3. L'absence de sécurité juridique des actes des collectivités locales

a) Une mise en cause a posteriori

Les délais dans lesquels interviennent les lettres d'observations définitives constituent une difficulté objective pour les collectivités locales.

En effet, le délai entre la prise de décision et l'examen de la gestion par la chambre régionale des comptes est souvent très long .

Il en résulte qu'une même lettre d'observations peut porter à la fois sur une gestion ancienne qui n'a pas relevé de l'ordonnateur actuellement en fonction et sur une gestion récente dont tel ou tel aspect pourra faire l'objet de mesures nouvelles de la part de cet ordonnateur.

La lettre d'observations définitives peut donc apparaître, dans certains cas, plus comme une " photographie " d'une situation passée que comme le reflet d'une situation présente, susceptible le cas échéant d'être améliorée.

b) Des divergences entre le contrôle de légalité et les chambres régionales des comptes préjudiciables à la bonne gestion locale

Plus profondément, le décalage entre la prise de décision et le contrôle de gestion opéré par les chambres régionales des comptes aboutit à des divergences entre les analyses des chambres et le contrôle de légalité.

Les auditions auxquelles le groupe de travail a procédé mettent en évidence l'incompréhension légitime des élus locaux face à cette situation.

En effet, des actes qui n'ont pas appelé d'observations particulières de la part du contrôle de légalité et dont la régularité apparaissait dès lors incontestable, peuvent plusieurs années après être remis en cause par la chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion.

Les collectivités locales se trouvent ainsi face à deux organes de contrôle qui, pour un même acte, peuvent avoir des appréciations divergentes 24( * ) .

Cette situation n'est d'ailleurs pas spécifique aux relations entre le contrôle de légalité et les chambres régionales des comptes. Le rapport de notre collègue Pierre Fauchon au nom du groupe de travail de la commission des Lois sur la responsabilité pénale des élus locaux, sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye (n° 328, 1994-1995), avait lui-même souligné la réaction d'incompréhension des élus locaux lorsque leur responsabilité pénale est mise en cause à propos d'actes soumis au contrôle de légalité lequel n'avait donné lieu à aucune observation.

Comme l'a relevé le rapport de notre collègue Daniel Hoeffel au nom du groupe de travail de la commission des Lois sur la décentralisation, présidé par M. Jean-Paul Delevoye (n° 239, 1996-1997), on aboutit " à une sorte de confusion dans la définition et la mise en oeuvre du champ des contrôles juridictionnels exercés respectivement par le juge administratif et par le juge répressif, voire par les juridictions financières ".

Certes, ces distorsions d'appréciation entre le juge financier et le contrôle de légalité peuvent s'expliquer par la nature des actes en cause.

Comme l'ont souligné certains magistrats entendus par le groupe de travail, le contrôle de légalité peut avoir eu connaissance de l'acte initial mais pas de certaines modalités d'exécution. Le juge financier, qui est saisi de l'ensemble des actes intéressant une même opération, se doit de relever toutes les irrégularités qu'il observe.

En outre, ainsi que l'a fait observer devant le groupe de travail M. Joël Thoraval, président de l'Association du corps préfectoral, le contrôle de légalité ne se borne pas à recourir à des voies de droit contraignantes. Il tient compte des conditions réelles d'exercice des compétences locales.

Il n'en demeure pas moins que ces divergences d'appréciation ne peuvent que contribuer à l'insécurité juridique des actes des collectivités locales.

Ces divergences peuvent aussi se rencontrer entre une solution dégagée par un tribunal administratif et l'appréciation que peut avoir une chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion. Dans un tel cas, la chambre qui agit dans un cadre non juridictionnel devrait s'incliner devant la décision de justice.

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