M. Jacques BLANC
Président de la région Languedoc-Roussillon
en sa qualité de
Vice-président de
l'Association des présidents de conseils régionaux
Mardi 10 juin 1997

A titre liminaire, M. Jacques Blanc a indiqué qu'il était favorable au principe du contrôle financier conçu comme la contrepartie de la décentralisation, mais qu'il percevait une certaine anxiété des élus locaux par rapport à certaines modalités d'exercice de ce contrôle. Il a souligné que cette situation résultait de la complexité croissante du contexte dans lequel s'inscrivait l'action publique locale, alors même que se renforçait la médiatisation des observations formulées par les chambres régionales des comptes sur la gestion des collectivités locales.

M. Jacques Blanc a estimé, en conséquence, qu'il était nécessaire de conduire, dans un esprit constructif, une réflexion sur les réformes à apporter aux modalités d'exercice du contrôle de gestion. Il a, tout d'abord, suggéré d'accorder aux exécutifs territoriaux la faculté de saisir les chambres régionales des comptes dans le cadre d'une procédure consultative. Relevant l'importance des incertitudes pesant sur les responsables locaux lors de la prise de décisions de gestion, il a indiqué que cette saisine pour avis des chambres régionales des comptes favoriserait le respect de la "légalité financière". A cet égard, M. Jacques Blanc a rappelé qu'il avait déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi. Il a précisé que l'ouverture de cette faculté nouvelle permettrait d'offrir une "couverture morale" aux décisions de gestion prises par les assemblées locales. Il a ensuite indiqué que ce rôle nouveau des chambres régionales des comptes ne constituerait pas une concurrence pour les services territoriaux. M. Jacques Blanc a enfin relevé qu'à l'occasion du dixième anniversaire de la création des chambres régionales des comptes en 1992, M. Pierre Arpaillange, à l'époque premier président de la Cour des comptes, avait plaidé pour un développement du rôle préventif des juridictions financières .

M. Jacques Blanc
a ensuite insisté sur la nécessité d'adapter les règles de procédure applicables au contrôle de gestion. Il a tout d'abord rappelé que la médiatisation de la société aboutissait bien souvent à la diffusion de données brutes, parfois non vérifiées, dont l'impact sur l'opinion publique pouvait conduire à discréditer l'action des élus locaux. Pour remédier à cette situation, M. Jacques Blanc a recommandé, d'une part, d'adopter certaines modifications de la présentation des observations formulées par les chambres régionales des comptes et, d'autre part, de redéfinir les conditions de leur diffusion. A cet égard, M. Jacques Blanc a noté que l'exercice du contrôle budgétaire et celui du contrôle de gestion pouvait conduire les juridictions financières à relever des irrégularités susceptibles de faire l'objet de poursuites devant les juridictions judiciaires. Sur ce point, il a recommandé d'opérer une distinction entre les faits relevant de la gestion collective et ceux qui relèvent de la gestion individuelle. Il a ensuite évoqué la nécessité de joindre aux lettres d'observations définitives les réponses apportées à ces observations par les exécutifs locaux, notant qu'ainsi les principes de la procédure contradictoire et des droits de la défense seraient garantis jusqu'au terme du contrôle de gestion.

M. Jacques Blanc a, par ailleurs, insisté sur l'intérêt d'inscrire dans le droit positif le principe d'une suspension de l'envoi de lettres d'observations définitives dans la période précédant une consultation électorale.

M. Jacques Blanc a ensuite évoqué la nécessité de définir de nouvelles règles de procédure destinées à répondre à l'évolution du contrôle de gestion. Il a indiqué qu'il s'agissait notamment de prévoir l'envoi à l'exécutif local d'une "lettre de présomption d'infraction", qui résulterait d'une décision collégiale de la chambre, dans le cas où le conseiller instructeur envisagerait de saisir la juridiction judiciaire. Il a précisé que cette procédure aurait l'avantage de permettre au responsable concerné d'accéder au dossier.

M. Jacques Blanc a ensuite évoqué la difficulté de définir une frontière précise entre le contrôle d'opportunité et le contrôle de régularité dans l'exercice du contrôle de gestion. Puis il a insisté sur la nécessité de revoir l'articulation entre le contrôle de légalité exercé par le représentant de l'Etat et le contrôle de gestion mis en oeuvre par les chambres régionales des comptes afin de renforcer la sécurité juridique du décideur local. Il a ensuite relevé la nécessité de concevoir un "droit à l'erreur" et d'éviter toute confusion entre une erreur, commise de bonne foi, et une malversation caractérisée.

M. Jacques Blanc a estimé qu'il entrait parfaitement dans la vocation du Sénat de recréer "une dynamique de confiance" entre les contrôleurs et les contrôlés. Admettant que la complexité de la gestion locale rendait le contrôle de gestion nécessaire, il a cependant rappelé que le respect de la démocratie devait exclure tout "dérapage" dans la mise en oeuvre de ce contrôle.

