CHAPITRE 2 - RÉGLEMENTATION ET LÉGISLATION DU LITTORAL

1. La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral52 ( * )

1.1 Les mesures législatives et réglementaires

Une loi qui renforce le droit de regard de l'État sur le littoral...

La loi littoral affirme le caractère singulier du littoral, en indiquant que « le littoral est une entité géographique qui appelle une politique spécifique d'aménagement, de protection et de mise en valeur ».

Le littoral avait déjà fait l'objet de mesures spécifiques. Ainsi, la loi littoral érige en loi d'aménagement et d'urbanisme (LAU) les règles de la directive d'aménagement national (DAN) du 25 août 1979, par là même abrogée, en leur conférant une force contraignante.

Elle contient des normes de principe, affirmées en termes généraux et peu coercitifs pour les autorités locales, et des normes précises, même si ces dernières sont assorties d'exceptions. En ce sens, la loi littoral concerne, dans une certaine mesure, l'aménagement du territoire.

Pour la première fois, depuis la loi du 10 Juillet 1976 sur la protection de la nature, qui avait une portée très générale, la loi relative au littoral renforce le fondement juridique de principes de protection et d'aménagement du littoral.

Présentation générale

Les principales obligations que les schémas directeurs et les POS doivent impérativement respecter ont été déterminées en fonction de trois critères :

- la distance par rapport au rivage ;

- le caractère remarquable des espaces ;

- l'urbanisation déjà existante.

Hormis les lieux occupés par des infrastructures industrialo-portuaires, il ne peut être porté atteinte à l'état naturel du DPM, sauf là où l'implantation d'ouvrages est nécessaire à la protection contre la mer, à la sécurité maritime, à la défense nationale et à des activités économiques liées à la présence de l'eau.

Les endiguements, les assèchements, les enrochements et les remblaiements sont interdits. Les extractions de matériaux sont limitées ou prohibées, sauf dans le cas d'exploitations d'intérêt minier ou de dragages à proximité d'infrastructures portuaires.

Les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de 100 m à compter de la limite haute du rivage. Mais cette règle ne joue qu'en dehors des espaces déjà urbanisés et elle ne s'applique pas aux constructions et installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate du bord de mer. Les espaces proches du rivage ne peuvent faire l'objet que d'une urbanisation limitée.

Les nouvelles routes de transit doivent se situer à une distance minimale de deux kilomètres du rivage, et les voies de desserte ne peuvent le longer.

La loi littoral pose enfin le principe de la limitation et du regroupement de l'urbanisation. Celle-ci doit se faire en ménageant des coupures naturelles, et continuité avec les constructions existantes, ou sous la forme de « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ».

La loi affirme le rôle d'arbitre de l'État dans les conflits d'usage

La loi a précisé les objectifs des pouvoirs publics en matière d'aménagement et de protection du littoral.

Cette démarche doit aider l'État à défendre l'intérêt collectif et à arbitrer les conflits d'intérêt qui se manifestent sur le littoral. Le cadre ainsi fixé reste souple afin de lui permettre d'autoriser, dans le respect de la décentralisation, toutes les adaptations nécessaires pour satisfaire les préoccupations locales.

Les dispositions de la loi littoral sont, pour la plupart, directement applicables dans les communes littorales. La loi a cependant prévu que, sur certains points particuliers, des décrets d'application viendraient compléter ces dispositions : sept seulement sont parus.

Les décrets prévus par les articles 2 et 3, relatifs à la liste des communes des estuaires et/ou participant aux équilibres économiques et écologiques littoraux et celui prévu au chapitre VI dressant la liste des estuaires les plus importants sur lesquels s'appliqueront la notion de bande des 100 mètres et celle des espaces proches du rivage, ne sont pas parus, en raison d'une part, des réticences politiques de la part de communes ne souhaitant pas se voir intégrées dans le champ d'application de la loi littoral et d'autre part de l'absence de volonté d'arbitrage.

