C. UN ENCADREMENT " ADMINISTRATIF " INSUFFISANT ET PEU EFFICACE

Contrairement à certaines idées reçues, la commission d'enquête a pu constater que l'éducation nationale ne bénéficiait pas d'un encadrement " administratif " satisfaisant : elle a relevé à cet égard de graves insuffisances au niveau de l'évaluation des enseignants, de l'encadrement des établissements et des capacités de gestion des administrations déconcentrées.

1. Une évaluation insuffisante des enseignants

a) La notation et une évaluation sans incidences véritables sur la gestion des personnels

La commission a pu constater que le système de notation n'était pas correctement utilisé pour gérer de manière satisfaisante la carrière des enseignants et n'exploitait pas réellement les possibilités offertes par le statut de la fonction publique.

Alors que la mission d'inspection et d'évaluation des personnels et des établissements constitue une des tâches essentielles de l'éducation nationale, les mécanismes actuels de notation des enseignants font l'objet de critiques justifiées.

La notation des personnels enseignants résulte en principe d'une double démarche, puisqu'elle consiste à porter une appréciation pédagogique, par les corps d'inspection, et administrative par les chefs d'établissement.

Dans la pratique, ce système de notation ne fonctionne pas correctement et ne répond pas à sa finalité.

Tout d'abord, la note administrative n'est pas suffisamment prise en compte, alors qu'elle est censée permettre au chef d'établissement de se prononcer sur l'autorité et le " rayonnement " de l'enseignant, sans empiéter sur le terrain pédagogique.

Par ailleurs, compte tenu de moyens insuffisants, les inspections sont rares ou trop espacées. Afin de remédier à cette carence, un système de péréquation des notes a été mis en place pour les professeurs qui n'étaient pas inspectés, de telle sorte qu'ils ne soient pas pénalisés dans le déroulement de leur carrière.

La commission a constaté, à la différence d'autres administrations, que l'éducation nationale n'utilisait pas toutes les ressources du statut de la fonction publique qui permet de sanctionner, ou tout au moins, de retarder le déroulement de carrière d'un fonctionnaire, lorsque des insuffisances ont été constatées.

L'éducation nationale donne le sentiment d'être impuissante ou dépourvue face à des enseignants médiocres ou même inaptes, ce qui a des effets très négatifs tant dans le monde enseignant lui-même que dans l'opinion publique.

Votre commission ne peut que souhaiter que la réflexion en cours sur le mode d'évaluation des professeurs permette de moderniser ce dispositif et de l'adapter aux nouvelles contraintes qui s'imposent aujourd'hui au système scolaire.

Elle estime qu'il conviendrait de mieux prendre en compte l'évaluation faite par le chef d'établissement, ce qui implique sans doute une collaboration plus étroite entre les chefs d'établissement et les inspections.

Votre commission considère enfin qu'il conviendrait d'établir une relation entre le résultat d'une évaluation et l'obligation de suivre une formation continue.

b) Des chefs d'établissement dépourvus de moyens adéquats pour remplir leurs missions

Tout au long des auditions de la commission, le rôle essentiel des chefs d'établissement a été mis en avant par les personnes entendues qui ont souligné qu'un établissement valait d'abord par la qualité de son chef d'établissement. La fonction est aujourd'hui en crise : au-delà des problèmes de recrutement, de la qualité des personnels, la fonction a considérablement évolué, sans que les prérogatives du chef d'établissement aient été renforcées.

Les emplois de direction des établissements d'enseignement ou de formation relevant de l'éducation nationale sont occupés par des personnels de direction de première catégorie et de deuxième catégorie.

Jusqu'en 1988, le recrutement se faisait au choix sur des listes d'aptitude et s'effectuait de manière peu satisfaisante.

Depuis le décret n° 88-343 du 11 avril 1988, le recrutement de ces personnels est désormais ouvert par voie de concours aux candidats âgés au minimum de 30 ans et justifiant de cinq années de services effectifs en qualité de titulaire dans un ou plusieurs corps de personnels enseignant, d'éducation ou d'orientation.

Le recrutement s'effectue par la voie de deux concours :

- le concours de première catégorie 2 e classe ou C1 auquel peuvent se présenter les professeurs agrégés et assimilés et les professeurs de chaire supérieure ;

- le concours de deuxième catégorie 2 e classe ou C2 auquel peuvent se présenter les fonctionnaires de catégorie A appartenant à un corps de personnels enseignants de l'enseignement du premier ou du second degré, à un corps de personnels d'éducation ou à un corps de personnels d'orientation.

