I. L'EFFORT GLOBAL DE COHÉSION : L'UNION AURA-T-ELLE LES MOYENS DE SES AMBITIONS ?

A. LA CONFIRMATION DES PRINCIPES

Après l'acte unique européen, qui a introduit l'impératif de cohésion économique et sociale au sein des préoccupations communautaires, le traité de Maastricht a élevé la cohésion au rang de pilier de la construction européenne, aux côtés de l'union économique et monétaire et du marché unique (5( * )) .

Dans la perspective de l'élargissement de l'Union, la Commission propose de confirmer la priorité politique accordée à cet objectif, et ce plus encore que par le passé car, cette fois, les candidats à l'adhésion sont tous de futurs bénéficiaires de cet effort de solidarité.

Aucun Etat membre n'a envisagé, pour l'heure, de remettre en cause le principe même d'une politique de cohésion, dont chacun d'entre eux a bénéficié, à des niveaux différents. La mise en oeuvre de cette politique a effectivement permis d'assister à un certain rattrapage des niveaux de vie entre les Etats, auquel les fonds structurels ont certainement participé, bien que leur valeur ajoutée soit d'une mesure difficile. Certains résultats spectaculaires comme en Irlande et, plus récemment, au Portugal, ont été soulignés par le premier rapport sur la cohésion, établi en application de l'article 130B du traité, qui a démontré la nécessité et la pertinence du système de soutien structurel communautaire.

En dépit de ces succès, il faut toutefois constater que les résultats en termes d'emploi sont restées globalement décevants et que certaines disparités se sont même élargies entre les régions défavorisées et prospères de l'Union. On aurait pu conclure à l'inefficacité des politiques structurelles et envisager leur abandon ; à ce stade du débat, les Etats membres ont, semble-t-il, opté pour la confirmation de l'objectif de cohésion.

Pour conforter ce choix, on peut ajouter qu'à l'évidence, la globalisation de l'économie mondiale, qui s'amplifiera encore, et l'entrée dans la troisième phase de l'union économique et monétaire, vont provoquer des chocs dans les économies les plus fragiles qu'il faudra aider à la reconversion.

L'objet de la négociation ne portera donc pas sur le bien-fondé des politiques structurelles ; il sera celui de la juste mesure de l'effort financier que l'Union peut raisonnablement continuer de fournir dans cette matière.

B. LE CONTRÔLE DES DÉPENSES

1. Les propositions financières de la Commission

Si l'on devait poursuivre sur la tendance précédente, qui a accordé le doublement, puis le doublement du doublement des fonds structurels, le budget entier de l'Union pourrait presque n'y pas suffire. Aussi, la Commission a-t-elle proposé de fixer la dotation allouée à l'action régionale pour la période 2000-2006, en valeur absolue, à 275 milliards d'écus (valeur 1997), soit 0,46 % du PNB communautaire, entendus pour une Europe élargie.

La répartition présentée est la suivante :

a) pour l'Union à quinze :
· 210 milliards d'écus seront réservés aux interventions structurelles destinées aux quinze Etats actuellement membres de l'Union européenne :
ce volume réparti sur sept années correspond à un effort annuel de 30 milliards, légèrement inférieur à la situation financière des fonds structurels en fin de période de programmation, mais qui affiche un maintien de l'effort global précédemment consenti.
· 20 milliards d'écus seront consacrés au seul fonds de cohésion :
l'enveloppe globale, à structure européenne constante, est en hausse de 25 % par rapport à la seconde phase de programmation, ce qui soulève certaines inquiétudes, notamment françaises, sur la compatibilité de cette dotation avec les impératifs de restriction budgétaire.
b) pour les nouveaux adhérents :
· 38 milliards d'écus seront accordés aux nouveaux Etats membres, y compris leur participation au fonds de cohésion ;

· 7 milliards d'écus seront destinés à l'aide aux infrastructures de transports et d'environnement au titre de la pré-adhésion, soit un milliard d'écus par an. Cette dotation bénéficiera, dans un premier temps, à tous les pays candidats puis sera ensuite concentrée sur ceux qui adhéreront plus tardivement. L'objectif assigné à cette dotation spécifique est, d'une part, de permettre un rapprochement avec le niveau des infrastructures communautaires, d'autre part, de constituer une initiation aux modalités de mise en oeuvre des actions structurelles.



L'enveloppe structurelle

Agenda 2000

275 milliards d'écus ainsi répartis :

· Pour l'Union à quinze :

- fonds structurels : 210 milliards d'écus

- fonds de cohésion : 20 milliards d'écus



· Pour les nouveaux adhérents :

- dotations structurelles et fonds de cohésion : 38 milliards d'écus

- aide à la pré-adhésion : 7 milliards d'écus

*

Cette enveloppe globale fait généralement l'unanimité des Etats membres. Toutefois, la définition d'un budget consolidé de 210 milliards d'écus destinés aux actuels Etats membres de l'Union est source de divergence sur la détermination de la période servant de référence : sachant que les dotations annuelles ont augmenté au fur et à mesure du déroulement de la phase de programmation, faut-il retenir une moyenne 1994-1999 ou opter pour le niveau atteint à fin 1999, comme le souhaitent les Etats bénéficiaires ? En outre, la méthode de calcul et la nature de la dotation font également l'objet de contestations.

