3. La compétitivité du marché français

Afin de mieux évaluer l'impact des aides de l'État en faveur du marché des produits de la mer, il est d'abord essentiel de comprendre comment se forme la valeur dans la filière pêche, d'identifier les différents intermédiaires, leur rôle et les marges financières qu'ils captent.

3.1 La formation de la valeur dans la filière pêche

L'opacité de la filière et l'existence de plusieurs circuits de distribution des produits de la mer rendent l'étude de la formation de la valeur difficile. Pourtant, il est indispensable d'expliquer les différences qui existent entre le prix du poisson au débarquement et le prix à la consommation et de connaître les marges bénéficiaires des acteurs pour bien comprendre le fonctionnement de la filière

L'étude 32 ( * ) suivante a été réalisée en relevant le prix d'un certain nombre d'espèces à chaque stade au travers des différents circuits de distribution. Les différences de prix ont ensuite été analysées et les marges des acteurs calculées.

L'échantillon retenu comprend des produits achetés entiers et vendus entiers, ainsi que des produits achetés entiers et proposés au détail transformés.

3.1.1 Le schéma général de la mise en marché des poissons frais

Ce schéma est le suivant :

- le pêcheur apporte ses captures en criée ;

- la criée met en vente les captures, après triage, calibrage et allotissement, auprès d'acheteurs agréés, moyennant une taxe globale voisine de 10 %, payée par moitié par le pêcheur et par moitié par l'acheteur. Sous criée, la fixation du prix se fait par un système d'enchères ascendantes et descendantes. Un certain nombre de facteurs peuvent influencer ces enchères : l'importance des quantités débarquées, la taille ou le poids moyen du poisson, les importations de poissons frais et congelés, les substitutions possibles entre espèces et produits, les effets de saisonnalité et l'évolution du revenu national ;

- l'acheteur agréé enlève ses achats à la criée et les transporte jusqu'à son atelier de transformation. Les frais de ramassage ont été calculés et sont de l'ordre de 0,30 F par kilo. Deux interventions différentes sont généralement pratiquées par les acheteurs : le mareyage simple, qui consiste à ranger les produits dans des boîtes en polystyrène, les glacer et les expédier ou la transformation qui peut être plus ou moins complexe, mais qui en règle générale se résume soit au filetage, soit au découpage en darnes avant mise en boite et expédition ;

- entre le mareyage et le client suivant (qui peut être un grossiste, une centrale d'achats, un rayon marée de GMS, ou un poissonnier privé), le transport est généralement à la charge de l'expéditeur. Le coût de transport dépend de l'éloignement des lieux de vente. La valeur moyenne nationale du transport sur vente est proche de 2,30 F/kg. Dans notre étude, cette valeur est inférieure, pour se situer à 1,49 F/kg ;

- le grossiste, livré par le mareyeur ou s'étant approvisionné directement à l'import, assure la livraison de son client final ou lui remet la marchandise sur son carreau du MIN de Rungis ou d'ailleurs. Dans le cas de la livraison par le grossiste, le prix est franco de port. Dans l'autre cas, il est à la charge du client ;

- la centrale d'achats reçoit les produits importés ou achetés aux mareyeurs. Ces centrales appartiennent aux grandes enseignes de la distribution nationale. Elles collectent les besoins des rayons des magasins, négocient les achats à l'import et auprès des mareyeurs. Elles prélèvent entre 6 et 8 % pour leurs frais de fonctionnement ;

- les rayons dépendants d'une centrale d'achats ont à leur charge les frais de transport et de préparation de commandes entre la plate - forme et le magasin, En moyenne, pour les grandes enseignes ayant des magasins dans toute la France, le prix de la livraison est de 2,50 F/kg. Le coût de la plate - forme est d'environ 0,60 F/kg, soit au total 3,10 F/kg à charge du rayon de marée.

Pour un certain nombre de produits importés, le passage en criée se fait à taux réduit. C'est le cas de Boulogne sur Mer, où les prestations reviennent à 2,5 % à charge de l'acheteur. En outre, beaucoup de produits importés ne passent pas en criée. Ils n'acquittent donc aucune taxe et les frais de transport jusqu'aux ateliers de l'acheteur sont généralement inclus dans le prix. Enfin, pour les coquillages comme les huîtres et les moules, les mareyeurs n'interviennent que très rarement. Les producteurs approvisionnent directement les points de vente, les centrales et parfois les grossistes.

3. 1.2 La formation des prix et les coefficients multiplicateurs :

Nous ne reprenons pas ici la totalité de l'échantillon de l'étude. Nous considérons seulement quatre espèces à travers quatre circuits différents.

Dans ce tableau, le prix du poisson est multiplié par 3,70 entre le filet du pêcheur et l'assiette du consommateur. Sur l'ensemble de l'échantillon de notre étude, ce coefficient est de 3,10. Ces valeurs sont très proches des coefficients réels. En effet, en 1995, le prix moyen des produits de la mer sous criée était de 13,32 F/kg et le prix moyen à la consommation de 45,32 F/kg, soit un coefficient de 3,40. Ce coefficient peut néanmoins être beaucoup plus élevé pour certaines espèces ou certains jours particuliers. Par exemple, pour la saumonette, le coefficient relevé est de 17,32.

À chaque stade de la filière, le prix de vente dépend du prix d'achat du poisson (le mareyeur calcule le seuil de prix qu'il ne doit pas dépasser dans ses achats), des pertes de matière, des charges d'exploitation et de la marge bénéficiaire de l'acteur. Les pertes de matière peuvent être très importantes. Il y en a deux types : les pertes liées aux conditions de conservation et de transport (freinte) et celles liées aux transformations. Ces pertes diminuent le rendement technique du poisson Tout au long de la filière, le poisson connaît une diminution de poids et une augmentation de prix.

