2.5 Les aides aux financements à l'exportation

Dans le cadre de la construction navale, les aides à l'exportation, suivies par le Ministère de l'Économie et des Finances, prennent trois formes :

- aide publique au financement gérée par la Banque NATEXIS ;

- garantie COFACE ;

- prêts bonifies dans le cadre des protocoles gérés par la Banque NATEXIS.

2.5.1 Aide publique au financement des exportations

L'aide publique au financement consiste en une garantie de versement à la banque prêteuse des écarts de taux d'intérêt. Les banques prêtent l'argent à l'armateur pour construire le bateau. Dans la plupart des cas, cet armateur paie 20 % pendant la construction et 80 % à la livraison. L'armateur rembourse ensuite la banque, suivant des règles qui sont fixées par l'OCDE, c'est-à-dire 8 % sur 8 ans. Ainsi, si le taux d'intérêt du marché est différent du taux de 8 %, l'écart sera remboursé par le gouvernement à la Banque ou en sens inverse la banque remboursera à l'État l'écart constaté, si c'est à son profit.

Les demandes de garantie sont adressées au Ministère de l'Économie et des Finances. Il est fait appel, pour l'instruction des dossiers, au concours de la Banque Natexis, de la Caisse centrale de coopération économique et de la COFACE. Puis, les demandes sont soumises à l'avis de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur. La commission donne un avis sur les demandes de garantie présentées.

L'évolution de la masse de crédits couverts est donnée dans le tableau suivant :

Part des encours concernant la construction navale en millions de francs

Années

Encours moyen

Encours moyen totaux financés par la BFCE

Part dans le total

1990

931

46207

2,0 %

1991

1030

44837

2,3 %

1992

1273

42707

3,0 %

1993

1040

40027

2,6 %

1094

964

33574

2,9 %

1995

680

28106

2,4 %

1996

592

23441

2,5 %

Sources : Banque Natexis, Direction du Trésor

La part des encours dédiés à la construction navale dans le total des encours est relativement stable (entre 2 et 3 %). Par contre, depuis 1990, les encours totaux ainsi que ceux dédiés à la construction navale sont en forte baisse. Le tableau page 72 donne le montant de la dépense publique à ce titre.

On observe que le mécanisme devient moins généreux au cours du temps.

En 1993, le Trésor Public a même réalisé un bénéfice de 22.7 MF. Cette baisse est duc en partie à celle des encours. Mais elle s'explique aussi par la baisse générale des taux. Les différences de taux se sont donc réduites. En 1993, les taux commerciaux sont même devenus plus faibles que le taux garanti.

2.5.2 La garantie de la COFACE

Le deuxième instrument est la garantie de la COFACE. Moyennant paiement d'une prime, la COFACE garantit le prêteur, c'est-à-dire la banque, au cas où les constructeurs ne finiraient pas leurs constructions ou dans celui où un événement politique' notamment ferait que l'armateur ne rembourse pas son crédit. Cela correspond respectivement aux primes à la fabrication et au crédit.

En cas de réalisation de l'un des risques couverts par la police, l'indemnité correspondante est, dans la mesure où le sinistre subsiste, versée à l'assuré six mois après que la COFACE a été informée du sinistre ( ( * )24) .

Le détail des flux financiers entre les assurés et la COFACE est décrit dans le tableau suivant. Il donne à la fois les montants des primes distribuées en cas de sinistre et celui des récupérations. Les éléments sont décomposés par pays acheteur, ce qui permet d'étudier les risques pays pour le secteur de la construction navale.

Garanties COFACE, sinistre et fonds recouvrés (millions de francs)

Sources : COFACE, Direction du Trésor, Calculs CGP

Dans ce tableau, toutes les polices COFACE concernant l'exportation de navires depuis 1981 sont comprises. On constate qu'en apparence ce mécanisme rapporte plus (1 012,1 MF) qu'il ne coûte (709,7 MF).

Les exportations qui ont le plus pesé sur les finances publiques sont celles réalisées vers le Brésil, le Cameroun, la Grèce, la Jamaïque, le Pérou et le Panama. Pour ces contrats, le poids pour les finances publiques a représenté de 2,5 à 20 fois le niveau des primes. D'autres contrats se sont avérés particulièrement rentables, comme ceux correspondant à des exportations vers cinq pays proposant des pavillons de complaisance : Liberia, Bermudes, Antilles néerlandaises et Bahamas. Le Panama est une exception, du fait de deux gros sinistres qui ont eu lieu dans les années 1980. La Malaisie présente aussi un bilan très positif mais les contrats de garantie sont encore très récents. Finalement, le Mexique, la Norvège, l'Indonésie et le Maroc sont dans une situation intermédiaire : beaucoup de sinistres pour un montant élevé de prime.

