CHAPITRE IV - L'EFFICACITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES DES PÊCHES

1. La gestion des ressources naturelles

1.1 La fiabilité des outils statistiques

Pour bien gérer, il faut bien connaître. Or le secteur des pêches est mal connu. Les informations nécessaires ne sont pas toujours disponibles, ou avec un décalage dans le temps important, et ne sont pas toujours très fiables. Cette faiblesse est d'ailleurs soulignée dans le rapport de la commission européenne sur le contrôle de la Politique Commune des Pêches, de mars 1996 : « la qualité des statistiques françaises, qui s'était améliorée, tend à se détériorer depuis quelques années, mais dans une mesure qui varie selon les pêcheries ».

Une bonne gestion nécessite des données sur les ressources et l'état des stocks, sur les débarquements, sur les flottilles de pêche et les infrastructures portuaires, sur le marché des produits de la mer, mais aussi des données socio-économiques sur l'emploi, la rémunération des marins, etc. Si la qualité de certaines de ces informations s'est améliorée ces dernières années, comme les connaissances biologiques sur l'état des ressources halieutiques, d'autres ne peuvent être considérées comme fiables. En particulier, les statistiques de débarquement, transmises par le CAAM, ne tiennent pas suffisamment compte des ventes hors criée, qui sont estimées à environ 40 % du total des débarquements. Ces statistiques ne tiennent pas compte non plus de la pêche récréative. Or dans certaines régions, comme en Méditerranée, elle représente des prélèvements importants sur les ressources côtières. Il y a aussi un problème sur les statistiques des flottilles : les petites unités de pêche artisanale sont très mal connues. Les informations sur le volet social sont faibles, que ce soit l'emploi dans l'ensemble de la filière pêche ou la rémunération du travail

Pour les données de commercialisation, la création de l'Observatoire économique du FIOM et la mise en place du réseau informatique inter-criées (RIC) a permis une très nette amélioration de ces données, mais il ne s'agit que des flux sous criée. En ce qui concerne les informations sur les prix et les marges des acteurs, très peu d'études sérieuses ont été menées. D'autre part, les données de production du FIOM sortent avec un décalage de deux ans, ce qui est trop long pour gérer efficacement le secteur.

Globalement, on constate un manque de suivi d'un certain nombre de données dans l'ensemble de la filière, dû à un manque de moyens techniques et humains. Par exemple, dans plusieurs quartiers maritimes, les parutions de certaines monographies ont été interrompues. Or elles constituaient une information indispensable sur le secteur des pêches. Il y a aussi un manque d'homogénéité des données par région et dans le temps. Le CAAM ne fournit plus de séries statistiques sur 10 ans. On assiste donc à une détérioration, ces dernières années, de la qualité et de la fréquence des données statistiques.

Ce manque d'informations affecte le processus de décision et d'évaluation. La détermination des TAC et quotas repose, par exemple, sur les déclarations de captures antérieures. D'autre part, le manque de traitement global de l'information amène à prendre des décisions cloisonnées sur les flottilles, la ressource ou le marché, sans tenir compte des effets sur l'ensemble de l'économie des pêches et sur la rentabilité des entreprises.

1.2 L'adaptation des capacités de capture à la disponibilité en ressource

1.2.1 Une surcapacité persistante

Dans les années 1980, le secteur de la pêche a connu une période de forte croissance. Le prix du poisson était élevé, les revenus des pêcheurs intéressants et l'activité de pêche rentable. Ceci a motivé un certain nombre de constructions de navires et de modernisations des plus anciens, d'autant que les politiques du gouvernement et de la Communauté européenne allaient dans ce sens. Les aides publiques, dans les années 80, ont favorisé la diffusion du progrès technique et l'augmentation de la capacité en flotte.

Durant cette période, le rythme des constructions se situait entre 40 et 50 par an, avec un record en 1988 de 118 nouvelles constructions, alors que la question de la diminution de la ressource était déjà évidente. Pendant très longtemps, le gouvernement français a subventionné la flotte industrielle pour qu'elle se développe Par la suite, il a aidé la flotte artisanale Ceci a eu un impact négatif sur la ressource. Tout au long des années 1980, les aides de l'État, pour la construction et la modernisation des navires, ont dépassé les 100 millions de francs par an, ce qui a entraîné des constructions très importantes entre 1988 et 1990, alors que le cours du poisson ne cesse de diminuer depuis 1980 (cf. tableau ci-dessous). Ce n'est qu'avec la mise en place du POP 3 en 1992, beaucoup plus strict en matière de réduction de l'effort de pêche, que les aides nationales se sont réduites. Les aides publiques ont donc contribué à aggraver une situation de surexploitation, en particulier des ressources démersales, considérées comme les plus fragiles. À cette époque, il n'y avait aucune restriction aux entrées de flotte. Les PME ont été instaurés en septembre 1988. Ceci montre bien que la puissance publique n'anticipe pas l'évolution des problèmes et laisse la situation se dégrader jusqu'au moment où il faut mettre en place des mesures draconiennes

