M. Jean-Pierre GASTINEL

Président de la Chambre régionale des comptes de
Nord-Pas-de Calais
Mardi 10 juin 1997

M. Jean-Pierre Gastinel a indiqué que les chambres régionales des comptes, qui avaient certaines caractéristiques traditionnelles des juridictions financières, s'inscrivaient néanmoins dans une logique nouvelle. Il a, en outre, souligné qu'elles connaissaient depuis leur création une évolution permanente.

Décrivant les caractéristiques traditionnelles des chambres régionales des comptes, M. Jean-Pierre Gastinel a fait observer qu'elles fonctionnaient sur le modèle de la Cour des comptes et qu'à l'instar de celle-ci, leurs missions portaient à la fois sur le contrôle des comptes et sur le contrôle de la gestion.

Puis, présentant les caractéristiques originales des chambres régionales des comptes, M. Jean-Pierre Gastinel a relevé qu'il s'agissait de juridictions nouvelles exerçant des compétences inédites telles que le contrôle budgétaire. Il a souligné qu'elles évoluaient, en outre, dans un contexte nouveau, les élus locaux n'étant pas habitués à ce type de contrôle et les pouvoirs donnés aux collectivités locales par la décentralisation ayant créé une situation radicalement différente du système antérieur.

M. Jean-Pierre Gastinel , soulignant que les chambres régionales des comptes connaissaient des évolutions constantes, a fait valoir que leur domaine de compétences s'était étendu, notamment aux établissements publics locaux (collèges et lycées) et aux établissements publics nationaux ayant une assise locale (universités). Il a noté que les chambres régionales des comptes pouvaient désormais donner des avis à la demande du préfet et exercer des contrôles à la demande des élus locaux eux-mêmes.

M. Jean-Pierre Gastinel a, par ailleurs, constaté que les procédures applicables avaient évolué. Il a notamment rappelé que le législateur avait prévu un entretien préalable avec les responsables locaux avant l'établissement des observations sur la gestion et que la communication de ces observations devant le conseil municipal était désormais obligatoire.

M. Jean-Pierre Gastinel , considérant que ces évolutions avaient pu soulever certaines difficultés, a fait, en premier lieu, valoir que l'exercice d'un contrôle dans une période précédant une élection était toujours délicat. Rappelant en outre que les élus locaux devaient s'adapter à des procédures entièrement nouvelles pour eux, il a estimé que les règles actuelles étaient insuffisamment claires pour les justiciables.

M. Jean-Pierre Gastinel a fait observer que les liens étroits qui existaient entre la Cour des comptes et les Chambre régionales des comptes avaient une grande importance pour le bon fonctionnement des juridictions financières. Il a ainsi fait valoir le rôle du parquet de la Cour des comptes qui exerçait les fonctions du ministère public auprès des chambres régionales des comptes ainsi que celui du Premier président de la Cour des comptes. Il a en outre noté que la mission d'inspection des Chambre régionale des comptes jouait un rôle de médiation qui devrait, selon lui, être renforcé.

Puis, M. Jean-Pierre Gastinel a considéré que le contrôle des actes budgétaires ne soulevait pas de difficultés particulières, notamment pour les avis rendus par les chambres régionales des comptes qui se multipliaient à la demande des élus locaux eux-mêmes.

Il a relevé que le contrôle juridictionnel des comptables se déroulait également de manière satisfaisante sauf pour ce qui est de la gestion de fait, la sanction automatique de celle-ci par l'inéligibilité politique créant de réelles difficultés.

M. Jean-Pierre Gastinel a fait observer que le contrôle de gestion soulevait les difficultés les plus importantes. Il a relevé que le contenu de ce contrôle  était mis en cause spécifiquement en ce qui concerne les collectivités locales alors qu'il ne semblait pas appeler d'observations particulières pour ce qui est des établissements publics tels que les hôpitaux ou les collèges et lycées.

Il a fait valoir que l'analyse de la situation financière et des risques encourus par les collectivités locales était effectuée dans des conditions satisfaisantes. En revanche, il a noté que l'examen de la régularité des actes soulèvait le problème du lien entre le contrôle financier et le contrôle de légalité, les trois quarts des actes examinés par les Chambres régionales des comptes n'ayant pas au préalable appelé d'observations de la part du contrôle de légalité.

