III. LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS

RAPPORT D'INFORMATION DE M. NICOLAS ABOUT SUR L'ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE NÉERLANDAISE EN MATIÈRE DE STUPÉFIANTS

Le mercredi 11 juin 1997, la délégation a examiné le projet de rapport d'information de M. Nicolas About sur l'évolution de la politique néerlandaise en matière de stupéfiants.

M. Nicolas About , rapporteur, souligne qu'il a souhaité faire le point sur la politique néerlandaise en matière de stupéfiants un an après que M. Paul Masson eut formulé des observations fortes et justifiées à ce sujet dans son rapport au Premier ministre sur les conditions d'application des accords de Schengen. Il indique qu'il s'est rendu aux Pays-Bas où il a rencontré de nombreuses personnalités et visité le port de Rotterdam et l'aéroport d'Amsterdam Schipol.

Le rapporteur fait valoir que les Pays-Bas ont pris au sérieux les remarques formulées par la France et qu'une directive du collège des procureurs de la reine reconnait que la politique néerlandaise en matière de stupéfiants doit évoluer, notamment en ce qui concerne la production massive de cannabis. Il souligne que trois types d'action démontrent une évolution dans la politique néerlandaise : la mise en place du plan " Victor " à Rotterdam, le vote par le Parlement d'une législation plus répressive en matière de stupéfiants, l'adoption d'une politique pénale plus sévère.

M. Nicolas About, rapporteur, indique alors que le plan "Victor " a eu pour objectif de réduire les nuisances provoquées par le "tourisme de la drogue " dans la ville de Rotterdam et a permis de nombreuses interpellations en 1995 et 1996. Evoquant l'évolution de la législation néerlandaise, il souligne qu'un projet de loi tend à permettre aux maires de fermer les coffee-shops, même lorsqu'ils ne provoquent pas de nuisances et qu'un autre projet vise à faciliter la fermeture administrative des lieux de vente clandestins de drogues dures. Il ajoute qu'un projet d'amendement à la loi sur l'opium tend à interdire la culture sous serre de cannabis.

M. Nicolas About, rapporteur, fait valoir que la politique pénale néerlandaise est désormais plus restrictive et que la directive adoptée le 11 septembre 1996 par le collège des procureurs généraux exige une plus grande fermeté des procureurs et apporte des précisions importantes en ce qui concerne la définition de la quantité destinée à l'usage personnel, les critères de tolérance des coffee-shops, l'échelle des peines préconisées en fonction des quantités saisies. La directive appelle en outre les procureurs à exercer une vigilance particulière dans la mise en oeuvre de l'interdiction de la publicité pour la vente de cannabis, notamment à l'égard des clients étrangers. Enfin, les condamnations prononcées contre les trafiquants sont de plus en plus lourdes.

M. Nicolas About, rapporteur, souligne alors que ces évolutions ont permis une amélioration des relations entre la France et les Pays-Bas. La politique particulière de ce pays a des conséquences fâcheuses pour la France. En effet, quelques dizaines de toxicomanes français vivent aux Pays-Bas et posent un problème humanitaire ; en outre, des centaines de français se rendent régulièrement aux Pays-Bas pour consommer de la drogue et effectuer en retour un trafic à destination en particulier du Nord et de l'Est de la France ; enfin, les Pays-Bas sont devenus le premier fournisseur de drogues dures de la France.

Le rapporteur observe qu'à la suite d'entretiens entre le Président de la République française et le Premier ministre des Pays-Bas, un groupe de travail a été créé pour développer la coopération bilatérale en matière de douanes, de justice et de police. En matière douanière, une expérience d'échange de douaniers a été conduite en 1996 ; elle devrait être renouvelée en 1997. La coopération policière a été renforcée par la mise en place dans chaque pays d'un dispositif comprenant un attaché de police et deux officiers de liaison. Cette coopération se heurte au problème de la grande décentralisation de l'organisation de la police néerlandaise. Certains progrès sont cependant perceptibles. Ainsi les demandes de renseignements sont traitées avec plus de célérité qu'auparavant et les opérations de fouille des véhicules conduites avec la Belgique et les Pays-Bas sur les autoroutes ont été réactivées. Enfin, en matière de coopération judiciaire, un système de dénonciation accélérée avec établissement de procès verbaux en deux langues et transmission par fax des procédures a été mis en place par les parquets de Rotterdam, de Breda et de Dordrecht.

