2. La rentabilité des flottilles

2.1 La situation financière des navires de pêche

Les aides d'urgence qui ont été accordées aux flottilles en 1993 et 1994 ont permis une nette amélioration de la situation des navires, surtout par l'allégement des charges sociales. Grâce à la réduction de 30 % des charges patronales intervenue en 1994, plusieurs patrons-pêcheurs ont pu honorer leurs échéances. Malgré cela, il y a quand même eu, selon le rapport d'audit de février 1995, une certaine inefficacité et dilution des aides. En particulier, si le renforcement des fonds propres des navires a permis à plusieurs armements de réduire progressivement le poids de leur dette, cette aide a été versée à trop de propriétaires, sans suffisamment de discernement. D'autre part, elle a bénéficié aussi à des unités non viables, qui ont fini par sortir de la flotte. Enfin, dans certaines régions, cette aide a été détournée et a servi à financer de nouveaux prêts. Dans une autre, la Caisse régionale l'a utilisée pour apurer un contentieux relatif à 60 navires au titre d'un arriéré de remboursement ancien.

Efficacité du plan Puech

Le "plan Puech", de février 1995, avait pour objet de poursuivre la restructuration de la flotte de pêche française. Ce plan a cherché à être plus sélectif et adapté à chaque situation en analysant les dossiers au cas par cas, afin de limiter l'aide aux navires encore viables et proposer des sorties de flotte acceptables aux autres. Un comité interministériel de restructuration de la pêche artisanale (CIRPA) a été créé en avril 1995, pour assurer la cohérence du plan Puech. Le CIRPA avait pour mission d'examiner la situation réelle des entreprises artisanales, navire par navire, et d'évaluer leurs possibilités de redressement sur le plan financier et économique.

Fin 1996, sur les 651 dossiers déposés au départ, 241 ont été rejetés et 410 ont fait l'objet de propositions de restructuration aux patrons-pêcheurs qui peuvent les accepter ou les refuser. Soixante pêcheurs ont refusé les propositions du CIRPA et 350 décisions ont été mises en oeuvre, dont 116 en allongement de prêt, 93 en désendettement et 141 en apurement du passif.

Au 31 décembre 1996, 98 % des allongements de prêts bonifiés ont été réalisés, près de 90 % des mesures de désendettement ont été mises en oeuvre, ainsi que près de 30 % des mesures d'apurement du passif. En octobre 1997, les désendettements sont terminés à 95 % et les apurements de passif à 83 %. Le désendettement a été plafonné à 1 MF par navire et l'aide moyenne a été évaluée à 510 000 francs par navire. Le coût moyen des apurements de passif est de 1,1 million de francs. Ce nouveau plan s'est voulu plus efficace en ciblant mieux les besoins. Il a conduit à 138 cessations d'entreprise, dont 33 navires ont été sortis de flotte.

Le "plan Puech" a eu des conséquences positives. Pour M. Le Bot, directeur du port de Lorient, il semblerait que la situation financière des navires soit beaucoup plus favorable, surtout pour les 20-25 m (qui étaient les plus en difficulté) par rapport aux 38 m. Les mesures de l'État ont permis d'apurer les comptes des navires qui ont retrouvé une rentabilité acceptable, notamment en allégeant les charges sociales.

Gérard Evin, responsable du Centre de gestion de la pêche artisanale, indiquait, en janvier 1997 qu'en 1996, les navires de pêche artisans adhérant à son organisme auraient vu leur chiffre d'affaires augmenter de 2 %. Même constat pour les salaires des marins, qui retrouvent des niveaux acceptables, environ 10 000 francs net pour un matelot.

Les comptes des navires du Guilvinec examinés fin 1996 par l'Observatoire de la Coopération maritime confirment ces résultats. Le bilan des activités d'un échantillon de 89 navires du quartier du Guilvinec, au premier semestre 96, est en effet nettement positif pour toutes les catégories de navires, à l'exception de quelques chalutiers pénalisés par les frais de courant. Les frais de carburant ont augmenté en 1996. Ils représentent un des premiers postes de dépenses des navires, surtout pour les chalutiers (14 % du total des charges d'exploitation pour un chalutier). Le gazole pêche a augmenté de 50 % par rapport à 1995, en raison de la hausse du cours du dollar. Sur l'année 1996, cela représenterait une dépense de 20 millions de francs supplémentaires pour 1 100 bateaux.

