2. Les hommes : où et pourquoi construit-on sur le littoral ?

2.1 La spécificité du littoral en matière de démographie et d'urbanisation 35 ( * )

Les communes littorales concentrent 10 % de la population sur 4 % de la surface nationale. Ces deux chiffres, qui apparaissent dans tous les rapports consacrés au littoral depuis vingt ans, demeurent quasiment identiques depuis le rapport Piquard. Celui-ci ne les critiquait d'ailleurs pas, constatant que, le littoral étant un espace de grand dynamisme économique, il était naturel que la population s'y concentrât.

Depuis le rapport Piquard, au contraire, la question n'apparaît plus qu'en termes de surpopulation du littoral, de surconcentration urbaine.

En fonction de quels critères juge-t-on si un espace est trop habité, trop occupé, trop urbanisé ? En l'absence de ces critères, les considérations selon lesquelles le littoral est surpeuplé ne reflètent que des jugements de principe.

2.1.1 Dynamique démographique du littoral depuis 1945

Le littoral est plus « densément peuplé » que le restant du territoire

Les communes littorales regroupent sur 4 % de la surface nationale près de 10 % de la population. La densité y est deux fois et demie supérieure à la moyenne nationale (257 habitants par km2 contre 104 pour la France, en 1990). Si l'on prend en compte les cantons littoraux, la densité de population est de 173 habitants au km 2 , si l'on prend en compte les zones d'emploi littorales, la densité est alors de 130 habitants au km 2 au 1/1/1995, ce qui indique bien une concentration de population sur la bande côtière. De plus, à cette concentration permanente, s'ajoutent les apports saisonniers de la fréquentation touristique 36 ( * ) .

Toutefois, le peuplement littoral présente de fortes disparités : les communes littorales des Alpes-Maritimes arrivent très largement en tête avec une densité de 2514 habitants au km2. Les communes de la côte méditerranéenne (Corse exceptée) concentrent à elles seules près de la moitié de la population littorale (47,4 %) sur moins d'un quart (23,2 %) de la superficie totale.

On peut définir de façon schématique trois types de littoraux :

- des littoraux fortement peuplés de façon quasi continue (Méditerranée et Bretagne) ;

- des littoraux également fortement peuplés, centrés sur une ville de taille importante où le phénomène de croissance périurbaine est déterminant (Dunkerque-Calais, Le Havre, Saint-Nazaire, La Rochelle, Biarritz) ;

- des littoraux de faible densité globale (Corse, Aquitaine, Cotentin).

Mais son évolution récente se caractérise par une diminution du différentiel de croissance par rapport à l'intérieur.

Entre 1962 et 1982, la croissance concerne des communes déjà densément peuplées, alors que les communes de faible densité perdent de la population. La plupart des variations positives de la population sont liées à l'extension des agglomérations, croissance des communes périphériques, décroissance ou stagnation de la ville centre. Entre 1982 et 1990 les variations sont étroitement liées au phénomène de périurbanisation.

Les plus fort taux d'accroissement s'observent sur le littoral méditerranéen, dans les zones de densité les moins fortes : littoral du Languedoc-Roussillon, Massif des Maures.

Si l'on compare la carte des évolutions démographiques, entre 1982 et 1990, à celle de la variation de la population entre 1962 et 1982, on obtient une bonne corrélation entre les deux. Toutefois, les zones de décroissance de la population ont tendance à se réduire pour la seconde période, sauf en les estimations de population disponibles pour la période 1990-1995 s'inscrivent largement dans la tendance 1982-1990 :

- croissance annuelle de 0,62 % l'an, pour la France littorale et de 0,47 % pour la France de l'intérieur ;

- infléchissement sensible de la croissance annuelle pour la façade Mer du Nord/Manche (0,21 % l'an) et pour la façade Méditerranéenne (0,8 %, l'an) consolidation pour l'Atlantique (0,73 %).

Au total, le différentiel de croissance entre le littoral et l'intérieur, nul, entre 1962 et 1968, passe de + 0,35 point entre 1968 et 1975 à + 0,48 point entre 1975 et 1982, pour se resserrer à + 0,22 point entre 1982 et 1990 et + 0,15 point entre 1990 et 1995.

Et des comportements migratoires par âges très typés

La population du littoral augmente au milieu des années 90 de quelques 90 000 habitants par an. Le mouvement naturel contribue à hauteur de 1/3, le solde migratoire pour 2/3. Dans le même temps la France de l'intérieur voit sa population augmenter d'environ 186 000 habitants l'an ; soit 188 000 par mouvement naturel et moins de 2 000 par solde migratoire négatif.

À l'exception du littoral Mer du Nord/Manche qui enregistre un solde migratoire annuel légèrement négatif, - 2 000 habitants l'an pour un mouvement naturel de 13 000, les trois autres littoraux ont un solde migratoire positif de deux à quatre fois plus important que le mouvement naturel :

- 90 000 contre 20 000 pour le littoral Atlantique,

- 400 contre 1 500 pour la Corse ;

- 10 000 contre 40 000 pour la Méditerranée ;

Ainsi pour la période 1982-1990, le taux de croissance annuel de la population littorale de 0,69 % est imputable pour 0,28 % au mouvement naturel et pour 0,41 % au solde migratoire. En revanche, la croissance de 0,47 % l'an de la France de l'intérieur se décompose entre une évolution de 0,45 % pour le mouvement naturel et de seulement 0,02 % pour le solde migratoire.

Entre 1962 et 1990, la spécificité majeure des zones littorales réside en une contribution du solde naturel toujours inférieure à celle de la France intérieure et une contribution du solde migratoire toujours nettement supérieure. Seul le littoral Mer du Nord/Manche échappe à ce scénario, avec une contribution négative du solde migratoire pour les période 62-68, 75-82 et 82-90. La contribution du solde naturel y étant généralement supérieur à celle de la France de l'intérieur.

L'accroissement de population se reporte vers les communes rétro-littorales

Un renversement de tendance important est constaté pour la période censitaire 1982-1990 : la croissance de la population dans les communes littorales a été moins forte que sur l'ensemble du territoire national (+ 3 % contre + 42 %) et c'est dans les cantons littoraux qu'elle a été la plus forte (+ 4,7 % contre 4,2 %. Il serait tentant de voir dans ce renversement un effet de la Loi littoral. Seul un nouveau recensement permettrait d'affirmer ou d'infirmer cette hypothèse.

Le littoral a connu un fort accroissement de sa population après 1945. Ainsi, de 1954 à 1968, pendant que la densité moyenne française passait de 80 à 90 habitants au km2, la densité des communes littorales montait de 190 à 245 habitants au km2.

La densité était, en 1968, de 245h au km2, soit 2,7 fois la densité moyenne du pays. Si l'on compare avec les densités de 1990 (257 habitants par km2 sur le littoral contre 104 pour la France), on constate que ce rapport est passé de 2,7 à 2,5, ce qui signifie donc que le déséquilibre relatif entre littoral et France entière s'est réduit de 1968 à 1990.

L'évolution démographique récente du littoral incite donc à relativiser certains propos alarmistes : après une phase de forte augmentation, la population du littoral tend à retrouver une évolution comparable à celle du pays tout entier, et le déséquilibre statistique entre littoral et France entière a commencé de se réduire. Ce n'est donc tant la question démographique qui est préoccupante sur le littoral, lieu historique de concentration des hommes et des activités, que le rapport entre démographie et types d'urbanisation.

2.1.2 Dynamique spatiale

L'urbanisation se poursuit

En effet, l'inversion de tendance constatée pour la population ne se retrouve pas en ce qui concerne l'urbanisation du littoral. Au contraire, le rythme de construction semble s'accélérer alors même que l'accroissement de la population se ralentit.

Le rapport Piquard indiquait que, chaque année, 12 % en moyenne des constructions neuves étaient réalisées sur le littoral. Sur la période 1982 et 1990, cette proportion est passée à 15 %. Ceci représente près de 500 000 logements commencés entre 1982 et 1990 dans les communes littorales, soit une moyenne de 2,54 logements nouveaux construits au km2 par an, contre seulement 0,6 pour les communes non littorales. En 1972, la moyenne sur les communes littorales était de 1,17 logements nouveaux au km2.

