5. Des aspects sociaux brièvement évoqués

Dans son précédent rapport, votre rapporteur avait évoqué l'absence de volet social dans les propositions de la Commission européenne visant à renforcer la concurrence dans le secteur ferroviaire. Dans le Livre blanc, la Commission prend soin de consacrer une section à ce problème.

En dix ans, entre 1985 et 1995, le nombre d'emplois dans le secteur ferroviaire en Europe est passé de 1,55 million à 1,05 million. Les pays qui ont entrepris des réformes ambitieuses de leur système ferroviaire ont tous procédé à des réductions d'emplois importantes pour renforcer la compétitivité des entreprises. Selon les informations fournies à votre rapporteur par des représentants d'un syndicat britannique, la réforme ferroviaire dans ce pays aurait entraîné 24.000 suppressions d'emplois. Toutefois, dans la période ayant précédé cette réforme, les effectifs avaient déjà sensiblement diminué. Les avantages des salariés en matière de régime de retraites ont été maintenus dans le cadre de la réforme. En Allemagne également, les réductions d'effectifs ont été importantes. Dans un entretien récent accordé à un quotidien français, M. Heinz DÜRR, président du directoire de la Deutsche Bahn observait : " nous devons investir pour l'avenir, mais nous devons en même temps réduire nos charges courantes si nous voulons être compétitifs par rapport aux autres modes de transport. En trois ans, notre productivité par salarié a augmenté de 50%. Nous avons réduit nos effectifs de 372.000 début 1994 à 290.000 aujourd'hui " (4( * )). La Commission européenne rappelle que la diminution des effectifs s'est faite alors qu'aucune mesure de libéralisation communautaire n'était encore en vigueur et on ne peut que lui en donner acte.

La Commission européenne observe dans le Livre blanc que les causes de ces réductions d'emploi (hausse de la productivité, stagnation de la demande du fait de la concurrence des autres modes de transports...) ne disparaîtront pas dans les années à venir, alors que l'innovation technique continue également à réduire les besoins de main-d'oeuvre. La Commission ajoute que les contraintes budgétaires vont très probablement s'intensifier, en particulier avec la mise en place de l'Union économique et monétaire. A cet égard, on peut regretter que la Commission invoque cet argument à propos des aspects sociaux alors qu'elle n'en fait pas état à propos de la mise en oeuvre des grands travaux destinés à la réalisation des réseaux transeuropéens.

Dans ces conditions, le raisonnement de la Commission européenne est le suivant : " ... seul un gain d'efficacité spectaculaire pourra garantir l'avenir à long terme des transports ferroviaires et de l'emploi dans ce secteur. Comme il ressort du présent Livre blanc, la politique de la Communauté a pour objet de favoriser cette évolution. En cas d'absence d'action, la situation des chemins de fer sur le marché des transports ne manquerait pas de se détériorer encore, ce qui compromettrait leur présence dans des secteurs importants de l'économie. L'emploi ne pourra se stabiliser que si une action énergique est entreprise pour rétablir la compétitivité ; les emplois dans le secteur ferroviaire seront certes moins nombreux, mais ils seront plus stables dans un secteur performant ".

De fait, le refus de toute évolution des systèmes ferroviaires sous prétexte que les réformes conduisent à des réductions d'emploi ne pourra perdurer que pendant un temps limité. Et les évolutions seront probablement beaucoup plus brutales si elles sont constamment retardées.

En revanche, et la Commission européenne le reconnaît, il existe des possibilités de mieux utiliser la main-d'oeuvre, de réorganiser les modalités de travail afin de renforcer la productivité. Pour offrir de meilleurs services aux passagers, il peut être souhaitable de disposer d'un personnel plus nombreux pour les fonctions d'accueil, d'information.... A cet égard, la régionalisation peut, là encore, être utile, dans la mesure où les problèmes spécifiques de chaque réseau régional, voire de chaque ligne, pourront être pris en compte de manière plus personnalisée avec des solutions différentes et plus souples pour l'organisation de la gestion du personnel.

Les transports ferroviaires ont déjà consenti des efforts importants en termes de réduction d'emplois et la réforme de l'organisation des chemins de fer doit naturellement permettre un nouveau développement de ce mode de transport, qui favorisera l'emploi. Le statu quo, au contraire, conduit à un cercle vicieux caractérisé par une baisse de la fréquentation, une réduction des services et une réduction d'emplois.

