5. Le secteur public face à la numérisation

Le secteur public va subir de plein fouet les conséquences du basculement dans l'ère numérique, évoquées dans la première partie du rapport, avec l'inconvénient, par rapport aux opérateurs privés, d'une moindre faculté d'adaptation au changement du contexte.

a) Les défis

On a vu que face à la diversification des métiers de l'audiovisuel, et en raison de la nécessité d'un accès facile aux catalogues de droits de diffusion, les groupes audiovisuels nouaient des alliances et s'engageaient dans un processus de concentration verticale leur permettant de s'assurer la maîtrise technique et commerciale des différentes étapes de la chaîne de production. Une chaîne de télévision ne peut désormais se rencogner sur son statut de diffuseur-éditeur sans s'exclure de la dynamique de développement de la communication audiovisuelle.

Il est cependant clair que l'entrée dans une stratégie d'alliance avec d'autres opérateurs, y compris privés, ne correspond guère à la culture du secteur public. Il n'est qu'à considérer les polémiques provoquées par les accords passés avec le bouquet satellitaire TPS, pour se convaincre de cette difficulté. Dans un contexte où l'isolement sera synonyme de marginalisation, la numérisation va obliger l'audiovisuel public à repenser la façon d'adapter ses méthodes à ses missions.

Par ailleurs, ce n'est plus la détention d'une capacité de diffusion, pour laquelle les chaînes publiques disposent actuellement d'un privilège, qui fera la différence entre les opérateurs, mais la qualité et la diversité des contenus, la capacité de développer des programmes ciblant certains publics, celle d'exploiter de nouveaux formats, d'élaborer de nouveaux services associés ou non aux programmes de télévision.

La télévision publique devra donc manifester capacité d'innovation et " réactivité ", et disposer des moyens financiers nécessaires au développement des pôles d'excellence qui lui permettront de conserver sa visibilité dans un paysage audiovisuel de plus en plus encombré.

Mais l'implication la plus immédiate de l'entrée dans le numérique est le développement de services thématiques, stratégie dont la pertinence peut être mise en doute au regard des deux sources possibles de la légitimité du secteur public examinées ci-dessus. Pourquoi en effet investir dans des programmes thématiques alors que le secteur privé occupe massivement ce créneau, et paraît capable de répondre à la demande la moins commerciale qui soit, celle des communautés religieuses. N'y a-t-il pas d'autre part une contradiction majeure entre la justification de l'audiovisuel public par la fonction sociale d'intégration, et l'entrée dans le thématique qui, par construction, divise le public en catégories socioculturelles de moins en moins communicantes ?

Faut-il alors courir le risque de laisser le secteur public s'enfermer dans un ghetto où il cultivera ses valeurs propres à l'écart des bouleversements de la communication ?

b) Quelques pistes

Il est possible de concilier ces contradictions en soumettant l'investissement public dans le numérique à des modalités particulières. Le financement des chaînes thématiques ne serait pas assuré par des ressources publiques, mais par le marché, ce qui suppose que chaque chaîne ait un compte d'exploitation et un plan d'équilibre financier à court terme excluant de la part des chaînes publiques des apports financiers au sein desquels il paraît impossible de distinguer ce qui provient de la redevance et des subventions budgétaires et ce qui provient de leurs ressources propres.

L'apport initial d'investissement ferait bien entendu exception à la règle du financement autonome. En d'autres termes, les chaînes publiques ne devraient développer une offre thématique numérisée que si les perspectives de rentabilité apparaissent raisonnablement sûres. Et les expériences qui aboutiraient à un échec économique ne devraient pas être prolongées.

Il peut apparaître difficile de concilier ces postulats avec la tonalité " culturelle-éducative " que l'on attend des services thématiques à participation publique. Les ressources fournies par le marché peuvent être insuffisantes pour ces programmes.

C'est dans le processus de production des programmes du secteur public que sera trouvée la solution de cette difficulté. La mise en place d'un processus intégré de multi-édition permettrait en effet de produire pour les chaînes généralistes et pour les chaînes thématiques dans des conditions de coût satisfaisantes, et d'établir ainsi entre les systèmes de diffusion une synergie correspondant à la rationalité économique.

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