Le littoral métropolitain compte 84 aires urbaines (A.U.) qui regroupent 81,9 % de la population littorale (10,4 millions d'habitants). Les pôles urbains concentrent 69,4 % de la population (8,8 millions d'habitants), les couronnes périurbaines 12,5 % (soit 1,6 millions d'habitants).

La France de l'intérieur est relativement moins urbanisée : 72,7 % de ses habitants résident dans le périmètre d'une aire urbaine (31,9 millions) dont 60,6 % dans un pôle (26,6 millions) et 12,1 % dans les couronnes (5,3 millions).

Conséquence d'une plus grande discontinuité de l'urbanisation sur le linéaire littoral, les communes multipolarisées ne représentent que 2,4 % de la population littorale (0,3 million d'habitants), contre 3,7 % (1,6 millions) pour la France de l'intérieur.

Complémentaire des zones urbaines, l'espace à dominante rurale pèse le même poids sur le littoral : 23,8 % de la population (3 millions d'habitants) que dans la France intérieure, 23,6 % de la population (10,4 millions d'habitants).

Le degré d'urbanisation des façades littorales est très hétérogène. Ainsi si les zones Mer du Nord/Manche et Atlantique ont des taux d'urbanisation voisins (64,2 % contre 69,3 %), les couronnes périurbaines n'ont pas le même poids : 16,4 % dans un cas, 14,4 % dans l'autre. Plus urbanisé, le linéaire côtier Mer du Nord/Manche connaît une plus grande influence des communes multipolarisées : 3,5 % contre 1,8 % pour la côte Atlantique. Les poids de la population localisée dans des espaces à dominante rurale sont proches : 31,3 % contre 28,9 %.

TABLEAU 4 : L'URBANISATION LITTORALE : ÉTAT DES LIEUX
STATISTIQUE

Communes littorales

Logements 1990

Densité de logements (1990) /km2

Densité résidentielle principale (1990)

Alpes-Maritimes

432901

1641

1281

Aude

60789

134

65

Bouches-du-Rhône

513460

249

238

Calvados

76587

217

92

Charentes-Maritimes

133039

157

101

Corse du sud

58851

32

22

Haute-Corse

57374

32

23

Côtes d'Armor

103587

124

93

Eure

1071

16

13

Finistère

279246

116

98

Gard

22289

110

31

Gironde

90720

41

23

Hérault

142409

252

129

Ille-et-Vilaine

53481

194

142

Landes

47826

51

25

Loire-Atlantique

105552

241

144

Manche

87149

86

66

Morbihan

156839

151

111

Nord

61468

383

371

Pas-de-Calais

116350

329

255

Pyrénées-Atlantiques

63717

465

336

Pyrénées-Orientales

69318

208

88

Seine-Maritime

142067

283

265

Somme

20271

75

35

Var

340796

312

216

Vendée

103155

127

56

Façades littorales

Façade nord-ouest

504963

186

144

Façade bretonne

698705

140

107

Façade atlantique

438457

89

51

Façade méditerranéenne

1698187

198

149

Littoral

3340312

157

116

France entière

26246225

48

39

Source INSEE RGP 1990

La façade méditerranéenne présente un taux d'urbanisation nettement supérieur à celui de la France intérieure et à celui du littoral dans son ensemble 85,1 % de la population (dont à peine 8,3 % dans les couronnes périurbaines). Autre singularité de cette zone, seuls 12,6 % des habitants résident dans l'espace à dominante rurale.

La Corse littorale présente un profil de peuplement bimodal : 55,1 % dans les deux aires urbaines de l'île, 44,9 % dans l'espace à dominante rurale. Pour des raisons géographiques évidentes, il n'y a pas de commune multipolarisée en Corse.

La prépondérance des résidences secondaires dans les constructions neuves.

Entre 1982 et 1990, les communes littorales ont gagné 226 000 résidences secondaires supplémentaires, concentrant sur 2% du territoire, plus de 41 % de l'ensemble des constructions de résidences secondaires en France. Entre 1975 et 1983, la densité des résidences secondaires au km2 est passée de 21 à 31, entre 1982 et 1990 de 31 à 41. Dans le même temps, la moyenne française augmentait de 3 à 5 seulement.

Cet ensemble de données traduit bien la situation et la problématique de l'urbanisation sur les façades littorales, à savoir :

- large représentation du tourisme résidentiel, et du tourisme en général,

- durabilité et progression constante du processus d'intensification, dont on pressent qu'il n'a pas globalement atteint son seuil de saturation.

L'analyse de la carte 3 permet de distinguer trois cas de progression :

- une extrême concentration sur le littoral méditerranéen, qui réunit 53 % des constructions du littoral français, et où les augmentations les plus fortes sont enregistrées sur le littoral varois, avec 35000 résidences supplémentaires depuis 1982, la densité moyenne progressant de 40 à 96 depuis 1975. Sur l'ensemble de la façade languedocienne, plus de 50 000 résidences secondaires ont été construites entre 1982 et 1990. Les densités atteignent 120 habitants au km 2 sur le littoral de l'Hérault et des Pyrénées Orientales ;

- une remarquable continuité sur l'ensemble de la façade atlantique qui, d'Audierne à Hendaye, présente un ruban continu de croissance du tourisme résidentiel. Les densités, qui restent certes bien inférieures à celles observées sur le littoral méditerranéen, augmentent néanmoins de manière significative : de 21 à 27 entre 1975 et 1982, de 27 à 35 depuis 1982 ;

- quelques sites de progression isolés sur la façade septentrionale, entre Dunkerque et Audierne, alors même qu'il n'y a pas continuité spatiale du processus touristique. Celui-ci se déroule principalement à partir de stations ou de zones balnéaires plus circonscrites.

On notera enfin que l'évolution est très contrastée pour la Corse : les valeurs absolues sont faibles, les pourcentages d'augmentation ou de diminution aussi. Le nombre de résidences secondaires diminue dans plus d'un quart des communes.

Si le nombre de résidences secondaires est élevé à l'est de la Camargue, leur part n'est vraiment prépondérante qu'entre Hyères et Saint-Raphaël. À l'ouest du Rhône, les résidences secondaires représentent plus de 60 % du parc de logements dans presque toutes les communes. Sur la quasi totalité du littoral atlantique au sud de la presqu'île de Quiberon, les résidences secondaires représentent plus du tiers du parc, voire plus de la moitié. Plus au nord, les pourcentages sont plus modérés, sauf autour des stations balnéaires de renom : Deauville-Trouville, le Touquet, Cabourg, Houlgate, Mers, Hardelot.

Tendances récentes : logements individuels et cabanisation 37 ( * )

On observe une accélération de la construction au cours de la décennie 1980.

Si l'on compare 1982-1984 à 1987-1989, le rythme de construction augmente notamment de Calais au Touquet, autour de Deauville, du Morbihan jusqu'à la Côte Basque et surtout en Méditerranée orientale. Il diminue sur le littoral de la mer du Nord, en Seine Maritime, en Bretagne, à Marseille et ses environs. L'évolution est contrastée en Corse et en Méditerranée occidentale.

Quant aux types de logements construits, la répartition des logements collectifs obéit à deux caractéristiques :

- une caractéristique urbaine : ils sont prédominants dans les communes urbaines et leur périphérie ;

- une caractéristique géographique : pourcentage important sur la Côte d'Azur, la côte Basque, en Vendée, autour de Deauville et du Touquet.

Cependant la part des constructions individuelles devient largement prépondérante, contrairement à la période précédente (années 70), où le développement coordonné de grands ensembles touristiques privilégiait les ensembles collectifs. Mais, en cela aussi, les formes urbaines du littoral respectent une tendance nationale.

De plus, un phénomène pour lequel on ne dispose pas de données statistiques, du fait de son caractère informel, voire fréquemment illégal, semble se développer en de nombreux points : l'occupation de l'espace littoral par l'intermédiaire de formes semi-bâties : cabanons, mobil-homes, caravanes sédentarisées etc... Tandis que les opérations d'envergure localisées sont bloquées par la loi littoral, ces formes d'occupation en principe temporaires, mais qui deviennent souvent définitives, sont souvent tolérées et finissent parfois par susciter un véritable noyau urbain, lorsque des réseaux et des services sont fournis 38 ( * ) .

Cette forme de dispersion intercalaire, ancienne dans son principe mais qui prend un essor nouveau, a probablement des effets similaires, sinon pires, en matière de dégradation du paysage et de fragilisation de l'espace agricole que le mitage par résidences secondaires classiques.

