c) M. Michel-Edouard LELERC, co-président de l'association des centres Leclerc

Animant une fédération de chefs d'entreprises j'ai un témoignage à apporter. Tout le monde connaît l'activité de distribution que peut exercer mon groupe qui va avoir cinquante ans. Nous sommes présents aussi bien en centre ville, qu'en milieu périurbain, qu'en milieu rural avec de très grands hypermarchés ou de petits magasins. Nous sommes présents dans des endroits merveilleux sur le plan touristique mais nous sommes « scotchés » dans des banlieues dont nous sommes prisonniers au même titre que les habitants des problèmes de vandalisme, de cadre de vie. Nous sommes présents dans plusieurs pays de la communauté européenne et c'est intéressant de voir si les mêmes erreurs qui ont été faites en termes d'aménagement en France sont en train de se faire ailleurs et quels sont les antidotes qui sont mis en place dans les autres pays pour ne pas tomber dans un modèle contesté aujourd'hui. En tant que citoyen, je suis un Breton rural de bord de mer et je vis dans un petit village rural où je participe à la vie locale très volontiers et je vois tous les problèmes liés à ces conflits d'usage.

La politique d'aménagement aujourd'hui n'est pas satisfaisante, elle produit des incohérences ou des inélégances, un mal-être. Je ne crois pas que la situation soit irréductible et qu'on ne puisse pas la changer.

L'erreur, principalement, est venue d'une politique d'aménagement dirigiste, qui a travaillé sur un modèle unique de développement, au lendemain de la guerre. On est parti sur un schéma d'addition de cercles concentriques où toutes les activités nobles étaient gardées en centre ville et toutes les activités perturbatrices en termes de flux, de déchetteries, de bruits etc., étaient repoussées vers la périphérie. Beaucoup de magasins étaient en centre ville et ont été amenés sans discussion possible vers la périphérie tout comme pour les hôteliers et artisans, nous n'étions pas les rédacteurs des plans d'occupation des sols, nous n'avons pas créé les ZAC etc., ce sont un certain nombre d'intervenants dans les politiques d'aménagement qui ont cerclé les villes et qui nous ont repoussés, sans tenir compte des comportements et des conflits d'usage. Dans l'euphorie de cette reconstruction, on investissait dans l'industrie automobile, mais nous n'avons pas eu les aménageurs, les sociologues, les urbanistes qui auraient dû intégrer les problèmes de comportements liés à la voiture dans l'aménagement des villes. Passé le moment où le commerçant, l'artisan, l'hôtelier étaient contraints d'aller ailleurs, ils y ont trouvé un intérêt puisqu'ils accueillaient les voitures que les centres villes n'accueillaient plus. Paradoxe aujourd'hui, il va y avoir réinvestissement pour construire en centre-ville des parkings au lieu d'avoir pensé cet aménagement et d'ailleurs sans savoir si cela change quelque chose dans le conflit entre la ruralité et l'urbanisation. On a fait de l'aménagement sur des schémas uniformes qui n'ont pas tenu compte des différences de types de villes, donc de la matière, et qui n'ont pas tenu compte de l'évolution des comportements et des conflits d'usage que créent des comportements diversifiés. Si nous voulons en sortir aujourd'hui il faut adapter un comportement global. Personne ne peut plus prétendre à l'indépendance au sens strict donc nous sommes condamnés à l'interdépendance, pour notre bien, et il faut repenser la politique d'aménagement et il faut travailler sur un projet collectif.

Il faut considérer que tous les acteurs peuvent être des partenaires sur ce projet. L'usager comme l'investisseur doit être partenaire de cette politique d'aménagement.

Il faut des espaces pour parler d'urbanisme : lorsque je veux créer un magasin, je suis théoriquement obligé d'aller présenter mon projet en Commission nationale d'équipement commercial. On ne parle pas vraiment d'urbanisme au sens où bien-être, confort d'achats, compatibilité des flux, qualité d'esthétique, intégration dans les paysages ne sont pas évoqués. Donc il faut créer des lieux où industriels, distributeurs, agriculteurs puissent parler d'urbanisme.

Il faut intégrer la notion de gestion du temps. Le temps de la responsabilité de l'élu est trop court ainsi que celui de l'industriel ou du distributeur. J'investis et rembourse sur quinze ans mais ce n'est pas assez, pas plus que pour peupler une forêt que pour faire une ville ; il faut intégrer cette notion du temps dans la programmation de nos plans d'urbanisme.

Il faut donner de la flexibilité aux obligations et aux contraintes des uns et des autres. Si je veux ouvrir un magasin, le critère d'urbanisme et d'environnement qui sera appliqué sera celui de la loi donc j'ai à faire à une direction de l'Equipement qui va dire "il faut tant de mètres carrés d'espaces verts, tant d'arbres sur le parking etc.", des choses très contraignantes, uniformes et qui ne tiennent pas compte de la diversité, de la richesse du lieu. Dans les autres pays où nous sommes implantés et dans les pays où nous sommes en cours d'implantation, nous constatons que contrairement à la France où tout est dirigé, notamment dans les pays anglo-saxons, la notion de contrat est beaucoup plus dominante. Les concurrents qui ouvrent des magasins en Suède ou en Norvège présentent un projet à une commission d'urbanisme et vont programmer des investissements à caractère écologique (préservation, embellissement, esthétique) au gré de la réalisation d'un chiffre d'affaires ou d'un bénéfice. Aucun règlement n'est édicté pour obérer la capacité de l'entreprise sur l'application de ces règlements, l'objectif à atteindre est fixé et, en concertation avec l'entreprise, la réalisation de ce plan est programmé, ce qui lui permet de bien anticiper les investissements en environnement, convivialité qui lui sont réclamés. Aujourd'hui, vous créez une entreprise. Il vous est demandé de créer des espaces verts, vous allez les faire a minima à cause des autres contraintes, mais dans une convention cela devient un objectif et il y a évolution participative sous forme de contrat et les entreprises sont associées au développement de leur territoire.

M. Gérard LARCHER : La parole est à M. Favereul qui est un des principaux dirigeants de Havas Media Communication qui nous parlera de la publicité et du respect de l'environnement dans l'espace périurbain.

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