CHAPITRE 4 - DES PERSPECTIVES TRÈS SOMBRES POUR LA CONSTRUCTION NAVALE FRANÇAISE

1. Une décroissance des plans de charge civils et militaires

1.1 La chute du carnet de commandes civiles

Le plan de charge des quatre grands chantiers à la mi-1997 et pour les deux prochains semestres est évalué comme indiqué ci-après.

Plan de charge des chantiers de grande construction navale civile

Situation au 09-97

Navires

t.b.c (1)

mi-97

fin 97

mi-98

C. de l'Atlantique

Paquebot F 31 "Vision"

95188

32100

7000

0

Paquebot G 31 "Paul Gauguin"

31200

4400

0

0

Paquebot H31 "R-One"

48320

35700

13900

0

Paquebot I 31 "R-Two"

48320

48000

32500

9000

Paquebot J31 "Festival Cruise"

67000

67000

67000

46500

Navire sismique M31

18750

18750

18750

11850

A.C.H

Chimiquier n° 294

19200

7000

3200

0

Chimiquier n° 295

19200

15400

13300

7200

Chimiquier n° 296

19200

16000

16000

16000

Leroux et Lotz

NGV "Goteland"

11000

9900

7000

3500

Paquebot "Le Levant"

8800

5400

3400

1300 0

C.M.N

Ferry "Belle Isle"

2250

1800

600

Totaux

388428

261450

1826501

95530

nombre de mois (2)

17

12

6

Source : C.G.P d'après chantiers et C.S.C.N

(1) carnet de commandes en cours

(2) sur la base d'une production annuelle de 180 kh

À la fin de 1997, il ne restera que 12 mois de charge (47 % du carnet de commandes en cours). D'ores et déjà, les Chantiers de l'Atlantique ont pris des mesures de chômage technique.

À la fin du premier semestre 1998, en l'absence de nouvelles commandes, il ne resterait que 6 mois de charge (25 % du carnet de commandes en cours). Dans l'éventualité de la réalisation de la commande en cours de négociation de deux paquebots « Renaissance » aux Chantiers de l'Atlantique, il resterait 12 mois de charge mi-98.

La situation à court terme est donc particulièrement préoccupante pour les chantiers civils. La situation des arsenaux l'est également.

1.2 La baisse des plans de charges des arsenaux

La décroissance sensible (20 GF en 1990, 14 GF en 1996) des crédits de paiement alloués à la Marine nationale a rendu nécessaire un meilleur contrôle des programmes d'armement. Dès 1992, la réorganisation des constructions navales militaires a été entreprise, en distinguant les tâches étatiques de maîtrise d'ouvrage et les fonctions industrielles. Une nouvelle impulsion a été donnée depuis 1995-1996.

La loi de programmation 1997-2002 permet de prévoir les plans de charge des sept établissements de la DCN qui réalisent les constructions neuves, la modernisation et l'entretien de la Marine Nationale. Ils traduisent la tendance recherchée à la spécialisation des implantations industrielles. Les activités de la DCN sont précisées ci-après, avec l'indication des effectifs et de la charge (nombre d'heures ouvrées) en 1996.

- Brest : construction des grands bâtiments, refonte, soutien de la force océanique stratégique (FOST), entretien de la flotte de surface : 31,4 % de la charge totale et 26,8 % de l'effectif total de la DCN. En 1996, la charge de DCN Brest (7500 milliers d'heures) s'est répartie à parts égales entre l'entretien (FOST et flotte de surface), les constructions neuves et divers dont l'exportation. En 2000, l'entretien devrait constituer 80 % de la charge, laquelle n'atteindrait que 46 % de celle réalisée en 1996 (à cause d'une diminution de 82 % de la charge constructions neuves et divers par rapport à 1996). Une reprise de l'activité est possible à partir de 2000 pour atteindre près de 5800 milliers d'heures en 2002, en raison, d'une part, des inspections périodiques (IPER) des SNLE, qui permettraient d'atteindre la charge entretien des années 1993 à 1997 (4000 milliers d'heures environ), et d'autre part si un transport de chalands de débarquement (TCD) était construit. Dans le domaine de l'exportation, la charge en 1998 sera augmentée de 150 milliers d'heure pour le carénage de cinq chasseurs de mines d'occasion vendus à la Turquie. Par ailleurs, les efforts déployés par Brest en vue d'une diversification dans le domaine de l'Offshore se sont concrétisés par un contrat avec la société Sedco Forex, pour la construction de deux plates-formes semi-submersibles.

- Toulon : soutien et modernisation de la flotte de surface et des sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), soutien logistique, entretien et stockage des munitions : 18,6 % de la charge totale et 19,4 % de l'effectif total de la DCN. La charge de DCN Toulon consiste essentiellement en l'entretien (flotte de surface, SNA, munitions) et reste voisine de 3000 heures sur les 10 dernières années et celles de la loi de programmation 1997-2002. Par rapport à la charge totale, l'entretien représentait 72 % en 1996, et devrait atteindre 91 % en 2000.