2.1.3 L'augmentation du bâti s'effectue essentiellement aux dépens de l'espace agricole...

L'essentiel du développement urbain semble se réaliser aux dépens de l'espace agricole. Dans le cadre d'opérations de petite envergure ou individuelles, le développement sur l'espace agricole est logique pour plusieurs raisons :

- l'espace agricole se prête physiquement au développement urbain, à des coûts plus réduits que d'autres espaces ;

- il s'agit (ou s'agissait) de l'espace majoritaire, donc le plus généralement disponible, dans les communes littorales ;

- les formes de protection de cet espace (SAFER, documents d'urbanisme), ont eu, lorsqu'il est soumis à une forte pression, encore moins d'effet que celles des espaces naturels. La structure foncière, par son morcellement et par la multiplication des propriétaires privés, favorise une transformation ponctuelle et progressive du développement urbain.

Notons une nouvelle fois que ce raisonnement, valable pour le littoral, ne diffère en rien de celui qui permet d'expliquer le développement du périurbain en France au cours des deux dernières décennies sur l'ensemble du territoire.

Bilan du recul de l'espace agricole au cours des vingt dernières années.

Depuis 1970, la surface agricole des communes littorales subit un très net recul, évalué à 130.000 ha, soit - 17 %, tandis que la moyenne française s'établit sur la même période à - 1,4 % seulement. De plus, ce retrait s'est sensiblement accentué après 1980.

Sur le littoral de la Manche, entre la côte d'Opale et le Cotentin, les évolutions restent relativement modérées (- 5,5 % en moyenne depuis 1979), les retraits enregistrés dans les zones urbaines étant partiellement atténués par le maintien de l'emprise agricole rurale.

Sur la façade atlantique, le problème devient plus sensible, puisque les Communes littorales ont perdu près de 10 % de leur potentiel spatial agricole sur les dix dernières années. Sur les façades du pays basque, du Roussillon et de la Provence, le recul de l'agriculture est très important, puisque, entre 1970 et 1988, l'agriculture littorale a perdu entre 20 et 30 % de sa surface. Les pertes sont particulièrement lourdes sur le littoral languedocien, où le processus actuel d'arrachage des vignes ne fait qu'amplifier le retrait.

Sur la Côte d'Azur se concentrent les situations les plus exacerbées : hormis l'exception de la Camargue et de la Crau, l'agriculture a régressé d'environ 21 % entre 1979 et 1988. Depuis 1970, les communes littorales des Alpes-Maritimes ont perdu 50 % de leur surface agricole.

On constate que ces évolutions variées de l'espace agricole sont inversement corrélées au degré de développement urbain enregistré sur les différents segments de côte.

Si l'agriculture qui, par son activité, avait façonné certains paysages, tend à se retirer de divers secteurs de la zone littorale, elle se maintient voire se développe sur les sites où, spécialisée et génératrice de forte valeur ajoutée, elle concurrence activement les autres activités.

C'est le cas :

- des zones légumières de la ceinture bretonne ;

- de l'élevage d'agneaux de prés salés du Mont-Saint-Michel ;

- de la maïsiculture landaise ;

- de la viticulture de la côte Vermeille,

- de la floriculture de la Côte d'Azur.

Spécificités territoriales de l'agriculture sur le littoral

La répartition spatiale de l'activité agricole sur le linéaire côtier met en évidence des situations différentes :

- la façade nord-ouest et nord atlantique présente une certaine forme d'assimilation entre l'emprise agricole de l'intérieur du pays et la présence de l'agriculture sur le littoral ;

- de la Flandre au marais charentais, il n'y a pas de rupture dans l'utilisation du sol liée au phénomène littoral, celui-ci prolongeant le contexte spécifique de la France agricole du nord et de l'ouest, ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas de spécificité agricole littorale. Sur l'ensemble de ce littoral, l'occupation agricole présente une certaine continuité linéaire et une emprise tout à fait significative, globalement supérieure à 50 % de l'espace ;

- le littoral landais, notamment au sud d'Arcachon, est marqué par le phénomène de dunes et l'emprise forestière. L'agriculture n'y est présente que sous forme de clairières ponctuelles ;

- sur le littoral languedocien, on note une forte identification qui tient à la part sensiblement plus faible de l'agriculture dans l'espace, le taux de surface agricole étant globalement inférieur à 35 %, et n'atteignant pas 30 % sur les Pyrénées-Orientales, et à la spécificité viticole,

- la Côte d'Azur présente une agriculture dite résiduelle (moins de 8 % de la SAU), à très forte valeur ajoutée, mais cantonnée dans des petits bassins sublittoraux ou insérée dans le tissu urbain.

Devenir de l'espace agricole sur le littoral

Le ministère de l'Agriculture, dans une étude consacrée à l'agriculture littorale, soutient que l'agriculture est, en 1994, la première forme utilisation de l'espace littoral. II indique que l'assise historique de l'activité (mise en valeur du littoral par assèchement, polder, rizières, irrigation) et son fondement économique (second secteur derrière le tourisme, chiffre d'affaires de 12Md en 1988) confèrent à l'agriculture littorale un rôle dans la mise en valeur des façades maritimes.

Par ailleurs, les zones agricoles et forestières sont un agent important de la protection de l'environnement et du paysage sur le littoral. Elles constituent en effet des coupures vertes qui peuvent jouer le rôle de barrage contre l'urbanisation. Elles ont un rôle essentiel à jouer dans la gestion paysagère des espaces littoraux.

Aussi, plusieurs réponses sont avancées pour lutter contre la déprise agricole. La vision qui prédomine chez les responsables locaux, élus et administrations, est l'adaptation de l'agriculture à une fonction d'occupation et d'entretien de l'espace, en réponse à la demande d'une majorité de la population (à dominante urbaine). Elle se concrétise par des mesures de protection, notamment par des contrats de gestion, encore en faible nombre.

Cette orientation peut être envisagée dans certains cas particuliers où les objectifs de protection l'emportent sur les considérations purement économiques :

- zones humides sensibles (Camargue, delta de la Leyre),

- zones forestières sensibles (forêt des Maures) ;

- zones très urbanisées.

Prenant exemple sur le Royaume-Uni, où, en 1994, les 45 Héritage Coast anglaises et galloises couvraient 1525 kilomètres de côte (soit 35 %), il est proposé de développer des formes de maîtrise publique du littoral qui permettent aux exploitants agricoles d'en assurer la gestion.

D'autres mesures sont préconisées, visant à faciliter l'installation de jeunes agriculteurs (création de baux emphytéotiques, formes adaptées de crédit), ou à éviter l'apparition de friches agricoles (création de structures communes de gestion des terrains agricoles).

2.1.4 Problématique de l'aménagement urbain sur le littoral

La spécificité du littoral ne réside pas dans son évolution démographique, mais dans le décalage entre son évolution démographique et le développement du bâti. Ce bâti se développe au détriment de l'espace agricole, mais ceci ne constitue pas en soi une spécificité ni une fatalité. La comparaison entre le recul de la surface agricole des communes littorales, depuis 1970 (soit - 17 %) et la moyenne nationale sur la même période (1,4 %) a-t-elle une pertinence ?

On constate que les secteurs les plus dynamiques de l'agriculture littorale, qui présente certains avantages physiques pour des productions spécifiques, parviennent à se maintenir, même dans des situations fortement concurrentielles. Mais quel serait l'intérêt de maintenir à tout prix sur le littoral des productions qui pourraient être assurées sur d'autres portions du territoire national ?

Le tourisme constitue aujourd'hui, et de très loin, la première activité économique du littoral. Qu'une activité aussi nettement prédominante sur le plan économique développe une prédominance spatiale est logique, et, pour des activités autres, le même phénomène peut s'observer sur d'autres portions du territoire français.

Ce qui est effectivement préoccupant, c'est que les formes d'occupation du territoire actuellement suscitées par l'essor touristique du littoral français soient peu compatibles à long terme précisément avec cette fonction touristique. Il convient de considérer alors le littoral comme un système productif, dont l'activité est le tourisme, et dont la ressource est le territoire. S'il consomme sans contrôle ce territoire, le tourisme sera rapidement condamné.

La zone littorale, qui n'a pas fait l'objet d'une définition par une distance constante au trait de côte, s'élargit avec le temps jusqu'à inclure au moins les cantons sinon même déjà les pays côtiers. Les estuaires portent sa limite loin dans les terres, de même, l'hinterland des ports.

