CONCLUSION GÉNÉRALE

Le constat est unanime depuis la première étude consacrée en particulier au littoral français, le rapport Piquard : les enjeux propres au littoral justifient la mise en oeuvre d'une politique publique spécifique, dont les efforts doivent tendre à concilier les nombreuses potentialités du littoral. En 1986, la loi littoral, votée à l'unanimité par le parlement, l'a réaffirmé. La complexité et la gravité de ces enjeux n'a fait que s'accentuer depuis 1973, au fur et à mesure que le développement du tourisme, mais aussi le transfert sur le littoral de populations et d'activités, augmentaient la pression anthropique sur cet espace.

Prétendre que les pouvoirs publics n'ont en rien répondu à cette exigence serait exagéré. Cependant, autant les réponses apportées pendant les années 60 et 70, pour discutables qu'elles fussent, dans leurs méthodes et leurs buts, étaient claires et énergiques (grandes opérations d'aménagement industriel et touristique), autant les orientations affichées par l'État depuis se perdent dans un labyrinthe juridique et technique.

La mise en oeuvre d'une politique publique cohérente sur le littoral se heurte tout d'abord à plusieurs obstacles :

- sa non existence statistique, qui rend toute appréciation scientifique du développement du littoral très difficile ;

- sa non existence institutionnelle, qui éparpille, notamment parmi les services de l'État, les pouvoirs et les responsabilités ;

- sa diversité, qui exige une grande souplesse dans l'application des stratégies spatiales ;

- et enfin, ce qu'il est convenu d'appeler une absence de tradition maritime en France. Celle-ci se traduit à la fois par un défaut de cohérence et de dynamisme de la part des acteurs ayant en charge le développement du littoral, une sous organisation de son tissu social et professionnel, et plus généralement par une absence de vision stratégique des espaces côtiers dans une perspective d'aménagement du territoire.

En l'absence de cette vision stratégique, la politique publique s'est éparpillée en essayant de traiter individuellement les différents enjeux identifiés : pollution des eaux, difficultés des activités dites traditionnelles, destruction de certains milieux, pression foncière excessive, etc. En l'absence de coordination volontariste, ces différentes actions ont été développées sans logique de complémentarité, jusqu'à se révéler parfois contradictoires.

L'enjeu essentiel, pour permettre une approche globale des espaces littoraux, c'est-à-dire l'intercommunalité, a été traité de la même manière. Depuis l'invention des SAUM (ancêtres des SMVM), les collectivités du littoral se sont vu proposer plus d'une douzaine de documents intercommunaux, complétés par différentes formes de contrats sectoriels. Si le bilan des réalisations de ces documents est très décevant, c'est parce que l'État n'a pas :

- promu efficacement l'intercommunalité sur le littoral ;

- organisé et hiérarchisé ces différents documents, qui, en l'état, font figure de catalogue pour apprenti planificateur.

Aussi, au travers du foisonnement des initiatives publiques sur le littoral, ce qui fait principalement défaut, c'est l'expression claire et concertée d'une volonté politique forte, qui affirme, non pas que le littoral nécessite une politique uniforme monolithique, mais quels sont les enjeux de l'aménagement spatial du littoral que l'on souhaite poursuivre. Tant que le littoral, et, au-delà, la maritimité, ne seront pas reconnus comme un enjeu national 121 ( * ) , à la fois en matière de développement économique et d'aménagement du territoire, cette volonté politique manquera.

Seule une gestion intégrée de la zone côtière 122 ( * ) , faisant la part de ce qui fonctionne sans déchirement, pourra assurer ce que ni la loi ni `aménagement n'ont réussi à faire jusqu'à présent. Ce constat exige un approfondissement d'une notion portée depuis quelques années par la communauté internationale 123 ( * ) .

* 121 annexe 18 : « Le besoin de maritime dans la société française à la fin du XXéme siècle » . Jean Rieucau.

* 122 Le rapport Bonnot proposait en juillet 1995 une définition intégrée : « le littoral est constitué par l'espace chevauchant la terre et la mer dont la limite en mer sera celle des eaux territoriales et qui, à l'intérieur des terres, ira jusqu'aux limites des bassins de vie en relation avec la mer » .

* 123 Voir en annexe 19, l'exemple américain de gestion de leurs espaces littoraux.

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