2.4 Les aides à la recherche développement : un effort très modeste.

Sur le plan institutionnel, la construction navale n'est pas identifiée au sein du Budget Civil de Recherche et Développement (BCRD) comme un secteur de recherche disposant d'une ligne budgétaire propre. Elle est, en effet, regroupée avec l'ensemble des matériels de transport terrestre (hors industrie automobile). Cet amalgame est susceptible de conduire à une appréciation erronée de l'effort de recherche propre à cette industrie.

En effet, le secteur combiné « construction navale et autres matériels de transport terrestre », représente près de 1 % du total de la Dépense Intérieure française de Recherche et Développement (DIRD, combinant financement public et financement propre aux entreprises), soit 1,8 milliards de francs. Il est dans sa globalité perçu comme bénéficiant d'une aide publique importante au travers du BCRD.

En réalité, l'accent est mis ces dernières années sur les programmes publics dans le domaine des transports terrestres (tout particulièrement le programme PREDIT, avec un budget annuel d'environ 1,5 milliards de francs). L'aide publique spécifique à la recherche en construction navale s'élève seulement à 15 millions de francs, soit 100 fois moins, pour un effort total de recherche que l'on peut estimer à 20 millions de francs.

Seul le Ministère chargé de l'Industrie manifeste de l'intérêt pour la recherche en construction navale, à laquelle n'est toujours pas attribuée de ligne budgétaire propre. Ce soutien repose sur un petit nombre de responsables concernés et soumis à leur bonne volonté comme à leur effort de persuasion et leur influence au sein de leur ministère : il ne saurait être considéré comme un acquis reconductible d'année en année. Les programmes soutenus sont destinés en priorité à améliorer la compétitivité du secteur (méthodes de fabrication, en particulier).

Cette tendance à n'accorder que parcimonieusement son soutien en faveur de la recherche à une industrie perçue comme traditionnelle, jugée en plus très largement aidée par ailleurs, risque encore de se durcir en période de restriction budgétaire. Le ministère chargé de la Recherche ne manifeste ouvertement aucun intérêt pour la construction navale, ce qui a d'ailleurs conduit IFREMER à renoncer aux recherches qu'il avait entreprises dans ce domaine.

2.4.1 Des résultats, malgré des montants faibles et des moyens dispersés

Si l'aide de l'État n'est pas constante, elle a été parfois décisive. Dans le cadre de la filière du gaz, elle le fut par exemple en deux occasions :

- une aide financière en Recherche et Développement sur 10 ans lors de l'élaboration du procédé membrane a été octroyée par le Ministère de l'Industrie. Elle a permis de mener à terme le projet de développement ;

- le Ministère de l'Industrie en favorisant, à la fin des années 1980, l'investissement de Gaz de France dans le financement du brevet, a relancé l'exploitation de cette innovation.

Au-delà des aspects déjà abordés du financement public de la R&D, la recherche en construction navale souffre en France d'un sérieux déficit d'image, au contraire de la plupart des pays industrialisés. L'enseignement de l'architecture navale et du génie océanique, indissociablement lié à la recherche, figure par exemple, au programme des plus prestigieuses universités aux États-Unis (MIT, Université de Californie, Michigan), au Japon (Université de Tokyo, d'Osaka), en Allemagne (Université Techniques de Hambourg, Hanovre ou Berlin), ou au Royaume-Uni (University College London, University de Glasgow). Ce domaine n'est en France représenté qu'au sein de deux écoles d'ingénieurs : l'ENSTA, ou sa place se fait de plus en plus réduite, et l'École Centrale de Nantes (ECN).

Les recherches intéressant l'hydrodynamique navale sont pratiquement absentes des programmes du CNRS, à l'exception de celles menées au sein de l'ECN et de l'Institut National Polytechnique de Grenoble. Elles sont marginales à l'IFREMER. À l'exception du bassin d'essais des carènes, les moyens d'essais sont inadaptés ou inadéquats. Les structures de navires ne font de leur côté l'objet d'aucune recherche publique.

L'essentiel de la recherche civile française dans ce secteur se fait dans le cadre de l'Institut de Recherches de la Construction Navale (IRCN -Nantes). Association de loi 1901, elle réunit les chantiers privés, les chantiers militaires, le Bureau Veritas, Gaz Transport Technigaz et la Chambre Syndicale des Constructeurs de Navires (CSCN). Elle emploie une vingtaine de chercheurs et s'appuie sur de puissants moyens informatiques pour élaborer et mettre au point les méthodes et les outils de calcul satisfaisant à court et à long terme les besoins de ses membres.