Répartition des différentes charges d'exploitation pour
un chalutier de 20 mètres en 1995 (en % du total des
charges).

Le "plan Puech" a donc été efficace en permettant à un certain nombre de navires de renouer avec la rentabilité, grâce notamment à l'allégement des charges sociales patronales et aux mesures de désendettement. Il a aussi évité un "saupoudrage" des aides. Cependant, on peut lui reprocher sa lenteur. En voulant traiter chaque dossier au cas par cas, le versement des aides a pris beaucoup de temps, ce qui a pu aggraver la situation de certains navires. Un an et demi après le lancement du plan, la majorité des navires, qui devaient faire l'objet d'un désendettement, n'avaient toujours rien reçu. D'autre part, le plan Puech. qui devait permettre aussi un allégement des charges portuaires, afin de réduire les prélèvements au débarquement, n'a pas été très efficace sur ce point. Les investissements portuaires n'étant toujours pas amortis, les organismes gestionnaires ne peuvent pas réduire les charges. Au Guilvinec. les charges ont même augmenté : + 0,2 % à + 0,7 % pour les taxes de criée On peut également souligner l'absence d'un volet « marché » dans ce plan, alors que l'effondrement des cours du poisson a été l'une des principales causes de la crise

Ce plan a représenté une dépense de plus de 300 millions de francs, en intégrant les mesures sociales et celles de prorogations de bonification. Les mesures de désendettement et d'apurement du passif ont été estimées à environ 220 millions de francs, dont 73,5 millions à la charge de l'État, et 150 millions répartis par moitié entre les collectivités territoriales et le Crédit maritime

Les mesures décidées ont bien été appliquées, même si certaines ont été longues à venir, comme les vingt millions d'aides aux familles en difficulté destinées à faire face à des situations d'urgence ou les mesures de désendettement du plan Puech. En revanche, les mesures exceptionnelles de 1993 n'ont pas toujours eu l'efficacité souhaitée. Prises dans l'urgence, ces mesures ont permis à certaines familles de pêcheurs de survivre et de poursuivre leur activité, mais elles n'ont pas permis de sortir de la crise. L'État a dû continuer à verser des aides aux familles jusqu'en 1996.

Les mesures financières de bonification des taux d'intérêt ont eu des effets directs sur le désendettement des navires et ont progressivement permis un redressement de leur situation financière. Depuis 1993, la bonification d'intérêts d'emprunts à la pêche a représenté une enveloppe de 347 MF. Quant aux 90 MF pour le renforcement des fonds propres des navires distribués sans aucune contrepartie, le rapport coût/bénéfice semble plus faible. Ils n'ont pas permis de rétablir la capacité d'emprunt des navires de pêche, soit parce qu'ils ont servi à autre chose que le remboursement des dettes du navire, soit parce que la situation financière était telle que les fonds distribués n'étaient pas suffisants pour rétablir les finances de l'entreprise. La Direction des pêches et des cultures marines indique que ces mesures ont eu pour conséquence de remédier aux effets immédiats de la crise, sans pour autant permettre, compte tenu de l'urgence, d'engager une thérapie durable : ainsi, si les allégements de cotisations sociales et le réaménagement des emprunts ont constitué des premières mesures structurelles efficaces - et appréciées -, les dispositifs d'aide aux fonds propres, qui n'ont donné lieu à aucune contrepartie en termes de restructuration des armements, doivent s'analyser principalement comme étant de nature conjoncturelle.

Les mesures de baisse des charges patronales peuvent avoir trois conséquences : encourager à l'embauche de nouveaux marins ou au maintien des emplois existants en réduisant le coût du travail, et permettre une augmentation des salaires directs en laissant le coût total du travail inchangé, ou peut être utilisée par les entreprises pour améliorer leur situation financière. Il est difficile d'établir un lien de cause à effet direct, car d'autres acteurs peuvent intervenir. Néanmoins, on constate qu'il n'y a pas eu d'augmentation du volume de l'emploi, les effectifs i la pêche ne cessent de diminuer. Les rémunérations nettes des marins ont augmenté ces deux dernières années, sous l'effet du redressement des cours et des baisses de charges salariales. En revanche, on constate dans les comptes d'exploitation des navires que parallèlement aux baisses des charges, les charges financières ont diminué et l'excédent brut d'exploitation s'est redressé. En ce sens, les mesures de baisse des charges ont été les plus rapides et efficaces, en permettant une amélioration de la situation financière des navires de pêche.

