des dizaines par jour et, pour la majorité des demandes, ce sont des parents avec lesquels nous sommes en relation d'affaire, quelquefois même des clients.

Par ailleurs, je vous laisse imaginer les menaces dont je suis l'objet si je ne prends pas le chérubin en stage !

Ce processus dans lequel la seule relation permet d'obtenir un stage, a quelque chose de choquant et j'estime préférable d'instituer un système ouvert où les offres faites par les entreprises, de façon officielle, seraient traitées conjointement par l'université, les enseignants et le monde économique.

C'est la raison pour laquelle nous avons imaginé cette formule de la première expérience professionnelle en entreprise.

Nous pensions être dans la droite ligne de la loi quinquennale pour l'emploi dont l'article 54 disait : "Tout jeune doit se voir offrir, avant sa sortie du système éducatif, et quel que soit le niveau qu'il a atteint, une formation professionnelle".

Nous sommes bien dans le cadre de cet article de la loi qui, jusqu'à présent, n'a pas été appliqué.

L'acquisition d'un ensemble de connaissances, de comportements, de pratiques est très importante, car nous sommes à une époque où le savoir être est tout aussi important que le savoir. Le comportement est aujourd'hui essentiel dans l'expérience des individus.

Ainsi, notre projet est-il très ouvert et fondé sur la liberté, notre offre ne s'adresse qu'à des étudiants volontaires.

Certains syndicats d'étudiants voudraient que ces stages soient obligatoires, mais nous préférons faire appel à des volontaires. J'ai d'ailleurs reçu énormément de témoignages de jeunes qui insistaient sur la nécessité du volontariat.

Nous avons un objectif de "lisibilité". Nous ne proposons pas une formule de stage de plus. Nous voulons faire un nettoyage des stages de complaisance, ces petits stages se terminant trop souvent à la photocopie -pour être caricatural. Ces stages ne présentent pas un grand intérêt ni pour le jeune, si ce n'est de voir l'intérieur d'une entreprise, ni pour l'entreprise elle-même.

Ainsi, le stage se trouve dévalorisé des deux côtés.

Notre projet tend au contraire à offrir une formation, un projet proposé à l'étudiant et discuté avec lui ; il se traduit par un contrat passé entre l'éducation nationale, l'entreprise et le stagiaire.

Nous donnons à l'université, donc à l'enseignant, le pouvoir de contrôle sur la réalisation de cet accord passé entre les trois parties concernées.

Si les entreprises voulaient, comme le craignent certains, profiter d'un effet d'aubaine en utilisant des stagiaires, non pas pour un projet, mais pour un remplacement de main d'oeuvre, ce serait contraire au contrat initial entre les trois parties.

C'est pourquoi, les enseignants seraient chargés de surveiller l'application de ce contrat.

Nous avons un deuxième objectif, la " rigueur ". A côté de cette convention très précise qui liera l'établissement universitaire et l'entreprise, afin de garantir que cette première expérience professionnelle soit conforme à ce qui a été prévu, sera mis en place un double tutorat.

En effet, nous disposerons au moins d'un tuteur en entreprise et d'un tuteur dans l'établissement d'enseignement supérieur.

Cependant, nous n'excluons pas un tutorat renforcé, à savoir un tuteur supplémentaire comme dans l'exemple que je vous ai décrit.

Ensuite, il sera institué un jury mixte université/entreprise présidé par un universitaire. Sa composition sera fixée dès le début de la formation en première expérience professionnelle et ce jury serait un des éléments de la convention qui liera l'établissement et l'entreprise.

Troisième objectif, la " souplesse ", puisque ce n'est pas un stage de fin d'études, mais un stage en cours de cursus scolaire.

Je n'aime pas beaucoup le mot " stage ", je préfère la formule allemande "Praktikum" qui implique une notion de formation pratique.

Nous voulons que tout le temps passé en entreprise fasse l'objet d'évaluations rigoureuses, afin que le jeune ne perde pas de temps.

Ce n'est pas en effet un stage supplémentaire, car il viendra se substituer à une période passée à l'université au cours du cursus universitaire pendant le premier, le deuxième ou le troisième cycle.

Concernant la durée, vous avez évoqué, monsieur le Président, les diverses positions exprimées.

Parmi toutes les expériences de stages en entreprise en cours de formation universitaire qui ont été développées dans l'ensemble des pays industrialisés, nous constatons que tous les jeunes passés en stage se placent beaucoup plus facilement que les autres. Je citerai à cet égard, l'exemple des CSNE -service national en entreprise à l'étranger- dont la durée est de 12 à 18 mois.

Dans ma société -mais nous ne sommes pas les seuls- 9 jeunes sur 10 sont embauchés à la sortie de leur service militaire en CSNE.

Or, ces stages sont attribués comme les stages de complaisance, à savoir par relation.

Je ne trouve pas cela très démocratique car leurs bénéficiaires sont embauchés à la fin de leur service national. Notre proposition est destinée à permettre à un plus grand nombre de jeunes d'avoir accès à l'entreprise, et a pour objet d'augmenter leurs chances de placement ultérieur.

En effet, les stagiaires restés pendant une durée suffisante dans une entreprise et, qui se sont fait apprécier, viennent en priorité, à la fin de leurs études, la contacter. Comme nous les avons accueillis et que nous les connaissons, nous les prendrons de préférence à tous les autres.

Je suis convaincu que c'est ainsi que cela se déroulera. Nous-mêmes, dans toutes les expériences de formation en alternance ou par apprentissage, nous développons cette pratique et nous ne sommes pas les seuls à pratiquer l'embauche des jeunes passés chez nous.

Pour la durée, et après nous en être entretenus avec M. Bayrou, nous imaginions qu'une année était correcte.

Puis, cette année est devenue une année scolaire, à savoir neuf mois et certains étudiants ont souhaité une durée de trois mois. Le CNPF a rencontré toutes les organisations syndicales et notamment M. Boisson qui a suivi nos échanges avec les organisations syndicales d'étudiants et de salariés.

Cependant, nous avons refusé une durée de trois mois qui est celle des stages de complaisance. Comment voulez-vous que dans l'entreprise nous puissions organiser un stage utile, permettant au jeune d'acquérir une expérience suffisante et utilisable quand il recherchera du travail, avec une durée aussi réduite ?

En effet, la première question que pose une entreprise à un jeune concerne son expérience.

Or, il n'en a pas et pour qu'il puisse en avoir, nous estimons que la durée minimum du stage est de neuf mois, à savoir deux semestres qui s'inscrivent dans le cadre de la future organisation de l'année universitaire annoncée par le ministre.

Par ailleurs, si notre proposition devait être dénaturée à ce point, et n'avait plus la signification d'une véritable formation en entreprise, nous estimons qu'il serait préférable de la retirer plutôt que de voir mis en place un système ne correspondant pas à notre objectif.

Nous préférerions tenter l'expérience avec les universités qui seraient volontaires pour entrer dans ce processus dans la mesure où les moyens leur en seraient donnés.