L'exemple du merlan :

Le pêcheur apporte le merlan sous criée. Celle- ci prélève une taxe de 5 % sur le pêcheur, qui reçoit 14,16 F/kg et sur le mareyeur qui achète le merlan 15,65 F/kg.

Le mareyeur supporte des coûts de ramassage : 0,30 F/kg, soit un coût d'achat de matière première de 15,95 F/kg.

Les pertes de matière sont évaluées à 4 % lors du transport. Le rendement technique du poisson est donc de 96 %. Le prix de revient de matière première est alors de : 15,95 / 0,96 = 16,61 F/kg. Si le mareyeur transforme le poisson, le rendement technique est beaucoup plus faible. Le rendement dépend du poisson et du type de transformation effectuée (filetage, étêtage, préparation en darne, etc.). Le merlan préparé en filet a un rendement de 35 %, soit un prix de revient de 15,95 / 0,35 = 45,57 F/kg.

Ce jour là, le mareyeur vendait le merlan 25,00 FHT/kg, soit une marge brute de : 25 - 16,61 = 8,39 (33,56 %). Le filet de merlan était vendu 55,00 F/kg. La marge brute est de : 55 - 45,57 = 9,43 (17,15 %).

Avant d'expédier son poisson à son client, le mareyeur doit encore supporter des frais d'emballage (I F/kg) et les frais de livraison (1,49 F/kg). Après déduction du transport et de l'emballage, la marge contributive est de : 25 - (16,61 + 1,00 + 1,49) = 5,90 F/kg, soit 23,60 %. Pour le filet de merlan, la marge contributive est de 12,64 %. Le grossiste achète le merlan 25,00 F/kg franco de port. Le grossiste supporte environ 3 % de pertes lors des diverses manipulations, de l'ouverture des boîtes, ainsi qu'une perte en eau. Le rendement technique du poisson est de 97 %, soit un prix de revient de matière première de : 25 / 0,97 = 25,77 F/kg. Le prix de vente du grossiste est de 30,00 FHT/kg. Sa marge brute est de 30 - 25,77 = 4,23 F/kg (14,1 %). Le grossiste livre sa marchandise au MIN, il n'a donc pas de frais de livraison, ni de frais d'emballage. Dans la réalité, les grossistes livrent la marchandise à leurs clients dans 50 % des cas. Ils répercutent alors les coûts de transport sur leurs prix de vente. Sur un filet de merlan acheté 45 F/kg au mareyeur, la perte est toujours de 3 %, le prix de revient est alors de : 45 / 0,97 = 46,39 /kg Le prix de vente est de 56,00 FHT/kg, donc sa marge est de 9,61 F/kg (17,16 %).

Le merlan peut aussi être acheté par une centrale d'achat. Celle- ci ne subit pas de perte car elle n'ouvre pas la marchandise et les frais de transport sont à la charge du rayon. La centrale facture une prestation qu'elle intègre dans le prix de cession aux magasins. Dans notre étude cette prestation est facturée 6,5% du prix d'achat, correspondant à la moyenne des prix pratiqués par les centrales des groupes Leclerc et Carrefour. Les frais de plate-forme s'élèvent donc à : 25 x 0,065 = 1,63 F/kg, le prix de vente est de 26,63 FHT/kg, soit une marge de : (26,63-25) / 26,63 = 6,10 %. La marge est la même sur le filet de merlan. Les frais sont de : 55 x 0,065 = 3,58 F/kg, le prix de vente de 58,58 F/kg et la marge 6,10 %.

Dans notre étude, le rayon GMS achète la marchandise à sa centrale d'achat ou directement au mareyeur. Dans la réalité, les GMS peuvent aussi s'approvisionner chez les grossistes. Si le merlan est acheté à la centrale, le rayon supporte des frais de transport, le coût d'achat de matière première est donc : 26,63 + 3,10 = 29,73 F/kg. Le prix de revient incluant les pertes de matière est de : 29,73 / 0,94 = 31,63 F/kg. La GMS propose le merlan à sa clientèle à 37,82 FHT/kg. Sa marge brute est donc de: 37,82 - 31,63 = 6,19 F/kg, soit 16,37 % du prix de vente. Sur le filet de merlan, le prix de revient de matière première est de: 58,58 + 3,10 = 61,68 / 0,94 = 65,62 F/kg. Le prix de vente étant de 85,21 F/kg, la marge brute du rayon sur le prix de vente est de 23 %.

Lorsque le rayon s'approvisionne directement chez le mareyeur, ses marges sont plus importantes. Les frais de transport sont à la charge du mareyeur. Si l'on considère la queue de lotte de notre tableau, elle est achetée 67,10 F/kg à la centrale et 65 F/kg au mareyeur. Dans le premier cas, elle est vendue 94,69 FHT/kg avec une marge de 21,14 % et dans l'autre, elle est vendue 90,05 FHT/kg avec une marge de 23,21 %.

Le poissonnier peut s'approvisionner chez un grossiste, un mareyeur, directement à la criée ou encore auprès du producteur.

Chez le grossiste, le merlan est acheté 30,00 F/kg. Les frais de ramassage sont de 1,45 F/kg. Le coût d'achat de la matière première est de :

31,45 F/kg. Les pertes de matière chez le poissonnier ont été estimées à 6 %, elles peuvent aller jusqu'à 13 %, le prix de revient est de : 31,45 / 0,94 =

33.45 F/kg. Le poisson est vendu 42,73 FHT/kg. La marge brute représente donc : (42,73 - 33,46) / 42,73 = 21,70 % du prix de vente.

