C. DES TRIBUNAUX SPÉCIAUX À LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : RÉGRESSION OU PROGRÈS ?

50 ans après les tribunaux militaires de Tokyo et de Nuremberg, la communauté internationale a décidé de créer deux tribunaux pénaux internationaux destinés à juger les auteurs de violations du droit humanitaire international -génocides, crimes contre l'humanité, crimes de guerre- commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie (TPY) ou sur celui du Rwanda (TPR).

1. Les créations de deux tribunaux spéciaux s'inscrivent dans le prolongement d'actions de maintien ou de rétablissement de la paix conduites sous l'autorité des Nations Unies

Le Conseil de sécurité a voté, le 25 mai 1993, la résolution 827 instituant le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Un an plus tard, par sa résolution 955 du 8 novembre 1994, le même Conseil décida la création d'un tribunal spécial pour le Rwanda.

Ces deux tribunaux, dont l'activité est conséquente depuis leur création, ont donc en commun d'avoir été créés par voie résolutoire par le Conseil de sécurité , sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Celui-ci habilite le Conseil à agir en cas de menace contre la paix et la sécurité internationale , notamment par des décisions ne faisant pas appel à la force armée (article 41) comme le sont précisément les résolutions portant création des deux tribunaux internationaux ad hoc .

La création de ces deux tribunaux a d'ailleurs nécessité, notamment en France, une législation  particulière ; deux textes de loi ont ainsi été adoptés par le Parlement français afin de prévoir la possibilité, pour notre système judiciaire, de s'adapter à certaines dispositions de chacun des deux Statuts : la compétence concurrente des juridictions nationales et des deux tribunaux internationaux ; la possibilité, pour ceux-ci, de demander le dessaisissement d'un tribunal national en leur faveur ; enfin la coopération judiciaire entre les Etats et ces deux juridictions internationales.

Les deux tribunaux spéciaux, de par leur mode de création, sont des organes subsidiaires de l'ONU , ce qui traduit leur lien institutionnel à l'égard du Conseil de sécurité. Cet aspect a d'ailleurs été mis en cause par les avocats de certaines personnes attraites devant l'une et l'autre des deux juridictions pénales. Leur défense faisait ainsi notamment valoir deux arguments : tout d'abord que l'établissement d'un tel tribunal international violait la souveraineté des Etats ; ensuite que leur création par le Conseil de sécurité, organe éminemment politique, privait les tribunaux spéciaux d'impartialité et d'indépendance . Ces divers arguments ont -avec d'autres-été récusés par chacun des deux tribunaux, en confirmant à chaque fois et la légalité de leur création et leurs compétences. Ces observations révèlent toutefois l'ambiguïté qui s'attache à ces deux juridictions du fait de leur mode de création et que d'autres juristes avaient également soulevée : " Il est vrai que la création d'un tribunal ad hoc pour une affaire ad hoc décidée par le Conseil de sécurité (...) fait peser sur le droit un contrôle politique dangereux " 8( * ) .

La Cour pénale internationale n'encourra pas de telles critiques . La voie conventionnelle qui a été choisie se fonde sur la souveraineté des Etats, même si, comme votre rapporteur l'expliquera plus avant, des exceptions existent. La convention de Rome ne liera que les Etats qui y auront souscrits ; elle n'est pas l'émanation directe du Conseil de sécurité, même si l'article 2 du Statut prévoit qu'" un accord " liera " la Cour aux Nations Unies ".

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