La commission d'enquête ne considère pas que la règle du concours constitue le moyen de sélection adéquat pour recruter des personnes ayant les qualités requises pour animer une équipe pédagogique et piloter le fonctionnement de l'établissement.

En 1996, l'épreuve écrite d'admissibilité a été remplacée par un examen, par le jury, du dossier présenté par chaque candidat (décret n° 95-1189 du 6 novembre 1995) et l'arrêté interministériel du 4 mars 1996 fixe l'organisation et la nature des épreuves des concours des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation.

A l'issue du concours, les personnels déclarés admis suivent une formation initiale de six mois qui s'effectue pour partie dans les académies, sous la responsabilité des équipes académiques d'animation de la vie scolaire et pour partie à l'Ecole supérieure des personnels d'encadrement du ministère de l'éducation nationale. Les personnels sont ensuite nommés stagiaires et affectés dans des établissements scolaires pendant deux ans puis titularisés à l'issue du stage si celui-ci s'est déroulé de façon satisfaisante.

La crise du recrutement des chefs d'établissement se traduit en termes quantitatif et qualitatif.

Sur le plan quantitatif, le nombre de postes ouverts aux concours ces dernières années n'était pas suffisant pour compenser les départs à la retraite et n'a pas pris en compte l'impact réel de la mise en oeuvre du congé de fin d'activité à partir de 1997.

Le rendement des concours est lui-même insuffisant. On observe une baisse régulière du nombre des candidats et le nombre des affectations est inférieur au nombre de postes mis aux concours.

Sur l'ensemble du corps qui compte environ 13.000 personnes, on compte 1.000 postes vacants, selon les estimations données à la commission par le secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale, ces vacances concernant pour l'essentiel des postes d'adjoints dans des collèges difficiles.

Sur le plan qualitatif, le risque d'une déqualification des chefs d'établissement est réel en dépit d'un équilibre maintenu au sein du concours de 2 e catégorie (31 % de certifiés, 20 % de PEGC et 17 % de PLP), étant rappelé qu'une qualification satisfaisante est essentielle pour exercer les responsabilités qui sont les leurs.

Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette désaffection, illustrée par un pourcentage non négligeable de lauréats qui refusent l'affectation qui leur est offerte : 392 abandons ont ainsi été constatés entre 1989 et 1994.

Malgré des revalorisations successives, la rémunération de début de carrière n'est pas incitatrice pour les professeurs agrégés, voire les professeurs certifiés, compte tenu notamment des horaires et des contraintes de travail.

Dans le cadre du statut, le mouvement des personnels stagiaires se faisant après celui des titulaires, ceux-ci ne peuvent obtenir que des postes d'adjoints : les enseignants " chevronnés " rechignent donc à accepter des postes à responsabilité réduite, avec de faibles chances d'obtenir rapidement un poste intéressant.

L'autonomie croissante des établissements devrait pourtant entraîner un renforcement des responsabilités du chef d'établissement. Cette autonomie repose en fait sur sa capacité à mobiliser la communauté éducative et à prendre des initiatives.

La dimension pédagogique prend d'ailleurs aujourd'hui de plus en plus d'importance dans les fonctions de chef d'établissement : ce dernier constitue les classes, détermine les emplois du temps, choisit le professeur principal, organise le travail scolaire et les enseignements, anime et développe la vie scolaire et supervise l'évaluation et l'orientation des élèves.

Mais l'évolution de son rôle est limitée dans le domaine pédagogique et le chef d'établissement ne dispose que de pouvoirs très limités sur les personnels. S'il note les personnels ATOS, leur gestion relève des autorités académiques.

De plus, le chef d'établissement est démuni à l'égard des enseignants qui composent son équipe pédagogique. Il n'intervient pas dans le processus d'affectation des enseignants, l'appréciation qu'il porte sur eux à travers la note administrative est très peu prise en compte, et il lui est interdit de participer à leur évaluation pédagogique. Tel n'est pas le cas dans les établissements d'enseignement privé sous contrat puisque le recteur ne peut nommer un enseignant qu'avec l'accord du chef d'établissement concerné.

L'absence d'autorité pédagogique des chefs d'établissement public sur les professeurs est d'autant plus paradoxale qu'ils sont eux-mêmes issus du corps enseignant et que l'évolution de leurs compétences les conduit à mettre en oeuvre de véritables actions pédagogiques, notamment à travers l'élaboration du projet d'établissement.

La commission d'enquête, convaincue que les chefs d'établissement constituent un maillon essentiel pour le bon fonctionnement du système scolaire, est aussi favorable à un renforcement de leurs pouvoirs en matière pédagogique. Elle recommandera ainsi une réforme du système de notation et d'inspection des enseignants et une harmonisation de la notation administrative et pédagogique.