S'interrogeant sur le contrôle de l'efficacité des actions locales qui était effectué par les Chambres régionales des comptes, M. Jean-Pierre Gastinel a souligné que ce contrôle n'avait pas pour objet de dénoncer une irrégularité en tant que telle mais au contraire d'éviter qu'une telle irrégularité ne se reproduise.

Abordant, enfin, les différentes pistes d'évolutions envisageables, M. Jean-Pierre Gastinel a jugé qu'il était nécessaire d'harmoniser les méthodes et les procédures des juridictions financières.

Il a relevé, en premier lieu, que beaucoup de magistrats recrutés à la suite de procédures exceptionnelles exerçaient auparavant des fonctions tout à fait différentes. Il a estimé en conséquence qu'un délai d'adaptation est inévitable pour que ces magistrats prennent en compte toutes les spécificités de leurs fonctions.

M. Jean-Pierre Gastinel a également plaidé pour une harmonisation des méthodes grâce à l'intervention d'organes de réflexion internes à la Cour des comptes. Il a relevé que le développement des enquêtes communes à plusieurs chambres régionales des comptes permettait de favoriser l'harmonisation des pratiques et d'éviter des distorsions choquantes dans la manière dont les procédures étaient poursuivies. Il a estimé que les lettres d'observations définitives devraient être harmonisées et que les élus devraient être sensibilisés aux possibilités qui leur étaient ouvertes de dialoguer avec les juridictions financières.

M. Yann Gaillard, rapporteur, soulignant qu'un malentendu existait entre les élus locaux et les magistrats financiers, s'est inquiété des distorsions existantes entre le contrôle de légalité et le contrôle financier.

Il a en outre souhaité que les observations définitives rendues par les Chambres régionales des comptes fassent l'objet d'un examen détaillé afin de déterminer celles d'entre-elles qui entraient dans le champ du contrôle de pure opportunité.

Puis, il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de renforcer le rôle préventif des Chambres régionales des comptes en permettant leur saisine pour avis par les élus locaux eux-mêmes. Il a souhaité savoir s'il serait envisageable d'améliorer la procédure du contrôle de gestion, notamment en prévoyant des lettres de présomption d'infraction.

Enfin, le rapporteur a demandé des précisions sur une réforme éventuelle de la formation et du statut des magistrats.

En réponse, M. Jean-Pierre Gastinel a indiqué que les magistrats étaient partagés sur le développement du rôle préventif des Chambres régionales des comptes, certains d'entre eux craignant le risque d'un encombrement des juridictions, ainsi que la multiplication de demandes d'avis insuffisamment précisées.

A titre personnel, M. Jean-Pierre Gastinel a considéré qu'il serait plus clair que les Chambres régionales des comptes puissent être saisies pour consultation directement par les élus locaux et non plus par l'intermédiaire des préfets. Il a néanmoins souligné qu'un certain nombre de précautions devraient être prises en particulier sur les conditions de la saisine, l'établissement d'un délai de réponse suffisant et la forme de l'avis. Il a fait observer que, réservé à l'origine sur une telle procédure, sa position avait évolué compte tenu du contexte actuel de la gestion locale.

S'agissant de la procédure du contrôle de gestion, M. Jean-Pierre Gastinel a fait valoir que judiciariser de manière excessive cette procédure ne serait dans l'intérêt ni des Chambres régionales des comptes, ni des élus locaux eux-mêmes. Il a noté que les faits pouvant recevoir une qualification pénale restés marginaux et qu'en outre les Chambres régionales des comptes n'avaient pas pour vocation d'être les auxiliaires du ministère public.

Concernantt enfin du statut des magistrats, M. Jean-Pierre Gastinel a estimé que leur hétérogénéité actuelle se résoudrait d'elle-même mais qu'en revanche des actions de formation étaient nécessaires.

M. Paul Girod s'inquiétant de la parution dans la presse de lettres d'observations, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de permettre le dépôt d'une plainte conjointe à la Chambre régionale des comptes et à la collectivité concernées.

S'interrogeant, en outre, sur les moyens de remédier aux contrôles d'opportunité, il s'est demandé s'il ne serait pas possible de mieux distinguer le jugement des comptes des observation sur la gestion.

Enfin, M. Paul Girod a rappelé que l'esprit du contrôle de gestion, tel qu'il avait été conçu par le législateur, devait être d'examiner la structure interne et l'efficacité des collectivités locales.