Nous formulons une proposition et je me suis permis de façon polémique -vous m'en excuserez- de dire devant un parterre d'étudiants : "Nous ne sommes pas en train de terminer la grève d'Air France sur les pistes d'Orly, nous faisons une proposition, vous en voulez ou pas".

De plus, nous savons de quoi nous avons besoin ; nous souhaitons embaucher et nous faisons un effort considérable, car le tutorat, notamment, sera très coûteux pour les entreprises.

En outre, au sein du CNPF, nous avons eu beaucoup de mal à convaincre nos collègues, d'abord ceux des 100 premières entreprises françaises et nous souhaitons élargir ce projet aux petites et moyennes entreprises.

Par conséquent, si personne ne voulait de ce grand effort de solidarité pour aider notre jeunesse à s'insérer, et si les discussions aboutissaient à dénaturer notre projet, nous préférerions l'abandonner.

Je vous ai présenté les grandes lignes de cette première expérience en entreprise. Je suis prêt à répondre à vos questions sur ses modalités.

M. le Président - Merci.

M. Robert Castaing - M. le Président, je vous rejoins sur le problème des inégalités constatées en matière de stages et sur le rôle des relations parentales.

Cependant, les inégalités tenant à la répartition géographique des entreprises me paraissent également très importantes.

En effet, la région du sud-ouest -que je représente- fournit beaucoup d'étudiants, mais la densité en entreprises y sera-t-elle suffisante, même dans la perspective d'un système fondé sur le volontariat des uns et des autres ?

Vous allez me répondre que les étudiants peuvent se déplacer.

Même si les étudiants sont dédommagés, il va de soi que les volontaires seront beaucoup moins nombreux, s'ils ont beaucoup de charges à assumer, alors que dans d'autres régions, la densité des entreprises permettra, à peu de frais, de développer ces stages.

M. Ivan Renar - L'ouverture des formations supérieures sur le monde du travail est une bonne chose et mes questions seront autant de points d'interrogation sur les débats en cours.

En effet, nous pouvons constater que les étudiants, sont confrontés aux problèmes que connaissent tous les jeunes de ce pays, quelle que soit leur origine sociale.

Par ailleurs, la montée de la revendication de la retraite à 55 ans est liée au problème du chômage : je connais beaucoup de cadres dont les enfants ont du mal à se positionner sur le marché du travail, à trouver un métier et qui, brusquement, ont trouvé comme solution la retraite à 55 ans.

Dans le cadre de votre projet, j'aimerais avoir des précisions sur le suivi pédagogique des stagiaires, la validation du stage que vous avez abordée rapidement, leur contenu, les conditions de travail des stagiaires et le système d'indemnisation.

Ensuite, une question vient à l'esprit concernant l'incidence de ces stages diplômants sur l'accueil en entreprise des jeunes diplômés et sur l'articulation entre ce nouveau type de stage et les stages existants ; certains sont des stages de complaisance que vous avez stigmatisés en les ridiculisant, mais certains sont de vrais stages présentant un véritable intérêt.

De plus, j'aimerais que vous puissiez préciser ce que vous avez défini comme le " conseil de famille " -ou l'équipe de tuteurs- formule qui me semble intéressante. Comment fonctionne-t-il ?

Avez-vous déjà appliqué intégralement ce système sous statut universitaire, ou s'agit-il d'une sorte d'expérience ?

M. Daniel Eckenspieller - Si mes questions pourront vous sembler critiques, néanmoins, je suis favorable à votre dispositif.

Tout d'abord, concernant le nombre de places de stage dont vous pensez qu'elles pourraient être disponibles dans les entreprises.

Pour les formations professionnelles, si le système de la complaisance est nécessaire pour trouver des " points de chute " aux stagiaires, nous pouvons nous interroger sur les possibilités offertes aux étudiants susceptibles de bénéficier de ces stages diplômants, même si les grands groupes comme les vôtres semblent accepter d'une façon volontariste de jouer ce jeu.

De plus, nous pouvons penser que dans le réseau des PME et PMI ce sera plus compliqué, car le tutorat sera difficile à mettre en place.

En effet, il existe certaines réticences " culturelles " dans ces entreprises et il serait dommage que le système ne puisse pas fonctionner du fait d'une inadéquation entre l'offre et la demande de stages.

Ensuite, comment, dans votre dispositif, s'effectuerait le choix du stagiaire ?

En effet, quand plusieurs candidats stagiaires se présenteront dans une entreprise, quelqu'un devra faire un choix.

Enfin, quand vous dites que le stage de neuf mois vous paraît indispensable, dans votre esprit cette durée est-elle nécessairement d'une seule pièce ou pourrions-nous envisager que, pendant le cursus universitaire, il se partage en deux fois un semestre, dans la même entreprise ou non ?

M. Henri Weber - Ma première question concernant le niveau de l'offre vient d'être posée, à savoir si le CNPF s'engage à fournir un nombre de stages significatif.

En effet, le problème n'est pas tellement du côté de la demande. Depuis longtemps, le monde universitaire cherche à rapprocher l'enseignement de l'entreprise et est demandeur de stage.

Cependant, ce n'est pas la tradition des entreprises françaises que d'assumer la formation à cette échelle.

L'expérience de votre groupe est-elle généralisable ?

Elle me paraît intéressante, mais un volontarisme extraordinaire a été nécessaire pour y parvenir et allons-nous trouver des Pineau-Valencienne dans chaque groupe important, et dans les PME-PMI, pour mener ce travail de titan, qui est d'imposer à une entreprise quelque chose d'étranger à ses traditions ?

C'est une question sérieuse, car si l'offre ne correspond pas à l'ampleur de la demande, nous ne pourrons pas instituer ce système.

Par ailleurs, je ne vous ai pas trouvé convaincant sur la question de la durée. Vous avez dit : une durée de neuf mois permet d'acquérir une expérience professionnelle mais pas quatre mois et demi.

J'aimerais que vous argumentiez davantage, car quatre mois et demi, c'est également une expérience professionnelle.

Nous pourrions tout à fait soutenir que cela suffirait, d'ailleurs c'est la proposition du ministre, et cela multiplierait en outre par deux l'offre de stages.

Ensuite, vous dites qu'il n'existe pas d'effet d'aubaine pour les entreprises et je veux bien vous croire.

Néanmoins, le patronat comporte toutes sortes de patrons et leur tentation peut être forte, en disposant d'une main d'oeuvre gratuite ou très bon marché, de l'utiliser de manière efficace du point de vue du chiffre d'affaires.

N'existe-t-il pas un risque d'effet de substitution ? Si vous prenez plusieurs centaines de milliers d'étudiants que vous employez pendant un an, ce sont plusieurs centaines de milliers d'emploi d'un an à temps plein qui disparaissent.

De plus, le chômage ne résulte pas des carences de la formation et de l'université, car nous disposons de nombreux jeunes très qualifiés, mais du fait que l'économie n'offre pas suffisamment d'emplois.

