IV. LES SOUTIENS A LA RECHERCHE

Il en va de même des crédits de recherche-amont.

Le montant des crédits de recherche amont inscrits en loi de finances initiales entre 1986 à 1996 s'est élevé à 4.435 millions de francs en autorisations de programme et 4.322 millions de francs en crédits de paiement.

En dix ans, nous avons consacré un peu moins de moyens à la recherche aéronautique civile que la NASA pour la seule année 1997. Cela contribue à former la situation déplorable au terme de laquelle l'industrie aéronautique ne bénéficie que de 2,5 % des crédits du BCRD.

Les crédits réellement utilisés se sont montés à 4.232 millions de francs , soit un taux d'utilisation très convenable de 97,9 %.

Toutefois, on peut constater une certaine dégradation des conditions de consommation des crédits ouverts en lois de finances initiale à partir du début des années 90.

De 100 % entre 1986 et 1990, ce taux se détériore au-delà. Excepté 1994, les années budgétaires les plus récentes se traduisent par des niveaux de consommation des crédits inférieurs de plus ou moins 10 points. Il est vrai qu'au cours de cette dernière sous-période, les crédits ouverts en début d'exercice se sont accrus. Mais ce phénomène ne justifie pas la dégradation observée.

A. UNE PROGRAMMATION INSUFFISANTE

Les crédits de recherche ne font pas réellement l'objet d'une programmation financière.

En effet, si l'Etat a passé avec Aérospatiale et SNECMA des conventions portant protocoles pluriannuels pour les années 95-98, ces protocoles n'ont pas de véritable portée juridique. Ils représentent de la part de l'Etat une simple déclaration d'intention de consacrer un montant donné de crédits publics au soutien de la recherche aéronautique civile. Le milliard de francs mentionné dans chacun de ces "protocoles" n'est donc que l'expression d'un objectif quantitatif soumis aux aléas des contraintes budgétaires.

Afin de pallier la précarité des engagements ainsi pris par l'Etat, il serait tentant de proposer l'élaboration d'une loi de programme concernant la recherche aéronautique civile. On sait que de telles lois regroupent des autorisations de programmes qui, aux termes de l'article 12 de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances "constituent la limite supérieure des dépenses que les ministres sont autorisés à engager pour l'exécution des investissements prévus par la loi." Les autorisations de programmes qui sont valables sans limitation de durée n'échappent toutefois pas à la règle de l'annualité budgétaire lorsqu'elles sont groupées dans des lois de programme puisqu'aux termes de l'article 2 de la même ordonnance, "les lois de programme ne peuvent permettre d'engager l'Etat à l'égard des tiers que dans les limites des autorisations de programme contenues dans la loi de finances de l'année."

Or, les autorisations de programmes sont soumises à révision à tout moment. [8]

Dans ces conditions, il apparaît tout aussi expédient de recommander que les autorisations de programmes reflètent mieux la réalité financière des engagement qu'entendent prendre les pouvoirs publics en matière de recherche aéronautique civile.

Le niveau des autorisations de programme équivalant "grosso modo" à celui des crédits de paiement, force est de constater qu'en l'état elles sont définies sans considération du temps long que requièrent souvent les recherches dans ce domaine.

Une estimation plus fidèle des crédits nécessaires au financement des programmes de recherche sélectionnés conduirait à doter les autorisations de programmes de l'ensemble des crédits dont l'engagement paraîtrait a priori nécessaire. Il en résulterait un premier avantage important pour peu que les termes de l'ordonnance de 1959 soient mieux respectés : une certaine sanctuarisation du financement des programmes de recherche serait instaurée.

Encore faudrait-il pour être en mesure de programmer les crédits publics que l'effort public de recherche soit lui-même programmé. Or, en dépit des protocoles signés par l'Etat avec les deux industriels majeurs du secteur, la programmation du soutien public à la recherche aéronautique apparaît peu développée .

Cette situation, qui n'est pas propre à la France, traduit la prééminence laissée aux entreprises du secteur dans la définition de leur effort de recherche. L'Etat, dans ces conditions, se contente de répondre favorablement ou non aux demandes de soutien qui lui sont adressées.

Ce n'est qu'après une analyse empirique que semblent se dégager quelques thèmes de recherche comme l'avion très gros porteur, la réduction des coûts des appareils, l'aéronautique modulaire ou encore l'insertion dans le trafic aérien...

Ce défaut de programmation des soutiens publics à la recherche-amont est favorisé par la relative modicité des crédits concernés, mais aussi par le caractère dual des projets et ... des administrations qui les gèrent.

Une meilleure programmation permettrait probablement de mieux concentrer les moyens publics sur quelques recherches stratégiques et aurait le grand mérite de contribuer à garantir la continuité indispensable aux recherches conduites dans le secteur.

La programmation de l'effort public de recherche aéronautique devrait, en outre, être l'occasion d'assurer une entière cohérence entre les efforts publics des pays partenaires.

Notre industrie repose sur quelques alliances fortes avec des entreprises étrangères : Airbus, AIr, CFMI.

Au sein desdites alliances, une certaine programmation des efforts de recherche se fait entre entreprises participantes. Mais, celle-ci n'est pas suffisante et les soutiens publics sont parfois redondants. Sans que votre rapporteur ne la fasse sienne, il faut citer l'évaluation de la Commission européenne qui estime entre 20 et 30 % le taux de redondance des infrastructures de recherche en Europe. Un effort de rationalisation des soutiens publics à la recherche s'impose donc à l'échelle de l'Europe.

B. UN TRAITEMENT BUDGÉTAIRE ÉVOLUTIF

Le traitement budgétaire des crédits de recherche destinés à la construction aéronautique civile a connu ces dernières années une histoire mouvementée.