Il ne s'agit pas de freiner la dynamique du littoral, de freiner le tourisme, d'en venir au développement zéro 39 ( * ) . Mais, dans une perspective de développement durable, où l'environnement naturel et bâti sera non pas préservé mais géré et valorisé comme atout, il s'agit tout à la fois de moderniser et restructurer le tissu urbain existant sur lui-même (cf. les friches touristiques et industrialo-portuaires, les stations obsolètes) et tout autant d'impulser la démarche de « l'aménagement en profondeur », en relançant, plus qu'ailleurs encore, l'organisation des métropoles, les réseaux viables de villes et les relations ville-campagne. Ces démarches qui n'ont connu que des succès temporaires ou expérimentaux, qui sont ponctuellement soutenues par les pouvoirs publics locaux, sont des pistes associant la vie économique de l'arrière littoral à celle de la côte elle-même 40 ( * ).

2.2 Première activité économique du littoral, le tourisme est vital pour l'avenir de celui-ci

Prépondérance économique du tourisme

Le tourisme sur le littoral avec environ 200 milliards de chiffre d'affaires 41 ( * ) , soit douze fois le chiffre d'affaires de la pêche, quinze fois celui des ports, huit fois celui de la marine marchande 42 ( * ) , représente, en fait, la première activité économique du littoral. Le tourisme est donc vital pour l'avenir de celui-ci.

Pourtant le développement touristique sur le littoral se trouve confronté depuis quelques temps à quelques défis :

- le premier, est lié à la compétitivité touristique à long terme des littoraux. Des voix annoncent les prémices d'une crise majeure et durable du tourisme sur le littoral, méditerranéen notamment. Les raisons invoquées sont multiples : niveaux de prix trop élevés, qualité médiocre des produits et de l'accueil, obsolescence de certains types d'urbanisation effrénée, nuisances etc... Cette crise ferait soit le jeu des autres littoraux européens et notamment méditerranéens, jugés plus compétitifs, soit le jeu des littoraux de la façade ouest du pays, considérés comme moins dégrades ;

- le second, plus ancien et d'autant plus récurrent que le tourisme n'a cessé de se développer sur le littoral depuis plusieurs décennies, revient à reposer, à vrai dire dans des termes pas toujours très nouveaux, la question de la difficile cohabitation entre :

d'une part l'exigence de maintien et de développement de l'économie touristique dans un espace, le littoral, dont le potentiel d'expansion par le biais d'autres activités n'est pas assuré, d'autre part, la nécessité de préserver, pour les générations futures, le patrimoine remarquable que constitue le littoral, sachant que ce patrimoine est lui-même, mais non sans quelques précautions, valorisable sur le plan touristique ;

- Le troisième concerne la réhabilitation du patrimoine urbain.

La réhabilitation de l'immobilier de loisirs 43 ( * ) cache deux problèmes, souvent complémentaires :

- d'une part, la dégradation d'un immobilier (parties communes et parties privatives) en qualité souvent médiocre et insuffisamment entretenu ;

- d'autre part, la déqualification commerciale de ce patrimoine immobilier, qui ne correspond plus aux normes de la clientèle touristique actuelle : confort insuffisant, surfaces trop petites, manque de services communs, etc...

Les dispositifs législatifs et fiscaux et les montages juridiques permettant l'affectation de fonds publics à la réhabilitation des parties privatives d'immeubles sont d'application difficile. La région Languedoc-Roussillon s'y emploie néanmoins, en exigeant que le logement réhabilité soit labellisé et mis en location au moins quatre mois par an.

Sur un plan plus général, la solution la plus commode consisterait à faire passer ce patrimoine immobilier du secteur privatif vers le secteur locatif commercial. Cela suppose, de persuader les propriétaires privés d'échanger la réhabilitation de leur logement contre une mise en location.

On voit immédiatement surgir plusieurs problèmes : pour que la société de location puisse présenter une offre homogène, il faut que tous les logements d'un même immeuble passent dans les mains d'une même société. Des incitations fiscales (statut fiscal des résidences hôtelières, par exemple) ou des aides (comme celles qui existent pour le logement principal par le biais de l'ANAH ou des OPAH) seraient probablement nécessaires pour décider les propriétaires à franchir le pas. Enfin, l'opération ne concerne généralement pas qu'un seul immeuble et doit être intégré dans un projet de redéveloppement touristique d'une ou de plusieurs communes.

Une analyse quantitative de la fréquentation du littoral français

En 1995, dernière année connue, le tourisme du littoral français représentait près de 44 millions de séjours (soit le tiers du total des séjours touristiques sur l'ensemble du territoire) et 371,7 millions de nuitées (soit 37,4 % du total). Les étrangers représentent 18 % des séjours et 23 % des nuitées.

Par rapport à l'évolution de la fréquentation des autres types d'espaces (montagne, campagne,...), la fréquentation touristique du littoral semble cependant connaître un début d'essoufflement, résultant peut-être du plafonnement de la saison d'été au profit d'un développement des courts séjours hors saison, transfert qui est défavorable à la fréquentation du littoral. Il n'est en outre pas impossible que les dépréciations de la lire et de la peseta aient incité les Français à partir plus nombreux vers l'Espagne et l'Italie.

En tout état de cause, l'information disponible ne permet pas de mesurer les éventuels reports de clientèle d'une région vers une autre. Les statistiques de fréquentation sont, en effet, fournies au niveau régional 44 ( * ) : si l'on conçoit aisément que la fréquentation touristique du Languedoc-Roussillon coïncide en majeure partie avec la fréquentation du littoral, il n'en est évidemment pas de même pour d'autres régions comme les Pays de Loire ou la Haute-Normandie, où le tourisme urbain ou rural à l'intérieur des terres est plus développé. Ceci fausse complètement les comparaisons interrégionales, qui pourraient éventuellement faire apparaître des déplacements de fréquentation importants.

Pour corroborer les données relatives à la demande, les données cohérentes et sérieuses sur l'évolution de l'activité des différents segments de l'offre (hôtels, restaurants, villages de vacances, campings, etc) sur chaque littoral font défaut ou ne sont pas exploitées, tant au niveau communal que départemental et régional. De qualité inégale et non comparable d'une région à l'autre, l'information recueillie par les observatoires régionaux du tourisme ne peut suppléer aux carences de l'information.

Le tourisme de nature, nouvelle pratique de tourisme littoral

Le tourisme dit de nature rassemble les activités de découverte, d'étude et d'observation de la nature, du milieu et des espèces sauvages, effectuées dans un espace sauvegardé, et dans des formes telles que l'impact sur le milieu est minimisé 45 ( * ) .

Sur les littoraux français, cette activité ne procède pas d'une génération spontanée. Elle est héritière du mouvement de découverte naturaliste des rivages par les savants, d'une histoire sportive, celle de la randonnée, soutenue par des mouvements de tourisme social des années 30 aux années 60, et d'une tradition esthétique sinon artistique.

TABLEAU 5 : CAPACITE D'ACCUEIL DU LITTORAL

Communes littorales

Capacité d'accueil 1988

Capacité d accueil par habitant 1988

Résidences secondaires en 1990

Taux de résidence secondaire

Alpes-Maritimes

576211

87

95122

22

Aude

210225

330

31554

51,9

Bouches-du-Rhône

178948

16

22050

4,3

Calvados

315286

428

44188

57,7

Charentes-Maritimes

427295

230

47558

35,7

Corse du sud

188700

195

18617

31,6

Haute-Corse

140918

141

17180

29,9

Côtes d'Armor

239914

139

25399

24,5

Eure

1292

59

246

23

Finistère

397491

73

42057

15,1

Gard

121300

966

15999

71,8

Gironde

321783

276

39745

43,8

Hérault

513313

312

69713

49

Ille-et-Vilaine

106615

119

14196

26,5

Landes

203764

388

24710

51,7

Loire-Atlantique

320509

220

42366

40,1

Manche

184630

117

20636

23,7

Morbihan

371379

135

41302

26,3

Nord

23606

15

1985

3,2

Pas-de-Calais

158422

69

26119

22,4

Pyrénées Atlantiques

179320

174

17696

27,7

Pyrénées-Orientales

346432

579

39781

57,4

Seine-Maritime

62586

20

9132

6,4

Somme

119846

535

10717

52,9

Var

798137

155

104528

30,7

Vendée

570417

579

57926

56,2

Façades littorales

Façade nord-ouest

865668

90

113023

22,4

Façade bretonne

1435908

117

165320

23,7

Façade atlantique

1702579

306

187608

42,8

Façade méditerranéenne

3074184

109

414544

24,4

Littoral

7078339

127

880495

26,4'

France entière

2814291

10,7

Source INSEE RGP 1990 et Communoscope 1988

Capacité d'accueil : capacité totale d'hébergement touristique, tous types confondus en équivalent lits. Taux de résidence secondaire : résidences secondaires pour 100 logements.