M. Franck Sérusclat - Ma première question concernant la capacité d'accueil des entreprises a déjà été posée, par conséquent je n'y reviens pas.

Je suis perplexe à l'égard du volontariat, car un phénomène de relation joue également et, de plus, certains étudiants quitteront pendant neuf mois l'université pendant que d'autres y resteront.

Quelles sont les inégalités qui pourraient en résulter pour les uns et pour les autres ?

Si les stages présentent un intérêt, ils doivent être obligatoires, comme les cours à l'université, même si les enseignants avec des cours photocopiés facilitent l'étude à domicile.

Je comprends mal cette faculté d'avoir une différence de traitement dans le cursus universitaire.

Par ailleurs, sans vouloir rappeler le débat récurrent sur la collation des grades dans l'université, aurons-nous un accord sur la validation de la période de stage et comment s'effectuera cette validation ?

Ensuite, vous avez parlé d'un jury mixte présidé par un universitaire : celui-ci pourra être influencé par ceux qui auront eu à juger les étudiants dans l'entreprise.

M. James Bordas .- Je suis arrivé, monsieur le Président, au moment où j'ai cru comprendre que vous donniez raison à la presse qui, dans les semaines passées, indiquait que ces stages diplômants étaient enterrés.

Cependant, au cours de votre exposé vous m'avez rassuré, car l'idée n'est pas abandonnée. Je m'en réjouis en vous disant que je partage votre appréciation sur ce que peut apporter à un jeune un stage de trois mois dans une entreprise.

En effet, me fondant sur mon expérience dans une collectivité locale, après trois mois de stage, quand nous comptons le temps de présence effective, le jeune repart à peu près comme il est venu.

Il a pris quelques contacts, mais il n'a aucune expérience qui puisse lui servir après sur le plan professionnel.

Par ailleurs, je ne partage pas tout à fait l'avis de certains de mes collègues quant au fait que le stagiaire peut apporter quelque chose à l'entreprise en compensation de son séjour.

En effet, le stagiaire coûte plus à l'entreprise qu'il ne lui rapporte.

Cependant, dans son rapport d'étape, le ministre de l'éducation nationale indique dans la partie consacrée à la professionnalisation des études : ... "prend place dans le courant des formations du deuxième cycle une unité de première expérience professionnelle, celle-ci est prise en compte dans le cursus et validée comme un acquis".

Dans un autre chapitre, il parle d'une charte des examens, d'une charte nationale des stages et d'une carte nationale des passerelles.

Le CNPF et le ministre de l'éducation nationale ne sont-ils pas en train de se rapprocher, puisque vous-même parliez tout à l'heure de cette validation des acquis, de cette "sanction" au moment de la fin du stage ?

Par ailleurs, je verrais ce stage plus facilement de deux fois quatre mois et demi, afin de faciliter l'accès ultérieur du jeune sur le marché du travail.

De plus, quand nous avons connu un jeune pendant au moins neuf mois, nous avons plutôt tendance à retenir celui-ci au moment où il devient opérationnel, et disponible sur le marché du travail, plutôt que de prendre quelqu'un que nous ne connaissons pas.

Les diverses positions exprimées semblent se rapprocher. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Pierre Camoin .- Mes collègues ont posé toutes les questions que je me posais.

Mon impression générale, à la fin de ces discussions, est la suivante.

Nous savons depuis le XVIIIè siècle que la loi est impuissante à réformer les moeurs.

De plus, il est tout à fait illusoire de vouloir légiférer, quand les diverses parties ne sont pas d'accord, et vous avez cité l'article de la loi quinquennale qui posait une obligation, laquelle n'a pas été suivie d'effets.

Votre proposition est, à notre avis, très généreuse mais vous vous heurtez à des crispations, des peurs, des craintes et des réticences.

Ainsi, si les choses s'engagent mal, nous risquons encore une fois de rater une occasion et vous l'avez bien dit : vous n'êtes pas sur les pistes d'Air France pour mettre fin à une grève.

Je crains que le dépit et l'incompréhension de certains risquent de conduire à l'échec.

Ce serait dommage, car en ce moment les moeurs évoluent.

En effet, actuellement, le souci principal des familles est que leurs enfants puissent acquérir, non seulement un savoir, mais un comportement qui leur permette ensuite de pouvoir trouver un métier et de s'engager dans la vie professionnelle.

Avez-vous les bons interlocuteurs pour discuter de cela ? Quand je dis interlocuteur je ne parle pas seulement de la représentation parlementaire, mais aussi des syndicats.

Ensuite, vous avez parlé de volontariat vis-à-vis des étudiants.

Pourquoi présenter votre projet comme définitif, et ne pas recourir à une expérimentation ?

Il serait ainsi possible de ne pas fixer des objectifs trop précis, que ce soit en matière de durée des stages ou de leur fonctionnement dans l'entreprise.

Un délai d'expérimentation de six à dix mois permettrait, sur la base des expériences menées, de préciser le régime de ces stages, et de les étendre par des mesures législatives ou réglementaires adaptées.

M. Didier Pineau-Valencienne - Tout d'abord, je vais répondre à M. Castaing concernant la régionalisation.

Vous avez tout à fait raison, la géographie économique de notre pays est très diverse et moi, qui suis provincial d'origine, je partage votre préoccupation.

Cependant, le CNPF a, à plusieurs reprises, essayé de compenser l'inégalité des possibilités d'accueil dans les différentes zones géographiques, et plus précisément pour tout ce qui concerne la formation technologique dans l'enseignement secondaire et supérieur.

Il existe désormais 400 bassins d'emploi identifiés pour accueillir les apprentis et les jeunes en contrats de qualification, avec des équipes qui contactent toutes les entreprises.

Nous avons assisté à une amélioration sensible au fil des années des formations en alternance offertes aux jeunes de la formation technologique.

Ainsi, les contrats de qualification et d'apprentissage avaient, à un moment donné, un peu stagné, mais fin 1996 ils s'élevaient au total à près de 290.000.

Aujourd'hui, grâce à ces actions menées par capillarité dans toutes les régions de France, nous estimons que dans ce domaine nous sommes en mesure de proposer 350.000 stages en 1997.

C'est l'engagement que M. Gandois a pris, mais nous pouvons dire ici -si comme nous le pensons la conjoncture devait s'améliorer- que ce chiffre de 350.000 pourrait être dépassé.

M. Bernard Boisson .- Si nous prenons l'ensemble des contrats apprentissage, de qualification, d'adaptation et d'orientation en 1996, nous en avons réalisé 331.000.

Ce chiffre est sensiblement identique à celui de 1995, mais avec la différence, qu'en 1996, nous avons perdu du terrain pendant le premier semestre et nous l'avons regagné ensuite.

Par conséquent, la tendance est favorable et nos propositions devraient permettre d'atteindre l'objectif de 400.000 jeunes.

M. Pineau-Valencienne parlait des contrats d'apprentissage et de qualification : notre objectif est de passer de 330.000 à 400.000 bénéficiaires en 1997.