1988

1989

1990

1991

1995

Constructions

118

111

80

58

36

1987

1988-1990

1991

1994

1995

Aides nationales

166 MF

>100 MF/an

95 MF

14 MF

10 MF

1980

1989

1990

1991

1995

Cours du poisson (F/Kg)

12

11,78

10,89

11,05

9,66

À côté de l'augmentation du nombre de navires, les progrès techniques réalisés dans le secteur de la pêche ont été essentiels. Il s'agit de toutes les innovations concernant le navire, les outils de production, de navigation (informatique embarquée), de transformation et de traitement du poisson à bord... Le progrès technique augmente la mobilité du navire, le tonnage, améliore la détection du poisson, la manutention pour remonter les filets, etc.

En France, une analyse de l'évolution de la capacité de capture, mesurée par la puissance motrice et le tonnage des navires multipliés par le nombre de jours en mer, indique que ces deux indicateurs ont augmenté jusqu'en 1989, alors que le nombre de navires diminue depuis le début des années 80. Parallèlement à cette augmentation de l'effort de pêche, il y a eu une stagnation, voire même une diminution des débarquements. Par conséquent, les captures par unité d'effort de pêche et les rendements des navires, mesurés par le rapport entre la production obtenue en volume et la quantité de moyens mis en oeuvre pour obtenir cette production, ont baissé. Les rendements ont d'autant plus diminué que les navires passent de plus en plus de temps en mer et vont pêcher de plus en plus loin. Le rapport du FIOM de 1996, sur l'évolution récente de la filière pêche, note que « dans toutes les régions visitées, la tendance est générale : le temps passé en mer a augmenté ». Il y a eu allongement des marées et augmentation de la fréquence des sorties en mer (40 jours supplémentaires par an dans le Finistère)

Cette baisse des rendements traduit bien une surcapacité de la flotte qui se retrouve dans tous les pays européens. Il y a là un gaspillage évident de facteurs de production. Le secteur de la pêche est soumis à la loi des rendements décroissants : au-delà d'un certain effort de pêche, la production stagne puis décroît, quels que soient les efforts additionnels.

1.2.2 Le "plan Mellick" et les Permis de mise en exploitation

Pour réduire cette surcapacité et respecter les objectifs des POP européens, le gouvernement français a instauré les PME (permis de mise en exploitation) et des plans de sortie de flotte pour subventionner les arrêts définitifs Le premier a été le "plan Mellick". Il a surtout permis la sortie de flotte d'unités anciennes, de plus de 20 ans et de petites tailles, de moins de 12 mètres. Il a favorisé les départs à la retraite pour les patrons pêcheurs les plus vieux. Il a aussi aidé les jeunes patrons à constituer un capital personnel pour acheter un navire plus performant. Ce plan a pu jouer en faveur d'un accroissement ultérieur de l'effort de pêche. Dans le cadre du "plan Mellick", les subventions moyennes accordées à un navire de moins de 12 m se montaient à 120 000 francs. Les Conseils régionaux et généraux ont aussi participé au financement de ces sorties de flotte, à hauteur de 30 % des aides accordées en moyenne.

Le "plan Mellick" a principalement affecté des navires de moins de 12 mètres exploitant les ressources côtières. Par conséquent, son impact sur les stocks démersaux, qui sont les plus préoccupants et qui représentent le principal objectif des POP, a été minime. Malgré ces effets négatifs (accroissement de l'effort de pêche au départ, impact réduit sur les stocks démersaux), le plan Mellick a, quand même permis une réduction de l'effort de pêche global et de respecter les objectifs du deuxième POP. Il a de plus permis de diminuer la pression sur les ressources côtières.