Sont parus :

- le décret n° 86-1252 du 5 décembre 1986, relatif aux schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) ;

- le décret n° 88-531 du 2 mai 1988, relatif à l'organisation du secours et du sauvetage en mer ;

- le décret n° 89-694 du 20 septembre 1989, relatif aux espaces littoraux à préserver. Ce décret distingue trois catégories d'espaces à protéger : les sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel ou culturel du littoral, les espaces nécessaires au maintien des équilibres biologiques, les espaces présentant un intérêt écologique. Ce décret a été modifié par le décret 92-838 du 25 août 1992 ;

- le décret n° 89-734 du 13 octobre 1989 concerne, d'une part, les dispositions qui ont classé, dans les départements d'outre mer, la zone dite des 50 pas géométriques dans le DPM, d'autre part, les conditions et modalités de cession à la commune de terrains compris dans cette zone ;

- le décret n° 90-481 du 12 juin 1990 détermine les dispositions réglementaires relatives à la création d'une servitude transversale permettant d'accéder au rivage de la mer ;

- le décret n° 91-980 du 20 septembre 1991, qui modifie le décret n° 81-324 du 7 avril 1981 fixant les normes d'hygiène et de sécurité applicables aux piscines et baignades aménagées ;

- le décret n° 91-1110 du 22 octobre 1991 relatif aux autorisations d'occupation temporaire sur le domaine public maritime, concernant les zones de mouillage et équipements légers.

1.2 Notions introduites par la loi et difficultés d'interprétation

Une loi qui privilégie la protection

La loi littoral est aujourd'hui critiquée pour son caractère exagérément protecteur. Privilégiant la défense des espaces naturels, elle serait incompatible avec ses deux autres objectifs initiaux : l'aménagement et la mise en valeur du littoral. Ces critiques sont-elles justifiées ?

La loi littoral apparaît effectivement comme une loi protectrice dans son contenu initial et dans son application récente. Son processus d'élaboration explique en partie cet accent. Quinze ministères ont été associés à sa conception, pendant 3 ans, et leur seul terrain d'entente semble avoir été la limitation du tourisme sur le littoral. L'apport économique de celui-ci a été volontairement sous-évalué, d'autant que le tourisme ne dispose ni de porte-parole ni de défenseur institutionnel suffisamment puissant, que ce soit par l'intermédiaire des élus locaux, qui se posent le plus souvent en défenseurs des activités dites traditionnelles du littoral, par celui de l'administration ou d'associations.

Notons que, à l'inverse, les partisans d'une protection environnementale dure estiment que la loi littoral est trop permissive.

Loi littoral et Loi montagne

Ceux qui critiquent la loi littoral établissent souvent une comparaison avec la loi Montagne, pour souligner les carences de la première. Les notions d'aménagement et de mise en valeur n'y sont affichées que dans l'article 1er, de portée générale. Dans le détail normatif, le volet protection n'est pas contrebalancé par ces autres objectifs, contrairement à la loi montagne 53 ( * ) . De plus, l'arsenal institutionnel qui entoure la seconde n'a pas été reproduit pour la loi littoral.

Il n'y a pas de Comité Interministériel à l'Aménagement du Territoire « littoral » lors de certains CIAT. Ainsi au CIAT de Troyes ont été instituées les prospectives par façades maritimes. Il n'y a pas d'institution de financement, contrairement à la loi Montagne, ni d'équivalent du Conseil national de la montagne et du Comité de massif (lesquels attribuent les autorisations administratives pour les Unités

Touristiques Nouvelles, procédure qui a été rejetée pour le littoral).

Les avis sont partagés quant à l'opportunité de créer des structures équivalentes pour le littoral. Pour les uns, des comités de littoraux constitueraient un véritable outil de concertation et de maîtrise du développement du littoral. Pour les autres, les réalisations suscitées en montagne par ces procédures n'incitent pas à reproduire l'expérience, et suggèrent une prise en compte « plus directe » des demandes des usagers et des souhaits des autorités locales.

L'impossibilité de définir de manière précise le littoral a vraisemblablement été l'une des raisons qui ont conduit à ne pas créer un organisme chargé de mettre en oeuvre la loi, et, par la même, l'aménagement du littoral. La définition adoptée pour l'application de la loi montagne, des lignes de niveau par massifs et sous-massifs, est certes dénuée de rigueur scientifique, mais elle a le mérite d'être claire, définitive et acceptée.

En ce qui concerne la loi littoral, la définition de l'espace géographique que l'apparence de la clarté, et les décrets devant établir la liste des communes susceptibles d'être concernées par la loi ne sont toujours pas parus, dix ans après son adoption 54 ( * ) .

Mais si l'espace concerné par la loi littoral se révèle plus difficile à définir que l'espace concerné par la loi montagne, c'est aussi parce que cet espace, en tant que tel, est moins cohérent. La loi montagne ne concerne que des communes petites ou moyennes, tandis que la loi littoral affecte aussi bien des grandes métropoles, parmi lesquelles la troisième ville de France, que des villages.

De plus, une certaine communauté d'intérêt se dégage assez facilement pour l'espace montagnard, où le tourisme apparaît comme une des seules perspectives réelles de développement économique. Sur le littoral, les situations sont très diverses, les activités présentes ou susceptibles de s'implanter très nombreuses, suscitant des conflits d'usage. La diversité des filières professionnelles complique la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement cohérente.

