B. LES COLLECTIVITÉS LOCALES FACE À L'EXAMEN DE LA GESTION : UNE SITUATION FRAGILISÉE

1. Une divulgation abusive des actes préparatoires et des lettres d'observations provisoires

a) Une amplification médiatique d'une vision réductrice

Le respect de la confidentialité des actes préparatoires et des lettres d'observations provisoires est la condition indispensable pour qu'un dialogue fructueux ait une chance de se développer entre la juridiction financière et les ordonnateurs locaux.

Telle a bien été la préoccupation du législateur lorsqu'il a prévu que la chambre régionale des comptes devait prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir le secret de ses investigations et que les propositions , les rapports et les travaux de la chambre étaient couverts par le secret professionnel .

Cette précaution est d'autant plus nécessaire que -comme ont tenu à le souligner devant le groupe de travail tant les représentants des élus que les magistrats des juridictions financières- le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes tire sa spécificité du fait qu'il concerne des ordonnateurs qui sont des élus, en tant que tels responsables devant le suffrage universel.

Or, la situation actuelle ne peut pas être considérée comme satisfaisante. Trop souvent, en effet, les observations provisoires sur la gestion sont publiées dans la presse avant même que les collectivités locales les aient elles-mêmes reçues. A l'inverse, les réponses des ordonnateurs à ces observations en principe provisoires sont rarement publiées.

Ainsi, sans que les intéressés aient pu faire connaître leurs réponses aux observations de la chambre régionale des comptes, leur condamnation médiatique est opérée par la voie de formules lapidaires extraites de documents provisoires, estimant que les intérêts de la collectivité ont été " perdus de vue " , que des " opérations frauduleuses " ont été réalisées ou que le rapport provisoire est " accablant " pour l'ordonnateur.

Il en résulte une " amplification médiatique d'une vision réductrice " , selon la formule de notre collègue Jean Puech, président de l'Assemblée des présidents des conseils généraux. Les chambres régionales des comptes sont, en effet, obligées de concentrer leurs analyses sur des aspects limités de la gestion d'une collectivité. Dans ces conditions, leurs lettres d'observations ne permettent pas en général de se forger une opinion concrète fondée sur une vision globale de cette gestion. La divulgation dans la presse d'informations provisoires ne peut qu'accentuer cette caractéristique.

Or, l'impact de cette médiatisation est sans commune mesure avec la publicité qui peut, par exemple, être donnée aux observations consignées dans le rapport annuel de la Cour des comptes concernant diverses administrations publiques. Dans le cas des observations des chambres régionales des comptes, c'est en effet un élu nommément désigné qui est mis en cause devant l'opinion publique.

Le rapport entre le contrôleur et le contrôlé est dès lors déséquilibré avant même la fin de la procédure légale.

A son corps défendant, l'organe de contrôle -auquel le législateur a entendu confier une mission de conseil- peut ainsi se trouver instrumentalisé au service d'objectifs qui lui sont étrangers. Cette situation est d'autant plus marquée lorsqu'elle intervient dans une période préélectorale.

L'origine de la divulgation de documents provisoires est, par définition, difficile à déterminer.

Plusieurs magistrats entendus par le groupe de travail ont tenu à souligner que les magistrats des chambres régionales des comptes n'avaient eux-mêmes aucun intérêt à de telles divulgations qui en définitive ne pouvaient que nuire à l'image et au rôle de leur institution.

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