Depuis 1996, la situation est beaucoup plus saine. Toutes les unités non viables ont été sorties de la flotte. À présent, il faut assurer aux navires une rentabilité durable, en réduisant leurs coûts d'exploitation, en particulier les charges au débarquement qui pèsent sur leur résultat d'exploitation et qui semblent être les plus faciles à diminuer.

2.2 Le poids des charges au débarquement est principalement lié au surinvestissement dans les ports de pêche

Une fois le navire de pêche arrivé au port, le poisson est lourdement taxé. Ces charges varient beaucoup d'un port à l'autre, mais elles sont en moyenne élevées, de 10 à 12 % sur le chiffre d'affaires des navires et de 5 % sur celui des mareyeurs, et n'ont pas connu de baisse ces dernières années.

2.2.1 Des investissements insuffisamment sélectifs ont été mis en oeuvre dans les ports de pêche

Les taxes sont élevées principalement en raison de l'éparpillement des lieux de vente et des criées. On compte aujourd'hui 40 criées réparties sur les 1 500 km de côtes françaises (soit en moyenne une criée tous les 37 km) : 15 en Bretagne, 7 en Pays de la Loire / Poitou-Charentes, 9 en Normandie, 3 en Aquitaine et 6 en Méditerranée. Elles sont proches les unes des autres. En pays Bigouden, on dénombre 4 criées dans un périmètre de 20 km. La répartition des criées résulte plus du fruit des traditions locales que du résultat d'une logique économique : très peu d'entre elles sont localisées en fonction des grands axes de communication ou des centres de consommation. Cette dispersion réduit le nombre de vendeurs sous chaque place et augmente les frais unitaires. De plus, les dix premières criées (Boulogne, Lorient, Concarneau, Le Guilvinec, Les Sables d'Olonne, Saint-Guénolé, Loctudy, Douarnenez, La Turballe, Port en Bessin) commercialisent les deux tiers de l'ensemble des apports en valeur. Les autres (soit les trois quarts) traitent moins de 10 000 tonnes de poissons par an, ce qui est insuffisant pour les rentabiliser. Ainsi, beaucoup de criées connaissent des difficultés financières importantes.

Cet éparpillement des lieux de vente traduit un surinvestissement dans les ports de pêche ces dernières années. Il y a quinze ans, il y avait une douzaine de ports d'expédition. Aujourd'hui il y en a 27, dont certains produisent des tonnages très faibles, comme Cancale ou Honfleur, qui ont commercialisé respectivement 775 t et 281 t de produits de la mer en 1996. La criée de Honfleur a été fermée en juillet 1997

Ces investissements ont aussi été réalisés dans la perspective des mises aux normes européennes. Ils ont consisté en des aménagements portuaires (bassins, quais, etc.), modernisations des criées (informatisation, installation en froid, ...), modernisations des installations de mise en vente, de manutention, etc. Parfois, il y a eu reconstruction d'anciennes criées, comme à l'Ile d'Yeu, St-Gilles Croix-de-Vie ou La Rochelle. Toutes ces restructurations ont entraîné une augmentation de la capacité portuaire, alors que la production des criées a baissé entre 1990 et 1996 de 312 988 t à 281 207 t (source CAAM). Trois criées ont dû fermer ces trois dernières années : Camaret, Saint-Nazaire et Honfleur.

D'après une étude du FIOM sur les investissements portuaires de 1993, 547 MF ont été investis dans les ports de pêche dotés d'une criée entre 1988 et 1992. Les investissements ont concerne essentiellement les infrastructures portuaires (55 %) et les criées (24 %). Ces réalisations étaient parfois indispensables, car beaucoup de ports de pêche étaient vétustes et inadaptés aux nouvelles exigences du secteur. L'écart se creusait entre des techniques de pêche de plus en plus productives et l'archaïsme des techniques de débarquement. La modernisation des criées, l'accélération des procédures de débarquement et la généralisation des entrepôts réfrigérés étaient devenues indispensables. Cependant, ces investissements auraient dû profiter à une concentration des lieux de débarquement modernes et bien équipés au lieu de conduire, dans certains endroits, à un gaspillage des ressources. Certains investissements ont été beaucoup trop coûteux, alors que la crise commençait déjà à se faire sentir et que les apports diminuaient.