M. Nicolas About, rapporteur, indique que des zones d'ombre subsistent néanmoins. Il estime que le discours de santé publique des autorités néerlandaises demeure ambigu, la distinction entre drogues douces et drogues dures ayant mené à une dépénalisation de fait de la possession des drogues douces pour consommation personnelle. Il existe actuellement environ 25.000 consommateurs de drogues dures aux Pays-Bas et 675.000 consommateurs de drogues douces. L'économie de la drogue représenterait un chiffre d'affaires de 60 milliards de florins. Par ailleurs, le climat de tolérance traditionnel aux Pays-Bas contribue au développement de la production et de l'exportation de nouveaux stupéfiants. Enfin, la production de drogues de synthèse semble fortement se développer.

Concluant son propos, le rapporteur estime que les élus locaux et la population néerlandaise sont désormais hostiles à la politique de tolérance en matière de stupéfiants. Il souligne que les Pays-Bas ont commencé à infléchir leur politique, mais que le poids du passé ne peut être effacé en quelques mois. Il souhaite que la France ne relâche pas sa pression au moment où cette politique commence à porter ses fruits.

Au cours du débat, M. Paul Masson se déclare en complet accord avec le rapporteur et se félicite de la continuité et de la cohérence des travaux du Sénat sur ce sujet. Il souligne que l'Europe tout entière est concernée par ce problème et qu'il ne s'agit pas d'une question neutre ou technique, mais d'un danger menaçant la jeunesse des pays européens. Il estime que le contexte international en cette matière est très pernicieux, dans la mesure où il est souvent difficile de coopérer avec certains gouvernements d'Amérique latine, d'Asie du Sud-Ouest ou d'Europe de l'Est qui subissent des influences mafieuses.

A propos des Pays-Bas, M. Paul Masson observe que les néerlandais sont un peuple de commerçants, traditionnellement méfiant à l'égard de toute intervention de l'Etat. Il rappelle qu'il existait encore, il y a quelques années, deux cents régions de police aux Pays-Bas et que les communes étaient très soucieuses de préserver leur indépendance. Il fait valoir qu'il existe un aspect financier non négligeable dans la politique conduite par les Pays-Bas, les taxes prélevées sur les coffee-shops rapportant environ six milliards de francs à la collectivité chaque année.

M. Paul Masson rappelle que l'article 71 des accords de Schengen impose aux Etats membres de lutter contre l'exportation des drogues (y compris le cannabis) et que, si un Etat ne se conforme pas à cette obligation, les autres peuvent prendre les mesures nécessaires pour que cela ne porte pas atteinte à leurs intérêts.

M. Pierre Fauchon souligne que les approches de coopération policière ne peuvent avoir que des effets limités face à un fléau tel que le trafic de stupéfiants. Observant que le trafic et la consommation de drogues ne concernent plus seulement certaines banlieues, mais touchent désormais les zones rurales, il se prononce pour la mise en oeuvre d'un droit pénal européen et la création d'un parquet au niveau européen.

Mme Danielle Bidard-Reydet met l'accent sur les sommes considérables que représente le trafic de drogue et souligne la nécessité de s'attaquer au blanchiment de l'argent. Elle fait valoir qu'on ne pourrait limiter le trafic de stupéfiants qu'en s'attaquant aux bénéfices des trafiquants. Elle rappelle que de nombreuses régions françaises, en particulier la région Nord-Pas-de-Calais, doivent faire face à un afflux massif de drogue en provenance des Pays-Bas.

M. Jacques Genton , président, ajoute qu'on note également un trafic sensible transitant par le canal latéral à la Loire.

M. Nicolas About , rapporteur, indique qu'il a pu se rendre dans un coffee-shop lors de sa mission aux Pays-Bas et que le responsable lui a indiqué qu'il retire de son commerce un bénéfice mensuel de 60.000 francs, mais a refusé de divulguer le prix auquel il achète sa marchandise et l'identité de ses fournisseurs. Puis, le rapporteur propose de modifier la conclusion de son rapport pour tenir compte des remarques formulées au cours du débat.

La délégation décide alors la publication du rapport d'information.

Le rapport de M. Nicolas About :

" L'évolution de la politique néerlandaise en matière de stupéfiants "

a été publié sous le n° 357 (1996-1997)

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