En ce qui concerne l'action communautaire, la Commission européenne se montre peu précise dans son Livre blanc. Elle fait notamment valoir qu' " elle est disposée, en cas de nécessité, à assurer l'harmonisation des conditions de travail et des exigences en matière de formation et de certification du personnel ". Votre rapporteur estime que ces problèmes, en particulier celui de l'aménagement du temps de travail, méritent des analyses approfondies. Ces aspects prendront en effet une grande importance dans le cadre d'un système davantage ouvert à la concurrence et doivent être étudiés dès maintenant. La Commission envisage de publier un Livre blanc sur les secteurs (y compris le secteur ferroviaire) qui ne figurent pas dans la directive communautaire relative à l'aménagement du temps de travail.

Par ailleurs, la Commission européenne propose également d'étudier la possibilité de consacrer des contributions du Fonds social européen à la reconversion des salariés licenciés dans le cadre des restructurations de l'industrie ferroviaire. Compte tenu du caractère très général de la proposition, il paraît difficile de porter pour l'heure un jugement sur son utilité éventuelle.

Un Livre blanc n'a pas de valeur normative, mais est destiné à alimenter le débat avant qu'interviennent, le cas échéant, des propositions formelles. En ce sens, le Livre blanc sur les chemins de fer mérite l'attention des autorités des Etats membres engagées dans une réflexion sur la réforme de leur système ferroviaire. Ce document contient des propositions importantes :

- la clarification des relations entre l'Etat et les entreprises ferroviaires qu'il suggère est engagée dans la plupart des Etats membres ; en particulier la séparation des infrastructures et de l'exploitation est aujourd'hui très généralement admise, sous des modalités diverses ;

- la contractualisation du service public qu'il préconise est destinée à permettre un renforcement de l'efficacité des entreprises ferroviaires sans que le service public, caractérisé notamment par la continuité et la mise en oeuvre de tarifs sociaux, en subisse les conséquences ; l'argent public doit désormais servir à payer des services lorsque c'est nécessaire et non à combler un déficit global.

Concernant le renforcement de la concurrence par un plus large accès au réseau, il est à souligner que les dispositions relatives à la concurrence de la directive adoptée en 1991 n'ont fait l'objet d'aucune application et que cette directive n'a donné lieu à aucun bilan exhaustif.

Votre rapporteur a souhaité, à travers cette présentation du Livre blanc, que le Sénat soit informé des initiatives communautaires dans le secteur du transport ferroviaire. Il n'a en revanche pas souhaité évoquer les projets français de réforme du système ferroviaire, dans la mesure où il n'entre pas dans les missions de la Délégation de porter des appréciations sur ce sujet.

ENTRETIENS DU RAPPORTEUR

1. A LONDRES (en commun avec M. Paul CHOLLET, député, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale)

- M. John WATTS, minister of state chargé des routes et des chemins de fer ;

- M. John SWIFT, régulateur du rail ;

- M. John RHODES, directeur (Office of the Rail Regulator) ;

- M. John O'BRIEN, (Office of Passenger Rail franchising) ;

- M. Paul MOORE, (Office of Passenger Rail franchising) ;

- M. Tony GREYLING, directeur de la politique de l'environnement et des transports au parti travailliste ;

- M. Mark WALKER (Syndicat RMT) ;

- M. David BERTRAM, président du comité central des usagers (Central Rail Users'Consultative Committee) ;

- M. PATTERSON, secrétaire général du comité central des usagers ;

- M. Philip DEWHURST, directeur des relations publiques de Railtrack ;

- M. Jean-Michel DITNER, Managing director de French Railways Ltd (filiale de la SNCF en Grande-Bretagne) ;

- M. Antoine FRÉROT, directeur général de C.G.E.A. ;

- M. Colin WEBSTER, président de CONNEX Rail Ltd ;

- M. François PETER, président de C.F.T.A. ;

- M. Antoine HUREL, vice-président de CONNEX Rail Ltd ;

- M. Michel QUIDORT, directeur de la communication internationale et institutionnelle de C.G.E.A. et CONNEX ;

- M. Richard FEARN, directeur de South Eastern ;

- M. Geoff HARRISON-MEE, directeur de CONNEX South Central.

Le rapporteur tient à remercier M. Olivier LOUIS, ministre conseiller responsable des questions économiques à l'ambassade de France, et M. Jean-Yves PARÉ, chef du secteur Energie-Environnement-BTP-Infrastructures au service économique et commercial de l'ambassade de France, pour les informations qu'ils lui ont fournies et pour l'aide qu'ils lui ont apportée dans la préparation et la conduite de cette mission.

2. A PARIS

- M. Louis GALLOIS, président de la S.N.C.F.

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