CHAPITRE II - L'ÉVOLUTION DES CONDITIONS D'INTERVENTION

Deux facteurs importants sont venus modifier le contexte de gestion des pêches maritimes françaises :

- une tendance globale à la raréfaction de la ressource,

- l'évolution du marché des produits de la mer, dont la dimension, devenue internationale, met en avant de nouveaux opérateurs et voit se modifier les habitudes et les modes de distribution et de consommation.

L'un et l'autre de ces aspects sont dominés par l'assujettissement de la gestion des pêches françaises à la Politique Commune des Pêches (PCP).

1. Un contexte général de raréfaction de la ressource

L'histoire des pêches maritimes est tributaire de l'état de la ressource exploitée. À l'image des effets de la crise sardinière, qui a durement frappé l'économie des régions littorales atlantiques à la fin du XIX e ou de la crise du hareng de mer du Nord dans les années 70, les pêcheurs exercent aujourd'hui leur activité sous la contrainte forte de la rareté de la ressource halieutique, qu'il s'agisse des aléas naturels ou des effets de la surexploitation.

1.1 Connaissances des ressources halieutiques

Malgré les réductions de l'effort de pêche, les captures ne se reconstituent pas, ce qui peut laisser penser que la pression sur les stocks est encore trop forte et supérieure au rythme de renouvellement de la ressource.

Les évaluations des biologistes sont souvent contestées. Il semble effectivement que les stocks à court terme (1 ou 2 ans) soient difficiles à évaluer, en raison des incertitudes quant à l'importance et à la hiérarchie de facteurs, comme les conditions climatiques, l'existence de prédateurs ou la mortalité naturelle, et en raison de l'imprécision de certaines données statistiques (volumes capturés, origine géographique des captures, engins utilisés, etc.). Par conséquent, il est difficile d'anticiper l'évolution des ressources à court terme. Il peut ainsi y avoir des fluctuations importantes, en particulier si la ressource bénéficie d'un bon recrutement. En revanche selon les experts de l'Ifremer, il n'y a pas de doute sur les tendances lourdes ou les évolutions sur le long terme des principales ressources. L'état de dégradation de ces stocks au cours des dernières décennies est parfaitement connu.

1.2 L'appauvrissement des fonds de pêche

D'après le département des ressources halieutiques de l'IFREMER, les connaissances actuelles sur les ressources sont les suivantes :

- peu de stocks de poissons sont dans un état critique tel qu'un effondrement difficilement réversible soit à craindre. En effet, le seuil de non-rentabilité d'une pêcherie est souvent atteint avant l'extinction biologique d'un stock. Un certain nombre de stocks sont cependant dans un état tel qu'ils ne donnent plus lieu à une pêche commerciale : c'est le cas de la dorade rose, de certaines raies et de certains requins,

- la situation des stocks est moins préoccupante pour les poissons pélagiques (chinchard, sardine, sprat, ...) ou le stock de germon de l'Atlantique, à l'exception du stock de hareng. Le stock de hareng de mer du Nord s'est effondré dans les années 70. La pêcherie a été fermée et le stock s'est reconstitué. Aujourd'hui, la situation est de nouveau préoccupante car la surexploitation a recommencé ;

- entre ces deux situations extrêmes, beaucoup de stocks de poissons de fond (ou démersaux), qui constituent l'essentiel des prises françaises, sont proches de l'effondrement. Ces stocks sont en phase de surexploitation. Cette situation est due essentiellement à deux facteurs : des capacités de capture excédentaires par rapport au potentiel de renouvellement des stocks, et la capture trop fréquente de jeunes individus, réduisant la biomasse des reproducteurs ;

- enfin, la présence de ressources halieutiques importantes non encore exploitées, voire inconnues, est très peu probable.

La plupart des stocks sont pleinement exploités et ne peuvent pas supporter une augmentation de l'effort de pêche. Une partie de ces stocks est même surexploitée. La F.A.O (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) arrive aux mêmes conclusions : 60% des stocks de poissons mondiaux sont « soit dangereusement surexploités, soit en nette diminution (morue de l'Atlantique, églefin, lieu d'Alaska, thon rouge tropical, crevette, mérou, etc.) » 44 % des stocks de poissons de la planète se trouvent à leur limite de rendement. En surexploitant le milieu, on a réduit au quart le nombre d'adultes reproducteurs chez de nombreuses espèces, ce qui fait peser une menace sur l'ensemble des populations concernées.

L'état des principaux stocks exploités par les pêcheurs français montre donc que beaucoup de nos ressources présentent des signes inquiétants d'épuisement, en particulier les ressources démersales. Le bilan dressé par Forest et Souplet, dans leur étude : « État en 1995 des stocks halieutiques de l'Atlantique Nord-Est », montre que partout dans cette zone, les stocks de hareng, de morue, de merlan, de sole, de plie et de lieu noir ont atteint un seuil critique (cf annexe 1). En Méditerranée, la situation est aussi préoccupante, et de nombreux stocks démersaux sont surexploités. Cette surexploitation, d'après l'Ifremer, a moins pour effet de mettre en danger la survie des stocks, que d'affecter la santé économique des entreprises de pêche. Quand un stock commence à s'épuiser, les captures diminuent alors que l'effort de pêche est toujours le même. Par conséquent, la productivité des navires, mesurée par les captures par unités d'effort de pêche (CPUE), baisse. Les charges d'exploitation des navires étant constantes, les bénéfices des entreprises se réduisent. Face à cela, certains pêcheurs commencent à renoncer aux stratégies de pêche quantitative, pour adopter une démarche plus sélective en fonction des débouchés commerciaux. Cependant, ceci ne concerne encore qu'une faible partie des pêcheurs.

Bien qu'il ne s'agisse pas là d'une règle commune à l'ensemble des producteurs et que la politique communautaire de gestion de la ressource (TAC) ne soit pas facilement admise ni respectée, on observe une prise de conscience de certains pêcheurs dans le sens d'une responsabilisation vis-à-vis de la raréfaction de la ressource. Ces pêcheurs privilégient une plus grande sélectivité des captures et des pratiques de traitement du poisson à bord favorable à la qualité du produit débarqué. Néanmoins, le lien est encore insuffisamment établi entre la ressource et la compétitivité de la chaîne de production. La ressource devrait être considérée comme l'élément fondamental de la compétitivité du secteur. Une meilleure gestion des ressources permettrait d'obtenir la mise en marché de tailles plus importantes et de mieux valoriser les débarquements. La pêche serait plus rentable et l'investissement nécessaire dans l'outil de production moindre. Plutôt que de pêcher plus, il faudrait pêcher mieux

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