Depuis, de nouveaux plans de sorties de flotte sont renégociés chaque année-Après la crise de 1993-94, la situation financière de certains navires était telle que leur arrêt définitif était prévisible. Le gouvernement a accordé des aides importantes pour que ces sorties se fassent dans des conditions socialement acceptables. Malgré ces sorties, les objectifs du POP 3 sont difficiles à respecter. La France doit encore retirer 20 000 kW alors que le quatrième POP, qui prévoit une nouvelle réduction de 60 000 kW, vient d'être voté. Il existe un débat en France sur l'efficacité des POP par rapport à celle des TAC et quotas. Les quotas sont jugés plus efficaces, en termes de protection de la ressource, car ils visent directement les espèces menacées et non les pêcheurs. L'administration et les professionnels sont, de manière générale, assez défavorables à la mise en place des POP.

L'annonce de l'instauration des PME a d'abord eu pour conséquence d'augmenter les commandes de navires de pêche, par la mise en oeuvre d'un effet d'anticipation. On a donc assisté à une forte croissance de la puissance motrice et du tonnage. Il y a eu ensuite une décroissance rapide et les PME ont finalement permis une stabilisation de l'effort de pêche.

Les permis de mise en exploitation ont eu deux conséquences négatives 28 ( * ) :

- ils ont introduit une barrière à l'entrée dans la pêche, pouvant jouer contre l'entrée de jeunes dans la profession et conduire au vieillissement de la population des marins-pêcheurs 29 ( * ) . Les jeunes patrons qui s'installent pour la première fois sont obligés d'acheter des kW anciens pour les sortir et avoir ensuite le droit de reconstruire un bateau neuf. Il y a donc un coût à l'entrée des jeunes dans la profession ;

- l'obligation de retirer des kW pour obtenir un PME a entraîné une forte augmentation du prix des navires d'occasion. Ceux qui veulent acheter un navire supplémentaire sont aussi obligés d'acheter des kW anciens. Ce système a donc entraîné une forte augmentation des prix des navires d'occasion, qui a pu les rapprocher sensiblement des prix des navires neufs. Les PME ont aussi entraîné, par la suite, un renchérissement du prix des bateaux neufs, car depuis les demandes de constructions sont très supérieures aux offres. Le surcoût moyen des navires neufs a pu être évalué à 500 000 francs 30 ( * ) .

L'élimination des surcapacités repose donc sur la volonté d'une partie de la profession à vouloir quitter le secteur en contrepartie des primes de retrait. Le montant des primes dépend de la jauge du navire. Il peut varier de 50 000 francs pour un navire de moins de 5 tjb à plus de 2,5 millions de francs pour un navire de 600 tjb. Ces aides sont financées par l'État et les collectivités territoriales, avec une participation de l'Union européenne. Les mesures françaises ont permis une réduction importante de l'effort de pêche, mais les captures ne se sont toujours pas reconstituées et les rendements continuent de décroître. Cela pourrait mettre en péril le développement durable de cette activité.

Paradoxalement, se pose simultanément le problème du renouvellement de la flottille. Le rythme des constructions était, ces dernières années, de quelques dizaines par an (35 en 1995, dont plus de la moitié sont des petites unités inférieures à 12 m), ce qui est insuffisant pour assurer le renouvellement de la flotte. On devrait donc assister, à terme, à un vieillissement des navires de pêche et une perte de compétitivité. Depuis 1996, la Direction des pêches maritimes et des cultures marines a remis des kilowatts en disposition (15 000 kW, dont 10 900 kW réservés aux navires de moins de 25 m) Cette décision a été prise en désaccord avec l'Union européenne. En 1996, 40 nouvelles constructions ont été lancées : 15 unités de moins de 12 m, 11 unités de 12 m, 15 entre 12 et 25 m, un thonier de 37 m et un autre de 67 m En dehors des thoniers, les autres navires sont polyvalents et permettent une activité plus diversifiée. L'Union européenne qui avait décidé de rouvrir les aides à la construction et à la modernisation en 1997 pour les États ayant respecté le POP 3, a décidé de nouveau de les geler pour la France. Ces constructions ne seront donc aidées que par les finances publiques françaises.

1.3 Gestion de la ressource par les TAC et quotas

Le système des TAC repose sur des avis scientifiques, mais les TAC fixés par le Conseil des ministres européen dépassent souvent les niveaux de captures recommandés (TAC de précaution) par les scientifiques.

Exemples de TAC recommandés par les scientifiques et fixés par le conseil des ministres.