Traditionnellement inscrits au budget du ministère des transports, ces crédits furent rattachés au budget du ministère de la défense à partir de la loi de finances pour 1994. Ils passèrent alors de 355 à 427 millions de francs. Puis ils poursuivirent leur expansion passant à 650 millions de francs en 1995 et 680 millions de francs en 1996.

La justification apportée à ce rattachement a consisté à mettre en avant le caractère dual des programmes financés par ces crédits. Par ailleurs, il a constamment été soutenu que la solution choisie n'amputait ni les moyens du ministre de la défense disponibles pour ses propres programmes à vocation exclusivement militaires ni l'effort public en faveur de la recherche aéronautique civile.

Il n'empêche que l'évolution du niveau de ces crédits laisse à penser qu'une certaine union entre crédits civils et militaires s'est produite, alors même qu'au cours de la période 1994-1996 l'évolution des modalités de gestion des crédits de recherche a trahi certaines ambiguïtés.

Ainsi en 1994 et 1995, la part aviation civile de la contribution du ministère de la défense au titre du budget civil de recherche et de développement a fait l'objet d'un arrêté de sous-répartition interne au ministère de la défense ce qui, compte tenu des pratiques budgétaires de ce ministère, est à la fois naturel et peu transparent, tandis qu'en 1996 elle a été transférée de ce ministère à celui des transports par un arrêté de transfert non public au journal officiel semble-t-il.

Etant entendu que les crédits évoqués étaient mandatés par les ordonnateurs du ministère de la défense, ces tribulations peuvent témoigner d'une certaine reprise en main des crédits de recherche duale par le ministère des transports après deux années où ils auront été très largement délégués au ministère de la Défense.

Ces solutions formelles ont, en tout état de cause, été abandonnées à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire 1997-2001.

Un amendement au rapport annexé à l'article 1er de cette loi a en effet été adopté qui dispose que l'enveloppe allouée à la défense ne "comprend pas... la contribution du ministère de la défense au titre du budget civil de recherche et de développement."

Si la portée de cet amendement reste à préciser -la qualification des crédits de recherche duale ne va pas de soi ; une disposition législative peut être contredite par une disposition législative ultérieure- il semble, à ce stade, que les crédits un temps rattachés au ministère de la défense devront désormais abonder d'autres budgets ministériels. Si tel devait être le cas, il va de soi que c'est le ministère des transports qui devrait bénéficier de cette nouvelle imputation budgétaire. Il faudra évidemment veiller de très près au montant des crédits inscrits à ce titre pour l'an prochain.

Au-delà de ces considérations formelles, il y a lieu d'observer sur le fond l'influence importante du ministère de la défense sur la définition et l'orientation des soutiens à la recherche fondamentale aéronautique d'intérêt civil et surtout au stade de la gestion concrète des soutiens aux programmes de recherche.

La prééminence du ministère de la défense dans la gestion des crédits de recherche-amont n'est pas une spécificité française. Elle se retrouve par exemple en Grande-Bretagne.

Cette situation ne prévaut toujours pas en Allemagne.

L'aide à la recherche aéronautique civile en Allemagne

Tout comme dans les autres pays européens dotés d'une industrie aéronautique majeure, l'Allemagne accorde des soutiens publics à son industrie à travers les deux formes traditionnelles d'aide que sont :

- les avances remboursables ;

- et les crédits publics de recherche.

Si les avances remboursables sont octroyées par le ministère de l'économie, les crédits de recherche civile le sont par le ministère de la recherche et de la technologie.

Les crédits publics consacrés à la recherche aéronautique civile sont désormais d'un niveau comparable à celui atteint en France. Le programme pluriannuel -quatre ans- de recherche repose sur des crédits publics de l'ordre de 600 millions de Deutsche Mark.

Mais ils atteignaient dans le passé un niveau bien supérieur s'élevant par exemple en 1992 à près de 700 millions de francs quand les crédits de recherche n'étaient que de 345 millions de francs en France. En outre, l'industrie aéronautique allemande étant peu engagée dans le développement et la production de moteurs ou encore dans l'aviation d'affaires, le niveau de soutien public allemand est en réalité supérieur à ce qu'il est en France.

Comme en Grande-Bretagne, une part importante des crédits de recherche est affectée à un organisme tiers : la "Deutsche Forschunganstalt für Luft und Raumfahrt" (DLR). Mais, à l'encontre de la situation rencontrée en Grande-Bretagne, la DLR n'est pas sous l'obédience du ministère de la Défense.

Il s'agit d'une sorte d'établissement public à but non lucratif placé sous la tutelle du département de la recherche et de la technologie dont les deux tiers des ressources proviennent de subventions du Gouvernement ou des Länder.

La moitié des crédits de recherche civile lui est attribuée.

La DLR conduit surtout des recherches fondamentales. Mais les thèmes de celles-ci sont définies sur la base des besoins spécifiés par l'industrie qui, de son côté, déploie une activité de recherche principalement pré-compétitive orientée vers les produits.

Il est vrai que, compte tenu des caractéristiques administratives des services de l'Etat en la matière telles qu'elles ont été rappelées plus haut, l'expertise technique réside principalement au sein du ministère de la défense, la DPAC étant plutôt vouée à la conception d'une politique industrielle civile.

Il reste à apprécier si, dans les faits, l'affectation des crédits a toujours correspondu à des programmes à retombées civiles suffisantes.

Votre rapporteur se gardera bien de trancher ce débat mais ne peut s'empêcher d'observer que rien ne garantit qu'un tel usage est respecté.

Il pourrait être judicieux de constituer un véritable pôle civil d'animation de la recherche-développement et ce d'autant plus que, sauf évolution de l'encadrement international des aides, une réorientation des soutiens vers les aides indirectes paraît s'imposer.

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