b) Les discussions sur les montants envisagés par la Commission

Les dotations proposées par la Commission pour les différentes rubriques sont déterminées sur la base de propositions multiples concernant les fonds structurels, la PAC, la préadhésion, le fond de cohésion... Dans la mesure où ces propositions donnent elles-mêmes lieu à de difficiles négociations, les discussions conduites dans le cadre de celles-ci rejaillissent inéluctablement sur les propositions pour les futures perspectives financières. Trois exemples permettront de mesurer toute la complexité des négociations.

Le débat sur les dépenses agricoles

Comme l'a souligné l'excellent rapport de la mission d'information de notre commission des Affaires économiques et du plan sur la réforme de la PAC, plusieurs pays (notamment la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande) sont opposés aux propositions de la Commission en ce domaine. On peut en conséquence raisonnablement s'attendre à ce que les montants prévus par la Commission pour la rubrique 1, qui visent à traduire ces propositions, donnent lieu à discussion.

D'une manière générale, comme l'a indiqué la présidence autrichienne après le Conseil Affaires générales du 8 octobre 1998, certains Etats souhaiteraient réduire les dépenses agricoles (Suède, Royaume-Uni, ...) alors que d'autres considèrent que les plafonds proposés, conçus pour une Europe à quinze, ne suffiront pas en cas d'élargissement (Espagne notamment).

Le débat sur les dépenses structurelles

Sur ce point, les propositions de la Commission se heurtent à la position de certains Etats (Allemagne, Autriche, Suède, France, Pays-Bas, Royaume-Uni) qui réclament une diminution des dotations prévues pour les fonds structurels. Quant aux pays dits " de la cohésion " (Espagne, Grèce, Portugal), ils souhaitent bien naturellement l'augmentation de crédits dont ils sont les principaux bénéficiaires.

Un autre élément de discussion, soulevé par M. Yann Gaillard dans son rapport d'information précité, porte sur le point de savoir si les pays accédant à la troisième phase de l'Union économique et monétaire doivent, du même coup, se voir exclus du bénéfice du fonds de cohésion. La Commission propose, rappelons-le, que l'adhésion à la troisième phase de l'Union économique et monétaire soit sans conséquence sur l'éligibilité aux crédits du fonds de cohésion. Pourtant, comme l'a fort bien rappelé notre collègue Yann Gaillard, " il paraît (...) logique de considérer que les Etats accédant à l'Euro ne remplissent plus les conditions d'allocation du fonds de cohésion, qui aura alors accompli sa mission " . Ce point de vue est notamment celui des Allemands et des Néerlandais.

Enfin, compte tenu de l'extrême dispersion des crédits consacrés aux fonds structurels, la définition du futur cadre financier de l'Union européenne ne pourra s'affranchir d'une réflexion sur l'émergence d'une politique d'aménagement du territoire européenne qui ne figure pourtant point parmi les objectifs assignés à l'Union. Il conviendra en effet de s'interroger sur le niveau optimal d'affectation desdits crédits au regard du souci de cohésion entre Etats et d'un meilleur équilibre au sein des Etats eux-mêmes.

Le débat sur le financement de l'élargissement

Les perspectives financières proposées par la Commission reposent sur le principe, posé dans la communication " Agenda 2000 ", que l'Union européenne comportera six nouveaux membres en 2002. Cette hypothèse semble aujourd'hui irréaliste eu égard à la tâche de longue haleine que constitue la préparation des pays candidats à l'adhésion et de la ferme volonté de plusieurs Etats membres (en tête desquels figurent la France, l'Italie et la Belgique), soutenus par le Parlement européen, de subordonner tout nouvel élargissement à une réforme institutionnelle préalable.

De fait, il paraît désormais acquis que l'Union européenne ne s'élargira pas avant le 1er janvier 2002. Il semble même improbable à certains observateurs qu'un élargissement intervienne avant la fin de la période couverte par les prochaines perspectives financières.

Dans ces conditions, le coût total de 75 milliards d'euros sur la période de programmation serait certainement surévalué, tout au moins pour la partie concernant les dépenses liées à l'adhésion.

En revanche, le débat reste ouvert sur le point de savoir si les crédits de préadhésion doivent, compte tenu de cette " nouvelle donne ", être abondés ou, au contraire, diminués.

Les propositions de la Commission relative à l'aide préadhésion se heurtent tout d'abord à une difficulté tenant à la présentation : ne serait-il pas préférable de consacrer une rubrique particulière regroupant l'ensemble des dépenses de préadhésion plutôt que d'adopter une présentation éclatée en les répartissant entre trois rubriques ? Sur un plan strictement juridique, il a en outre été estimé que les dépenses de préadhésion s'apparentaient à des crédits pour l'action extérieure et ne pouvaient en conséquence relever des rubriques 1 et 2. Il semble que les Quinze s'orienteraient vers la constitution d'une rubrique spéciale, composée de trois sous-rubriques : une pour l'aide en matière agricole, une pour l'instrument structurel de préadhésion (ISPA), une au titre de l'aide extérieure.

Mais, au-delà de cette question de présentation, c'est le montant même de l'aide préadhésion qui donne lieu à discussion, et plus particulièrement celui de l'ISPA. Sur ce point, deux dispositions contenues dans la proposition de règlement présentée par la Commission pour instituer l'ISPA soulèvent des difficultés :

- la première (qui se pose aussi pour l'aide de préadhésion en matière agricole) concerne le sort des crédits attribués à un Etat au titre de l'ISPA lorsque ledit Etat adhérera effectivement à l'Union européenne. La logique veut que l'adhésion entraîne la perte du droit aux concours au titre de l'ISPA. C'est d'ailleurs ce que prévoit la Commission dans l'article 15 de sa proposition de règlement. Mais le même article prévoit également la réallocation aux autres pays bénéficiaires de l'ISPA de la part restante de l'allocation attribuée au nouvel adhérent. Cette solution soulève la question de l'automaticité de la réallocation. Une décision explicite du Conseil, prise par exemple à la majorité qualifiée, apparaît préférable à certains Etats dans la mesure où elle permettrait de tenir compte de la capacité d'absorption effective des crédits par les bénéficiaires potentiels ;

- la seconde difficulté, plus épineuse, concerne le taux de la contribution communautaire qui, selon la proposition de la Commission, pourrait pour chaque projet aller jusqu'à 85 % des dépenses publiques ou assimilables. Ce taux pourrait, dans certaines hypothèses (par exemple, lorsque la mesure aidée serait susceptible de générer des recettes durables ou pour appliquer le principe du " pollueur-payeur "...) être réduit. Ce dispositif reprend en substance celui proposé par la Commission dans le cadre de la réforme du fonds de cohésion. Ce lien étroit entre fonds de cohésion et ISPA génère d'intenses discussions sur le taux communautaire applicable à ce dernier, taux qui pourrait, selon certains, servir de modèle au taux du concours communautaire dans le cadre du fonds de cohésion. La plupart des Etats souhaitent inverser le principe proposé par la Commission : le taux communautaire applicable au titre de l'ISPA serait fixé à un niveau inférieur, par exemple à 75 %, et ne pourrait être porté à 85 % que dans des cas particuliers. L'Espagne s'oppose fermement à cette solution, craignant qu'elle ne soit reprise pour le fonds de cohésion.

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