M. Didier Pineau-Valencienne .- Cette expérience et ce mécanisme vont être utilisés pour développer des stages de formation pratique, afin d'augmenter l'offre des entreprises en direction des diplômés des formations générales.

Aujourd'hui, nous estimons qu'une classe d'âge c'est à peu près 700.000 jeunes.

Sur ces derniers, les candidats potentiels à ce type de formation devraient être au maximum, en année pleine, de 200.000.

C'est ce que nous imaginons comme un maximum car il existe d'autres types de formation.

En effet, les écoles d'ingénieur possèdent leur formation pratique ainsi que les étudiants en médecine qui se partagent en permanence entre la formation pratique et la formation théorie.

Dans un premier temps, nous estimons qu'une centaine de milliers de stages offerts devraient permettre de satisfaire la demande dans le cadre des expériences initiales que nous allons mener, puis développer, ensuite jusqu'à 200.000, mais cela prendra du temps.

Par ailleurs, quelqu'un a fait remarquer qu'il n'était pas bon que ce soit seulement les grandes entreprises qui s'impliquent dans ces stages.

Au départ, elles seules ont les moyens de financer des tutorats de qualité, et mon entreprise s'est fixée à cet égard un objectif d'accueil de 1.000 stagiaires.

De plus, nous allons nous associer avec nos partenaires qui sont nos sous-traitants, nos fournisseurs et des PME travaillant autour de nos usines dans les régions françaises.

Nous allons faire en sorte que le parcours du jeune dans l'entreprise ne se réalise pas en substitution, car ce parcours sera fondé sur un projet accepté par l'éducation nationale.

Par exemple, pour ce qui nous concerne, nous pouvons très bien prendre en charge la totalité des frais inhérents au stage, y compris lors du passage du stagiaire dans la PME.

C'est un projet de grande envergure qu'il va falloir roder.

Enfin, un effet d'expérience va jouer qui devrait s'étendre -si c'est une réussite- à l'ensemble de la société française et nous comptons beaucoup sur les PME en les associant largement à cet objectif.

M. le Président .- M. Barrot vient d'arriver et je suis donc obligé de vous demander de répondre aussi rapidement que possible aux autres questions.

M. Didier Pineau-Valencienne .- Dans un premier temps, il faudrait donc toucher 100.000 jeunes.

Pendant une journée, Europe 1 a effectué un sondage sur les offres de stages et les propositions venant des entreprises se situaient entre 100.000 et 200.000.

Par conséquent, je suis convaincu d'une volonté qui amorce peut-être un changement dans l'attitude de nos compatriotes.

Concernant le choix des stagiaires, l'entreprise doit offrir un certain nombre de projets : par exemple, elle peut sortir d'un tiroir un projet de développement ou de marketing et c'est entre l'éducation nationale qui va fournir un groupe de candidats, et l'entreprise, que cela se déroulera. La sélection des candidats s'effectuera avec l'éducation nationale et l'entreprise.

Un contrat sera passé entre l'entreprise et l'éducation nationale dans un premier temps et l'élève sélectionné, dans un deuxième temps.

Le rôle de l'éducation nationale sera d'abord de proposer le stagiaire et nous allons établir des relations d'une autre nature entre le monde de l'éducation nationale et celui de l'entreprise.

Cela a très bien fonctionné au cours des expériences que nous avons engagées.

Quant à la durée des stages, nous avions proposé neuf mois, mais si la nouvelle semestrialisation de l'année universitaire ne permettait pas d'effectuer ces neuf mois d'affilée, nous l'accepterons.

Les présidents d'université avaient proposé une formule de deux fois quatre mois et demi entre le premier et le deuxième cycle et en excluant pour l'instant le troisième cycle : je trouve cette formule satisfaisante.

Si le ministre décide de prendre le deuxième cycle comme expérience, prenons-le avec des universités volontaires.

Cependant, si elles le souhaitent, nous sommes prêts à proposer cette formule pour le premier cycle également.

M. le Président .- Veuillez nous excuser de la manière dont les choses se sont passées, car nous aurions aimé vous entendre plus longtemps.

En effet, vos propos étaient intéressants et il me semble que nous devrions pouvoir trouver un accord.

J'ajoute, à titre personnel, qu'il serait dommage que nous ne le trouvions pas.

Merci beaucoup.

II. M. JACQUES BARROT
MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES

________

M. le Président .- Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir et tout particulièrement dans cette commission, car nous n'avons pas l'habitude de recevoir le ministre chargé du travail.

C'est le sujet des stages diplômants qui nous y conduit.

Je les nomme par le nom qui leur a été donné il y a quelque temps, mais je ne sais pas si celui-ci est définitif.

Nous sommes heureux de vous écouter sur ce point.

Nous avons déjà reçu des représentants d'organisations professionnelles de syndicats d'enseignants, de syndicats d'étudiants, M. Laurent, et nous venons d'entendre M. Pineau-Valencienne.

M. Pineau-Valencienne nous a expliqué le sens de sa proposition. J'en ai déduit que nous n'étions pas très loin d'un accord même si quelques points restaient à clarifier.

Je vous passe la parole.

M. Jacques Barrot .- Merci. Je suis également très heureux et je vais vous faire une confidence. Depuis quelques années, j'ai eu l'occasion d'exercer diverses fonctions, mais je n'avais pas eu la chance de venir devant cette éminente commission.

De plus, j'y viens alors même qu'elle est présidée par un sénateur pour lequel, vous imaginez, j'ai quelque sentiment profond d'amitié et de très vive estime.

Cependant, j'avais quelques scrupules à venir, car cette affaire est essentiellement du ressort du ministre de l'éducation nationale, mais je ne peux pas résister aux demandes de M. Gouteyron.

De plus, j'ai pensé que cela présentait pour moi un intérêt de confronter nos impressions et de recueillir également votre sentiment sur ce dossier.

Je suis accompagné de Brigitte Gresy qui suit ces questions au ministère, qui est elle-même une brillante ancienne universitaire et qui est chargée de la formation professionnelle.

Tout d'abord, je voudrais insister sur la profonde transformation du rapport intervenue entre les jeunes scolarisés et les jeunes ayant un emploi depuis 20 ans.

En effet, il y a des chiffres à rappeler. Huit millions de jeunes ont entre 16 et 25 ans et la moitié de cette classe d'âge est sous statut scolaire.

Je n'aime pas les comparaisons avec les autres pays européens, mais nous battons tous les records.

Ensuite, 33 % des jeunes entre 16 et 25 ans ont un emploi et 9 % sont au chômage, ce qui donne à peu près 600.000 chômeurs jeunes, dont 120.000 de longue durée.

Je ne suis pas convaincu que cette ventilation soit tout à fait conforme à ce qui se passera dans les années à venir.

En effet, la moitié des jeunes entre 16 et 25 ans sont sous statut scolaire et encore en formation. N'est-ce pas une question qui nous interpelle pour les années prochaines même si elle n'est pas à l'ordre du jour.

Deuxièmement, parmi ces 600.000 jeunes au chômage, 63 % d'entre eux n'ont pas atteint le niveau du baccalauréat.