Des polices courent toujours. Aussi, on ne peut affirmer aujourd'hui que ce mécanisme rapporte plus qu'il ne coûte. D'ailleurs lorsque l'on ne considère que les contrats échus, le dispositif représente une dépense de 692 MF alors que les primes ont été de 648 MF.

En analysant les différentes périodes, ont constate que la COFACE a perdu beaucoup avant 1983 sur des pays comme le Brésil, le Pérou, le Panama, le Maroc et le Cameroun. Depuis, sur les périodes 1984-1986 et 1987-1989, pour lesquelles l'ensemble des contrats conclus est échu, le montant des primes est nettement supérieur au coût des sinistres. Depuis 1990, très peu de sinistres ont concerné les contrats signés dont la majorité n'est pas arrivée à échéance.

Garanties COFACE, sinistre et fonds recouvrés

(millions de francs)

Décomposition par date de conclusion du contrat

Ensemble des contrats signés pour les années

de référence

Primes

(1) -(2) +

(3)

Dont prime

de fabrication

(2)

Dont prime

crédit

(3)

Indemnité

suivant un

sinistre

(4)

Récupération ns après sinistre

(5)

Pertes dues

à un sinistre

(6) - (4) -

(5)

Coût pour les finances publiques

(7) = (6)-(1)

Pertes/ primes

(%) (8) = (6)/

(1)

Avant 1983*

1984-1986*

1987-1989*

Depuis 1990

Ensemble des

contrats échus

213,2 299,2 135,6 364,1

648,0

35,6 108,2 25,9 75,9

169,7

177,6

191,0 109,7 288,2

478,3

1510,4

382,6

244,6

17,0

2137,6

1048,5

270,3

139,0

0,0

1457,8

461,9

124,9 105,9 17,0

692,7

248,7 -174,3 -29,7 -347,1

44,7

217

42

78

5

107

Ensemble

1012,1

245,6

766,5

2154,6

1457,8

709,7

-302,4

Pour ces dates, les contrats concernés sont échus.

Sources : COFACE, Ministère de l'Économie et des Finances, Calculs CGP

Dorénavant, en régime permanent, la COFACE réalise des bénéfices quand elle assure des contrats concernant la construction navale. Il devient alors légitime de se poser la question de la pertinence du niveau de prime.

2.5.3 Les prêts bonifiés dans le cadre des protocoles

Le dernier instrument est la bonification des prêts accordée aux navires rentrant dans le cadre de protocoles. Des protocoles sont signés par la France avec divers pays, afin de leur permettre d'acheter des biens produits en France Ces protocoles sont suivis par le Ministère de l'Économie et des Finances, ne sont pas répartis a priori l'enveloppe par secteur. Certains constructeurs de navires signalent que ce fait pourrait être, dans certains cas, défavorable à leur secteur, car ils négocient leurs contrats de manière beaucoup moins régulière que ce qu'il peut se passer par exemple dans le bâtiment.

Lorsqu'un constructeur peut inscrire son contrat dans un protocole, une partie de l'encours est financé à un prêt très avantageux. Les taux d'intérêts vont de 0,5 % à 6,~ %. Les durées de prêts peuvent atteindre 40 années. Finalement, dans certains cas (rares pour la construction navale), des dons sont effectués. Dans tous les cas, les montants correspondants sont avancés par l'État qui récupère ensuite les intérêts. La Banque NATEXIS est la structure qui gère, pour le compte de l'État ces dossiers. Ces opérations apparaissent en loi de Finances dans un compte spécial du Trésor.

Les prêts ont concerné essentiellement le Brésil, l'Indonésie, le Maroc et le Mexique. Les dons ne concernent que le Malawi : ils ont représenté une dépense inférieure à 2 MF au total. Les montants en jeu sont importants, environ 780 MF sur la période 1981 à 1996, soit de 52 MF par an. La vente de navires marchands correspondante est d'environ 5 170 MF. Le niveau d'aide est donc de 15 %. Sans ces protocoles, les pays concernés n'auraient probablement pas acheté ces navires.

La somme actualisée, depuis 1981, de la dépense publique concernant les protocoles est de 1,1 MdF (1997), soit une moyenne de 70 (1997) par an. Depuis 1991, la moyenne annuelle est tombée à 25 MF (1997) par an.