M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim, est alors intervenu pour relever une grande concordance entre les principales propositions formulées par le vice-président de l'association des présidents de conseils régionaux et les axes principaux de la réflexion conduite par le groupe de travail. S'agissant du développement du rôle consultatif des chambres régionales des comptes, il a insisté sur la difficulté de distinguer clairement entre les différentes missions dévolues aux chambres régionales des comptes. Il s'est félicité de la volonté exprimée par l'association des présidents de conseils régionaux de prévoir l'adjonction des réponses des gestionnaires locaux aux lettres d'observations définitives. S'agissant de l'institution d'un "délai de neutralité" destiné à suspendre l'envoi de lettres d'observations définitives au cours de la période précédant une consultation électorale, M. Yann Gaillard a souhaité que ce délai soit fixé à six mois. Par ailleurs, il s'est dit réservé au sujet de l'institution d'une lettre de présomption d'infraction, dans la mesure où celle-ci était de nature à instaurer un juge d'instruction au sein des chambres régionales des comptes et, surtout, en raison de l'assimilation qui pourrait être faite entre l'envoi d'une telle lettre et une mise en examen. S'agissant enfin de l'articulation entre le contrôle de légalité et le contrôle de gestion, M. Yann Gaillard a rappelé que les auditions de M. Jacques Bonnet, chef de la mission d'inspection des chambres régionales des comptes, et de Mme Hélène Gisserot avaient insisté sur l'importance des spécificités respectives de ces deux formes de contrôle.

En réponse, M. Jacques Blanc a tout d'abord noté que l'institution d'une procédure consultative aurait pour avantage de mieux faire mesurer par les magistrats des chambres régionales des comptes les difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux dans leurs décisions de gestion. Sur ce point, il a enfin considéré que les inconvénients d'une telle procédure étaient mineurs au regard du climat de coopération susceptible d'en découler. Il a cependant admis qu'il ne s'agissait pas de transformer ces juridictions en des organismes consultatifs comparables aux consultants professionnels. S'agissant de la durée du délai de neutralité, M. Jacques Blanc a exprimé sa préférence pour une durée au moins égale à six mois afin de limiter l'exploitation partisane des conclusions d'un contrôle de gestion. Abordant ensuite l'institution éventuelle de lettres de présomption d'infraction, il a insisté sur le fait qu'une telle procédure resterait strictement confidentielle.

M. Robert Pagès s'est inquiété des conséquences de l'ouverture d'une procédure de saisine pour avis des chambres régionales des comptes, au profit des collectivités locales, dans la mesure où cette procédure consultative pouvait conduire à une forme de rétablissement du contrôle a priori sur les actes des collectivités locales.

M. Joël Bourdin a pour sa part souhaité qu'une enquête soit conduite dans le but de relever l'existence des "cas limites" où l'exercice du contrôle de gestion avait pu déboucher sur une appréciation de l'opportunité des décisions.

M. Paul Girod a indiqué son souhait de voir instituée une procédure automatique de plainte conjointe du président de la chambre régionale des comptes et de l'exécutif territorial concernés en cas de diffusion d'observations provisoires. Puis il a dénoncé une dérive incontestable du contrôle de gestion vers le contrôle de l'opportunité.

En réponse , M. Jacques Blanc a souligné que les problèmes posés par le contrôle de gestion en matière de confidentialité rejoignaient le problème plus général du secret de l'instruction.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a, pour sa part, relevé que les propositions avancées par le vice-président de l'association des présidents de conseils régionaux traduisaient une assimilation tendancielle entre le contrôle de gestion et la procédure pénale. Il a ensuite contesté la personnalisation de décisions pourtant prises collectivement par les collectivités locales. Par ailleurs, il s'est dit opposé à la reconnaissance d'un rôle consultatif des chambres régionales des comptes dans la mesure où celui-ci était de nature à "lier les mains" des magistrats dans l'exercice du contrôle de gestion. Il a insisté en rappelant que l'esprit des lois de décentralisation était de confier aux élus locaux la responsabilité de leurs décisions de gestion. S'agissant de l'éventuelle institution d'un délai de neutralité pré-électorale pour l'envoi des lettres d'observations définitives, il a rappelé que les magistrats s'astreignaient déjà spontanément à cette règle. Enfin, il s'est dit favorable au renforcement des aspects contradictoires de la procédure suivie en matière de contrôle de gestion.

M. Marc Massion a, pour sa part, considéré que l'institution d'un délai de neutralité préélectorale pourrait susciter un sentiment de suspicion au sein de l'opinion publique, qui s'avérerait plus gênant pour les gestionnaires locaux que la publication d'observations sur leur gestion.

En réponse, M. Jacques Blanc a précisé que l'inscription de cette règle dans le droit positif permettrait d'affranchir les magistrats des juridictions financières de toute accusation de subjectivité dans l'exercice de cette "abstention".

En conclusion, M. Jacques Blanc a rappelé sa volonté de favoriser le fonctionnement régulier de la démocratie locale, tout en veillant au bon exercice de la mission confiée aux chambres régionales des comptes.

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