Chez le mareyeur, prix d'achat : 25, 00 F/kg. Les frais de transport sont à la charge du mareyeur. Le prix de revient après les pertes : 25 / 0,94 = 26,60 F/kg. Le merlan est vendu en poissonnerie 39,24 FHT/kg, soit une marge de 12,64 F/kg représentant 32,22 % du prix de vente. Sur le filet de merlan vendu 73,93 F/kg, la marge est de 20,86 %.

En criée, le merlan est acheté 15,65 F/kg par le poissonnier, il est ensuite revendu 40,38 FHT/kg. Après déduction des frais de ramassage (1,45 F/kg) et des pertes de matière (6 %), la marge du poissonnier est de : 54,96 %.

Le détaillant qui achète en criée effectue lui- même les opérations de transformations, généralement à la charge du mareyeur. Le merlan est acheté 15,65 F/kg. Les frais de transport sont de 1,45 F/kg, soit un coût d'achat de 17,10 F/kg. Le rendement technique du merlan après transformation est de 35 %, soit un prix de revient de : 17,10/0, 35 = 48,86 F/kg. Le prix de vente est de 73,93 FHT/kg, soit une marge de : 33,91 %.

3.1.3 Les marges des intermédiaires :

Sur l'ensemble de notre échantillon, les marges moyennes des différents intermédiaires sont résumées dans le tableau suivant :

Ce tableau montre que les marges les plus importantes se font au stade de la vente finale : 36 % pour les poissonniers et 23 % pour les rayons marée des GMS. Les marges les plus faibles sont celles des grossistes (12,82 %). Ceci explique une partie de la situation actuelle de cette profession, qui est obligée de traiter des volumes de plus en plus importants pour survivre. La fonction de grossiste, si elle n'évolue pas, risque de disparaître assez rapidement. Les mareyeurs ont également des marges faibles qui les obligent à augmenter leurs volumes, mais aussi à évoluer vers une plus grande valorisation des produits par la transformation, la préparation et une meilleure présentation des produits. La faiblesse de ces marges justifie les interventions de l'État pour aider à la restructuration de ce secteur.

Les marges des rayons GMS sont bien moins élevées que celles des poissonniers. Cela s'explique par des frais de transport plus lourds et par les coûts de fonctionnement des plates-formes de distribution. Néanmoins, le cumul des marges de la centrale et celle du rayon est à peu près équivalent à la marge du poissonnier s'approvisionnant auprès d'un grossiste.

Cette étude montre clairement que ce sont les grandes surfaces et les poissonniers qui dominent le marché des produits de la mer. Ils tirent au maximum les marges des autres intermédiaires. Néanmoins, même au stade de la vente finale, les marges de la filière ne sont pas particulièrement élevées. Il n'apparaît donc pas dans la filière de produits de la mer de maillon qui capte la rente et sur lesquels on pourrait agir pour diminuer les prix en bout de chaîne. Le seul poste sur lequel une économie semble être possible est celui des frais de transport. Notre étude a montré que les coûts de

transports des produits de la mer étaient environ le double des coûts pour les autres produits frais. On peut réduire ces coûts d'au moins 1 F/kg ce qui représente un gain non négligeable pour la filière.

Coûts de transport des produits de la mer et des produits frais.

Produits de la mer

Produits frais

Morlaix-Paris

1,68 F/kg

0,80 F/kg

Saint-Brieuc-Paris

1.56 F/kg

0,75 F/kg

Lorient-Paris

1,19 F/kg

0,70 F/kg

Pays Bigouden-Lyon

3,10 F/kg

1,.55 F/kg

Pays Bigouden-Marseille

3,50 F/kg

1,82 F/kg

( Source Equinoxe)

3.2 La restructuration du mareyage

En tant que premier acheteur de produits de la mer, le mareyeur joue un rôle essentiel dans la filière pour l'écoulement du poisson. Mais c'est une profession qui a beaucoup souffert de la crise et qui a dû s'adapter aux contraintes de l'internationalisation des échanges et de la modernisation, pour se mettre aux normes sanitaires européennes. L'étude du FIOM sur « La situation et perspectives du mareyage en France en 1994 » montre que, sur un échantillon de 92 entreprises de mareyage, la perte de chiffre d'affaires a été de 12 % entre 1991 et 1993. Le rapport Guérin de mars 1994 sur « La commercialisation des produits de la mer » souligne également les difficultés financières du secteur. L'étude sur les marges contributives du mareyage confirme cette situation.

Les mareyeurs ont besoin d'une trésorerie importante. Les mareyeurs agrées en criée doivent déposer une caution à l'organisme gestionnaire de la halle à marée. Ceux qui s'approvisionnent sous plusieurs criées doivent déposer plusieurs cautions, ce qui pose des problèmes. Un système d'informations au niveau national permettrait de centraliser les cautions des mareyeurs. D'autre part, ils doivent faire face à la longueur des délais de paiement de leurs clients. Avec la chute des cours à la première vente due à la crise en 1993 (moins 12 % par rapport à 1992) et la perte de certains clients, les mareyeurs ont connu une perte de chiffre d'affaires importante, alors qu'ils devaient faire face aux mises aux normes sanitaires européennes. Ces mises aux normes ont exigé la rénovation des ateliers anciens, voire même la construction d'ateliers neufs dans certains cas, ainsi que l'achat de nouveaux équipements pour la fabrication de produits élaborés ou semi-élaborés.