Deux types de comptages de la fréquentation des sites protégés ont été effectués jusqu'à présent :

- des estimations de la fréquentation des sites librement ouverts au public, saisonnièrement ou annuellement ;

- des données beaucoup plus précises mais restrictives, à savoir les chiffres de fréquentation des animations encadrées par les gestionnaires des espaces protégés.

C'est sur ce deuxième indicateur que l'on se repose pour évaluer le secteur marchand du tourisme de nature sur le littoral de l'ouest de la France.

Sur 529 sites littoraux protégés sur le littoral atlantique, 26 % menaient une action au moins saisonnière d'accueil, d'interprétation et d'animation du milieu en direction des touristes. Les institutions les plus avancées sur ce point sont les réserves naturelles (environ un tiers des sites recensés) et le Conservatoire du Littoral (un quart de l'offre), suivis par les espaces naturels sensibles.

En 1995, l'enquête et les sources chiffrées rassemblées ont permis d'estimer à 896 000 le nombre de visiteurs concernés par de telles visites, sur l'ensemble du littoral atlantique. Mais cette fréquentation se répartit pour moitié environ entre une poignée de sites très attractifs (dépassant ou avoisinant les 100 000 visiteurs), tandis que le reste est atomisé entre une foule de sites moyens, petits voire minuscules en termes d'activité.

Les sites les plus fréquentés sont :

- le parc du Marquenterre (propriété du Conservatoire pour une part, d'une société civile immobilière pour une autre, et géré par une association) ;

- l'archipel des Sept Iles (notamment l'îlot Rouzic, réserve naturelle ornithologique gérée par la Ligue de protection des oiseaux et l'île aux Moines), propriété du Conservatoire du Littoral ;

- l'ensemble des trois réserves charentaises (Fiers d'Ars, réserves d'Yves et de Moëze) toutes trois propriétés du Conservatoire du Littoral ;

- l'ensemble des sites protégés du delta de Leyre, dans le Bassin d'Arcachon ;

- et la Camargue (parc naturel régional, réserve SNPN -Société Nationale de Protection de la Nature- et sites du Conservatoire).

Les retombées économiques directes sont faibles. Les gestionnaires, marqués par une culture associative, pratiquent des tarifs faibles, sinon de gratuité, et opposent des résistances, d'abord de principe, à toute forme de mercantilisation de la nature. Depuis 1995, des débats existent quant à la nécessité de reconnaître que, si l'accès à la nature n'est pas payant, en revanche tout service d'encadrement, d'animation et d'accueil possède un prix réel en main d'oeuvre formée et en matériel.

Les études économiques n'ont jusqu'à présent touché que des sites particuliers et n'ont pas fait l'objet d'un calcul global. Ces études monographiques montrent que le coût de l'animation d'un site naturel est élevé et que les bénéfices effectués par les structures d'animation sont faibles. Ils sont en général réinvestis dans la gestion courante des sites protégés. Lorsque des bénéfices importants sont dégagés, comme dans la visite des salines ou d'autres sites protégés où s'effectuent des activités de production, les revenus liés à la vente des produits locaux contribuent de manière parfois non négligeable à la vie de petites entreprises.

Les retombées économiques indirectes sont extrêmement difficiles à évaluer, Certaines communes s'orientent visiblement vers des stratégies visant à capter le maximum de revenus induits par le passage de touristes de nature.

Des élus aux démarches volontaristes, développent des politiques d'accueil prioritaires sur ces cibles de clientèles, à Rochefort-sur-mer, à Trégunc, à Perros-Guirec, ou au Teich par exemple : centralisation des réservations des sites protégés qui environnent la commune, aides logistiques par l'intermédiaire des offices de tourisme, ouverture d'un écomusée ou d'une maison de site (cas de la Maison de la Baie du Mont-Saint-Michel, devenue elle-même pourvoyeuse d'activités).

Le tourisme de nature représente une activité en cours de structuration face à un marché probablement porteur, mais très exigeant en termes de qualité des sites et des prestations. Les institutions responsables des sites protégés ont l'initiative de l'offre. Certaines s'y investissent fortement, à l'image des Réserves Naturelles de France, qui ont édité une charte de l'animation. L'intervention du secteur privé se précise cependant dans certains sites particulièrement prestigieux, conduisant à une remobilisation des héritages sociologiques et culturels sur lesquels se fonde cette activité et au façonnement possible de nouveaux produits.

Une méthodologie d'analyse qualitative de l'attractivité touristique des littoraux

Les travaux en cours de réalisation, menés par le groupe d'experts « prospective de la demande touristique » réuni par le Commissariat général du Plan à la demande de la Direction du Tourisme, mettent au point une méthode d'analyse, de l'attractivité touristique des territoires, quel que soit l'espace considéré.

À ce stade des travaux, différents critères retenus de l'attractivité touristique d'un territoire ne seront présentés que de façon succincte :

- l'accessibilité physique, définie, par la commodité, le coût et le temps de transport nécessaire pour accéder au territoire considéré, en fonction de la durée du séjour envisagé ;

- l' accessibilité commerciale, c'est-à-dire la possibilité de s'informer, de réserver facilement est également un atout important ;

- les actifs touristiques : l'eau, le soleil, un site remarquable, des possibilités de distractions, un hinterland attractif, une identité, une image et une notoriété ;

- le degré de saisonnalité de l'activité touristique, qui permet de déterminer la rentabilité des investissements touristiques. On considère ainsi qu'aucun investisseur ne peut accepter de s'installer dans une zone touristique dont la saison d'activité durerait moins de 100 jours par an.

Cette méthodologie devrait permettre d'exploiter la base de données en cours de constitution à l'Agence Française de l'Ingénierie Touristique (AFIT).

Elle témoigne d'une évolution dans les mentalités. Un tourisme trop exclusivement centré sur la promotion immobilière, cède la place à un tourisme conçu comme une activité de services, de prestations de produits touristiques.

TABLEAU 7 : L'EMPLOI TOURISTIQUE NON SAISONNIER PEUT ATTEINDRE 80 % DE L'EMPLOI

-97-

Exemple: Bouches du Rhône

2.3 Spécificités et vivacité économiques du littoral français 46 ( * )

2.3.1 Structures et spécificités économiques

Le littoral, un espace économique actif

Le littoral, tel qu'il a été défini 47 ( * )48 ( * ) est un espace économique particulièrement actif, puisqu'il concentre, sur un dixième de la superficie du territoire national, un cinquième de l'activité.

Au Royaume-Uni (l'Ecosse exceptée), cette concentration moins marquée. Le littoral anglais, défini par sa première rangée de postcode district 49 ( * ) concentre la même proportion d'habitants et d'établissements que le littoral français, mais pour un pourcentage double de la surface.

Le poids prépondérant du littoral de la région PACA

Le littoral de Provence-Alpes-Côte d'Azur regroupe 30% de l'emploi privé littoral. Viennent ensuite les littoraux de la péninsule bretonne et de la Manche-Mer du Nord, avec respectivement 23 et 20 % des emplois, les 30% restants étant partagés entre les littoraux Languedoc-Roussillon, Aquitain et Basque, Vendéen et Corse.

L'absence de noyaux durs caractérise l'économie littorale

On peut mesurer la spécificité d'un secteur d'activité donné, dans une région donnée, par le poids de ce secteur dans l'emploi local comparé à sa moyenne nationale. Sur cette base, on constate l'absence complète de véritables noyaux durs (activités à la fois spécifiques et significatives en termes d'emplois), aussi bien au niveau du littoral français pris dans son ensemble, qu'au niveau régional. Ces noyaux durs ont normalement un rôle moteur dans l'organisation économique régionale. Même le tourisme (7,1% des emplois du littoral), n'est que très faiblement sur-représenté vis à vis de la France (spécificité de 1,2) 50 ( * ) . Quant au maritime, il ne pèse que 2,3% de l'emploi littoral.