TAC de plie de

Mer du Nord

TAC de cabillaud de Mer du Nord

TAC d'églefin dc

Mer du Nord

Année

Recommandés

Fixés

Recommandés

Fixés

Recommandés

Fixés

1964

150

182

182

215

162

170

1985

130

200

259

250

209

207

1986

160

180

130

170

239

230

1987

120

150

125

175

120

140

1968

150

175

148

160

185

185

1989

175

185

124

124

68

68

1990

171

180

113

105

50

50

1991

169

175

92

100

48

50

1992

135

175

82

100,7

61

60

1993

170

175

92

100,7

158

133

De plus, les TAC sont souvent dépassés par les flottilles européennes Le rapport de la commission européenne de 1993 sur la PCP, indique que le respect des TAC et quotas a été dans l'ensemble très limité. Les groupes de travail scientifiques ont procédé, comme ils le font depuis plusieurs années, à des estimations de la réalité des captures indépendantes des chiffres officiels. Ces estimations ont mis en évidence des écarts considérables, qui peuvent aller jusqu'à des différences de 60 % entre captures officielles et réelles. Ce système pourrait donc être plus efficace s'il était mieux respecté. En France, les TAC ne sont contraignants que pour 8 espèces.

L'efficacité des mesures techniques est également remise en cause par leur faible respect. L'application des règles relatives aux engins de pêche (longueur du maillage des filets, nombre d'hameçons, etc.) et celles relatives à la composition des captures est difficile à contrôler. Il faudrait mettre en place des contrôles en mer beaucoup plus systématiques et réguliers. Le contrôle des tailles minimales est a priori plus simple à effectuer. Pourtant, les captures d'individus de petite taille sont fréquentes, car il existe un marché pour ces produits, surtout en Espagne. Les fraudes sur les captures de poissons sous-dimensionnés sont les plus fréquentes en Espagne. Elles sont également importantes en France, où les juvéniles sont exportés vers l'Espagne. D'autre part, les rejets en mer sont importants. Au niveau mondial, la FAO estime les rejets à 1/3 des captures, et seulement 11 % de ces rejets arrivent à survivre. L'interdiction de pêcher dans certaines zones est souvent contournée : le chalutage dans la zone des trois milles est fréquent. Il y a aussi des conflits entre les métiers de pêche dans les eaux européennes.

Les mesures pour gérer la ressource existent, mais elles ne sont pas suffisamment respectées. Selon les scientifiques, les mesures techniques de gestion de la ressource seraient suffisantes si elles étaient appliquées. Ces mesures introduisent plus de sélectivité des engins de pêche et protègent les juvéniles. L'effort de pêche s'exerce ainsi sur les individus plus vieux et de Plus grande taille, ce qui permet au stock de se reconstituer. Plus de sélectivité dans les engins de pêche permet aussi de réduire les prises accessoires.

Les fraudes, dans le secteur des pêches, sont donc importantes et les contrôles insuffisants. Il serait aussi souhaitable que TAC fixés par le Conseil des ministres européens soient conformes aux avis des scientifiques.

1.4 Le contrôle des activités de pêche

1 4.1 La réglementation européenne en matière de contrôle

La Politique Commune de la Pêche (PCP) confie aux États membres la responsabilité du contrôle des activités de la pêche, aussi bien a terre qu en mer Les États sont donc seuls compétents pour contrôler les activités de pêche et la commission européenne ne détient que des pouvoirs d'accompagnement des services nationaux, en vue de la vérification d'une application correcte de la réglementation de la part des États membres. Le dispositif général de contrôle des activités des navires des États membres est défini par le règlement CEE n° 2241/87. Ce règlement prévoit aussi la coopération et la co-responsabilité entre tous les États membres en matière de contrôle et de gestion des quotas.

Afin de mieux contrôler l'application des TAC et quotas, les pêcheurs ont l'obligation d'enregistrer, en mer, la zone et les quantités de leurs captures dans un journal de bord communautaire, et de déclarer les quantités débarquées Depuis le 1er janvier 1996, les navires pêchant les espèces démersales, d'une longueur supérieure à 18 mètres hors tout, doivent également communiquer leur entrée et leur sortie des zones de pêche. Ce système n'est cependant pas opérationnel en France, où les CROSS (Centre régional de surveillance et de sauvetage maritime) ne sont pas équipés pour traiter les déclarations.

Le contrôle du transport des produits de la mer par les États membres est également prévu depuis 1993 (règlement CEE n° 2847/93), afin d'empêcher des importations non déclarées, d'éviter que du poisson sous-dimensionné soit mis en vente, ou que des produits destinés à la destruction soient réintroduits dans les circuits de distribution. Cependant, ces contrôles restent très limités dans tous les pays européens, notamment les contrôles sur le poisson sous-dimensionné qui est toujours commercialisé.