84 millions de francs ont été investis à Concarneau, alors que la production a baissé de 14 % entre 1990 et 1996 (de 31 546 t à 27 196 t). Dans les ports de Lorient et Douarnenez, les modernisations ont coûté 17 et 14 millions de francs. Les apports sous criée ont chuté de 55 % à Lorient et de 43 % à Douarnenez. Le transfert du port de pêche de la Rochelle à Chef de Baie, répondant à une volonté politique de miser sur le service, la qualité et l'attractivité, a représenté un investissement particulièrement important. Le montant total des travaux et des installations serait de plus de 300 millions de francs sur la période 1992-1995, d'après les chiffres du Conseil régional de Poitou-Charentes La production du port a chuté entre 1990 et 19 % de 36 % en volume et en valeur. Il n'y a qu'au Guilvinec, où parallèlement aux investissements d'un montant de 67 millions de francs, la production connaît une légère hausse de plus de 4 % entre 1990 et 1996.

On constate donc une absence de sélectivité dans les projets, favorisée par un financement cumulé de la part des collectivités territoriales, de l'État et de l'Union européenne Des aides ont été octroyées trop facilement, sans aucune coopération entre les différents niveaux de gestion des aides et sans étude des conséquences sur l'ensemble de la filière pêche, en particulier sur les taxes de débarquement payées par les producteurs. Le taux de subvention peut atteindre jusqu'à 80 % du montant des travaux. En moyenne, le taux global de financement sur fonds publics est de 47 %, les dépenses d'emprunt de 30 % et l'autofinancement de 23 %. Pour la modernisation des criées, le taux de subvention est en moyenne de 62 %, de la part des collectivités locales et de l'Union européenne.

Le manque de sélectivité est expliqué par le rôle attribué aux criées pour fixer les navires dans un port de pêche, en raison des avantages qu'elles présentent pour le pêcheur : prise en charge à terre, garanties financières, délais de paiement réduits, etc.) et donc pour maintenir une certaine population dans le port. Mais ces criées se retrouvent en concurrence. Si le projet de construction d'une criée à Marseille est réalisé, elle viendra directement concurrencer la criée de Port-de-Bouc, située à 40 km. Or ce projet représente un investissement de 6 millions de francs, alors que la production marseillaise ne dépasse pas 1 000 tonnes par an. Les gestionnaires des ports de pêche réalisent des travaux sans étudier véritablement ce qui est techniquement indispensable. Le cas de Saint-Brieuc doit être mis à part. Les sept ports de la baie se sont transformés en cinq points de débarquements et deux criées, Erquy i l'ouest de la baie et St-Quay Portrieux à l'est, reliées entre elles et chargées de commercialiser l'ensemble de la production de la baie. Ces aménagements ont représenté un investissement minimum et favorisent la concentration de la production.

D'autre part, la gestion des criées, assurée en majorité par les chambres de commerce et d'industrie, n'est pas toujours rentable. Les criées emploient beaucoup de personnel : 1 350 personnes travaillent à plein temps, affectées aux opérations de déchargement, de tri, d'allotissement, de présentation, d'enlèvement du poisson, d'entretien et de maintenance, de contrôle et de traitement administratif, avec une productivité très variable. Le rapport du FIOM, sur les investissements portuaires, a constaté des productivités allant de 30 tonnes/personne/an à 1 500 tonnes/personne/an et conclut à une sous-utilisation du matériel et à un sureffectif manifestes. Dans les ports où les investissements ont été importants, on constate des productivités du travail assez faibles.

Productivité des criées françaises en 1996

Production (tonne)

Nombre de

personnes travaillant dans la criée

Productivité (tonne/pers/an)

Lorient

22 240

79

345

Concarneau

27 1 %

32

242

Le Guilvinec

38 752

48

807

Douarnenez

7 744

85

261

La Rochelle

5 682

44

129

Parallèlement à l'augmentation des investissements portuaires, la flottille de pêche ne cesse de diminuer

Évolution de la flotte de pêche par quartier

Pourtant huit projets d'investissements à terre ont encore été déposés en 1995, pour un montant total de 27 MF, dont 19,4 MF à Lorient, 3 MF à Douarnenez, 2 MF à Loctudy. 0,4 MF à Saint Guénolé. En 1996, le FIOM a encore accordé 3 MF pour une vingtaine de projets avec des montants, de subvention de 25 000 à 450 000 francs. Il semble donc y avoir une mauvaise orientation des aides, qui ne cherchent pas à concentrer la production et à réaliser des économies d'échelle en rendant le secteur plus compétitif

Classement des criées par valeur des ventes en 1996. Source FIOM.