Ces normes sont fixées par la directive européenne n° 91/493 du 22 juillet 1991 et l'arrêté ministériel français du 28 décembre 1992. Ces textes fixent les normes d'hygiène et de qualité que doivent désormais respecter les entreprises de manipulation des produits de la mer (mareyeur et ateliers de transformation), pour les installations, le traitement et la commercialisation des produits de la mer. Les entreprises ont eu jusqu'au 30 juin 1996 pour se mettre aux normes (au départ la date butoir fixée par l'Union européenne était le 31 décembre 1995). En France, le plan de modernisation du mareyage a été mis en place dès 1988, sur proposition des représentants de la profession. Sa montée en puissance date de 1991-1992 avec les normes européennes. Selon les professionnels, ces mises aux normes seraient désormais achevées dans toutes les entreprises françaises.

En 1993, il existait 600 entreprises de mareyage. 450 établissements sont aujourd'hui agréés, soit une réduction de 25 %. Ce chiffre ne correspond pas au nombre d'entreprises, car une société peut être présente sur plusieurs ports et posséder plusieurs ateliers. Les faillites et les fusions ont donc été nombreuses. Il y avait 120 ateliers de mareyage, à la fin des années 80, à Boulogne. Il n'en reste à peine que la moitié aujourd'hui.

D'après les chiffres de l'Union du mareyage français, les dépenses représentent un milliard de francs entre 1990 et 1996 : 100 millions engagés par l'État à travers le FIOM, 150 millions par les collectivités territoriales et l'Europe, par l'intermédiaire de l'IFOP (Instrument financier d'orientation de la pêche), et 700 millions d'autofinancement des entreprises. Au total, de 1988 à 1996, le plan de modernisation a concerné 285 sociétés (une société peut posséder plusieurs ateliers de marées et donc bénéficier de plusieurs aides). Le taux de couverture de ce plan est de 70 %. Les 30 % restants sont constitués principalement de sociétés exploitant un atelier locatif mis aux normes par l'organisme gestionnaire, et également de sociétés ayant réalisé leurs investissements sans solliciter d'aides nationales.

L'État a aidé à subventionner, au travers du FIOM, les équipements, la création d'un fonds de caution interportuaire et un fonds de structuration du mareyage. Ce fonds a pour objectif le renforcement des fonds propres des entreprises. Ces différentes aides ont permis aux entreprises viables de faire face à leurs difficultés financières. La situation est assainie. On constate une augmentation de la productivité dans le secteur du mareyage, jusqu'à 30 % pour certaines entreprises. Cette mise à niveau est essentielle pour conquérir des marchés.

L'agence de la Banque de France de Quimper établit le même diagnostic. Sur une étude de 30 entreprises de mareyage, 21 connaissent une hausse de leur chiffre d'affaires depuis 1996. Pour 12 entreprises, cette hausse est supérieure à 40 %, ce qui serait le résultat d'un processus de concentration. La situation des entreprises de plus de 20 MF de CA s'est nettement améliorée avec une capacité d'autofinancement de 25,34 %. En revanche l'agence constate que l'écart entre les petites et les grandes entreprises ne cesse de s'accroître et anticipe que le mouvement de concentration devrait se poursuivre. Pour certaines petites entreprises qui ont connu des difficultés financières à cause de la crise, la mise aux nonnes a précipité les choses.

Les aides de l'État ont donc permis aux entreprises de mareyage les plus saines de gagner en rentabilité pour se tourner davantage vers la transformation des produits de la mer, créatrice de valeur ajoutée. Certains mareyeurs ont aussi fait le choix de s'orienter davantage vers le commerce international et de développer leur fonction import-export. Mais les concentrations doivent se poursuivre pour que le secteur du mareyage soit bien organisé et qu'il puisse faire face à la grande distribution de plus en plus exigeante. À moyen terme, l'Union du mareyage français prévoit la disparition de la moitié des entreprises d'ici six ans, mais pas forcément des ateliers, car des rachats sont possibles.

3.3 L'application des prix de retrait et le rôle des organisations de producteurs (OP)

3-3.1 Le soutien des cours à la première vente

L'originalité de l'action des OP françaises tient, pour une grande part, au soutien des cours étendu à toutes les espèces jugées représentatives sur les places portuaires, c'est-à-dire à la fois aux espèces « communautaires » et « régionales » en partie indemnisées par l'Union européenne, mais aussi aux espèces dites « autonomes », dont les compensations sont entièrement à la charge des organisations, selon leur propre initiative. La charge financière d'une telle politique est lourde pour les OP, même si les interventions sur les espèces « autonomes » sont minoritaires (7,33 % du total des retraits en 1995).

Ce respect de prix minima pour l'ensemble de la pêche française correspond à une application maximale des mécanismes prévus dans le cadre de la réglementation communautaire. Il peut se révéler pénalisant pour la compétitivité de la production française, face à des produits d'importation intra ou extra-communautaire qui parviennent sur le marché français à des prix inférieurs.

Cette réalité est en effet quasi quotidienne sous le MIN (Marché d'Intérêt National) de Rungis par exemple, où la sole danoise, la langoustine écossaise - qui sont deux espèces « autonomes » - parviennent à des prix plus bas que ceux de la pêche française. Il s'agit là d'un effet pervers de l'application étendue de la politique de soutien des prix à la première vente, qui peut conduire, si l'on n'y prend pas garde, à un maintien artificiel des cours sous les criées.