Le contrôle des activités de pêche par les États membres doit porter sur le respect des mesures techniques (maillage, type d'engins utilisés, etc.), sur les captures (espèces autorisées, composition des captures, respect des quotas), sur les cantonnements de pêche, etc., mais aussi sur les aides financières accordées aux navires pour leur modernisation ou leur immobilisation provisoire ou définitive, afin de voir si ces aides ont été correctement utilisées.

Les autorités de contrôle disposent de pouvoirs étendus : droit d'abordage et de fouille, examen du poisson, ouverture d'enquêtes, demande de documents aux fins d'enquête, prélèvements d'échantillons, mesurage et pesage des marchandises, etc.

Les États membres sont tenus de communiquer régulièrement à la commission un bilan de leurs contrôles et inspections qui précise le nombre et la nature des infractions constatées et les mesures prises en conséquence

1.4.2 L'organisation du contrôle en France

En France, le contrôle de l'activité de pêche est soumis à un système complexe et incombe à des services qui relèvent de plusieurs départements ministériels. Le contrôle général de la pêche est déterminé par le ministère de l'Agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Mais ce sont les Affaires maritimes, qui relèvent du ministère de l'Équipement, qui assument la responsabilité du contrôle de tous les bateaux de pêche en activité (immatriculés en France ou non). La gendarmerie nationale, la marine nationale, les services des douanes et les services anti-fraudes peuvent également intervenir.

Le contrôle de la pêche mobilise environ 335 personnes en France, dont 144 inspecteurs (100 inspecteurs des affaires maritimes et 44 de la gendarmerie nationale) et les Affaires maritimes disposent de 35 navires de surveillance de la pêche, dont 21 unités littorales, 8 à grand rayon d'action et 6 unités à autonomie moyenne, qui regroupent au total 202 personnes. Pour le nombre d'inspecteurs des pêches, la France est le troisième pays européen, derrière la Grèce et le Royaume-Uni. Pour les unités navales, elle se situe derrière l'Italie et le Portugal.

1.4.3 Nombre de contrôles effectués

Les données dont nous disposons, proviennent du rapport de la commission européenne sur le contrôle de la Politique Commune des Pêches de mars 1996,

Contrôles à terre

Le nombre des inspections à terre n'a pas été communiqué. Les grandes catégories d'infractions constatées dans les ports, en 1994, portent essentiellement sur :

- des fraudes dans la déclaration des débarquements (journal de bord) : elles ont concerné 184 navires français, 1 navire espagnol et 3 navires belges ;

- l'utilisation d'engins illicites : 49 navires français contrôlés étaient en infraction, ainsi que 3 navires espagnols ;

- la pêche dans des zones interdites : 110 navires français ont été arrêtés ;

- des captures de poissons sous-dimensionnés : 22 navires français en infraction ;

- L'efficacité des politiques publiques des pêches -

- des captures de prises accessoires excessives ou interdites : 1 navire français en infraction ;

- un tonnage excessif : 2 navires français en infraction.

Contrôles en mer

D'après les données fournies par la France, environ 8 700 inspections seraient effectuées chaque année en mer. En 1994, les autorités françaises ont fait état de 1 404 patrouilles en mer et de 49 jours de surveillance aérienne dans les zones CIEM VII, VIII et les eaux de la Guyane. Au total, elles ont inspecté 7 793 navires français, 861 navires espagnols, 6 navires belges, 3 hollandais et 65 de nationalité différente, dans les eaux sous juridiction française. Les infractions constatées en mer ont été les suivantes :

Nature de l'infraction en 1994

Nationalité

Belgique

Espagne

France

Total

Journal de bord /déclaration

1

24

27

52

Engins illicites

14

128

142

Pêche illicite/zones de pêche

2

484

486

Tonnage excessif

1

1

2

Captures illicites : pêche directe

23

23

Prises accessoires

24

24

Poisson sous-dimensionné

12

39

51

Pêche non autorisée

20

48

68

Marquage des engins

11

27

38

Marques d'identification du bateau

1

14

15

Autres

82

321

403

TOTAL

3

165

1136

1304

% des infractions par rapport au nombre de contrôles (calcul CGP)

50 %

19,20 %

14,60 %

(Source Commission européenne)

Comparativement, en Belgique le contrôle de l'activité de pêche n'est pas très développé. La flotte de pêche n'est constituée que de 156 navires (cf annexe 3). C'est le plus petit pays pêcheurs de l'Union européenne et ses moyens de contrôle sont peu importants. Il n'y a que 8 inspecteurs pour contrôler les débarquements, les importations, les lieux de ventes et la gestion des quotas de pêche, ce qui est très insuffisant. En revanche, la Belgique dispose d'un système d'enregistrement des captures assez fiable.