Dépense publique liée à l'inscription dans les protocoles entre la France et des pays tiers de contrats concernant la construction de navire

Années

Encours total

des contrats

concernant la

construction de

navire « protocolés » (en MF)

Part de l'encours

inscrit dans le

protocole

(%)

Dépenses publiques

liés à la bonification

des prêts dans le

cadre des protocoles

(en MF)

Ratio

Dépenses

publiques/Encours

total (en %)

1981

426,1

20

44,0

10,3

1982

920,0

20

94,4

10,3

1983 1984

303,4

42

93,0

30,6

1088,8

36

95,1

8,7

1985

1911,6

36

314,3

16,4

1991

126,8

60

17,4*

13,7

1992

191,0

45

69,4

36,3

1993***

200,0

80

52,6*

26,3

*Estimation CGP

** Depuis 1993, aucun nouveau contrat n'a été inscrit dans un protocole. Sources : Banque NATEXIS, Ministère de l'Économie et des Finances, Calculs CGP

2.6 La politique d'acquisition des bâtiments de guerre

La France est le seul pays dans le monde pour lequel les constructeurs civils et militaires sont presque complètement distincts. Mis à part le contrat de six frégates construites par les Chantiers de l'Atlantique en 1986, la construction de navires militaires de plus de 1 800 tonnes ne concerne que les arsenaux publics (Direction des Constructions Navales - DCN). La CMN construit des bâtiments de guerre pour l'exportation.

L'étude des plans de charge des principaux chantiers dans d'autres pays souligne les gains que retirent les constructeurs, d'une synergie entre construction civile et militaire. Pour les constructeurs civils étrangers, la commande publique de navires de guerre peut constituer, en cas de dépression sur le marché civil, un marché de substitution. Les grandes puissances navales et militaires savent judicieusement jouer de cette complémentarité pour lisser les carnets de commande de leurs chantiers privés.

En Allemagne, au 31/12/1995, la répartition des commandes à des chantiers civils entre commandes militaires et civiles était la suivante :

Chantiers

Nbre total de navires

dont commandes militaires

Abeking & Rasmusen

3


• 1 chasseur de mine (33.2590 t) faisant suite à 2 autres livrées en 1993 et 1994

Blohm et Voss

3


• 1 frégate type MEKO (3.100 t) pour la Turquie

Bremer Vulkan

5


• 1 frégate FFG de la classe Brandburg (3.600 t)

Thysen Nordseewerke

7


• 1 frégate FFG de la classe Brandburg (3.600 t)


• 2 sous-marins du type 212

Howaldswerke Deuts.

13


• 2 sous-marins du type 212

Source : C.S.C.N

En Italie, Fincantieri, le premier chantier mondial pour la construction de navires de croisière (9 paquebots en commande en 1995), a livré à la marine italienne deux frégates lance-missiles de 4 000 tonnes en 1993 et a construit six frégates pour l'exportation.

En Espagne, Bazan a construit en 1988 un porte-aéronefs pour la marine royale et répond à une commande thaïlandaise d'un porte-hélicoptères. Au Royaume-Uni, les arsenaux ont été également tous privatisés et produisent actuellement des sous-marins (VSEL, repris par GEC en 1996), des porte-aéronefs (VSEL et Govan conjointement) et tous types de navires de surface (Yarrow).

Au Japon, géant de la construction civile, les commandes militaires sont également dévolues aux chantiers civils. Le tableau suivant présente les navires de plus de 1 000 tonnes en commande ou mis en service depuis 1994.

Chantiers

Navires en commande ou livrés depuis 1994

Mitsui


• 1 porte-hélicoptères d'assaut LPD (8.900 t)

Mitsubishi


• 2 sous-marins (2.400 t)


• 2 destroyers lance-missiles type Kongo (7.200 t)


2 destroyers lance-missiles type Murasame (4.400 t)

Kawasaki


• 3 sous-marins (2.700 t)


• 1 sous-marin (2.400 t)


• 1 navire-école (4.200 t)

Ishikawjima Harima


• 1 destroyer lance-missiles type Kongo (7.200 t)


• 1 destroyer lance-missiles type Murasame (4.400 t)

Nippon Kokan


• 2 dragueurs de mines (500 t)

Source : C.S.C.N

Enfin, la Corée du Sud se lance dans un programme naval important. Il comprend la livraison de huit sous-marins de type HDW pour 1994-2000 à Daewoo, de quatre sous-marins de poche (150 t) à Hyundaï et une commande commune de douze destroyers lance-missiles (3 500 t) pour 1996-2000.

La distinction entre civil et militaire restreint donc le marché des constructeurs français. Cette séparation est un désavantage lorsque le plan de charge civil baisse, ce qui est fréquent dans un secteur cyclique. C'est l'une des causes de la vulnérabilité de la construction navale civile française.

* (24) Toutefois, la COFACE peut, à titre exceptionnel, sous réserve de l'accord de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur, de régler l'indemnité dès la réception du sinistre.

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