La cohérence et l'efficacité des mécanismes d'intervention directs ou indirects (retrait ou report) mis en oeuvre à la première vente restent dépendantes de trois facteurs clés :

- leur recours doit rester ponctuel, au risque d'épuiser les ressources financières des fonds de compensation et de s'engager sur la voie risquée du soutien artificiel des cours ;

- le respect des règles énoncées par les adhérents. L'adhésion à une OP étant fondée sur le volontariat, l'efficience des mesures édictées repose sur l'autodiscipline des producteurs adhérents et l'absence de perturbation notable de la part des indépendants ;

- la mise en place simultanée d'une action dans le domaine de la ressource, par des plans de pêche, de façon à rechercher une adéquation entre l'offre des producteurs et la demande formulée par les distributeurs. Il s'agit d'un point faible des OP françaises : l'adoption des plans de capture répond pour elles davantage à un objectif de limitation des apports en période d'abondance qu'à une préoccupation de gestion de la ressource à long terme.

3.3.2 L'inflation des quantités retirées

À l'interface de la production et de la commercialisation, les OP, qu'elles soient ou non dotées d'outils de mareyage, ont une fonction d'information et de défense des intérêts de leurs adhérents. À ce titre, elles sont amenées à jouer un rôle incitatif auprès des producteurs, pour favoriser l'innovation et leur adaptation au système de commercialisation.

Avec le passage d'un marché commandé par l'offre à un marché davantage dicté par la demande, on constate, en effet, que le secteur productif n'exerce plus une influence significative sur la formation des prix à la première vente. Les pêcheurs subissent de plus en plus le prix imposé par les distributeurs par l'intermédiaire de centrales d'achat, qui disposent d'un large panel d'offres. Les mareyeurs relaient ensuite sous criée ces conditions d'achat, qui leur sont imposées. À travers ce schéma type, on observe un déplacement de l'amont vers l'aval du pouvoir de décision, de contrôle et de l'origine du niveau des prix, renforcé par les flux d'importation. Dès lors, la correspondance des cours sous criée avec les seuils de rentabilité des navires n'est plus acquise, d'autant plus que les volumes de produits importés viennent compléter l'offre nationale.

Pour les OP, cette baisse générale des prix s'est traduite, au début de la décennie 1990, par une inflation des quantités retirées du marché et par la sollicitation croissante des fonds d'indemnisation. Des niveaux exceptionnellement élevés d'intervention ont été atteints en 1993 et début 1994 : on est alors passé d'un niveau de retraits de l'ordre de 7 à 8 000 tonnes au début des années 1990 pour les espèces communautaires et régionales (annexes I et VI), à plus de 14 000 tonnes ces deux années de crise, pour revenir aujourd'hui à environ 10 000 tonnes.

Évolution des retraits - France (1992-1996)
(espèces communautaires et régionales)

Cette tendance connaît un ralentissement depuis 1994. On observe même une baisse depuis 1995, sans que les niveaux d'interventions d'avant la crise soit pourtant retrouvés. Bien que les taux d'intervention dépassent rarement 5 % des quantités mises en vente, la grande majorité des producteurs s'accorde à reconnaître la présence de l'OP sous la criée indispensable pour atténuer l'impact économique des fluctuations sur les flottilles. Pour nombre d'entre eux, le motif d'adhésion principal est ce soutien apporté à la première vente. Cette réalité exprime les difficultés croissantes rencontrées à la fois par les patrons-pêcheurs, dans la rentabilisation de leur outil de travail, et par les OP, dans la gestion de leur trésorerie.

Il s'agit là d'un changement radical du concept d'organisation de marché par rapport à la situation ayant cours lors de la création des OP, au début des années 1970. En passant d'un mode d'intervention occasionnel à une sollicitation très fréquente des fonds de compensation, le rôle des OP a pris une importance croissante. Leur place évolue d'autant plus difficilement que peu de modifications réglementaires sont intervenues entre temps pour réformer les mécanismes d'intervention sur le marché. En cherchant à s'adapter à ce contexte de marché, de nombreuses OP ont été amenées à élargir leur domaine de compétence et à s'impliquer davantage dans la promotion et la distribution des produits de la pêche fraîche.

Un autre effet de cette inflation des quantités retirées est le sentiment commun à de nombreux pêcheurs adhérents d'être pénalisés par le comportement de ceux qui « exploitent » le système des prix de retrait en allant pêcher en quantité de façon à percevoir les indemnités. La garantie d'un prix de vente minimal aux producteurs a des conséquences négatives sur la ressource (destruction des produits retirés et comportement de certains pêcheurs visant à pêcher en quantité pour obtenir les prix de retrait) et sur les fonds de compensation (indemnisations). Elle est, de ce fait, dénoncée par les mareyeurs qui prônent davantage l'adoption d'un système de « prix différentiel ». Celui-ci consisterait à ne payer aux pêcheurs que la différence entre le niveau du prix de vente et celui nécessaire à la rentabilité de l'outil de production. En faisant ainsi preuve de désintérêt pour la préservation de la ressource et d'un manque d'esprit coopératif, certains producteurs détournent et discréditent les principes d'action de l'OP.

Lors de la chute des cours en 1993-1994, beaucoup de pêcheurs ne pouvaient plus faire face au remboursement de leurs emprunts. Ils ne se souciaient alors plus de savoir si leur production serait vendue, mais pêchaient pour obtenir les prix de retrait. Il y a dans ce cas dérive d'une politique économique de régulation des marchés vers une politique sociale de soutien des revenus des producteurs.