Ajoutons que les espaces montagnards français peuvent facilement se constituer en sous-ensembles. Ceux-ci correspondent aux différents massifs, notion bien ancrée, à la fois sur le plan géographique, économique et culturel. À l'inverse, la notion de façades maritimes, que la DATAR essaie de promouvoir, et qui est censée distinguer une façade Manche, une façade Atlantique et une façade Méditerranéenne, si elle est assez convaincante sur les plans géographique et cartographique, a du mal à se traduire concrètement. Actuellement, elle ne correspond à aucune réalité locale, dans la mesure où les espaces littoraux fonctionnent d'avantage en liaison avec leur hinterland, et non de littoral à littoral.

En conséquence, concevoir et mettre en oeuvre une politique d'aménagement global se révèle plus ardu dans le cas d'un espace fortement peuplé, où coexistent de multiples formes d'activités économiques, et où les conflits spatiaux sont forts et complexes. Les conditions spatiales, sociales et économiques ne sont pas favorables à l'acceptation par les pouvoirs locaux de la prise en charge par l'État de la politique d'aménagement.

Objectifs de la loi

New d'un double souci de coordonner les politiques locales d'aménagement et de protection et de réagir à une expansion urbaine jugée a priori excessive, la loi littoral, dans la mesure où elle ne permet pas, du fait de ses lacunes institutionnelles, la mise en oeuvre d'un programme de développement de certains espaces littoraux, ne pouvait être que défensive.

L'objectif dominant est d'empêcher l'apparition de nouveaux secteurs urbanisés, en dehors de secteurs couverts par des documents de planification. Mais la loi emploie, pour cela, un certain nombre de références sans définition d'ordre juridique, technique ou géographique.

Des notions mal définies

La loi dispose que la préservation des espaces naturels et les conditions du maintien des activités traditionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la capacité d'accueil, sans pour autant préciser le contenu et la signification de cette notion.

Cette obligation n'a pas suscité d'opposition, probablement parce qu'elle n'est pas appliquée (à l'exception des communes les plus importantes comme Sète, dont le rapport de présentation du POS prend en compte les contraintes de cet article). L'opposition manifestée jadis par le préfet de l'Aude à l'égard du projet de POS de Narbonne-Plage date de 1985 et intéresse donc la directive de 1979 et non la loi de 1986. Elle ne s'est pas, à notre connaissance, renouvelée. Force est de constater qu'une commune de 1 800 habitants comme Vic-la-Gardiole (Hérault) envisage de doubler sa population par un projet Férinel de 1 500 lits, sans que personne ne s'en émeuve vraiment.

Le concept de « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement », dont la réalisation seule permet l'extension de l'urbanisation hors agglomérations existantes, et ce, à titre exceptionnel, n'est pas défini, ce qui amène les acteurs du développement à de savantes contorsions intellectuelles afin de conceptualiser le « hameau traditionnel ex-nihilo » 55 ( * ) .

Dans les faits, l'alternative ouverte aux communes entre l'urbanisation en continuité d'agglomération et en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement couvre pratiquement toutes les possibilités d'urbanisation tant que la notion de hameau n'aura pas mieux été cernée. La question est loin d'être théorique et le ministère de l'Équipement a ainsi été questionné à propos d'un hameau de 25 000 lits en projet à Vendres.

De même, les obligations de créer des « coupures d'urbanisation », de ne permettre qu'une « extension limitée de l'urbanisation » ou de protéger les « espaces remarquables ou proches du rivage », parce que non définies, engendrent un contentieux abondant.

L'article L. 146-4-III, qui limite la constructibilité à l'intérieur de la bande des 100 mètres, s'est également révélé d'une application tortueuse. Il y a quelques problèmes de délimitation, mais ils n'apparaissent que ponctuellement. La mairie de Leucate, par exemple, a réglé la question en faisant remonter ladite bande le long d'une falaise en haut de laquelle une construction a été autorisée !

La délimitation a bien été opérée, généralement sur les cartographies du « Service Maritime et de Navigation », mais n'est pas toujours reprise dans les POS.

En ce qui concerne l'application de l'article L146-6, relatif à la préservation « des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques » , la circulaire d'octobre 1989 a rappelé que les espaces et milieux à préserver doivent être clairement pris en compte dans les POS, qu'il s'agisse du rapport de présentation, du règlement, de la cartographie et des annexes.

