III. LES ENSEIGNEMENTS À TIRER

Un certain nombre d'enseignements peuvent être tirés des analyses précédentes au profit des ports français. Il ne s'agit pas pour autant de transposer en France un hypothétique "modèle" étranger. Ce serait ignorer le poids de nos traditions nationales, au regard desquelles le statut de port autonome apparaît bien adapté.

Néanmoins, votre rapporteur est convaincu que la proximité d'une tutelle municipale contribue à l'efficacité du soutien des pouvoirs publics aux ports du Benelux. Une évolution en ce sens est perceptible en France, où les collectivités locales concrétisent financièrement un intérêt pour les ports que l'Etat ne manifeste plus guère.

Il ne semblerait pas illogique de pousser cette évolution jusqu'au bout en renforçant -sous une forme à déterminer- la participation des collectivités territoriales à la gestion des ports, y compris et surtout des plus importants. Ce débat institutionnel reste toutefois secondaire, car l'efficacité concrète d'un port est largement indépendante de son organisation statutaire.

A cet égard, une attitude d'imitation servile serait d'autant plus vaine que le secret de la compétitivité des ports du Benelux réside autant dans l'acquis de leur taille gigantesque que dans leur mode de fonctionnement propre.

Ce dernier constat ne doit pas pour autant conduire à la résignation. Votre rapporteur reste persuadé qu'il est utile, et urgent, d'agir avec pragmatisme en matière de politique portuaire, après avoir bien défini ce qui dépend de l'intervention de la puissance publique.

A. ACCROÎTRE L'INVESTISSEMENT DANS LES PORTS FRANÇAIS

1. Consacrer les ports comme priorité budgétaire

Les ports français doivent être consacrés comme une véritable priorité budgétaire, afin de recevoir les moyens de leur développement.

Jusqu'à présent, les pouvoirs publics français ne semblent pas avoir pris pleinement conscience que le dynamisme des ports conditionne très largement la localisation de l'activité industrielle. L'investissement public dans les ports maritimes est très certainement l'un des types d'investissement public qui a le plus fort effet multiplicateur, compte tenu de l'activité et des emplois induits.

Il est absolument nécessaire, surtout en période de rigueur budgétaire, de préserver une capacité d'investissement qui ménage l'avenir.

A la différence de la France, pays de tradition terrienne, la Belgique et les Pays-Bas ont une claire conscience de ce qu'ils doivent à leurs ports, et conçoivent l'ensemble de leurs politiques d'infrastructures en fonction des intérêts de ceux-ci. Votre rapporteur, qui sait combien les concours budgétaires sont chichement mesurés aux ports français, a été frappé de constater que nos voisins n'hésitent pas à se lancer dans des investissements portuaires apparemment surdimensionnés, convaincus qu'une fois en place, les installations sauront générer le trafic. Et force est de constater que ce volontarisme n'a jusqu'à présent jamais été démenti par les faits.

2. Solliciter plus systématiquement les aides communautaires

La modestie relative des concours budgétaires impose de chercher à utiliser au mieux les aides européennes existantes. La difficulté vient de la complexité du système des aides communautaires et du fait qu'il n'existe pas un programme unique d'aide pour les ports.

Un port est un établissement qui couvre beaucoup d'aspects de la vie économique et tout projet portuaire est de nature à relever d'une pluralité de programmes sectoriels, notamment dans les domaines suivants :

- développement régional ;

- protection de l'environnement ;

- développement de la recherche et des nouvelles technologies ;

- emplois, éducation et formation permanente ;

- économies et sécurité énergétiques.

Votre rapporteur a pu constater que le port de Rotterdam, par exemple, n'hésitait pas à demander la qualification de ses travaux de dragage et d'entretien des digues au titre des programmes communautaires de protection de l'environnement. Les ports français pourraient utilement s'inspirer de cette pratique, qui suppose toutefois un traitement des résidus de dragage irréprochable sur le plan écologique.

Le port du Havre a développé une capacité d'expertise dans le domaine des aides communautaires, et entretient avec la Commission de Bruxelles des contacts permanents. Il serait opportun de trouver le moyen de faire profiter l'ensemble des ports français de cette expérience.

3. Encourager l'investissement privé dans les zones portuaires

Les ports français de la Manche-Mer du Nord possèdent l'avantage de disposer encore de l'espace qui fait aujourd'hui défaut à leurs concurrents du Benelux. Cet atout est renforcé par une politique de tarifs comparativement bas pour la location de ces espaces à aménager.

Le frein principal à l'investissement privé dans les zones portuaires françaises a longtemps été le manque de fiabilité de nos ports. Cette crainte s'estompe aujourd'hui, et les conditions semblent réunies pour un développement rapide des investissements privés. La France reste l'un des premiers pays européens d'accueil des investissements étrangers et il ne semble pas inconcevable de réussir à orienter ce flux vers les zones portuaires.

Néanmoins, le dispositif résultant de la loi sur la domanialité publique du 25 juillet 1994 apparaît encore trop restrictif par rapport aux pratiques de nos voisins. En particulier, la durée des baux, fixée à 70 ans maximum, reste relativement courte. De même, la règle selon laquelle les installations deviennent gratuitement la propriété du port à l'issue de cette période, est évidemment dissuasive pour les investisseurs privés.

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