3.3.3 Le manque de transparence des relations organisations de producteurs-coopératives de mareyage

Le rapport d'audit Mettling-Hénaff de 1995, repris par le rapport Bassey-Porry de 1996, dénonce le manque de clarté dans les relations financières et fonctionnelles entre les OP et les coopératives de mareyage. La confusion juridique et comptable, ainsi que la présence de dirigeants communs en sont à l'origine, et font souvent l'objet de dénonciations, notamment de la part du mareyage traditionnel, qui n'hésite pas à évoquer des cas de concurrence déloyale.

Certaines coopératives se sont effectivement substituées aux OP, notamment lors des crises de 1993 et 1994, dans le rôle de soutien du marché, par des interventions étendues ne respectant pas les contraintes de rentabilité financière et alourdissant les charges financières (achats « à découvert » sans garantie de revente, constitution de stocks coûteux, concessions aux clients sur l'allongement des délais de paiement,..). De fait, la situation financière de plusieurs d'entre elles est à présent critique et nécessite la mise en place de procédures de restructuration, voire de recapitalisation.

L'intégration, ainsi conçue, conduit à une dérive vers un assistanat des producteurs, producteurs à la fois adhérents de l'OP et sociétaires de la coopérative de mareyage. De ce fait, certaines organisations connaissent des équilibres financiers précaires, nécessitant dans certains cas de profondes restructurations Pourtant, malgré l'adoption de révisions réglementaires ponctuelles, aucune réforme du statut des OP n'a visé leur adaptation aux nouvelles conditions du marché des produits de la mer.

D'autre part, l'association entre une OP, qui doit défendre les intérêts des pêcheurs et garantir les cours les plus élevés possibles et une coopérative de mareyage, qui doit augmenter son chiffre d'affaires et donc acheter au plus bas, semble contradictoire, surtout lorsque le dirigeant des deux structures est le même. Ceci a conduit les OP à passer des alliances avec d'autres acteurs de la filière, en particulier des entreprises de transformation, pour garantir les débouchés. C'est le cas pour la Coquille-Saint-Jacques de la Baie de Saint-Brieuc. L'OP prélève systématiquement une part de la production pour la transformation, avec un cofinancement de l'OP et du FIOM, qui verse des aides à la transformation. Ce système est louable lorsque la production est excédentaire. Aujourd'hui la Coquille-Saint-Jacques se raréfie et les prélèvements pour la transformation continuent avec les aides du FIOM. Or la production pourrait être achetée à un prix supérieur et sans aide par les autres circuits de distribution. Cet exemple traduit le manque de souplesse et de cohésion de la filière, qui ne sait pas s'adapter aux évolutions du marché et constitue un exemple de la mauvaise orientation de certaines aides du FIOM.

Un autre cas souvent dénoncé est la remise sur le marché des quantités retirées par l'intermédiaire de l'outil de la coopérative de mareyage. L'insuffisance de contrôle par l'Administration laisse en effet libre court à des suspicions de ce genre, sans que la preuve formelle en ait jamais été apportée.

3-4 La prévision des apports et la circulation de l'information

La circulation de l'information est indispensable au bon fonctionnement de la filière. Si les acteurs veulent vendre leur production, ils doivent la faire connaître. On assiste dans certains ports à des incohérences. Lorsque les volumes débarqués sont importants, les cours s'effondrent et certains tonnages peuvent partir au retrait, alors que dans le même temps, des grossistes et des mareyeurs très éloignés, qui ont besoin de ce produit et qui l'achèteraient à un cours supérieur, importent pour garantir leur approvisionnement, faute d'accès à l'information. La libre circulation de l'information réduirait le gaspillage des ressources, les interventions des OP et du FIOM sur les retraits, ainsi que les sorties de devises. Les GMS ont besoin, en permanence, de quantités importantes de certaines espèces, pour pouvoir mettre en place des promotions et en même temps une grande diversité de produits, afin de proposer une gamme variée à leur clientèle. Elles ont besoin de connaître à l'avance ce qu'elles pourront acheter et, pour cette raison, importent la marchandise. La libre circulation de l'information pourrait donc réduire les importations de certaines espèces.

Après plusieurs essais à l'échelle locale au début des années 1990, un réseau d'informations de portée nationale a été lancé par la Coopération Maritime en janvier 1995. Piloté par une structure légère, CODIMAR, il est assorti d'une structure destinée à proposer des animations pour les espèces dont la commercialisation pose problème (cellule « marketing »). Par téléphone, télécopie, minitel ou messagerie, les données sont récoltées quotidiennement sur 24 ports et transmises à la grande distribution. Cependant, cette cellule « marketing » n'a donné que très peu de résultats concrets et les animations ne sont pas toujours réalisées.

Le réseau de prévision d'apports du FIOM, actuellement en phase préopérationnelle, doit reprendre les acquis de cette expérience pour la développer. Il s'agit d'un système plus sophistiqué et plus ambitieux avec une large part laissée à l'automatisation. La possibilité est également ménagée d'un retour d'informations au patron-pêcheur sur l'évolution du marché.

La réalisation de la prévision des apports, inscrite dès 1994 parmi les cinq grandes missions structurelles du FIOM, a ainsi pour but d'anticiper les quantités débarquées par type de produits, afin d'en améliorer l'écoulement sur le marché. La première phase de cette opération consiste à équiper les bateaux en matériel de communication. Au cours des années 1994 et 1995, ce sont ainsi 200 patrons de pêche qui ont fait l'acquisition d'un ensemble de transmission Inmarsat C, financé à 50 % par le FIOM. Le FIOM investit environ 3 MF chaque année pour la mise en place du réseau informatique. Près d'une trentaine de ports est concernée par la démarche, qui touche les flottilles de plus de 16 mètres pratiquant une pêche de plus de trois jours.