Le décret du 20 septembre ayant fourni une définition de ces espaces très vague, la difficulté majeure concerne leur recensement. La côte vendéenne a été l'objet d'une démarche expérimentale pour faciliter l'application de la loi littoral, sur ce point, par les communes. L'ouverture de crédits spécifiques par les ministères de l'Équipement et de l'Environnement a permis d'engager une étude en septembre 1989, sur la base d'un travail cartographique à l'échelle du 1/25 000 utilisant les travaux d'une mission photographique aérienne, réalisée par la DDE, couvrant une bande littorale d'environ 3 000 mètres.

Deux bases de données ont été créées :

- une base de données d'identification des milieux et espaces concernés par l'application de la loi littoral ;

- une base de données de qualification des milieux.

Cette seconde information, qualitative, a utilisé d'abord les inventaires de sites inscrits ou classés et les recensements des ZNIEFF. Ensuite, des informations complémentaires ont été obtenues à partir d'études cartographiques réalisées par plusieurs services du département.

Le croisement des critères d'identification et de qualification des milieux littoraux a permis de proposer différents scénarios cartographiques de délimitation des espaces littoraux sensibles. Après concertation entre services d'État, une sélection des espaces et milieux à préserver a été proposée au préfet.

Ces résultats ont fait l'objet d'une présentation à l'association vendéenne des élus du littoral, aux services du département, puis à la commission départementale des sites, afin de recevoir des observations éventuelles. Enfin, l'information a été portée auprès des communes.

Une démarche similaire a été engagée dans le département du Var. Une cartographie au 1/20 000 des coupures d'urbanisation, des espaces proches du rivage et des espaces remarquables a été établie par la DDE. Dans un second temps, élus, associations de maires, maires des communes, tribunal administratif, grand public et médias ont été consultés. Cette cartographie n'a pas de valeur juridique, mais sert de référence, notamment pour le tribunal de Nice, qui s'en sert comme élément d'appréciation. Elle a semble t-il facilité la mise en compatibilité des POS : dans le Var, par exemple, 26 des 27 POS des communes du littoral ont été mis en conformité, ce qui est remarquable.

Ces travaux d'accompagnement des services techniques de l'État, qui apparaissent nécessaires à une mise en oeuvre cohérente et conséquente de la loi littoral, n'étaient pas prévus par celle-ci.

Dans la pratique, ce travail cartographique a été initié par les services teneurs de l'État dans de nombreux départements. Quelle que soit l'utilité cette démarche prétorienne, elle pose néanmoins un problème de fond : elle revient à faire du droit avec du sous-droit. Il s'agit d'un pis-aller astucieux.

Enfin, quelle que soit la typologie des espaces prévus par l'article L146-6, il demeure essentiel de prévoir la validité dans le temps du classement opéré. Le littoral est un territoire dynamique, et des espaces remarquables peuvent perdre leur caractère du fait de leur évolution naturelle.

Le développement économique, parent pauvre de la Loi Littoral. Le cas du tourisme

En tant que telle, l'activité touristique est prise en compte par la loi Littoral, mais de façon souvent diffuse et peu claire, principalement sous l'angle artistique de l'occupation des sols, et avec une vision plus normative que véritablement opérationnelle.

L'article 19 de la loi, qui encourageait à la réalisation en régie par une ou plusieurs communes, des ensembles touristiques les plus importants (procédure proche de celle des unités touristiques nouvelles de la loi Montagne), n'a pas été transcris dans le code de l'urbanisme.

Ce ne sont pas tant les dispositions de la loi qui sont critiquées que le flou qui entoure certains concepts utilisés.

Une enquête auprès des Délégations Régionales au Tourisme, a mis en évidence des difficultés liées à l'application de la loi littoral pour certains équipements de loisir : parcours golfiques, mouillages légers, équipements d'accueil de plage (bâtiments de surveillance, piscines de plages, équipements d'accueil et d'animation), et surtout campings.

La loi littoral ne constitue pas une entrave au classement des campings existants (sans extension), dans la mesure où l'article 8 de l'arrêté du 11 janvier 1993, relatif au classement des campings, prévoit un mécanisme de dérogation, dans le cas où les règles d'urbanisme interdiraient la délivrance d'autorisations. La loi littoral interdit toutefois la modernisation de ceux qui seraient situés dans la bande des 100 m, et limite l'équipement de ceux qui sont implantés dans des coupures d'urbanisation.

Une interprétation de la loi littoral consistant à assimiler les campings à des urbanisations alors qu'ils n'en sont pas, pose problème. Or, si ce principe fixé par l'article L 146-5 du code de l'urbanisme n'est pas respecté, il peut occasionner de multiples recours.