Les niches (activités spécifiques mais concernant des volumes d'emplois faibles) sont nombreuses, mais ne concernent que les activités maritimes, soit dans l'ordre décroissant de la spécificité littorale :

- la construction et la réparation navale (spécificité 5,6) ;

- la pêche et la pisciculture (5,3) ;

- l'industrie et le commerce de gros de poisson (4,4) ;

- la construction de bateaux de plaisance (4,3) ;

- les services portuaires et de transport maritime (4) ;

- et le commerce de détail de poisson (2,3) ;

- avec en plus deux créneaux touristiques : la thalassothérapie (2,5) et les campings (1,8).

La proximité de la mer et la densité résidentielle sont des dimensions spatiales structurantes

La proximité de la mer permet une classification du littoral en quatre sous-groupes :

- le front de mer, constitué des communes strictement littorales ;

- le rétro-littoral, constitué des premières et secondes rangées de communes contigües à la précédente (la structure sectorielle de ces deux rangées étant très semblable) ;

- les estuaires, constitués de la seule première rangée de communes en bordure d'estuaire ;

- les parties des aires urbaines (définition INSEE) littorales non comprises dans les espaces précédents, autrement dit débordant sur la quatrième rangée de communes et au-delà.

Le front de mer pèse le plus lourd en termes d'hommes et d'activités : près de la moitié des emplois, des établissements et de la population pour un tiers de la surface du littoral au sens large.

Le rétro-littoral représente 33 % des emplois, les estuaires 6 % et les débordements d'aires urbaines 17 %. Ces répartitions sont variables d'une région littorale à l'autre.

Spécificités du front de mer : les activités maritimes et touristiques

Le front de mer se distingue fortement du rétro-littoral par une très nette sur-représentation de l'ensemble des activités maritimes et touristiques (hôtels-restaurants compris). L'industrie et le commerce de gros de poisson, ainsi que la construction de bateaux de plaisance, caractérisent encore la zone rétro-littorale, qui présente par ailleurs une sur-représentation de l'agriculture et des industries agro-alimentaires. Ces deux espaces sont complémentaires : l'espace rétro-littoral apparaît comme une zone de transition entre le front de mer et l'intérieur.

L'ensemble des activités maritimes pèse moins de 3 % de l'ensemble de l'emploi littoral, et le tourisme 7 %. Aussi, le littoral ressemble tout à fait à l'intérieur. Les spécificités correspondent plus particulièrement aux zones de densité résidentielle faible et moyenne du littoral.

Les estuaires présentent des caractéristiques sectorielles très marquées : construction, réparation navale, services portuaires, transports maritimes, pêche et pisciculture, chimie, extraction, énergie, fabrication automobile et mécanique.

Les activités sont dans l'ensemble très alignées sur la moyenne, avec néanmoins une légère sur-représentation de l'agriculture et des industries alimentaires dans les communes à faible densité du rétro-littoral, et des services aux entreprises dans les communes à forte densité.

TABLEAU 8 : À L'ÉCHELLE DE L'ENSEMBLE DES LITTORAUX, AUCUN NOYAU DUR N'APPARAÎT DANS LEUR ÉCONOMIE

TABLEAU 9 : LA DISTANCE À LA MER INFLUE SUR LA COMPOSITION DU TISSU ÉCONOMIQUE

CETTE DÉCOMPOSITION SPATIALE MONTRE COMBIEN BORD DE MER ET RETRO-LITTORAL SONT DIFFERENTS

ET COMPLÉMENTAIRES, LE RETRO-LITTORAL JOUANT LE ROLE D'UN ESPACE DE TRANSITION

PARMI LES SPÉCIFICITÉS TOURISTIQUES ET MARITIMES TRÈS MARQUÉES EN FRONT DE MER.

SEULS L'INDUSTRIE / COMMERCE DE GROS DE POISSON ET LA CONSTRUCTION DE BATEAUX DE PLAISANCE

- 103 -

S'ÉTENDENT VRAIMENT AU RETRO-LITTORAL

TABLEAU 10 : À L'ÉCHELLE NATIONALE, LES SPÉCIFICITÉS
DU LITTORAL SONT REPRÉSENTÉES DE FAÇON HOMOGÈNE

- 104-

on note cependant certaines sur-spécialisations' (ex : les bateaux de plaisance en Vendée) et certaines activités spécifiques a une seule région littorale (ex : l'agro-alimentaire sur la péninsule bretonne

TABLEAU 11 :
REPARTITION DES ACTIVITES MARITIMES ET TOURISTIQUES SELON LA DISTANCE À LA MER

Front de mer

Retro-littoral

Densité résidentielle faible

Pêche/Pisciculture

Campings

Construction de bateaux de plaisance

Industrie/Commerce de gros de poisson

Densité résidentielle moyenne

Pêche/Pisciculture Commerce de détail de poisson

Industrie/Commerce de gros de poisson Construction de bateaux de plaisance Campings Thalassothérapie Hôtels/Restaurants Récréatif

Construction et réparation navale

Densité résidentielle élevée

Services

portuaires/Transports

maritimes

Construction et

réparation navale

Hôtels/Restaurants

Récréatif

Source PH Group 1997

TABLEAU 12 : LE LITTORAL CONCENTRE 70% DES EMPLOIS MARITIMES, MAIS SEULEMENT 18% DES EMPLOIS TOURISTIQUES

La densité résidentielle est très discriminante

La part de l'emploi agricole chute dès que la densité augmente. De même, la par de l'emploi des pôles sectoriels chimie / extraction / énergie et fabrication / autres industries décroit, à partir d'une densité supérieure à 1000 résidences au km 2 . En revanche, la part des secteurs de support aux entreprises et aux particuliers augmente avec la densité, ainsi que celle des services portuaires / transport maritime et construction / réparation navale.

La part des secteurs transports (hors maritime) et de la construction, est stable quelle que soit la densité résidentielle.

Certaines spécialités locales sont très marquées

À l'échelle nationale, les spécificités maritimes sont représentées de façon homogène. À l'échelle locale se dégagent des spécialités : pêche et construction de bateaux de plaisance sur le littoral vendéen et charentais, construction et réparation navale sur le littoral breton...

Les autres activités spécifiques du littoral sont rarement marquées, et elles ne concernent qu'une ou deux portions du littoral il s'agit principalement des industries agro-alimentaires (hors poisson) pour le littoral breton, du travail des métaux pour le littoral Manche-Mer du Nord, des hôtels-restaurants, de la construction, et de l'agriculture pour le littoral Corse Le nombre moyen d'emplois par établissement varie fortement d'une région à l'autre : de 5,4 emplois par établissement pour le littoral Manche/Mer du Nord, à 3 emplois par établissement pour les littoraux vendéen, languedocien et provençal.

En termes de répartition de l'emploi entre front de mer et rétro-littoral, les régions côtières sont là encore très différenciées :

- l'emploi littoral de la Corse est localisé à 87 % sur la première rangée de communes de front de mer, suivi de Provence-Alpes-Côte d'Azur (impact de Marseille) avec 71 %, une rupture importante intervenant ensuite, puisqu'on trouve le littoral vendéen et charentais en troisième position avec 54% seulement des emplois en front de mer (influence Rochelle) ;

- les autres régions littorales ont un poids relatif du rétro-littoral supérieur la moyenne, certaines à cause de leurs particularités: poids des estuaires pour le littoral Manche-Mer du Nord (le Havre), importance des parties non côtières d'aires urbaines littorales pour le littoral aquitain et basque (Bordeaux). Pour d'autres, c'est l'homogénéité spatiale de leur développement économique qui joue : c'est le cas du littoral de la péninsule bretonne et de celui du Languedoc Roussillon.

2.3.2 Vivacité et performances du littoral

Une évolution des emplois privés inférieure à la moyenne nationale

Alors que le reste de la France a vu, sur la période 1990-1995, son stock d'emplois augmenter de 5,2 %, le littoral français n'a pour sa part progressé que de 2,2 %.