La mission principale de l'IRCN est d'aider les chantiers dans leur phase de conception, par voie de calcul et par voie de mesures, dans les domaines de la diminution des coûts (gain matière, réduction des délais), du comportement mécanique de la structure travaillante à la mer, de l'innovation technologique (navires rapides, composites métalliques). Il réalise des actions de recherche et développement en amont de celles des chantiers navals. L'IRCN met en place et maintient au plus haut niveau des moyens et des spécialités dans de nombreux domaines de compétences (mécanique des structures marines, hydrodynamique appliquée, essais et mesures, CAO-productique, évolutions technologiques, conseil, descripteur de structures mécanosoudées, générateur de surfaces gauches et de modélisations fluides associées). L'IRCN est aussi spécialiste d'optimisation des cuves des méthaniers de « nouvelle génération. L'IRCN participe à des programmes européens dans les cadres ESPRIT.

Avec un budget d'environ 20 MF / an, dont 90 % proviennent de prestations de services et de recherches sous contrat, les vingt ingénieurs et cadres de l'IRCN s'appuient sur le capital de connaissances de cet organisme et sur de puissants moyens informatiques pour élaborer et mettre au point les méthodes et les outils de calcul et de mesure leur permettant de satisfaire les besoins des chantiers français. L'IRCN et ses membres forment ainsi un pôle de compétence et d'expérience qui est une composante majeure du savoir-faire français dans le domaine de la construction navale.

En architecture navale et génie océanique, seules l'ENSTA et surtout l'École Centrale de Nantes (ECN) poursuivent des recherches.

Dans le cadre universitaire, les moyens consentis à la recherche sont faibles en France contrairement à ce qui se passe à l'étranger. Ils sont d'environ 20 millions de francs en moyenne par an pour la construction navale, à comparer aux 1,2 milliards de francs engagés par le ministère des transports japonais. Pour la chaîne du transport maritime, l'Italie investit environ 50 millions de francs par an, le Danemark 40 millions de francs et la Norvège 30 millions de franc, contre 30 à 40 millions de francs pour la France.

On dénombre six bassins de carènes en France : le bassin d'essai des carènes de la DGA à Paris, travaillant à la fois pour le privé et pour le public, le bassin de Vaudreuil, destiné à la DGA, pour les essais de sous-marins et d'hélices, le bassin d'essai en eau profonde d'IFREMER à Brest, très peu utilisé en construction navale, le bassin FIRST à La Seyne-sur-Mer, non utilisé à l'heure actuelle, le bassin de l'École Centrale de Nantes, dont l'extension est à l'étude.

On note que les Chantiers de l'Atlantique, pour leurs essais concernant les paquebots, s'adressent à des centres d'essai étrangers, notamment hollandais.

Compte tenu de la faiblesse du montant de la R&D française, on peut donc regretter que ces moyens soient dispersés, même si des efforts sont effectués afin de les associer (convention « Promehyd »), et si leurs spécialisations respectives les rendent plus complémentaires que concurrents. On retrouve ces redondances pour les études portant sur le calcul de structure et de vibration.

La faiblesse des efforts de R&D menés, réduit l'influence de la France dans les grandes organisations internationales en matière de recherche en construction navale (l'International Towing Tank Committe - ITTC - et l'International Ship and Offshore Structures Congress - ISSC). Dans la course engagée volontairement dans une production de plus en plus technologique, on peut craindre que cette absence ne se traduise par un retard difficilement rattrapable.

2.4.2 Des collaborations européennes en matière de R&D insuffisantes

La comparaison entre la France et le Japon souligne que la recherche et développement français doivent être améliorés autant en montant qu'en organisation. Mais cet effort ne doit pas être mené seul. Les américains, ont, comme nous l'avons w, su favoriser la collaboration technologique entre chantiers américains et les chantiers les plus performants dans chaque domaine. La France doit donc permettre aux chantiers français d'entamer des collaborations au plan international. Des projets européens et français existent déjà.

Les efforts français et européens doivent se concentrer sur une meilleure utilisation des ressources humaines, comme sur l'exploitation des technologies de l'information, afin de conserver l'avantage technologique des pays européens.

Du point de vue européen, on peut déplorer la non-inscription de la construction navale par la commission européenne dans les technologies de pointe du budget des Programmes Cadres de Recherche & Développement (PCRD).

Des moyens existent cependant pour :

- développer les technologies de l'information liant l'ensemble des acteurs de la filière construction navale. Le projet européen MARVEL reprend cet objectif ;

- coordonner les activités de R&D et la formation professionnelle.

La France intervient dans le cadre européen au sein du « Committee for Research and Development in European Shipbuilding » (COREDES), représentant l'ensemble des professions maritimes. Ce comité ne définit malheureusement que des orientations générales de la recherche en construction, sans proposer des projets réels de collaborations, laissés à l'initiative des pays participants.

Dans ce cadre, les Chantiers de l'Atlantique participent à des ateliers de travail visant à améliorer la productivité et à moderniser les chantiers européens. Ils font également partie de programmes de R&D avec des chantiers étrangers, dans le choix par exemple de nouveaux systèmes CAO (projet E3), ou dans le choix d'une programmation efficace (projet « R&D Rococo »). Enfin, au sein du programme « Euroyards » un programme commun d'approvisionnement permet également de réduire les coûts des Chantiers de l'Atlantique.

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