À l'opposé, l'Espagne est le plus grand pays pêcheur de l'Union européenne, avec 18 314 navires armés à la pêche en 1996. Pendant très longtemps, le contrôle des activités de pêche n'était pas une priorité de l'administration espagnole. Progressivement, l'Espagne s'est dotée de moyens de contrôles navals et aériens importants Le nombre des inspecteurs a augmenté. Mais il reste insuffisant et l'organisation du contrôle est encore beaucoup trop complexe. En Espagne, les principales fraudes concernent les captures de poissons sous-dimensionnés (2 755 infractions en 1994 sur un total de 5 881). L'Union européenne conclut qu'en Espagne, des progrès ont été réalisés, mais que le chemin à parcourir est encore long.

Au niveau européen, le Royaume-Uni est le pays le plus efficace en matière de contrôle. Il dispose d'un système de contrôle national moderne et de moyens techniques importants. L'Union européenne constate que malgré certaines défaillances, notamment en ce qui concerne la clôture des pêcheries ainsi que la poursuite des infractions, les efforts et moyens consacrés par le Royaume-Uni au contrôle de la pêche constituent un exemple de la manière dont il convient de faire appliquer la PCP.

1 4.4 Évaluation des contrôles

La France déclare disposer de moyens humains et matériels considérables, mais la multiplicité des tâches des différents services empêche de déterminer avec précision les moyens affectés réellement au contrôle. Les fraudes demeurent importantes, notamment les fraudes aux mesures techniques, en particulier dans la pêche côtière. Les mesures de contrôle sont insuffisantes, tant en mer, pour prévenir l'utilisation abusive des maillages hors nonnes, que dans les ports, pour mettre fin à la commercialisation du poisson sous-dimensionné, comme le merluchon. Afin de résoudre ce problème, le ministère de l'Agriculture veut rendre obligatoire l'affichage des tailles marchandes des poissons dans tous les points de vente. Des doutes subsistent quant à l'efficacité d'une telle mesure.

D'autre part, la poursuite des infractions ne conduit en général pas à l'imposition de sanctions proportionnelles à la gravité du délit. Les sanctions sont toujours légères. Le montant des amendes est très faible par rapport à ce que peut rapporter la fraude. Et comme les inspections sont peu fréquentes, les pêcheurs peuvent considérer les amendes comme des frais d'exploitation, de sorte que l'impact des amendes sur le comportement des pêcheurs est souvent négligeable. En outre, le rapport de la Commission européenne souligne que les tribunaux nationaux n'infligent que des amendes légères, parce qu'ils trouvent la législation communautaire trop complexe pour être bien comprise des pêcheurs. Les inspecteurs reconnaissent qu'il est souvent plus facile de contrôler les navires étrangers, car il n'y a pas de risque de conflit.

Le rapport européen conclut, sur le contrôle des activités de pêche en France, que « les éléments essentiels sont en place, et les améliorations relèvent de la définition d'une stratégie d'ensemble, qui s'appuie sur une ferme volonté de progrès et s'accompagne d'une sensibilisation de l'ensemble des acteurs et opérateurs aux enjeux du contrôle et de l'affectation d'un personnel hautement qualifié aux fonctions clés (informatique, statistique) ». La France ne considère peut-être pas assez le contrôle matériel de la pêche comme une priorité de gestion. On y constate plutôt un climat de tolérance et surtout un système de dérogations très développé.

* 28 1 CATANZANO J. LANTZ.F. WEBER.J, Adéquation entre effort de pèche et ressource : les actions publiques dans le secteur des pêches, juillet 1989, Ifremer, 11 p

* 29 L'âge moyen de la population des pécheurs a légèrement augmenté en dix ans : 37 ans et demi en 1996 contre 36 ans en 1986. En 1986. 56 % des pêcheurs étaient âgés de plus de 35 ans et 58 % aujourd'hui.

* 30 METTLING.B. HENAFFP, M1NGASSON.A. MENANTEAU.J.P, Rapport d'audit sur la situation financière des navires de pèche artisanale et des organismes d'intervention, février 1995, p 15.

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