Régionalement, on peut distinguer presque autant de niveaux de vivacité que de littoraux. Une classification peut être tentée :

- Languedoc-Roussillon, Manche-Mer du Nord et péninsule bretonne, détachent avec des moyennes supérieures aux moyennes nationales qu'elles soient littorales ou globales (respectivement 8,4 %, 8,1 % et 8 % soit, en absolu, +18 600,+33 700 et+3 7 000 emplois) ;

- la Corse, avec 4,9 % d'accroissement, se maintient au niveau de la moyenne française (+1 650 emplois) ;

- le littoral vendéen et charentais enregistre une contraction de l'emploi (-1,5 %;-1300 emplois) ;

- les littoraux provençaux, aquitain et basque, perdent respective 32 700 et 8 800 emplois (soit -5 % et 3 %). Ces pertes s'expliquent essentiellement par les pertes d'emploi de Marseille de Bordeaux.

La densité résidentielle, variable discriminante en termes de création d'emplois

On observe sur le littoral une corrélation très marquée entre la densité résidentielle et l'évolution de l'emploi : la croissance de l'emploi est inversement proportionnelle à l'augmentation de la densité :

- 10 % de contribution à l'emploi pour les communes de densités inférieures à 100 résidences principales ou secondaires au km 2 ; - 9 % entre 100 et 300 résidences au km 2 ; - 4 % entre 300 et 1000 ; - moins de 8 % pour les densités supérieures à 1000 résidences au km 2 ( 3,5 % hors Marseille et Bordeaux).

TABLEAU 13 : LA VITALITÉ DU FRONT DE MER A ÉTÉ SENSIBLEMENT INFERIEURE À LA PERFORMANCE DE LA ZONE RETRO-LITTORALE

- 110-

Ce phénomène, observable quelle que soit la portion de côte considérée, n'est vérifié pour le reste de la France, que pour les zones de densités résidentielles faibles. Au contraire, les communes de densités supérieures à 1000 résidences au km 2 créent de l'emploi (+4 %).

Cette sur-performance des zones diffuses littorales, et sous-performance des zones denses littorales est vérifiable quant aux évolutions de stocks d'établissements, et de dynamisme du marché PME.

Les communes du front de mer perdent des emplois privés sur la période 90-95, alors que le rétro-littoral (au sens large) en gagne, même si des différences générales sont relevables.

La dimension régionale, là encore, prédomine :

- pour les littoraux Manche-Mer du Nord, péninsule bretonne, Languedoc-Roussillon et Corse, des emplois sont créés à la fois en front de mer et dans la zone rétro-littorale ;

- le littoral aquitain et basque perd de l'emploi dans la zone rétro littorale alors qu'il en crée sur le front de mer ;

- le littoral Provence-Alpes-Côte d'Azur perd sur le front de mer et gagne dans la zone rétro-littorale.

Pari ailleurs s, excepté l'estuaire de la Gironde, qui accroit son stock d'emplois privés de 9 %, tous les estuaires français ont perdu des emplois sur la période.

Dynamiques sectorielles

Certains secteurs sont très sensibles à la conjoncture : construction et bateaux de plaisance s'effondrent en temps de crise, tandis que camping ou thalassothérapie semblent se développer.

TABLEAU 14 : EN TERMES SECTORIELS, LA CROISSANCE EN
EMPLOI EST TRÈS HOMOGÈNES SUR TOUS LES LITTORAUX.

D'autres secteurs semblent s'inscrire à l'intérieur d'une problématique spatiale de métropolisation. Les emplois quittent les centres urbains au profit des zones périurbaines.

Les sept premiers secteurs en termes de pourcentage d'accroissement de l'emploi, sur le littoral, évoluent positivement sur chaque portion étudiée

Ces secteurs porteurs sont, dans l'ordre décroissant de leur développement sur la période :

- la thalassothérapie ;

- les secteurs informatiques et recherche ;

- l'industrie et le commerce de gros de poisson ;

- les campings ;

- le secteur récupération / eau / assainissement ;

- et la pêche / pisciculture.

À l'inverse, d'autre secteurs sont en régression sur quasiment tous les littoraux :

- le commerce de détail de poisson ;

- la construction et la réparation navale (hors le littoral Corse) ;

- le pôle textile habillement cuir (hors le littoral Corse) ;

- et la construction (sauf le cas particulier du littoral Manche-Mer du Nord, dû à « l'effet tunnel »).

Il faut cependant relativiser ces constats, en comparant avec les performances de ces mêmes secteurs sur le reste de la France :

- le tourisme est une activité en développement sur l'ensemble de la France entre 1990 et 1995 et particulièrement la thalassothérapie (et autres activités thermales), le camping et les services récréatifs, à tel point que ces activités progressent proportionnellement moins sur le littoral que sur le reste du territoire ;

- à l'inverse, les activités maritimes (concentrées à 75 % sur le littoral) sont toujours plus performantes sur le littoral que sur le reste de la France (qu'elles gagnent des emplois ou qu'elles en perdent).

En termes absolus sur l'ensemble du littoral, ce sont les hôtels restaurants, le commerce de détail et les transports non maritimes qui se détachent assez nettement en termes de contribution à l'emploi, sur la période, avec environ +12 000 à +15 000 emplois chacun Le BTP est de loin le secteur le plus destructeur d'emplois (-30 000 emplois à lui seul).

Ces situations peuvent varier assez sensiblement selon les régions :

- contributions essentielles du service aux entreprises et des industries alimentaires pour le littoral de la péninsule bretonne,

- du commerce de détail et de la construction pour le littoral Manche-Mer du Nord ;

- de la pêche/pisciculture pour le littoral vendéen et charentais ;

- de la fabrication de machines, du commerce de détail et des industries alimentaires pour le littoral du Languedoc-Roussillon ;

- recul important du service aux entreprises sur le littoral aquitain et basque

Créations-destructions d'entreprises

Sur la période 90-95, le littoral voit le nombre de ses entreprises se réduire de 1,2 %, alors que l'intérieur est stable. Une analyse des composantes de ce résultat confirme l'impression de turbulence du littoral. Les taux de création et de cessation (chacun environ 10 % par an) sont tous les deux plus élevés que pour la France entière, quelle que soit l'année considérée.

TABLEAU 15 : LE LITTORAL EST GLOBALEMENT MOINS CRÉATEUR D'EMPLOIS

SECTEUR PAR SECTEUR. LA TENDANCE LITTORAL SUIT GÉNÉRALEMENT LA TENDANCE NATIONALE, À DEUX EXCEPTIONS PRÈS

- a croissance sut le littoral du tourisme et de l'informatique est en fart dépassée par les performances de l'intérieur

- les activités maritimes, elles, sont toutes plus performantes sur le littoral que sur l'intérieur

Comme le suggère le taux de destruction-création observable en 1993, le littoral est très sensible à la conjoncture. Dès 1994, le taux de vitalité du littoral revenait au niveau des moyennes nationales.

Une analyse fine indique :

- le Languedoc-Roussillon, PACA et les littoraux aquitain et basque, ont les tissus les plus turbulents ;

- ces trois littoraux semblent être beaucoup plus sensibles à la conjoncture que les autres ;

- des 1994-1995, ils ont tous connu un redressement spectaculaire.

La santé financière des entreprises

En ce qui concerne la santé financière des PME, mesurée par l'analyse des bilans des entreprises, le littoral présente globalement un profil légèrement moins robuste que la moyenne française. La proportion d'entreprises bien cotées et dont les probabilités de défaillance sont faibles est inférieure pour le littoral. Cette contre-performance globale est accentuée par le pourtour méditerranéen, les autres sections du littoral offrant un profil proche des moyennes nationales, et même nettement plus performant en ce qui concerne la péninsule bretonne.

En termes de présence sur les marchés extérieurs, on constate qu'en proportion des PME, aucune des sections du littoral n'atteint les moyennes nationales, pour les PME exportatrices comme pour les PME importatrices Régionalement, cette caractéristique est surtout très marquée pour les littoraux vendéen et charentais et la péninsule bretonne, beaucoup moins pour PACA et le littoral Manche-Mer-du-Nord.