L'émetteur de l'information est le bateau doté d'un micro-ordinateur, équipé d'un logiciel de bord, et d'un système de communication par satellite (Standard C). Le récepteur est le gestionnaire local, le plus souvent la criée, qui dispose d'un équipement informatique et d'un « logiciel terre » permettant de récupérer les informations, de les vérifier et de les réexpédier vers un serveur national basé à Paris. Celui-ci, accessible 24h/24h, compile et réactualise automatiquement les données au niveau national.

Cependant le cahier des charges élaboré par le FIOM pour l'équipement informatique des criées et des navires de pêche n'est pas suffisamment précis. Il est juste indiqué l'obligation de transmissions des données statistiques et le format de la transmission, sans aucune autre indication sur la compatibilité des systèmes entre eux. Le FIOM a ainsi distribué des subventions pour informatisation des criées et des navires sans aucun contrôle de la pertinence et de la compatibilité du système. En conséquence, la collecte des prévisions élaborées en 1991 n'est toujours pas opérationnelle. Face à ces défaillances, des systèmes privés se sont développés, comme le système IKTUS de la société Agro-marchés Internationaux.

D'autre part, le problème du contrôle de l'information n'est toujours pas réglé. Le FIOM considère qu'il doit contrôler la circulation des informations. Dans le cas de la CODIMAR, les organisations de producteurs sont à la source de l'information et en maîtrisent la diffusion. Ce principe est pourtant rejeté par une majorité de mareyeurs privés, qui dénoncent la possible appropriation des données.

D'un côté, l'intérêt des producteurs fournisseurs de l'information est de stimuler la demande, donc de la diffuser le plus largement possible. D'autre part, le mareyeur privilégie davantage un fonctionnement de nature à limiter la concurrence et qui lui permettra de savoir où et quand s'approvisionner au moindre coût. C'est dans le contexte d'ouverture du réseau à la grande distribution que les points d'achoppement sont les plus vifs au sein de la profession. Le choix qui semble être fait, à travers le réseau du FIOM, est celui d'une gestion collégiale, dont les modalités de fonctionnement sur le terrain restent pilotées par les producteurs.

Dans le cas des armements, la question de la maîtrise de l'outil de prévision des apports est beaucoup moins délicate dans la mesure où les intérêts sont communs et regroupés au sein d'une même entreprise. L'armement concarnois Delhemmes en est un exemple, puisque, depuis mai 1995, ses 14 navires sont équipés d'un système de communication satellitaire. Celui-ci, un peu différent du Standard C, permet une gestion de flotte avantageuse, avec des possibilités de localisation permanente des bateaux et la transmission de messages. Les bateaux peuvent communiquer entre eux et avec leur armement en toute confidentialité. Il est ainsi permis aux dirigeants à terre d'anticiper les débarquements importants par la négociation de contrats et d'aviser avec l'OP des meilleures options de débarquement (date, lieu). De plus, l'armement prévient les mareyeurs de l'offre à prendre en compte dans les deux ou trois jours.

Il revient au FIOM, structure d'organisation du marché, d'encadrer les systèmes d'informations et de prévisions des apports. Il doit inciter à toutes les initiatives qui vont dans le sens d'une plus grande transparence de la filière et d'une homogénéisation des procédures de commercialisation. Il doit garantir la libre circulation de l'information et, pour cela, assurer la cohérence des systèmes. Or le FIOM ne remplit pas aujourd'hui cette mission de manière satisfaisante.

3.5 Les incitations en faveur de la qualité

Alors que la motivation des producteurs est l'obtention d'une rentabilité immédiate, la difficulté majeure des démarches portant sur la qualité reste l'évolution des mentalités et l'inscription des stratégies d'entreprise dans le moyen terme.

3.5.1 Les expériences françaises en matière de qualité

Parmi les expériences françaises entreprises en faveur de la qualité (cf. annexe 12), deux exemples permettent de mieux situer les choix des opérateurs en fonction du produit ciblé et de l'extension géographique définie pour le programme.

- Les poissons pélagiques frais de Méditerranée

La première certification de conformité pour un produit de la pêche revient à COPEMART. L'initiative de l'OP de Port-de-Bouc vise les petits poissons pélagiques, fortement concurrencés par les importations marocaines. Depuis août 1992, les producteurs de sardines et d'anchois se sont engagés sur un cahier des charges La définition des procédures de traitement du poisson à bord et à la vente offre une garantie de qualité et de délai au premier acheteur, qui est formalisée par l'étiquetage du produit. L'extension de la démarche au niveau méditerranéen, à travers l'AMOP (Association Méditerranéenne des OP), est en cours avec un prolongement possible à moyen terme vers un second marché : celui de la conserverie. Pour l'instant, le niveau des cours ne permet pas d'établir un bilan financier de l'opération. L'encouragement vient surtout d'une meilleure organisation du marché, avec la recherche de nouvelles formes de conditionnement et le soutien promotionnel d'une appellation « Golfe du Lion ».