Nom de la criée

Valeur vendue (T)

Quantité vendue (T)

Prix moyen

(F/kg)

1

Boulogne/mer

498 155

51720

9,63

2

Concarneau

353 853

26265

13,47

3

Loricnt

281 920

22103

12,75

4

LeGuilvinec

271 815

14931

18,21

5

Loctudy

196 031

10526

18,62

6

Les Sables d'Olonne

173 483

8771

19,78

7

Saint Guenolé

172 916

10656

16,23

8

LaTurballe

154 288

13734

11,23

9

Baie de Saint Brieuc

135 622

10169

13,34

10

Port en Bessin

115 513

9 733

18,30

11

Oléron

107 909

3 989

11,87

12

Saint Gilles Croix de Vie

107 704

8287

13,00

13

La Rochelle

97 119

5 307

27,05.

M

Douarnenez

88 336

7312

12,08

15

Granville

87 526

10202

8,58

16

Le Croisic

85 879

2847

30,52

17

Cherbourg

75 515

6507

1160

18

Noirmoutier

65 920

2077

31,74

19

Arcachon

65 051

2251

28,90

20

Ile d'Yeu

59 160

2096

28,22

21

Dieppe

53 712

4202

12,78

22

Sète

48 813

2807

17,39

23

Saint Jean de Luz

47 571

4350

10,93

24

Dunkerque

44 001

1722

25,55

25

Saint Malo

42 032

3399

12,37

26

Roscoff

37 403

2149

17,40

27

Le Grau du Roi

36 924

2528

14,61

28

Royan

36 438

1027

35,49

29

Fécamp

36 245

3917

9,25

30

Port la Nouvelle

33 839

3775

8,96

31

Audierne

32 293

1132

28,53

32

Hendaye

30 592

5709

5,36

33

Grandcamp

29 442

1638

17,98

34

Lesconil

28 525

1042

27,38

35

Quiberon

26 098

1017

25,66.

36

Aude

20 185

1436

14,06

37

Brest

19 004

868

21,88

38

Port de Bouc

18 617

1099

16.94

39

Port Vendres

7 616

513

14,85

40

Cancale

6 727

775

8,69

41

Honfleur

6 652

281

23,71

2.2.2 La diversité des charges portuaires

Malgré les grandes disparités qui existent dans les charges au débarquement, on peut dresser la typologie suivante :

- redevance d'équipement des ports de pêche. Elle est utilisée pour les dépenses d'entretien, d'amélioration et d'équipement du port. Ces taxes représentent environ 2 à 4 % du chiffre d'affaires des navires ;

- taxe de criée, qui rémunère les services de la criée. Elle varie entre 1,3 % et 8,5 % du chiffre d'affaires des navires en fonction des services proposés ;

- tarif correspondant à l'utilisation des outillages et services portuaires (de 1 à 10 %), et pesant uniquement sur les pêcheurs (bacs à poissons, eau, glace, tri, déchargement, etc.). Les services peuvent varier de façon importante entre les ports et les pêcheurs peuvent plus ou moins utiliser les services proposés ;

- la taxe FIOM (0,12 % sur le vendeur et 0,12 % sur l'acheteur) ;

- les cotisations volontaires (de 0,4 % à 3,3 % du montant des ventes). Ces cotisations peuvent être des cotisations sociales (péris en mer, écoles maritimes, syndicats professionnels) ou des cotisations professionnelles (OP, fonds de garantie, association des acheteurs des produits de la pêche, groupement de gestion,...).