CARTE 6 : LE SOLDE NET DES CRÉATIONS / DESTRUCTIONS D'ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS

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Le taux de vitalité entre 1990 et 1995, soit le solde entre les créations
et cessations intervenues pendant la période, ramené à la base 1990

TABLEAU 16 : LA PÉRENNITÉ DES PME EST PLUS FAIBLE SUR LE LITTORAL

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SUR 5 ANS, SEULS 3 ÉTABLISSEMENTS SUR 10 SONT PÉRENNES; SUR LE LITTORAL, CETTE PROPORTION EST LÉGÈREMENT PLUS FAIBLE

Vitalité du secteur privé entre 1990 et 1995

TABLEAU 17 : DIAGNOSTIC DE COMPÉTITIVITÉ ET DE RÉACTIVITÉ DU TISSU LITTORAL DE PME

Le chiffre d'affaires des PME littorales

Le dernier critère de performance à étudier est le chiffre d'affaires des PME du littoral. Cette évolution, croisée avec celle des effectifs, apporte un éclairage très discriminant sur la probabilité de survie d'une entreprise, à court et moyen terme, sur sa compétitivité et sur le potentiel de développement qu'elle représente. Une entreprise pour laquelle on observe une croissance simultanée des effectifs et du chiffre d'affaires est clairement en expansion, et apporte au processus de développement local une contribution réelle et durable. Ce profil représente 35 % des PME du littoral. À l'inverse, une entreprise créatrice d'emplois au cours d'une période, pendant laquelle elle réduit son chiffre d'affaires, se heurte souvent à des difficultés à court terme, suivies des pertes d'emplois conséquentes, et d'une probabilité élevée de dépôt de bilan Ce profil représente 13 % des PME du littoral.

Une entreprise dont les effectifs sont en réduction n'est pas forcément un frein au développement local. Si son chiffre d'affaires évolue positivement durant la même période, elle est vraisemblablement en cours d'assainissent de sa structure de coûts. C'est le cas de 23 % des PME du littoral.

L'analyse révèle qu'en proportion, le dynamisme du tissu PME est tout à fait aligné sur celui de la France. Si l'on calcule selon les volumes d'accroissements plutôt qu'en pourcentage, la performance du littoral est supérieure à celle de l'intérieur. Le littoral est aligné sur le reste de la France en termes d'augmentation du chiffre d'affaires (+ 8 % de 1993 à 1955, soit environ 4 % au-dessus de l'inflation) mais il est globalement en véritable expansion puisqu'il développe simultanément un accroissement de l'emploi de 1 % (alors qu'en moyenne les PME françaises sont en consolidation, -2 % d'emplois) Ce sont les littoraux de la péninsule bretonne, de PACA et du littoral aquitain qui participent le plus à cette progression.

CARTE 7 : UN TISSU PME LITTORAL RELATIVEMENT PEU TOURNÉ VERS L'INTERNATIONAL (IMPORT ou EXPORT)

TABLEAU 18 : UNE PROPORTION MOINDRE DE PME OUVERTES SUR L'INTERNATIONAL

CONCLUSION

Que ce soit en valeur absolue ou en valeur relative, le littoral français n'apparaît pas concentrer une proportion anormale de la population ou des activités. Si on compare les données au littoral anglais, par exemple, les pourcentages de la population, des emplois et des entreprises concentrés à l'intérieur des communes littorales sont très similaires.

Des secteurs ont été massivement urbanisés, certains ont été dégradés, mais le caractère naturel du littoral se maintient dans d'autres. Des mesures de protection ont été adoptées, et les effets de certaines sont perceptibles, notamment en matière de pollution marine.

Il importe donc de prendre en compte les tendances actuelles du développement pour appréhender les atouts mais aussi les menaces qui existent sur le littoral. Il est nécessaire pour cela de relier les approches économiques et spatiales.

En ce sens, le tourisme est clairement identifiable comme étant à la fois la principale opportunité et la principale menace pour le littoral. Opportunité parce qu'il est un secteur économique très dynamique et qu'il semble présenter des perspectives de croissance encore fortes, menace parce que son développement, s'il n'est pas régulé, est susceptible de nuire aux autres activités littorales, qui lui sont pourtant profitables, et, finalement, à son propre dynamisme.

Il importe de souligner que, en la matière, il n'y a pas de solution toute faite. Ainsi, si nous avons constaté que c'est clairement le développement des résidences secondaires qui, selon les formes actuelles dans lesquelles elles se multiplient, provoque une consommation rapide de l'espace littoral, il faut souligner que ces résidences secondaires assurent une part conséquente des ressources des communes littorales. En particulier, la résidence secondaire constitue le meilleur garant d'un allongement de la durée de séjour du touriste. Ce sont donc bien de nouvelles formes d'occupation et d'aménagement qui sont à rechercher.

Alors qu'une approche sectorielle a jusqu'à présent été privilégiée (soutien à certains secteurs économiques, comme la pêche, la construction navale ou les ports 51 ( * ) ), laquelle n'a pas retenu le tourisme comme un secteur à défendre ou à promouvoir-, il apparaît utile de connaître la structure économique du littoral, et de prendre en compte les complémentarités existantes entre les différentes activités.

Aller dans le sens du freinage radical des activités touristiques, non seulement ruinerait un potentiel de développement économique du littoral, mais serait très probablement dommageable pour les autres activités dominantes. Le tout tourisme ne serait pas plus profitable, aussi bien en termes économiques qu'en termes spatiaux ou socioculturels.

Aussi, le littoral n'apparaît pas tant comme un espace marqué par une concurrence entre activités, que comme un espace caractérisé par une interdépendance forte entre plusieurs types d'activité complémentaires. Il n'y a pas de contradiction entre le développement économique du littoral, la survie des activités traditionnelles et la préservation des espaces naturels : au contraire, la poursuite d'un de ces trois objectifs nécessite impérativement la prise en compte des deux autres. Une approche dynamique du territoire littoral suppose de développer une capacité de gestion et de régulation conjointe des transformations économiques et des évolutions spatiales.

C'est l'approche du développement durable.

* 35 Voir annexe 3 : Bilans et perspectives de la situation démographique dans les zones d'emploi du littoral

* 36 Voir tableau 6 : saisonnalité extrême des nuitées (exemple : Provence-Alpes-Côte-d'Azur)

* 37 Illustration de ce phénomène en annexe 4, avec I exemple de l'Anse de Beauduc

* 38 Des conflits récents opposent les propriétaires de terrains sur lesquels ont été installés des équipements précaires, aux collectivités locales et imposées par la Loi Littoral aux Préfets lors des révisions de POS.

* 39 Le secteur du BIP y représente plus de 30 % des emplois

* 40 Cf. lettre de mission de E. Balladur à Y. Bonnot : « Si les pouvoirs publics ont, jusqu'à présent, mis essentiellement l'accent sur sa sauvegarde et la mise en valeur des ses activités traditionnelles, c'est désormais également dans la perspective élargie d'un développement économique dynamique et durable que le littoral et son immédiat arrière-pays doivent être promus » .

* 41 Chiffre avancé par le professeur (L. Cazes par référence à l'évaluation officiel de la consommation intérieure touristique française, de 600 milliards de francs en 1995 (source : Mémento du tourisme, 1996).

* 42 Rapport Gachelin : « Pour un plan stratégique du développement intégré du littoral français » . Janvier 1992 - Datar.

* 43 Sur le littoral, 4,5 millions de « lits » sont concernés sur un total de 6 millions de « lits » à réhabiliter.

* 44 À titre indicatif, la répartition des nuitées par région bordant la mer est la suivante ; PACA 21 %, Bretagne 16,8 %, Languedoc-Roussillon 15,8 %, Pays de la Loire 13,3 % Aquitaine 10,9 %, Poitou-Charentes 7,8 %, les autres régions françaises 14,4 %

* 45 On peut rattacher ce type de tourisme, celui des activités associées à la pêche artisanale, à la récolte du sel, à la conchyliculture ...

* 46 Cette section a été rédigée à partir d'une étude du PH GROUP.

* 47 Annexe 5 : Note méthodologique concernant l'évaluation des spécificités et de la vivacité de l'économie littorale.

* 48 Cf. carte 5 page 101

* 49 Postcode district le Royaume-Uni est composé de 2600 « postcode district » subdivision postale- regroupant en moyenne 21500 adresses chacun, soit 56 millions d'adresses de particuliers et d'entreprises.

* 50 Spécificité : elle exprime le rapport entre les emplois touristiques littoraux exprimés en pourcentage, et l'emploi dans le tourisme en France exprimé en pourcentage.

* 51 soutiens spécifiques dont la pertinence est examinée clans les rapports consacrés à ces secteurs d'activités

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