- La pêche fraîche bretonne

Constituée à l'initiative des OP bretonnes coopératives en 1993, « Bretagne Qualité Mer » (BQM) est une association destinée à défendre le savoir-faire régional et à valoriser la qualité des produits en garantissant la provenance. Ce programme met l'accent sur l'identification, la sélection et la « traçabilité » du produit, en combinant des actions d'amélioration auprès de tous les opérateurs de la filière. La marque commerciale collective BQM est aujourd'hui étiquetée sur des produits sensibles et relayée jusqu'au distributeur. La plus-value de la qualité est avérée : on observe des prix supérieurs de l'ordre de 10 à 15 % pour des lots de sardines et langoustines étiquetés BQM. En abordant à la fois l'identification et la valorisation des produits, ces démarches devraient inciter à une meilleure sélectivité des captures et à de meilleures pratiques de traitement.

Les stratégies de qualité requièrent une mobilisation de moyens en rapport avec les caractéristiques du produit et le type de consommation visé. Elles nécessitent un potentiel valorisable du produit (fraîcheur, origine, spécificité) et un soutien technique et financier important. Un secteur particulièrement concerné est celui de la pêche fraîche, dans la mesure où le produit frais est un atout potentiel souvent mal valorisé, en raison d'un manque de relais tout au long de la filière.

Cette dernière remarque met en évidence l'indispensable engagement collectif des professionnels de la filière pour préserver le niveau qualitatif existant au moment de la capture. Les stratégies qualité constituent ainsi un élément fédérateur qui mérite d'être renforcé au sein d'une filière traditionnellement marquée par l'individualisme de ses acteurs et l'atomisation de l'offre.

3.5.2 Le financement

Les premières incitations publiques ont été adoptées pour le respect des exigences sanitaires, dans le cadre de la mise aux « normes » des ateliers de marée, des criées ou des entreprises de transformation. Il s'agit essentiellement de subventions pour l'amélioration des locaux et des équipements. Ces progrès sont à la source de gains de productivité dans de nombreuses entreprises (continuité de la chaîne du froid, notion de « marche en avant »...).

Une autre perspective s'inscrit dans le prolongement des démarches précédentes, avec la formation des personnels. À la différence des mesures de mises aux normes, les pouvoirs publics ne soutiennent peu ou pas ces actions, qui sont souvent issues des plans de formation internes aux entreprises. Les subventions publiques touchent ainsi majoritairement les équipements matériels, en délaissant les compétences humaines.

La faiblesse des aides est également préjudiciables aux démarches d'autocontrôlé. Un seul exemple de fonctionnement d'autocontrôle bactériologique existe en France : sur le bassin de Marennes-Oléron avec le concours de la Section régionale conchylicole, sous tutelle des Affaires maritimes.

Les démarches de filière ont souvent été initiées par le FIOM ou les Conseils régionaux et généraux, à l'image de Bretagne Qualité Mer et de Marennes-Oléron. Il s'agit de démarches collectives mettant en avant un raisonnement intégrant l'ensemble de la filière et un souci promotionnel. Le travail des opérateurs est coordonné par le respect d'un cahier des charges commun sur le produit ou les procédés. Il est garanti par un plan de contrôle interne et externe. Le taux de financement par les collectivités publiques est au maximum de 50 % sur ces projets, avec une base de renouvellement annuel souvent difficile à gérer pour des programmes pluriannuels.

Les démarches d'entreprise sont des stratégies qualitatives individuelles pouvant conduire à la certification ISO 9001 ou 9002. Il est souvent établi un co-financement avec des organismes locaux tels que les Chambres régionales du commerce et de l'industrie, à travers des aides et fonds divers (FRAC : Fonds régionaux d'aide au conseil, aides à l'embauche de personnels « qualité »...).

Enfin, il existe des financements pour des projets d'intérêts généraux (réflexion, études prospectives), dont le FIOM est parfois maître d'oeuvre (normalisation, réseau statistique...), et d'autres destinés à des opérations de promotion, au déroulement de colloques ou de conférences.

3.5.3 Les difficultés rencontrées

L'un des points critiques de la mise en place des démarches qualité dans la filière pêche est celui de la « lourdeur » administrative (délais de traitement des dossiers...) et du manque de transparence des processus de décision. La complexité des procédures induit des délais de prise de décision allongés et connaît parfois des décalages entre le moment de la notification d'accord et les aides afférentes. Ces dysfonctionnements peuvent être une cause de découragement des professionnels pour l'acquisition d'une certification.

L'indécision régnant pour l'adoption de mesures d'application des règlements communautaires ou des décisions nationales, ainsi que l'absence de maître d'oeuvre, sont ainsi dommageables à la mise en place opérationnelle des projets. On assiste ainsi ponctuellement à d'importants retards dans le traitement des dossiers de certification, voire à leur suspension, dans la mesure où les critères justifiant leur validation ou leur rejet ne sont pas établis. La définition des critères de qualité liée à la provenance (IGP : Indication géographique protégée) en est un exemple, puisque le choix du critère de provenance n'est pas tranché entre la zone de pêche, le point de débarquement, le lieu d'immatriculation du navire, etc. La seule indication géographique protégée attribuée est celle des coquilles St Jacques de Côtes d'Armor, pour lesquelles la question de la provenance est amplifiée par l'existence d'une zone de pêche limitée à un gisement naturel.

L'identité régionale ou locale assortie d'une reconnaissance du métier est le meilleur support de communication pour valoriser la pêche côtière française ou l'aquaculture (huître, moule) et mettre en valeur ses spécificités au regard des produits d'importation intra ou extra communautaires. Il est ainsi permis d'établir une liaison entre la provenance et la qualité et de fonder une politique d'aménagement du territoire basée sur des identités.

* 32 L'étude a été commandée au cabinet Mennillo. Elle a été réalisée entre juillet et septembre 1997 et s'intitule: La formation de la valeur dans la filière pêche française, p aris, 60 p.

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