- Cherbourg : études, construction, refonte de sous-marins : 16,3 % de la charge totale et 18,9 % de l'effectif total de la DCN. Les études et les constructions neuves constituent la quasi-totalité de la charge de DCN Cherbourg. Cette charge décroît très sensiblement depuis 1991 jusqu'en 2002 pour tomber à 28 % du niveau de 1991. L'exportation (construction de trois sous-marins pour le Pakistan, livraisons de 1999 à 2002) permet à la charge de se maintenir à un niveau quasi-constant voisin de 3750 heures entre 1994 et 1998. Par ailleurs, la marine chilienne a notifié à la DCN le contrat pour la fourniture de deux sous-marins diesel électrique de type Scorpène. Les deux sous-marins seront construits à Cherbourg et Carthagène dans le cadre d'un accord de coopération entre la DCN et l'espagnol Bazan.

- Lorient : construction de bâtiments de taille moyenne, entretien et refonte, matériaux composites : 16,4 % de la charge totale et 13,4 % de l'effectif total de la DCN. Depuis 1993, la charge des activités diverses dont l'exportation, égale puis dépasse celle des études et constructions neuves pour la Marine Nationale (jusqu'à représenter plus du double en 1995 et 996). Cette activité d'exportation consiste en la réalisation du programme « Bravo » (livraisons de 1996 à 1998), de la construction de trois chasseurs de mines ou de leurs tronçons pour le Pakistan, (livraisons en 1995, 1996 et 1997). La charge totale devrait toutefois diminuer de plus de moitié entre 996 et 1998. Une reprise de l'activité exportation est prévue à partir de 1998, en raison de l'exécution du programme « Sawari 11 » (construction de deux frégates antiaériennes de 3550 tonnes pour l'Arabie Saoudite, à livrer en 2001 et 2002) avec la commande d'une troisième frégate (notifiée à la mi-1997). L'activité études et constructions neuves reprendrait à partir de 1999 si la construction des frégates « Horizon » se faisait, conformément à la loi de programmation 1997-2002 : commandes d'une en 1998, une en 2000. La charge totale atteindrait ainsi en 2000-2002 le niveau de celle de 1997.

- Indret : conception, réalisation, maintenance d'appareils propulsifs et chaufferies nucléaires : 8,7 % de la charge totale et 7,1 % de l'effectif total de la DCN. La charge totale, dont l'essentiel est constitué par les études et constructions neuves pour la Marine Nationale (de 90 % en 1991 à 58 % en 2000), diminue de moitié entre 1996 et 2000. La part des « divers », dont l'exportation, maintient la charge à un niveau quasi-constant entre 1991 et 1996, en raison de la réalisation des appareils propulsifs des six frégates du programme « Bravo ». Une reprise de l'activité « études et constructions neuves » est prévue à partir de 2000, en raison de la réalisation des appareils propulsifs et des chaufferies nucléaires des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de la nouvelle génération ( SNLE NG) et du développement du sous-marin nucléaire d'attaque futur (SNAF), inscrits à la loi de programmation 1997-2002. La charge totale correspondrait alors en 2002 aux deux tiers de celle de 1996.

- Ruelle : maîtrise d'oeuvre de systèmes complexes, mécanismes de systèmes, cybernétique navale, munitions : 4,4 % de la charge totale et 6,3 % de l'effectif total de la DCN. En 2002, la charge totale ne devrait être que le tiers du niveau de 1990. La part des divers dont l'exportation ne cesse de croître, de 27 % de la charge totale en 1990, pour égaler la charge études et constructions neuves Marine Nationale en 1997 (43 % de la charge totale) et atteindre 68 % de la charge totale en 2000. L'importance relative des exportations s'explique par l'exécution du programme « Sawari II » complété par la commande notifiée à la mi-1997 d'une troisième frégate équipée d'un système d'armes renforcé.

- Papeete : maintenance opérationnelle de la flotte du Pacifique, entretien des installations à terre de la Marine Nationale en Polynésie et en Nouvelle Calédonie : 1,5 % de la charge totale et 1,6 % de l'effectif total de la DCN.

La société de droit privé DCN International commercialise à l'export les produits et services de la DCN, met en oeuvre les alliances et coopérations industrielles et commerciales demandées par la DCN.

L'étude du plan de charge des dix années passées et de celui résultant de la loi de programmation 1997-2002, conduit aux constatations suivantes :

La charge totale de la DCN n'a décru que très légèrement entre les années 1990 et 1996 et atteint environ 24 millions d'heures en 1996. Entre 1996 et 1999, la charge totale devrait en revanche décroître de manière importante, jusqu'à 15 millions d'heures pour 1999 (soit 62 % de la charge de 1996 dans les années 1999 et 2000). En raison d'une décroissance plus rapide, les études et constructions neuves ne représenteraient plus en 1999 et 2000 que le tiers de la charge totale, alors qu'elles y participaient pour 60 % environ dans les années 1987 à 1992. L'entretien pour la Marine nationale ne décroît que très peu sur les dix dernières années et sur celle de loi de programmation militaire (1997-2002). Il atteindrait 48 % de la charge totale en 1999, alors qu'il en représentait auparavant le tiers.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page