LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE SONT RÉELLES ET RENDENT LA CRISE INSUPPORTABLE À CEUX QUI N'EN BÉNÉFICIENT PAS

Les distorsions de concurrence peuvent être regroupées en trois catégories : celles liées au monopole de la distribution de certains produits spécifiques, celles tenant à la nature juridique des intervenants et celles qui résultent de dispositions réglementaires ou législatives spécifiques.

Sur l'ensemble des ces questions à fort contenu passionnel, l'analyse juridique effectuée par le Conseil de la concurrence apporte un éclairage indispensable parce qu'impartial 76( * ) .

LES DISTORSIONS LIÉES AU MONOPOLE DE LA DISTRIBUTION DE CERTAINS PRODUITS SPÉCIFIQUES

Ces distorsions sont au nombre de deux : livret A et livret bleu, d'une part, monopole de la distribution des dépôts des notaires en milieu rural, d'autre part.

Le livret A et le livret bleu

Bref rappel des arguments en présence

Comme on le sait, la distribution de ces livrets est réservée à certains réseaux (Caisse nationale d'épargne, au travers des guichets de La Poste et Caisses d'épargne et de prévoyance (dites "écureuil") pour le livret A ; Crédit mutuel pour le livret bleu).

En contrepartie de ce monopole, les réseaux de distribution sont soumis à des règles d'emploi des fonds.

Pour le livret A , la totalité des fonds collectés est centralisée à la Caisse des dépôts et consignations qui en assure la gestion. Depuis 1990, ces fonds servent uniquement à financer le logement social, principalement sous forme de " prêts locatifs aidés " (PLA).

Toutefois, les réseaux distributeurs perçoivent une commission annuelle qui est de 1,5 % de l'encours collecté pour le réseau de La Poste et de 1,2 % pour les Caisses d'épargne. Concernant ces dernières, les produits ainsi perçus représentent 15 % environ de leur PNB globalisé. Le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) (voir audition annexée) estime que le niveau de commissionnement est à peine suffisant pour couvrir les frais de gestion liés à ce produit.

Cependant, un rapport de l'inspection générale des finances de 1994 sur la caisse d'épargne de Bourgogne aurait évalué le coût de gestion du livret A à 0,96 % de l'encours des dépôts collectés sur ce support en 1994, ce qui laisserait à l'établissement une marge finale de 0,24 % sur l'encours (711 milliards de francs fin 1995), soit environ 1,7 milliard de francs.

Pour le livret bleu , les fonds collectés sont, ou bien utilisés pour l'octroi de prêts directs au logement social, ou bien affectés en compte à la Caisse des dépôts et consignations. Avant 1991, ce produit semble avoir été générateur de marges brutes (avant imputation des frais de gestion) substantielles pour le Crédit mutuel estimées par la Commission bancaire à environ 3 ou 4 % des encours. Depuis cette date, la marge se serait considérablement réduite, atteignant 1,3 %, pour représenter un montant de 1,5 milliards de francs en 1995, soit 8,3 % du produit net bancaire du réseau du Crédit mutuel.

Commercialement il ne fait pas de doute que ces produits constituent des " produits d'appel ", permettant la distribution de produits plus sophistiqués (SICAV notamment) sur lesquels les marges sont plus importantes. Selon le président du CENCEP (voir audition annexée), le produit net bancaire généré par le Livret A serait de l'ordre de 5 milliards de francs.

On observera par ailleurs que ces produits enregistrent une forte décollecte depuis quelques années et qu'en contrepartie de l'avantage du monopole sur ces produits, les réseaux distributeurs n'ont eu qu'un accès tardif à certains produits ou à certains segments. Ainsi, les caisses d'épargne n'ont elles pu diffuser des comptes chèques qu'à partir de 1978 et distribuer des crédits aux PME qu'à compter de 1987. Aujourd'hui encore, elles ne peuvent consentir de prêts aux entreprises faisant appel public à l'épargne.

Réponses des conseillers financiers des ambassades de France à Rome, Londres et Bonn

Il existe une vive controverse en France sur la nécessité ou non de banaliser la distribution du livret A. Par comparaison, quelle est la place de l'épargne administrée (taux, liquidité, sécurité) et existe-t-il des réseaux spécialisés de distribution des produits financiers correspondants ?

1. Grande-Bretagne


"Globalement l'épargne britannique se répartit entre trois types de comptes : les TESSA ( Tax exempt special savings ), les comptes de dépôt dans les banques ( saving accounts ) et les comptes de dépôt dans les sociétés de crédit hypothécaire ( building societies ). Il n'y a pas de réseau spécialisé.

"En fait, les comptes de dépôt, tels qu'on les trouve dans les banques et les sociétés de crédit hypothécaire, sont assez peu différents les uns des autres. Les comptes sont rémunérés dans les deux cas avec des taux et des conditions variables selon les banques. Ces comptes ne font pas l'objet de réglementation générale.

"En revanche, pour les TESSA qui sont des comptes d'épargne exempts d'impôts, il y a des règles générales de base et des conditions d'ouverture d'un compte (âge minimum requis 18 ans, ne pas posséder d'autre compte TESSA ou avoir un compte qui arrive à maturité), ainsi que des conditions de durée (5 ans ) et de montant initial avec des plafonds limites d'investissement.

"Les conditions de transfert des montants épargnés d'un compte TESSA à un autre compte varient aussi selon les banques ou les sociétés de crédit hypothécaire (délai de préavis de 0 à 3 mois et/ou une pénalité financière pouvant aller jusqu'à 50 livres).

"De même, les taux d'intérêts servis sont variables selon les banques et les montants déposés et peuvent être modifiés à tout moment."

2. Allemagne

"Il n'existe pas en Allemagne de forme d'épargne administrée telle qu'elle existe en France, ni non plus de réseaux bancaires spécialisés dans la distribution de tel ou tel produit.

"L'émission "d'obligations hypothécaires" ( Pfandbrief ) est certes réservée aux banques hypothécaires, mais pour des raisons essentiellement prudentielles, et le statut de banque hypothécaire est indépendant de la nature, publique ou privée, de l'actionnaire."

3. Italie

"Il n'existe pas en Italie de circuits d'épargne privilégiés ; seule la rémunération de l'épargne postale est fixée par arrêté du ministre du trésor."

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