IV. LES INSUFFISANCES DU RÉGIME DE LA GESTION DE FAIT

A. LA DÉFINITION DE LA GESTION DE FAIT

En application du principe traditionnel de la séparation des ordonnateurs et des comptables, le comptable est seul chargé de l'encaissement des recettes, du paiement des dépenses et de la conservation des fonds et valeurs ( article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique).

Les régies d'avances ou de recettes, par lesquelles un ordonnateur peut procéder à paiement ou à encaissement d'une somme sans faire appel au comptable, constituent une exception classique à cette règle.

Mais, en dehors de ces cas, les personnes qui s'immiscent sans titre dans la procédure comptable publique sont considérées comme comptables de fait. Cette qualification vise non seulement les ordonnateurs qui n'ont pas respecté le principe de séparation mais aussi toute personne privée, physique ou morale, qui détient ou manie sans titre des fonds publics.

La gestion de fait : des origines anciennes

La notion de gestion de fait est ancienne. L'ordonnance royale sur la Chambre des comptes de 1319 interdisait à tous autres qu'aux " receveurs à ce établis " de recevoir les deniers royaux.

L'Edit de Saint-Germain de 1663 faisait " défense à toutes sortes de personnes de s'immiscer en la recette et maniement de nos deniers sans nos lettres de provision ou commissions registrées en nos chambres de comptes ".

Une déclaration du 18 mars 1738 soumettait à la même responsabilité que les comptables " tous ceux qui auraient effectué le maniement des deniers royaux à quelque titre que ce soit ".

La thérorie a été précisée par plusieurs arrêts rendus par la Cour des comptes au cours du XIXe siècle et ratifiée par le Conseil d'Etat. L'arrêt le plus ancien de la Cour des comptes sur cette question semble remonter au 23 août 1834 (Ville de Roubaix).

La juridiction financière s'appuyait alors sur le code civil : l'article 1372 (obligations du gérant d'affaires), l'article 1993 (obligations du mandataire) et sur l'ordonnance royale du 23 avril 1823.

Cette théorie de la gestion de fait a par la suite été consacrée par le décret du 31 mai 1862 (article 25) portant règlement général sur la comptabilité publique, aujourd'hui abrogé, qui précisait que " toute personne autre que le comptable qui, sans autorisation légale, se serait ingérée dans le maniement des deniers publics, est, par ce seul fait, constituée comptable (...) comme s'étant immiscée, sans titre, dans des fonctions publiques. "

Cette théorie a enfin été reprise et précisée par l'article 60-XI de la loi du 23 février 1963.

L'article 60-XI de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que :

" Toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou des valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés.

" Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou des valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public, et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou des valeurs n'appartenant pas aux organismes publics mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur.

" Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières ".


Ainsi définie, la gestion de fait vise des opérations et les personnes qui les ont effectuées.

L'article L. 231-3 du code des juridictions financières attribue compétence à la chambre régionale des comptes pour juger " dans les mêmes formes et sous les mêmes sanctions (que les comptabilités régulières) les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait d'une collectivité ou d'un établissement public relevant de sa compétence ".

En outre, l'article L. 231-5 spécifie que " la chambre régionale des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ".

La procédure de gestion de fait a pour objet essentiel d'une part de rétablir les formes comptables , en assujettissant le comptable de fait aux mêmes obligations qu'un comptable patent, d'autre part, de rétablir les formes budgétaires , en faisant délibérer l'organe ayant le pouvoir d'autoriser les dépenses.

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