Par conséquent, le chômage des jeunes reste lié au niveau de formation et de qualification, étant rappelé que 15 % possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur.

Ensuite, le taux de chômage selon le diplôme des jeunes sortis du système scolaire en 1994 témoigne de la même inégalité face au marché du travail.

Parmi les jeunes sans qualification, les deux tiers sont au chômage, dans les CAP/BEP 50 %, dans les BAC 42 % et dans les études supérieures 26 %.

Ces chiffres confirment que la formation et la qualification sont des remèdes au chômage même s'ils sont relatifs.

Par ailleurs, l'emploi des jeunes réagit plus fortement au cycle du marché des offres d'emploi, car ceux-ci sont en position immédiate d'entrer sur le marché du travail et ne disposent pas de postes d'attente.

Par conséquent, un traitement particulier est à mettre en place pour eux.

De plus, si la conjoncture s'améliore les jeunes sont les premiers à en profiter, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faille pas des dispositifs permettant d'accélérer encore cette insertion.

Ensuite, l'ancienneté moyenne du chômage des jeunes a plutôt diminué depuis 10 ans, mais elle reste élevée avec en 1985 une durée de 11,8 mois et en 1996 d'un peu plus de 8 mois.

Ce constat masque une réalité nouvelle.

En effet, les jeunes diplômés trouvent un emploi, mais à des postes ne correspondant pas souvent à leur qualification.

Une sorte de phénomène de déqualification, d'éviction des moins diplômés apparaît sur un marché de l'emploi qui demeure étroit.

Par conséquent, nous devons accélérer la transition entre la formation et l'emploi. Pour cela, je voudrais insister sur quatre points.

Tout d'abord, une meilleure orientation. Il est certain que la réforme de l'enseignement supérieur va en ce sens, avec l'instauration d'un semestre d'orientation permettant à l'étudiant de déterminer quelle est la discipline choisie correspondant à son projet professionnel.

Ensuite, l'information qui passe notamment par la mobilisation des réseaux locaux d'insertion pour les jeunes en difficulté.

Puis, la professionnalisation des études dont nous allons parler, car c'est l'objet de cette réunion et, enfin, la formation tout au long de la vie.

A cet égard, monsieur le Président, je voudrais vous dire que je reviendrai volontiers vous reparler de ce projet de la formation tout au long de la vie qui me passionne.

M. le Président .- Puisque vous en parlez, puis-je vous dire que nous sommes preneurs.

Il faudra simplement nous dire quel sera le bon moment.

M. Jacques Barrot .- Actuellement, c'est un peu trop tôt.

M. le Président .- Un de mes regrets, qui est peut-être aussi ressenti par mes collègues, est que la définition des compétences de cette commission ne nous permet pas de traiter les dossiers de la formation professionnelle.

Cette dernière est tellement liée aux formations initiales que cette séparation est absurde.

Cependant, nous retenons votre proposition.

M. Jacques Barrot .- Je vous remercie, car nous ne réussirons la formation tout au cours de la vie que s'il existe une liaison étroite entre l'approche de la formation initiale dispensée par l'éducation nationale et de tout le secteur de la formation professionnelle.

Je vais traiter brièvement de la professionnalisation des études, comme vous l'avez demandé, en vous disant que dans ce domaine c'est le ministre de l'éducation nationale qui a en charge directement cet aspect des choses.

En effet, je suis simplement le coordonnateur de la prochaine rencontre nationale sur les jeunes.

Par ailleurs, mon souci est que la professionnalisation des études, que je crois profondément souhaitable et structurante pour l'avenir, ne doit pas non plus nous empêcher de faire monter en régime la formation en alternance sous contrat de travail.

Concernant la professionnalisation des études, un jeune qui aura eu un contact avec le monde de l'entreprise trouvera plus facilement ses repères et saura mieux ce que la vie économique et sociale peut attendre de lui. Ce contact est très précieux.

Deuxièmement, ce n'est pas une innovation complète, car déjà à partir de la troisième, 30 % des élèves et étudiants qui suivent une formation professionnelle, préparent un CAP, un BAC Pro, les IUT, les écoles d'ingénieur, les formations médicales, bénéficient sous une forme ou sous une autre, d'une immersion dans la vie de l'entreprise.

Pour la préparation des diplômes allant jusqu'au bac, et en incluant l'apprentissage, 40 % des élèves sont déjà "professionnalisés".

Par conséquent, les études professionnelles augmentent les chances d'accès à l'emploi.

En effet, je peux le dire de manière très claire, deux ans après l'obtention d'un diplôme professionnel, 70 % des jeunes titulaires d'un diplôme CAP/BEP ou " bac-pro " ont un emploi.

Par ailleurs, 50 % seulement des élèves sortis avec un bac général ont un emploi. Cela montre l'efficacité de la professionnalisation.

Je regrette que ces données mélangent les deux formules sous contrat de travail et sous statut scolaire, mais nous devons développer l'apprentissage, c'est-à-dire l'alternance sous contrat de travail, qui reste une voie essentielle d'accès à l'emploi.

En effet, alors même que le niveau des élèves est souvent moins bon à l'entrée en apprentissage qu'en alternance sous statut scolaire, deux ans après la fin de leur formation initiale, 55 % des CAP/BEP scolaires ont trouvé un emploi, contre 73 % pour les CAP/BEP obtenus par apprentissage.

Nous constatons l'efficacité de l'alternance sous contrat de travail à ce niveau.

Ensuite, les contrats de qualification sont ouverts aux jeunes diplômés de l'enseignement général supérieur et les contrats d'orientation vont être rénovés pour permettre aux jeunes sans qualification de s'orienter sur le marché du travail.

Je reviendrai sur cette partie qui m'incombe personnellement, mais nous sommes ici pour parler des expériences en entreprise.

La réforme de l'université se propose de professionnaliser les études. Dans le cadre de cette réforme, vous venez d'entendre le CNPF qui est partisan d'une durée d'un semestre pour les stages et je trouve cette durée tout à fait convenable.

Ensuite, il souhaiterait que nous étendions ces stages aux premiers et aux deuxièmes cycles. Le ministre de l'éducation nationale vous dira qu'il préfère commencer par le second cycle.

Puis, il faut que ces stages soient validés conjointement par l'université et par l'entreprise.

En effet, les deux parties prenantes de cette expérience en entreprise doivent se concerter et la validation doit permettre au maître de stage de s'exprimer.

De plus, le maître d'oeuvre en la matière me semble devoir être l'université, car il s'agit d'un cursus universitaire.

Par ailleurs, au titre de mes fonctions de ministre de la sécurité sociale, je suis intéressé par l'aspect de la rémunération.

Aujourd'hui, la rémunération se " cale " sur la règle voulant que soit exonéré de charges tout ce qui est en dessous de 30 % du SMIC.

Nous voudrions conserver cette règle en l'état qui permet d'indemniser convenablement les stagiaires.