Une évolution intéressante pourrait être d'accepter l'extension des campings existants, situés hors-zones approuvés, dans le respect des grands principes posés par la loi littoral.

À titre d'illustration, le POS d'Argèles-sur-Mer :

- retient la possibilité d'agrandir le périmètre des campings classés de 30 % dans les espaces proches du rivage et dans les coupures d'urbanisation ;

- adopte la possibilité d'augmenter la capacité d'accueil de 10 à 13 % du nombre d'emplacements, selon la catégorie de classement, sans pouvoir dépasser 150 emplacements nouveaux ;

- réserve les extensions réalisées dans les coupures d'urbanisation à des tentes ou caravanes, à l'exclusion des Habitats Légers de Loisir ;

- limite les bâtiments admis dans les coupures d'urbanisation, aux équipements strictement normatifs (sanitaires). Les bâtiments liés au fonctionnement normal des campings ont été acceptés dans les espaces proches du rivage (sanitaires, lieux d'animation commerces).

Cette approche tend à circonscrire l'occupation pérenne et la construction dans les espaces naturels.

Les professionnels de l'hôtellerie de plein-air du Languedoc-Roussillon évoquent, s'agissant de l'évolution des campings, d'autres problèmes :

- un bâtiment existant depuis longtemps et détruit par un sinistre ne peut être reconstruit ; - l'extension d'un terrain de camping existant est refusée, même s'il n'y a pas construction de bâtiments de service prévue sur cette extension ;

- l'extension d'un bâtiment sanitaire permettant de répondre aux normes de 1993 peut être refusée, d'où la nécessité de construire un bâtiment additionnel hors de la zone des 100 m, qui se trouve alors trop éloigné de la zone d'hébergement.

Il résulte pour les opérateurs touristiques de toutes les imprécisions de la loi littoral, une insécurité juridique que seul le juge peut lever, mais en risquant de conclure de façon différente, d'un bout à l'autre du territoire.

Le cas de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) du Dramont, au Cap Esterel, offre une illustration particulièrement évocatrice de cette insécurité, qui a duré de 1985 à 1996.

Ainsi :

- le préfet du Var a approuvé le projet de Plan d'Aménagement de Zone (PAZ) le 18 Juillet 1986, mais a publié un arrêté le 3 janvier 1996 portant classement au titre des sites naturels du Massif de l'Esterel, notamment sur Saint-Raphaël incluant une partie de la ZAC ;

- le tribunal administratif de Nice a rejeté le 5 Août 1987 les recours en annulation de l'arrêté de création de la ZAC déposés par trois associations, mais a annulé le PAZ de la ZAC le 4 Juillet 1991. Il a annulé certains permis de construire le 24 octobre 1991, le 21 novembre 1991 et le 5 décembre 1991, mais en a confirmé d'autres le 24 octobre 1991 ;

- le Ministère de l'Équipement a créé la ZAC du Dramont par arrêté du 4 Janvier 1985 56 ( * ) , mais le Ministère de l'Environnement a engagé le classement du massif de l'Esterel au titre des sites naturels, incluant commune de Saint-Raphaël, le 9 septembre 1991 ;

- enfin, le Conseil d'État a confirmé le rejet des recours contre l'arrêté de création de la ZAC le 16 octobre 1992, puis a confirmé la validité du rejet des recours contre les permis de construire autorisés sans se prononcer sur ceux qui avaient été annulés. Puis il a annulé le jugement du Tribunal Administratif de Nice du 4 Juillet 1991 et confirmé la validité du PAZ de la ZAC le 29 novembre 1996.

Cet exemple parmi d'autres (opérations immobilières de Pardigon, Gassin, Cavalaire, Le Rayol, communes toutes situées dans le Var mais dans le ressort du T.A. de Nice), prouve que la jurisprudence de la loi littoral, longue à s'élaborer du fait des imprécisions de la loi, n'a pas permis de garantir la sécurité juridique.

Entre développeur et protecteur, un accord est possible

Sous réserve d'avoir levé les incertitudes évoquées ci-dessus, un compromis entre le développement touristique et la protection du littoral est possible.

D'une part, de l'avis même des partisans de la conservation du littoral, il est possible, souhaitable et naturel que l'espace protégé soit valorisé : l'espace protégé est « un plus » attractif pour la région.

D'autre part, les auditions font apparaître que les opérateurs touristiques (exploitants de résidences de tourisme, de villages de vacances, etc.) par conviction ou par bon sens commercial, s'accordent aujourd'hui sur la nécessité d'inscrire leurs opérations dans un environnement protégé, qui figure parmi les préoccupations premières de leurs clients.