2. Des conceptions différentes selon les Etats membres

En décembre 1992, le Conseil d'Edimbourg a décidé de fixer à 0,46 % du PNB de l'Union européenne le budget qu'elle devrait consacrer à la cohésion économique et sociale. C'est à ce niveau de solidarité significatif que la Commission a placé l'effort qui sera consenti par l'Union après 1999, à l'issue de l'actuelle période de programmation financière.

Elle considère qu'une meilleure utilisation des ressources et une reprise de la croissance rendront " possible de financer tant le développement des politiques structurelles de l'Union à quinze que l'intégration progressive de nouveaux Etats membres dès leur adhésion ", ce qui signifie qu'avec le même budget, elle envisage de financer et la politique régionale et l'élargissement de l'Union .

a) Objectif ou plafond ?

Le débat porte essentiellement sur le point de savoir si ce pourcentage de 0,46% constitue un objectif de dépenses ou un plafond d'engagement. Ce point n'est pas neutre car, au cours des années récentes, il a été fréquemment observé une sous-utilisation des crédits disponibles (6( * )) par les Etats membres. Jusqu'à présent, une sous-consommation se traduisait par un report automatique des fonds non utilisés pendant l'année sur l'exercice suivant. La Commission propose désormais que les fonds non mobilisés soient reversés au budget global afin d'inciter à la mise en oeuvre de projets, avec le risque aussi d'une utilisation mal calibrée et précipitée pour éviter d'en perdre l'avantage financier.

La négociation oppose les Etats bénéficiaires des fonds structurels, partisans de l'objectif de dépenses car inquiets de voir amputé leur niveau de soutien par le financement de l'élargissement, et les Etats contributeurs, favorables au plafond et qui préconisent une plus stricte orthodoxie budgétaire.

b) Pourcentage ou montant global ?

Deux écoles s'opposent pour la détermination du montant de l'enveloppe financière allouée à l'action régionale. La première considère qu'il convient de l'évaluer en pourcentage fixe du PNB communautaire -en l'espèce 0,46 %-, la seconde, défendue notamment par la France, opte pour un montant fixe global, à comparer avec la précédente période de programmation, considérant qu'un pourcentage ne saurait constituer une base juridique et politique valable. En effet, il en découle une augmentation considérable de l'enveloppe structurelle entre 1994 et 2000, passée de 160 à 275 milliards d'écus, soit un accroissement de près de 60% en valeur absolue, toutes choses égales par ailleurs.

C. ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DES FONDS STRUCTURELS

Tenant compte des nombreuses critiques formulées à l'encontre des lourdeurs de gestion des fonds structurels constatées par le passé, la Commission a affiché sa volonté de valoriser l'utilisation des moyens financiers disponibles.

L'intention est louable, mais les voies d'action proposées restent trop vagues pour que l'on puisse porter un jugement sur l'efficacité de la démarche.

La Commission cite ainsi les nécessités de " simplifier la gestion " et " d'introduire une plus grande flexibilité et décentralisation dans la mise en oeuvre " afin d'assurer " une gestion moderne et compatible avec les contraintes futures en termes de personnel ".

Cet objectif suppose " plus de sélectivité et de rigueur dans la définition des priorités en amont " et le renforcement des " systèmes de suivi et d'évaluation, ainsi que des contrôles " en aval.

En pratique, il pourrait être proposé d'effectuer la programmation des projets en partageant plus clairement les responsabilités entre la Commission et les Etats membres : à celle-là incomberait la définition de la stratégie et de ses axes prioritaires, à ceux-ci leur mise en oeuvre -fidèle-, le contrôle et la justification des opérations conduites.

Il est en effet indispensable, compte tenu du mode actuel de fonctionnement des fonds structurels, que les décisions d'effet local soient prises à cet échelon et que l'on évite les phénomènes de remontées d'information vers Bruxelles, qui retardent, voire paralysent, certains dossiers en raison de la lourdeur des procédures bureaucratiques.

Il convient également de renforcer le dispositif de contrôle et de sanctions , afin de limiter les cas d'usage abusif des fonds communautaires : le huitième rapport-bilan récemment présenté par la Commission (7( * )) met ainsi en exergue l'existence de nombreuses irrégularités financières et administratives dans les Etats membres.

Par ailleurs, on observera qu'il n'est pas fait mention dans le cadre " Agenda 2000 " du principe du cofinancement , ni des grilles de répartition qui pourraient être élaborées. Si le principe même de l'additionnalité des financements Communauté-Etat membre est utile, pour accroître la pertinence des programmes et leur effet de levier, il conviendra d'examiner avec attention les pourcentages à retenir. Les contraintes d'austérité budgétaires ont en effet empêché la réalisation de nombreuses opérations pour lesquelles les fonds européens étaient bien disponibles, mais sans que l'Etat membre puisse y joindre sa contribution nationale.

Enfin, la Commission propose de mettre en réserve en cours de période une partie des fonds, estimée à au moins 10 %. Ceux-ci seraient ensuite redistribués à mi-parcours aux Etats membres les plus performants, en fonction de résultats vérifiables telle l'exécution budgétaire, afin d'optimiser la gestion des programmes. L'annonce de cette mesure a été mal perçue, à juste titre, par les Etats, qui y ont vu l'expression d'une sanction déguisée à leur égard et le risque d'un libre-arbitre de la Commission en fonction de critères subjectifs.

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