En effet, 30 % du SMIC représentent à peu près 1 922 F par mois et cette règle préserve un équilibre avec les rémunérations des apprentis.

Néanmoins, certaines organisations étudiantes voudraient que l'exonération soit portée à 2 400 F par mois. C'est difficile, car d'une part, cela coûte cher et d'autre part, cela nous paraît déséquilibrer les rémunérations des jeunes Français, les uns en contrat de travail en apprentissage et les autres en expérience en entreprise sous statut scolaire.

Il faut rappeler que les apprentis âgés de 16 à 17 ans reçoivent 1 600 F par mois, de 18 à 20 ans, 2 624 F par mois et au-delà autour de 3 000 F.

Par ailleurs, un autre problème subsiste. Comment arriverons-nous -c'est l'enjeu qui me paraît le plus préoccupant- à réussir cette expérience en entreprise dans le cursus universitaire ?

En effet, je crois que ce sera un moyen irremplaçable de faire que l'université et l'entreprise puissent véritablement se rencontrer pour réaliser et réussir ces expériences en entreprise.

En qualité de ministre du travail qui plaide pour la montée en charge de l'alternance sous contrat de travail, je ne voudrais pas qu'une formule contrarie l'autre.

En 1996, 332.000 entrées en flux ont eu lieu sous contrat d'apprentissage, de qualification, d'orientation et d'adaptation.

Normalement, nous voudrions parvenir à 400.000 et le patronat me paraît vouloir s'engager clairement sur cet objectif.

M. le Président .- C'est ce que nous a dit M. Pineau-Valencienne tout à l'heure.

M. Jacques Barrot .- Ceci est positif, car nous savons que ces jeunes sous contrat de travail entrent en entreprise selon des formules déjà éprouvées.

En effet, depuis déjà quelques années, depuis une réforme datant de 1987, que Philippe Séguin avait défendue quand il occupait mes fonctions actuelles, nous avions fait entrer dans ce pays l'idée que l'apprentissage n'était pas uniquement réservé aux premiers niveaux d'enseignement, mais était applicable aussi aux diplômes de l'enseignement supérieur.

Par exemple, l'entreprise Merlin-Gérin a depuis des années offert à des jeunes sous contrat de travail la possibilité d'accéder à des BTS, et même à des diplômes d'ingénieur.

Par conséquent, il ne faut pas se priver de cette chance et -cela n'engage que moi- nous avons besoin que l'enseignement technique et professionnel relevant de l'éducation nationale, qui offre aujourd'hui quelques milliers de places seulement, puisse s'ouvrir plus largement à l'apprentissage.

En effet, dans un certain nombre de lycées professionnels, des sections d'apprentis peuvent être développées. Les régions financent les CFA et, cet été, nous avons eu une réunion sur ce sujet au cours de laquelle le ministre de l'éducation nationale semblait clairement ouvrir des perspectives.

Si nous voulons réussir une meilleure insertion des jeunes, plus précoce, je crois que la formation est l'arme du siècle prochain.

Je ne suis pas contre les études, mais il n'est pas certain que toute la formation des individus doive nécessairement avoir lieu avant leur entrée dans la vie active.

Il faut sortir de cette idée de séquences totalement prédéterminées au cours desquelles nous travaillons, nous allons travailler, nous partons à la retraite, il faut bousculer tout cela.

Je peux comprendre que certains étudiants disent, puisque nous faisons de la professionnalisation, faisons-la pour tout le monde, mais je ne suis pas convaincu que nous devions céder à cette tentation de généralisation.

Néanmoins, si dans un certain nombre de filières et de cursus universitaires ces expériences en entreprise ont lieu, cela ne peut être que bénéfique à tous égards.

Pour autant, il ne faut pas renoncer à nos ambitions pour l'alternance sous contrat de travail, qui présente beaucoup d'avantages mais dont le développement s'est heurté à certaines réticences.

En effet, à une époque, l'entreprise s'est un peu dégagée de la formation et cela est regrettable. Maintenant, il est bon d'équilibrer notre système.

Tout ceci s'enchaînera sur un projet plus vaste qui serait d'offrir à ceux qui sont insérés précocement en entreprise, la possibilité de bénéficier d'un droit à la formation tout au cours de leur vie.

Je suis confus de ne pas être plus précis sur les expériences en entreprise, mais c'est le domaine de M. Bayrou.

M. le Président .- Merci Monsieur le Ministre.

Sur ce sujet, vous nous avez apporté un éclairage différent.

En effet, vous avez situé le problème autrement que nous l'appréhendons d'habitude et c'est très utile pour nous.

M. Robert Castaing .- Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié votre intervention.

Il est vrai que ces rapports nouveaux entre l'université et le monde du travail apparaissent quelque peu révolutionnaires.

Cela me paraît d'autant plus impératif, que dans nos départements méridionaux, nous assistons à une inquiétante évolution.

En effet, des jeunes très diplômés n'hésitent pas à passer de modestes concours de recrutement dans la fonction publique, avec des bac + 4 ou + 5.

Mes propos ne sont pas péjoratifs, car je connais bien ce milieu ; ces jeunes acceptent par exemple de passer le concours de préposé.

Par conséquent, nous nous demandons à quoi servent les investissements intellectuels effectués pour que, dans une situation de désespérance, ces diplômés acceptent n'importe quoi et soient prêts à tout pour cesser d'appartenir au monde des demandeurs d'emploi.

Cette révolution que vous prônez, et à laquelle je souscris, me paraît être un impératif, car sinon, j'ai l'impression que nous allons laisser se développer ce phénomène de désespérance chez les jeunes.

Cela pose un problème social ou sociologique très grave.

C'est dans cet esprit que je souhaitais m'exprimer, car mes collègues diront des choses plus pertinentes que les miennes.

M. Ivan Renar .- L'objectif annoncé de 400.000 jeunes en entreprise, tient-il compte de la totalité des stages offerts et quelle serait la part réelle des futurs stages diplômants ?

Ensuite, vous avez dit rémunération alors que depuis le début il nous est parlé d'indemnisation.

M. Jacques Barrot .- En effet, mon langage est imprécis.

M. Ivan Renar .- Par rapport au problème réel que vous posez en parlant de rémunération, vous faisiez la comparaison avec les apprentis.

N'existe-t-il pas un moyen de trouver une réponse aux revendications des étudiants, entre la rémunération et l'indemnisation, en prenant en compte le fait que le stagiaire ne sera plus logé en résidence universitaire ?

Par ailleurs, le problème de la sécurité sociale devrait être réglé, car ces stagiaires sont censés conserver le régime étudiant.

De plus, pouvons-nous écarter tout risque d'effet pervers ? En effet, l'entreprise accueillant des étudiants en stage diplômant ne sera-t-elle pas tentée de diminuer l'embauche directe de jeunes diplômés ?

Je relie ces remarques au problème que nous connaissons actuellement, concernant la déqualification des jeunes diplômés embauchés par les entreprises.

En effet, un diplômé ayant une formation d'ingénieur est souvent employé comme technicien.