Partant de là, plusieurs propositions ont été formulées pour faciliter la conciliation entre développeur et protecteur :

- résoudre, évidemment, autant que faire se peut, et dans les délais les plus brefs, les problèmes de terminologie ;

- mieux organiser, très en amont du projet , la concertation, d'ailleurs prévue à l'art. 300-2 du code de l'urbanisme, entre développeurs touristiques, administrations 57 ( * ) , collectivités locales, organisations de défense de l'environnement. On pourrait avec profit s'inspirer de la pratique américaine des « public hearings » qui oblige tout « développeur » à présenter et à justifier son projet, à en assurer la transparence la plus complète. De la discussion avec les différents acteurs (élus, associations...) peut alors sortir un compromis ;

- enrichir le cahier de prescriptions techniques des opérations envisagées : dispositif paysager, types de matériaux de construction envisagés, procédure d'élimination des déchets, etc.

Loi littoral et concertation locale

Le législateur a tenté de favoriser, par l'intermédiaire de la loi littoral la mise en oeuvre des documents d'urbanisme intercommunaux. L'article L 146-4, qui précise l'application de l'inconstructibilité dans la bande des cent mètres, stipule que « les critères selon lesquels doit être justifiée et motivée, dans le POS, l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage, ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celle d'un SMVM » .

La portée de cet article est difficile à établir. Certains ont considéré que la présence d'un schéma intercommunal rend moins strict les prescriptions de la loi littoral. Il ne semble pas que cette interprétation puisse être retenue.

L'article L 146-4 du code de l'urbanisme renvoie aux schémas intercommunaux pour définir les conditions locales de l'application de la loi.

Il ne permet pas à ces schémas de déroger aux principes de la loi. Lorsque les conditions d'application de la loi n'ont pas été définies dans le schéma intercommunal, l'urbanisation des espaces proches du rivage ne peut être prévue par un POS que lorsqu'elle est rendue nécessaire par la configuration des lieux ou lorsque les activités prévues nécessitent la proximité de la mer.

L'application de la loi littoral devrait alors se faire par l'intermédiaire des documents intercommunaux. Les liens entre loi littoral et SMVM sont clairs : la loi s'impose à eux. Mais, en ce qui concerne les schémas directeurs et les schémas interrégionaux, la seule précision apportée par la loi est que « les schémas directeurs doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation (art. L 146-2) » .

De plus, le texte de la loi précise que, en dehors des documents intercommunaux cités, « l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'État dans le département ». Cela signifie-t-il que, même dans le cas de POS rendus compatibles avec la loi littoral, toute extension de l'urbanisation, même conforme au POS, nécessite l'accord du représentant de l'État ?

Les imprécisions du texte sont telles que la hiérarchie entre les documents de planification et entre les différents pouvoirs décisionnaires est difficile à clarifier. En revanche, plutôt que d'avoir clairement encouragé et motivé l'intercommunalité, le législateur a fait en sorte que tout développement sur le littoral soit compatible avec les objectifs fixés par l'État. Mais, en l'absence d'organisme qui prenne en charge l'initiative du développement économique, comme dans le cas de la montagne, aucune structure ne se révèle en mesure d'assurer la cohérence souhaitée par le législateur. Il apparaît que les collectivités locales ne parviennent pas à définir des programmes d'aménagement d'une échelle et d'une nature comparables aux développements conduits par l'État sur le littoral au cours des décennies précédentes.

Aussi ce n'est pas en interdisant l'urbanisation que la loi littoral limite celui-ci, mais en imposant dans les faits comme préalable à tout développement une concertation large à l'échelon local. Les lacunes de cette concertation, notamment parce qu'elle est «insuffisamment» initiée par l'État... ou « trop »... et l'importance des conflits d'enjeux sur le littoral, ont abouti à l'apparition d'un contentieux, parfois lourd de conséquence (annulations de ZAC ou de POS), dans l'application du volet urbanisme de la loi littoral.

En ce sens, la loi littoral apparaît comme une loi de protection, qui renvoie les collectivités locales à leurs propres responsabilités en matière d'aménagement et de développement économique. Le législateur s'est voulu en avance sur son temps, en supposant l'existence d'un degré de concertation intercommunale encore loin d'être atteint en France. Il y a quelque hypocrisie à s'étonner ensuite des blocages provoqués.

1.3 Opposabilité, mise en compatibilité avec les documents d'urbanisme locaux et évolution du contentieux

Une opposabilité de principe forte

Les principes qu'énonce la loi sont opposables aux documents et aux autorisations d'urbanisme. La loi intègre aujourd'hui également les modalités d'application du règlement national d'urbanisme depuis qu'un arrêt du Conseil d'État de 1992 58 ( * ) les a érigées en règles d'urbanisme à part entière.