Si elle juge irréaliste de proposer que les chefs d'établissement interviennent au moment des affectations des enseignants -ce qui induirait des changements trop importants dans la gestion des personnels- elle souhaiterait néanmoins, dans le cadre du mouvement intra académique, qu'ils soient davantage associés à la définition des postes spécifiques, et des compétences exigées de l'enseignant pour occuper ces postes.

c) Une évolution souhaitable du rôle des inspections territoriales

Les statuts des corps d'inspection territoriale ont été définis par le décret n° 90-675 du 18 juillet 1990.

Dans la logique de mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'éducation du 10 juillet 1989, le décret définit également leurs compétences respectives en précisant l'autorité du recteur et la participation à la politique académique des inspecteurs, par l'élaboration d'un programme de travail, arrêté conjointement par le recteur et l'inspecteur général de l'éducation nationale, correspondant académique.

Leur recrutement s'opère après concours et la sélection des candidats se réalise en deux étapes, d'abord sur dossier puis par des entretiens avec un jury qui prend en compte l'expérience et la formation des candidats.

Le recrutement s'effectue parallèlement sur une liste d'aptitude pour des IEN " hors classe ".

La durée du stage précédant la titularisation est de deux ans, dont une année de formation, effectuée à l'Ecole supérieure des personnels d'encadrement de l'éducation nationale.

Les inspecteurs de l'éducation nationale (IEN)

Pour accéder au corps des IEN, il faut être fonctionnaire titulaire de l'éducation nationale ou de la jeunesse et des sports, appartenir à un corps d'enseignement de premier ou de second degré, d'éducation ou d'orientation, ou à un corps de personnels de direction. Les candidats doivent avoir accompli cinq ans de services effectifs à temps complet ou leur équivalent, dans des fonctions d'enseignement, d'éducation, d'orientation ou de direction et justifier de la possession d'une licence ou d'un titre ou diplôme jugé équivalent.

L'IEN a pour mission de conseiller, d'inspecter et de noter les personnels des écoles maternelles et élémentaires de sa circonscription, tout en veillant au respect des programmes nationaux. Il donne un avis sur le projet d'école adopté par le conseil d'école avant de le transmettre à l'inspection académique. Il a également un avis à donner sur tout projet de modification des rythmes scolaires dans une ou plusieurs écoles de sa circonscription.

Assisté par un ou plusieurs conseillers pédagogiques, et par un conseiller pédagogique de circonscription chargé de l'éducation physique et sportive, il organise et anime la formation continue des enseignants placés sous sa responsabilité et apporte une aide aux enseignants nouvellement nommés.

Les inspecteurs pédagogiques régionaux-inspecteurs d'académie

Pour accéder au corps des IPR-IA, peuvent se porter candidats les enseignants du supérieur sous certaines conditions de grade, les professeurs agrégés de l'enseignement secondaire, les chefs d'établissement remplissant certaines conditions de grade et les inspecteurs de l'éducation nationale ayant au moins cinq ans de service effectif à temps complet.

Les IPR peuvent être affectés dans les IUFM, notamment pour intervenir auprès des professeurs-stagiaires en deuxième année de formation. Les IPR, comme les IGEN, sont membres du jury des concours de recrutement des personnels des lycées et collèges.

Les IPR-IA, en dehors de l'évaluation des personnels et des établissements sont chargés de contrôler le respect des objectifs, des instructions et des programmes ainsi que les examens. Ils doivent également animer, impulser, suivre les projets et les actions innovantes des personnels et des établissements.

Parmi les IPR-IA, on distingue :

- les IPR-IA disciplinaires, exerçant leur mission d'inspecteur dans une discipline enseignée en collège ou en lycée ;

- les IPR-IA établissements et vie scolaire qui suivent notamment les conseillers principaux d'éducation, les professeurs documentalistes, les chefs d'établissement et la vie des établissements du second degré.

Les inspecteurs d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale

Créée par le décret du 10 septembre 1979, la fonction d'IA-DSDE, est accessible aux seuls membres du corps des inspecteurs d'académie et ce statut a été modifiée en 1990.

L'accès à cette fonction est réservé aux IPR-IA titulaires et dans la limite de 5 % de l'effectif du corps, à des administrateurs civils ayant une ancienneté de fonction dans l'éducation nationale.