N'y aurait-il pas un intérêt à expérimenter ce système, afin de déterminer ce qui va et ce qui peut "clocher" dans cette affaire ?

M. Ambroise Dupont .- Monsieur le ministre, le président Gouteyron en clôturant votre propos a souligné l'aspect spécifique avec lequel vous abordiez ce problème très important.

Nos travaux doivent aboutir de façon tout à fait positive, car ces stages sont un peu la dernière chance de répondre à l'adaptation de la qualification des diplômés à l'offre du travail.

Vous nous parlez surtout en termes d'insertion, et c'est ainsi que je ressens ce problème, mais les différents orateurs que nous avons entendus jusqu'à présent, nous ont plutôt parlé de stage diplômant et non pas d'insertion, en nous faisant distinguer les deux aspects de la formule.

Ce fractionnement des stages dans différentes entreprises répondra-t-il à votre souci d'insertion ?

Pensez-vous que ce stage diplômant nous aidera à insérer les jeunes, ou ne sera-t-il qu'un passage trop rapide dans l'entreprise où ils ne pourront pas vraiment s'immerger et s'insérer ?

M. James Bordas .- Monsieur le ministre, vous aviez hésité à accepter l'invitation du président ; permettez-moi de vous dire qu'il aurait été dommage que nous ne vous recevions pas ce matin.

En effet, vous n'avez pas tenu le même langage que M. Pineau-Valencienne et votre raisonnement est différent.

Vous êtes le coordonnateur du sommet pour l'emploi des jeunes. Avez-vous été contacté par le CNPF avant que cette idée de stage diplômant soit lancée à travers la presse et les médias et avez-vous eu des contacts avec votre collègue, le ministre de l'éducation nationale, pour coordonner vos idées ?

En effet, j'ai l'impression que la notion de stage -vous nous l'avez démontré- n'est pas nouvelle.

Depuis de nombreuses années, nous plaçons des jeunes dans des stages de découverte de l'entreprise qui bénéficient ainsi d'une espèce d'initiation qu'ils n'auraient pas eue sans cela.

Par ailleurs, il faut privilégier l'apprentissage, le renforcer et le faire accepter par les familles.

En effet, naguère quand nous parlions d'apprentissage, les familles avaient une réaction négative et si nous n'avons pas eu d'avantage d'apprentis chez les jeunes, c'est parce que l'état d'esprit des parents n'avait pas évolué.

Les résultats obtenus par l'apprentissage en matière d'emploi, avec 55 % sous statut scolaire et 73 % sous contrat de travail démontrent, à l'évidence, l'intérêt d'un contrat de travail passé avec un artisan ou une entreprise.

Je pense que c'est dans cette voie que vous voulez aller, mais j'aimerais connaître vos positions sur votre rôle de coordonnateur.

M. Jean-Pierre Camoin .- Monsieur le ministre, je suis très heureux de votre présence qui vous a permis de nous donner un éclairage différent de ceux que nous avons eus jusqu'à présent.

Je suis personnellement issu d'une famille très modeste et quand j'ai passé le bac, j'ai su à ce moment que ma vie serait différente de celle de mes cousins qui ne l'avaient pas passé, et eux le savaient également.

J'ai le souvenir très précis de l'image de l'étudiant de cette époque : quelqu'un d'assez favorisé, qui menait une vie studieuse et agréable.

Ensuite, concernant l'image de l'apprenti, je revois toujours cet homme mûr de 45 ans, en bleu, avec une cigarette, suivi d'un petit gosse de 12 ou 13 ans. Il tenait une énorme serviette avec de nombreux outils et marchait penché. Cette image est encore dans notre esprit, mais elle est aujourd'hui révolue. En effet, les enfants de mes cousins, sauf exception, ont tous passé le bac.

Aujourd'hui, le diplôme ne donne plus nécessairement un emploi, mais si nous ne passons pas le bac, nous sommes perdus.

C'est pour cette raison, qu'il y a quelques mois, j'avais déposé un amendement vous demandant de donner le statut d'étudiant aux jeunes apprentis.

En fait, les problèmes sont liés. Le stage validant en entreprise, et la formule de l'apprentissage constituent les deux modalités de l'alternance défendues respectivement par le ministre du travail et le ministre de l'éducation nationale.

Les deux ministères sont-ils prêts à travailler ensemble et à étudier la possibilité de créer un statut de la formation tout au long de la vie active ?

M. Alain Gérard .- Monsieur le ministre, on constate aujourd'hui que les étudiants qui recherchent des stages font de multiples démarches qui ressemblent souvent à un parcours du combattant.

De plus, l'accueil des entreprises est assez déroutant.

En effet, les entreprises leur répondent souvent avec beaucoup de retard et lorsque leur réponse est positive, à la veille de commencer le stage, elles avertissent l'intéressé que celui-ci a dû être annulé.

Ensuite, la qualité du stage sera dépendante de la qualité de l'accueil au sein de l'entreprise, de la disponibilité du tuteur, du contenu du stage et de la démarche pédagogique du cadre qui s'occupera de l'étudiant dans l'entreprise.

Ces stages créent en effet des contraintes pour l'entreprise et ne sont pas sans conséquences sur la productivité.

A mon avis, ces questions ne peuvent pas être éludées.

M. le Président .- Je ferai une remarque concernant les taux d'insertion indiqués, et du différentiel constaté entre les jeunes sortant d'un CAP/BEP sous statut scolaire et ceux sortant d'un CAP/BEP par apprentissage.

C'est tout à fait intéressant mais je vous demanderai d'approfondir ce point.

En effet, pour apprécier ces taux, il faut étudier quel est le taux de succès au CAP/BEP des jeunes en apprentissage par rapport à celui des jeunes sous statut scolaire.

Habituellement, dans cette commission nous avons plutôt cette approche.

Par ailleurs, nous pourrions demander à nos collègues, qui dans la commission suivent les problèmes de l'enseignement technique, de se rapprocher de vos services.

M. Jacques Barrot .- Merci pour ces questions qui sont toutes très intéressantes.

Monsieur Castaing, vous avez raison -je l'ai souligné dans mon introduction- nous devons veiller à ne pas encourager une course aux diplômes chez les jeunes, qui risquent d'avoir le sentiment toute leur vie d'être déclassés.

Une réflexion doit être menée et, à mon sens, il faudra corriger ce mouvement de deux manières. Tout d'abord, en amont par une orientation plus pratique des étudiants.

En effet, l'orientation en France a été trop dominée par la seule vision des diplômes au détriment des évolutions de société ; il faut déterminer quelles seront les activités de demain.

Ensuite, en aval, en développant le droit à la formation tout au cours de la vie, car aujourd'hui tout se joue avant 25 ans, ce n'est pas raisonnable dans une société où la durée de vie tend à s'allonger.

De plus, les mutations de toutes sortes sont telles que nous devons sortir d'un schéma traditionnel, qui privilégie la culture au détriment de considérations plus sociologiques.

En effet, la vie s'allonge, le monde change et il faut donc préserver un capital temps de formation disponible pour chacun.