En réponse, M. Jean-Pierre Gastinel a fait valoir qu'il était très difficile d'apporter la preuve de la divulgation de documents internes aux juridictions financières. Il a relevé que ce problème devait être rattaché à celui plus général du secret de l'instruction. Il a exprimé des réserves à l'égard de dispositions législatives nouvelles qui seraient difficilement applicables.

Considérant que le contrôle de la gestion devait avoir pour finalité de mener une étude impartiale et rigoureuse, M. Jean-Pierre Gastinel a souligné que les risques pris par certaines collectivités locales n'étaient critiquables que s'ils n'avaient pas été évalués au préalable et s'ils étaient en outre disproportionnés par rapport aux capacités financières de la collectivité concernée.

Il a enfin jugé nécessaire que les Chambres régionales des comptes prennent en compte les réponses des collectivités locales avant l'établissement de leurs observations définitives.

M. Joël Bourdin , soulignant que les ordonnateurs considéraient légitimement comme établie la régularité de leurs actes qui n'avaient pas appelé d'observations du contrôle de légalité, s'est inquiété de la remise en cause de cette régularité par les Chambres régionales des comptes.

Il a jugé par ailleurs que les lettres d'observations définitives n'étaient pas suffisamment équilibrées, s'exposant par là-même à leur exploitation politique.

Faisant enfin valoir que certains équilibres budgétaire, bien que non sincères, n'appelaient pas d'observations des Chambres régionales des comptes , M. Joël Bourdin s'est demandé si le champ du contrôle budgétaire n'était pas limité à certains aspects.

M. Philippe de Bourgoing a souhaité avoir des précisions sur les modalités actuelles de saisine pour avis des Chambres régionales des comptes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité connaître la position collective des présidents de Chambres régionales des comptes sur les différents sujets abordés.

S'interrogeant par ailleurs sur la différence entre le contrôle de légalité et le contrôle d'opportunité, M. Michel Dreyfus-Schmidt a fait valoir que certains sujets relevaient du contrôle direct des électeurs et non pas de celui des Chambres régionales des comptes .

En réponse, M. Jean-Pierre Gastinel , après avoir fait observer que le contrôle de légalité était dans certains cas déficient, a estimé que les chambres régionales des comptes devaient relever certaines irrégularités et en informer le cas échéant le préfet. Il a souligné que les juridictions financières pouvaient de cette manière également mettre évidence certaines insuffisances de la réglementation en vigueur.

S'agissant de la rédaction des lettres d'observations définitives, M. Jean-Pierre Gastinel, tout en reconnaissant que ces lettres ne mentionnaient pas les aspects positifs de la gestion locale, a fait observer que si tel était le cas, une unification des pratiques des différentes juridictions seraient nécessaires. Il a estimé qu'il serait difficile de s'engager dans cette voie.

Puis, M. Jean-Pierre Gastinel a souligné que le contrôle budgétaire était complexe à la fois pour les élus locaux et pour les représentants de l'Etat.

Après s'être interrogé sur l'idée de mieux impliquer les receveurs et les trésoriers payeurs généraux dans la mise en oeuvre des contrôles, M. Jean-Pierre Gastinel a fait valoir que la situation financière des collectivités locales étaient examinées avec attention par les Chambres régionales des comptes.

Précisant ensuite les conditions actuelles de saisine pour avis des chambres régionales des comptes, M. Jean-Pierre Gastinel a indiqué que les préfets, comme les élus locaux, pouvaient demander le contrôle des collectivités locales ainsi que des sociétés d'économie mixte.

Il a relevé qu'en revanche les conventions relatives aux marchés ou à des délégations de service public et les actes pouvant affecter la gestion des collectivités locales ne pouvaient être déférés aux chambres régionales des comptes que par les seuls préfets. Il a souligné, qu'à titre personnel, il était favorable à l'idée d'étendre cette saisine aux élus locaux.

M. Jean-Pierre Gastinel a rappelé, par ailleurs, que les présidents et les magistrats des Chambres régionales des comptes n'avaient pas de position unanime sur le problème du rôle consultatif de ces juridictions. Il a indiqué à nouveau que certains d'entre eux craignaient un encombrement des juridictions financières qui aboutisse à leur paralysie.

Concernant, enfin, les appréciations d'opportunité qui pouvaient être portées dans le cadre du contrôle de gestion, M. Jean-Pierre Gastinel a estimé que les Chambres régionales des comptes pouvaient contribuer à une clarification de la gestion locale en favorisant un dialogue constructif avec les élus locaux.

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