Les conséquences de cette opposabilité directe résident en la mise en compatibilité obligatoire des documents d'urbanisme avec la loi. Le Préfet doit par conséquent faire usage de ses prérogatives pour engager ou faire engager la révision ou les modifications nécessaires.

C'est le rapport de présentation du POS qui doit justifier de la compatibilité de ces dispositions avec les lois d'aménagement et d'urbanisme 59 ( * ) . Le juge peut annuler le POS lorsque n'y figure aucune mention relative à la compatibilité avec les articles L 146-1 et suivants du Code de l'urbanisme 60 ( * ) .

Une mise en conformité lente et peu cohérente

Or, en 1996, les POS des communes littorales sont encore loin d'être tous compatibles avec les règles et les principes posés par la loi, et, si un certain nombre d'entre eux sont actuellement en révision, force est de reconnaître que l'attention portée à l'application effective de la loi est très récente, lorsqu'elle existe.

Selon une enquête de la DAU, au 31/12/96, 88 % des communes littorales sont couvertes par un POS opposable aux tiers. Le taux national d'incompatibilité 61 ( * ) s'élève à 17,5 %, mais il varie fortement en fonction des façades littorales : de 9% sur le littoral breton à 73,5 % en Corse et 21 % sur la côte méditerranéenne.

À titre d'exemple, en Languedoc-Roussillon, presque tous les POS concernés par la loi littoral ont été révisés, mais ils l'ont été au gré des volontés communales, en l'absence de volonté affirmée de l'État.

L'initiative de la DDE Manche démontre qu'une réelle implication des agents locaux de l'État permet d'accélérer la mise en compatibilité des POS. Depuis cinq ans, cette DDE a engagé avec ses partenaires une démarche particulière de mise en oeuvre de la loi littoral, comprenant deux volets : mise en compatibilité des POS littoraux avec la loi et application rigoureuse des textes pour les projets (permis de construire, lotissements, occupation du DPM, etc.).

Une phase de concertation a permis d'étudier les implications de la loi littoral pour chaque commune et de déterminer les modalités de mise en compatibilité des POS. La démarche s'est progressivement mise en oeuvre :

- 1990-1992 : inventaire des espaces remarquables par la DIREN, la DDE et le Conservatoire du Littoral.

- 1993-1994 : définition de la démarche, concertation avec les communes.

- 1996 : présentation par la DIREN et la DDE de l'atlas régional des espaces remarquables.

Au 1er septembre 1997, l'état d'avancement de la mise en compatibilité des POS est le suivant :

- sur 107 communes littorales, 102 sont dotées d'un POS opposable ;

- 48 POS sont formellement compatibles à la loi littoral (prise en compte explicite de la loi) ;

- 29 font l'objet d'une mise en compatibilité en cours ;

- 17 POS ne présentent pas d'incompatibilités majeures avec la loi littoral ;

- 8 sont incompatibles 62 ( * ) .

Une telle démarche explicative est justifiée par le fait que la loi se contente le plus souvent de poser des principes, au regard desquels chaque collectivité doit faire ses choix et les justifier dans le rapport de présentation du POS, en utilisant les exceptions, tempéraments, dérogations formulés en termes pouvant donner lieu à interprétations différentes, donc à adaptations suivant la diversité des situations locales. La conséquence en est qu'un POS, même mis en conformité avec la loi littoral, n'offre pas de sécurité juridique et est susceptible d'engendrer un contentieux.

Évolution du contentieux

Le manque de précision de nombreuses notions qui figurent dans le texte de la loi font que le contrôle du juge administratif et son pouvoir d'appréciation sont très étendus en la matière. Désormais abondante et de mieux en mieux connue, la jurisprudence des juridictions administratives joue un rôle significatif de source du droit.

La façade méditerranéenne totalise 50 % du contentieux lié à l'application de la loi littoral, 38 % concernent les seuls départements du Var et des Alpes-Maritimes. Le Finistère représente 12 %. Mais on notera que, dans le Finistère, ce sont essentiellement des permis de construire individuels qui font l'objet de contentieux, alors que dans le Var et les Alpes-Maritimes ce sont des opérations d'aménagement.

Dans la majorité des cas, les jugements concernent des POS (28 % des cas) ou des permis de construire concernant des opérations importantes (24 %).

Les ZAC représentent 8 % du contentieux, mais, eu égard à la taille des opérations d'aménagement, l'impact de ce contentieux est important.