C'est facile à dire, mais plus difficile à mettre en oeuvre et je reviendrai parler de tout cela, car je crois que c'est une des réponses à votre question qui est tout à fait justifiée.

Refusons un système qui déclasse des personnes de qualité, faute d'avoir une orientation au départ et faute d'un système de réorientation au cours de la vie.

Monsieur Renar, les 400.000 engagements ne tiennent pas compte des futures expériences en entreprise.

Le patronat vous a laissé espérer que nous passerions de 330.000 à environ 400.000 jeunes, avec un nouveau contrat qui est sur le point d'être proposé.

En effet, nous allons créer quelque chose pour l'expatriation, car les jeunes doivent aller plus nombreux à l'étranger, afin de rendre d'éminents services à nos entreprises.

De plus, ils pourront nous aider à prendre des marchés supplémentaires et créerons des emplois en France.

Je veux que nous arrivions à 400.000 contrats mais les expériences en entreprise relèvent d'un autre volet.

Par ailleurs, vous avez raison de me reprendre, sur un autre point, car mon langage n'est pas assez précis : le contrat de travail exige en effet une rémunération et le stage, traditionnellement, appelle une gratification.

Ensuite, la sécurité sociale sera maintenue pour l'étudiant en période d'expérience en entreprise.

En outre, je ne vois pas pourquoi l'étudiant ne bénéficierait pas des oeuvres universitaires.

M. le Président .- Il nous a été confirmé qu'il gardait son statut d'étudiant et tous les "avantages" qui en découlent.

M. Jacques Barrot .- Il faut être clair et bien identifier les stages sous statut étudiant en cours de cursus universitaire.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que les entreprises prennent des stagiaires et réduisent l'embauche de jeunes diplômés. C'est un souci et je ne vous cache pas que nous allons le surveiller attentivement.

En effet, l'effort d'embauche des jeunes sous contrat de travail ne doit pas souffrir du fait que l'entreprise s'ouvre, par ailleurs aux étudiants, avec les stages diplômants : les deux formules doivent être menées de front. Ensuite, vous avez parlé d'expérimentation du système.

Le fait d'entrer progressivement -M. Bayrou vous le dira- dans cette logique, ne signifie pas que demain matin nous assisterons à une généralisation tous azimuts de ces stages.

Cela me permet d'enchaîner sur la question de M. Dupont qui, à juste titre, nous met en garde concernant la garantie d'une véritable participation du jeune à l'activité de l'entreprise.

Est-ce du tourisme en entreprise ou une procédure de formation très insérante ?

En effet, les jeunes ne doivent pas être en entreprise pendant quelques mois seulement pour en respirer l'atmosphère.

C'est pourquoi, des conventions précises entre l'entreprise et l'université sont prévues, afin que nous soyons sûrs de la qualité de ces stages.

Ils ne doivent pas répondre à une finalité d'insertion immédiate, car ces étudiants sont en cours de formation universitaire, mais ils doivent faciliter une insertion ultérieure.

Cette insertion est commandée par une expérience en entreprise réussie, par conséquent la qualité du stage fixé par convention est très importante.

M. Bordas a beaucoup insisté sur les liaisons et sur l'accord qui doivent exister entre les ministères de l'éducation nationale et du travail.

Vous avez raison, la formation professionnelle et la formation initiale doivent, à la fois, être distinguées et, en même temps, converger.

C'est un souci. Au début, le ministère du travail n'a pas été "dans le coup".

J'étais ennuyé, car ayant la coordination de cette action en faveur des jeunes, j'avais l'impression que celle-ci allait nourrir encore un débat théorique à la française.

Par conséquent, mon ministère et le ministère de l'éducation nationale doivent élaborer, progressivement, un système de formation ayant ses différences, mais commandé par une vision d'ensemble.

Nous avons par exemple des difficultés à mobiliser les lycées professionnels pour développer l'apprentissage sous contrat de travail.

Dans ma petite ville, j'ai réussi à monter un BTS technique de maintenance des services des systèmes industrialisés en apprentissage.

Au départ, le personnel enseignant était un peu perplexe et aujourd'hui il est très satisfait.

Nous devons dépasser cette espèce de clivage qui était excessif.

Concernant M. Camoin, je me souviens de son souci de donner à l'apprenti un statut qui soit plus en conformité avec ce qu'est devenu l'apprentissage.

A l'époque, j'avais "tiqué", car j'avais l'impression qu'en qualifiant l'apprenti d'étudiant nous faisions du statut étudiant une référence alors que je souhaiterai conserver une spécificité à chacun des deux statuts.

Nous devons cependant parvenir à ce que dans les familles françaises le contrat de travail soit aussi valorisant.

Nous ne devons plus entendre : "nous t'enverrons en apprentissage parce que tu n'es pas capable de faire autre chose".

De plus, le statut de l'étudiant étant en train de se préciser dans le cadre de la réforme universitaire, nous devons veiller à ce que l'équilibre soit respecté entre les avantages dont bénéficient le jeune étudiant et le jeune apprenti.

M. Gérard, vous avez raison, nous serons obligés de nous organiser pour trouver des stages.

Aujourd'hui, le problème est de disposer de stages en nombre suffisant.

En effet, il ne suffit pas de dire que nous allons ouvrir toutes ces possibilités nouvelles, si les jeunes sont obligés de " faire des pieds et des mains " pour trouver une entreprise pour les accueillir.

Il faudra une sorte de pilotage permettant d'avoir, au niveau de la région, une vision d'ensemble des possibilités offertes par les entreprises.

Enfin, un point dont nous n'avons pas parlé et je m'en veux de ne pas l'avoir cité, c'est la notion de tutorat.

En effet, nous avons besoin, aussi bien pour la version sous statut scolaire -expérience en entreprise- que pour celle du contrat de travail -formation-, d'un tutorat.

Le vrai problème est de faire émerger dans nos entreprises ce tutorat interne qui est indispensable pour la réussite de cette nouvelle formule.

Sans tuteur, je ne suis pas sûr que nous pourrons développer ce dispositif sous ces deux versions.

Les grandes entreprises parviennent à résoudre ce problème majeur mais, malheureusement, nous n'avons pas encore de dispositif de tutorat pour les PME.

Pour conclure, Monsieur Gouteyron, je suis très heureux d'avoir eu ce contact avec votre commission et je demande à Mme Gresy de rester en relation avec vous, afin que nous puissions comparer les chiffres respectifs de l'insertion professionnelle des jeunes sous contrat de travail ou sous statut scolaire.

En effet, curieusement, avec deux ministères, quelquefois, les chiffres des uns ne sont pas tout à fait ceux des autres.

M. le Président .- Merci, monsieur le ministre, de ce langage nouveau, clair, simple, pratique et très concret.

A plusieurs reprises, nous avons parlé d'orientation et notre commission a adopté un rapport sur ce sujet.

Par conséquent, je me permettrai de vous le transmettre.

M. Jacques Barrot .- Merci à tous de votre accueil.

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