Les charges portuaires varient de 2,24 % à 20,70 %. Parmi les ports à forte taxation, on trouve Douarnenez (16,58 %), Saint- Guénolé, Le Guilvinec, Loctudy, Concarneau avec des charges comprises entre 15,77 % et 20,70 % du chiffre d'affaires des navires et Lorient (taxe supérieure à 13 %). La majorité des navires les plus endettés au lendemain de la crise se trouve dans les ports à forte taxation : 57 navires dans le port du Guilvinec, 28 à Lorient, 24 à Concarneau, 15 à Douarnenez. On constate aussi que les ports qui ont réalisé le plus d'investissements sont ceux qui imposent des taxes les plus élevées : Douarnenez, Concarneau, Saint Guénolé, Le Guilvinec et Lorient. Aujourd'hui les organismes gestionnaires doivent faire face aux problèmes de surinvestissement et certains réclament un rééchelonnement de leur dette. Le Conseil économique et social rapporte dans son étude de 1997 31 ( * ) que les coûts de construction des infrastructures portuaires font souvent l'objet d'un amortissement accéléré sur 10 ans qui se traduit par un renchérissement des taxes payées par les usagers. L'étalement de l'amortissement sur 20 ou 30 ans serait préférable.

Si les taxes varient beaucoup d'un port à l'autre, la raison en est que les services rendus à terre sont souvent différents. Par exemple, à Port- en-

Bessin, le poisson supporte une taxe d'écorage de 3,75%, 1,4% de redevance d'équipement, 0,8% de taxe de criée, 0,12% de taxe FIOM, 2,3 % de cotisations OP, 0,05 % de cotisations au syndicat des pêcheurs portais et environ 2 % des frais de débarquement, soit au total 10,4 %. Les mareyeurs doivent, eux, payer une taxe de 8,42% (équipement, FIOM, criée). À Lorient, le poisson supporte une taxe de 12,72 % + 1,15 F/bac qui se décomposent de la façon suivante : taxe d'équipement : 1,5 %, taxe de criée: 1,15%, taxe d'outillage: 0,55%, taxe de vente: 0,09%, taxe FIOM : 0,12 %, taxe de déchargement : 9,21 %.

Ces taxes viennent grever les coûts de production des navires et le prix du poisson, même si d'autres facteurs interviennent dans la formation des prix : l'atomisation des marchés, les prix relatifs des autres produits alimentaires, etc. Ces taxes réduisent la compétitivité des pêches françaises et des navires français. D'après le rapport d'audit de février 1995 sur la situation financière des navires de pêche artisanale, une réduction de 10 % des charges portuaires pendant 3 ans équivaut, sur la base du chiffre d'affaires moyen des navires de 12-25 m, à un accroissement des recettes annuelles de l'ordre de 70 000 francs, soit une amélioration de 35 000 francs de l'EBE des navires et une augmentation des salaires de 7 000 francs par an et par homme. De plus, une baisse des charges pourrait inciter les petites unités i débarquer sous criées, ce qui augmenterait les recettes de ces dernières.

Quand on compare le prix moyen au débarquement pour 5 espèces par rapport à d'autres pays européens, on constate que les prix français sont globalement plus élevés.

Prix moyen des espèces au débarquement dans différents pays de
l'Union européenne en 1992 (Ecu/kg).

Danemark

France

Pays- Bas

Royaume- Uni

Morue

1,64

2,24

1,85

1,83

Lieu noir

1,00

0,71

Merlan

1,19

0,75

Baudroie

4,63

3,51

Merlu

4,24

(Source Eurostat)

Cette différence de prix s'explique principalement par une différence dans les charges au débarquement. De façon générale, l'offre n'est pas aussi dispersée dans les autres pays européens, sauf en Espagne, où il existe 164 criées. Il n'y a que 11 criées aux Pays- Bas et 2 en Allemagne et les charges y sont moins élevées : 5 % en Allemagne (3 % de frais de déchargement plus 2 % de frais de vente sous criée) et 3 % au maximum aux Pays- Bas Cette différence pénalise les produits français par rapport aux produits d'importation. Les produits frais importés, transportés par camion et mis en vente sous criée française (ce qui permet à l'exportateur de bénéficier des garanties de paiement), supportent moins de 5 % de taxes (pas de taxe portuaire ni de frais de déchargement). Afin de réduire ces frais, certains équipages assurent eux- mêmes le déchargement des produits ainsi que le tri et la mise en caisse. Malgré ces efforts, les taxes obligatoires restent élevées (taxe de criée, redevance d'équipement, taxe FIOM, etc.).

* 31 Conseil Économique et Social, Affirmer la place des pêches maritimes françaises face «« défis mondiaux. A.PARRES, 9 juillet 1997, 229 p.

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