Les IA-DSDEN sont chargés de piloter le système éducatif dans leur département, de la maternelle au lycée pour favoriser les conditions d'accès à la qualification et à l'insertion professionnelle des élèves. Ils coordonnent les actions des inspecteurs de l'éducation nationale, des chefs d'établissement et des responsables des services de l'inspection académique pour la définition et la mise en oeuvre d'une politique départementale, en adaptant les objectifs nationaux et les orientations académiques aux particularités du contexte local.

Devant la commission, le ministre de l'éducation nationale a souhaité renforcer la coordination entre les différents niveaux d'enseignement en organisant les rectorats en bassins d'éducation. Selon le ministre, il s'agit de mettre fin à la politique du " mille-feuilles " pratiquée par certains inspecteurs adjoints d'académie, où chacun s'occupe d'un niveau d'enseignement sans se préoccuper de développer une cohérence entre les formations dispensées à l'école, au collège et au lycée.

L'organisation du rectorat en bassins d'éducation est actuellement expérimentée dans quatre académies, chaque bassin étant placé sous l'autorité d'un inspecteur d'académie adjoint qui coordonne tous les niveaux d'enseignement du bassin ; il est également le correspondant du sous-préfet pour entretenir un lien avec le tissu économique local.

Cette évolution du rôle de l'inspection académique dans le sens d'une meilleure coordination de l'ensemble des moyens d'enseignement devrait favoriser à terme une meilleure gestion des enseignants. C'est dans le périmètre des bassins d'éducation que pourrait par exemple s'organiser le système de remplacement, ou encore se développer la mutualisation des options entre les établissements.

Devant la commission, le secrétaire général du SNALC a dénoncé ces expériences qui risquent selon lui de se traduire par " un embrigadement de l'éducation, de la maternelle à la terminale incluse ".

La commission d'enquête, tout en partageant ce souci d'une meilleure coordination, estime que celle-ci ne devrait pas porter atteinte au caractère départemental de l'organisation académique.

d) Le rôle des inspections générales.

Les deux inspections générales se partagent le contrôle du système éducatif.

L'inspection générale de l'éducation nationale

Les compétences de l'IGEN s'exercent en premier lieu à travers les évaluations des personnels, des enseignements, des établissements et de l'ensemble du système de l'éducation.

A ce titre, l'inspection générale participe à l'organisation des concours de recrutement, intervient dans les procédures de titularisation, le déroulement des carrières -définition des postes à profil, coordination de la notation au niveau national, promotion interne- et enfin, elle participe aux conseils d'administration des grands organismes du système d'éducation.

Elle intervient également dans la gestion des personnels enseignants à travers la rédaction de nombreux rapports remis au ministre. Mme Geneviève Becquelin, doyen de l'IGEN, a cependant estimé, devant la commission, que le suivi de ces rapports et la mise en oeuvre de leurs propositions étaient souvent lents, ou en tout cas différés dans le temps, ce qui témoigne de la difficulté à faire évoluer tant les personnes que les procédures au sein de l'éducation nationale. Elle a ainsi évoqué les difficultés rencontrées pour mobiliser les acteurs de terrain, dont les enseignants, en fonction des chantiers ouverts par le ministre et pilotés par l'inspection générale.

Au sein de l'inspection générale, le groupe " établissement et vie scolaire " composé de trente inspecteurs généraux, relayés par les IPR-vie scolaire, assure un suivi de la carrière des chefs d'établissement mais ne semble pas disposer de suffisamment de moyens pour encadrer et suivre l'ensemble des établissements.

L'IGEN compte 156 postes d'inspecteurs généraux qui étaient tous pourvus en 1999.

L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale est un corps de contrôle qui a la charge de vérifier pour le compte du ministre, le respect de la norme administrative, financière et fonctionnelle par les différents services de l'éducation nationale. Elle n'a pas vocation à porter un jugement sur l'acte pédagogique, mais elle contrôle tout ce qui concourt au fonctionnement général du système éducatif.

L'IGAEN est composée de 80 inspecteurs, assistés d'une quinzaine de chargés de mission, répartis en sept groupes territoriaux, chaque groupe couvrant quatre ou cinq académies.

Chaque année, elle établit un rapport de suivi pour les trois niveaux concernés -établissements scolaires, établissements d'enseignement supérieur et services académiques- à partir d'échantillons visités.

Elle effectue également des missions ponctuelles en cas de dysfonctionnement, pour analyser les problèmes et pour proposer des solutions.

Enfin, l'IGAEN examine chaque année un certain nombre de thèmes précis que le ministre lui demande de traiter, et elle est également sollicitée pour examiner le bien fondé et la faisabilité d'une politique que le ministre souhaite voir mettre en oeuvre sur un sujet particulier.

Les thèmes associés à ce dossier

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