Les permis de construire individuels représentent 15 % des décisions attaquées. Il s'agit presque essentiellement de permis de construire accordés. Le reste du contentieux porte essentiellement sur les équipements publics, tels que les stations d'épuration (10 %) ou les ports (3 %).

L'action des associations est très importante dans le contentieux concernant l'application de la loi littoral :

- quantitativement, 56 % des décisions du juge administratif sont intervenues sur recours d'une association ;

- qualitativement, l'action des associations concerne souvent des documents d'urbanisme ou des opérations importantes.

La jurisprudence administrative ne cesse de s'enrichir de cas d'annulations de projets. Ainsi, dans un arrêt du 10 Mai 1996 Sté du port de Toga SA, à Bastia, et autres, le Conseil d'État a annulé l'arrêté d'un maire qui autorisait la construction d'un important ensemble immobilier qui ne pouvait être assimilé à une extension limitée de l'urbanisation. Ledit programme comportait l'édification d'un ensemble immobilier destiné à des activités d'hôtellerie, de commerce et de bureau, comportant une superficie de plus de 18 000 m2.

En définitive, le débat sur la réforme de la loi littoral découle d'un double conflit :

- entre le développement et la protection de l'environnement ;

- entre le maintien -sinon l'extension- d'un rôle important de l'État dans certains domaines clés, et celui des collectivités locales.

Un exemple met en évidence la dualité de pouvoirs qu'introduit la loi littoral. À Roscoff, au début 1995, une centaine de maires des communes littorales du Finistère se sont réunis pour débattre de l'application de la loi littoral. Ils ont souhaité créer un centre d'information sur le littoral, à l'attention des élus finistériens, qui pourrait fournir information et documentation, faire des propositions et engager avec les administrations d'État et les grandes associations les débats nécessaires à la clarification du droit. Cette initiative est intéressante en ce qu'elle s'inscrit dans une triple logique :

- logique de proposition ;

- logique de dialogue avec le représentant de l'État ;

- logique de concertation entre les élus eux-mêmes.

Plutôt qu'une adaptation de la loi, ce sont de telles formes de coopération État-collectivités qui permettront une application cohérente et conjuguée de la loi littoral.

La loi littoral, reposant sur des principes généraux, s'applique jusqu'à la décision individuelle. Il y a quelque naïveté à prétendre gérer toute la variété des situations littorales avec un corpus unique. Un système juridique aurait dû être mis en place pour que les principes de la loi ne soient applicables qu'au travers de documents d'urbanisme.

* 52 L'outre-mer ayant été étudiée spécifiquement par un autre groupe de travail, seules les mesures concernant la France métropolitaine sont évoquées dans cette section.

* 53 Cf. art. L. 145-3 de la loi montagne, qui affirme que l'aménagement de la montagne doit répondre à plusieurs objectifs qu'il faut concilier.

* 54 Ces décrets devaient établir la liste des communes « qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux » ou ayant fait la demande d'inclusion dans le domaine d'application de la loi littoral.

* 55 Voir le document publié par la DRE Corse « Le hameau nouveau intégré à l'environnement » (Janvier 1996)

* 56 Cette affaire pose la question de la durée de validité d'une création de ZAC. En l'absence de délai de réalisation d'une ZAC, il peut se produire qu'elle arrive à sa phase de réalisation alors que les conditions juridiques ou sociopolitiques ont fortement évolué depuis son arrêté de création. Cela a notamment été le cas sur le littoral de ZAC créées avant la loi littoral et dont la réalisation n'a débuté qu'après la promulgation de la loi. Le moyen d'éviter les péripéties semble être de n'accorder aux ZAC qu'une durée de vie limitée, comme pour les permis de construire.

* 57 La concertation entre les services de l'État est en elle-même insuffisante. Une commune qui, pour être en conformité avec la loi littoral, s'adresse à une DDE, n'est pas garantie que le projet élaboré par celle-ci soit inattaquable par d'autres administrations (DIREN, etc.) au titre de la loi littoral.

* 58 Les cartes communales dont le Conseil d'État a estimé qu'elles étaient opposables aux particuliers ne peuvent pas non plus méconnaître ces principes (CE 22 Juillet 1992, Syndicat viticole de Pessac et Léognan)

* 59 article R 123-17 du code de 1'urbanisme

* 60 TA Rennes, 30 mai 1990, Association urbanisme ou environnement

* 61 Cette notion est incertaine, car il apparaît que, en dernier recours, seul le juge peut décider de la compatibilité des POS.

* 62 Voir en annexe 7 une description détaillée des travaux de mise en oeuvre de la loi littoral dans la Manche

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