CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN

Les investigations et la réflexion sur la situation des personnels et des établissements de l'éducation nationale que la commission d'enquête a décidé de conduire relèvent a priori d'une préoccupation légitime, celle de la recherche de l'optimisation dans l'utilisation des engagements financiers de la Nation envers son service public. Dresser des constats, identifier les atouts et les faiblesses d'une organisation, proposer des améliorations font partie d'évidence des missions de la représentation nationale.

Pour autant, le fait d'aborder ces questions importantes en les traitant de façon autonome, pour elles-mêmes en quelque sorte, se heurte selon nous à des écueils de méthode et à des incertitudes qui en limitent d'autant la pertinence et la portée.

Cette question de la gestion n'est pas secondaire, loin de là, mais elle est seconde au regard de la fonction qu'elle assume. Secondaire, elle l'est davantage encore s'il s'agit de faire valoir au sein du système éducatif les seules méthodes de gestion de la règle à calcul préjudiciables dès lors qu'il s'agit d'investissements pour le futur.

Comment en effet, déterminer des grilles d'analyse, des critères d'évaluation, des axes de proposition sans avoir, au préalable défini et présenté les objectifs et la politique que la Nation entend se donner pour son système éducatif et à partir desquels s'élaborent les supports de gestion nécessaires à leur réalisation ?

Ce déterminant que la commission n'a pas pris en compte est d'autant plus prégnant que l'école et la formation sont confrontées aujourd'hui à des défis nouveaux d'une considérable ampleur.

Ces défis sont tels qu'il devrait en résulter des changements à la fois quantitatifs et qualitatifs portant nécessairement sur toutes les dimensions de l'organisation du service public de l'éducation. Ces défis, pour une qualité nouvelle, pour une meilleure démocratisation, sont la résultante d'exigences et de mutation, au premier rang desquelles :

- l'égalité républicaine avec une démocratisation qui stagne et qui devrait franchir une nouvelle étape ;

- l'avenir économique, humain et culturel dont la clé est l'investissement éducatif, le plus pertinent et le plus vital pour la place de notre pays dans les prochaines décennies, ainsi qu'en témoigne le Congrès international de l'UNESCO ;

- les mutations des connaissances et des technologies qui posent le problème des nouveaux contenus et des méthodes d'enseignement ;

- l'individualisation incontournable de l'acte éducatif le plus apte à préparer l'insertion de chacune et chacun dans la société du XXIe siècle.

C'est dire si l'urgence de ce débat national pour l'éducation, que notre groupe a demandé à plusieurs reprises à M. le ministre de l'éducation nationale s'impose aujourd'hui à notre pays, en association avec l'ensemble des acteurs du monde éducatif.

A cet égard, le Parlement pourrait jouer un rôle original et constructif dans l'impulsion d'un tel chantier.

Une telle consultation déboucherait sur une charte d'orientation et de programmation des futurs engagements de la Nation en terme de moyens, de procédures, de gestions, ceux-ci venant en support des postes, des emplois, des compétences, des recrutements nécessaires en volume et en qualité ainsi que des structures à créer.

Au plan de la gestion, il y a pour le système éducatif et ses centaines de milliers de postes des difficultés spécifiques comme l'ont mis en évidence les responsables qui ont été auditionnés par la commission et qui ont apporté des informations et des éclairages techniques utiles et intéressants.

Il s'agit en effet de croiser plusieurs exigences, qui se déclinent sur l'ensemble de notre territoire de l'échelon central au plus petit village : respect de l'unité de service public tout en mettant en oeuvre une discrimination positive (ZEP), proximité nécessaire pour répondre aux besoins des établissements et du terrain en permanente évolution, transparence, équité et respect des statuts des personnels, souplesse et adaptation qui peuvent être entravées par certaines rigidités de gestion, etc...

En raison de l'importance du volume des effectifs, les dysfonctionnements, même mineurs avec des pourcentages très faibles et comparables à tout autre système, comme l'ont démontré les différentes auditions connaissent un retentissement particulier dès lors qu'ils interviennent dans l'éducation nationale.

Ce faisant, en dépit de la complexité des phénomènes, toute anomalie, toute discordance constatée doit faire l'objet d'une recherche de solutions rapides, car leur survenue ou leur persistance est à chaque fois préjudiciable à la réussite des élèves.

A cet égard, la question du remplacement des personnels, pour tous les ordres d'enseignement apparaît bien comme l'une de celles qui doit être résolue prioritairement et en urgence en terme d'emplois spécifiques nouveaux à créer, comme en terme de déploiement et de réactivité à obtenir sur le terrain.

Une meilleure gestion des ressources humaines plus respectueuse de chacun des membres de la communauté éducative est à mettre en oeuvre et appelle des moyens en personnel administratif.

L'ensemble des éléments d'information et de discussion recueillis par la Commission peuvent déboucher sur des réflexions et suggestions dont la mise en débat dans toute la communauté éducative est indispensable.

A ce titre, il convient de noter que la commission sous la présidence de M.  Gouteyron a procédé par un travail approfondi à de très nombreuses auditions et les déplacements dans les académies et les établissements ont été très appréciés par l'ensemble de la communauté éducative.

Pour autant, tant sur le fond, que sur la procédure de la commission d'enquête que nous avions refusée la jugeant dès sa création, assise sur une très grande suspicion, nous ne partageons pas l'avis de la majorité de la commission.

Ainsi, certaines propositions qui nous sont faites au rang desquelles on peut citer : l'annualisation du temps de travail des enseignants, leur polyvalence, la reconversion disciplinaire des maîtres auxiliaires en surnombre, la réforme du système de notation, la création d'un corps de remplaçants polyvalents, le recours aux emplois-jeunes pour une aide à l'enseignement dans les classes en difficulté, l'externalisation de la restauration scolaire et de certains services scolaires, la mise en réseau des établissements ruraux, sont autant d'éléments qui pourraient constituer une remise en cause des droits essentiels des personnels de l'éducation nationale.

Le Groupe Communiste Républicain et Citoyen continue de demander pour sa part l'ouverture d'un très large débat national pour l'école dans notre pays.

Ce débat n'ayant pas eu lieu, cette commission ne peut s'y substituer pas davantage qu'à une véritable concertation.

Dès lors, les compétences de la commission d'enquête sont selon nous largement débordées. Au lieu de partir de ce qui est nécessaire pour assurer l'égalité des chances, les propositions qui nous sont faites tendent à la mise en place d'une école à moindre coût.

De ce fait et malgré la qualité des auditions auxquelles nous avons procédé, je ne me sens pas autorisée à formuler des propositions dont certaines sont susceptibles de modifier substantiellement notre système éducatif sans connaître l'avis des principaux acteurs de l'école à savoir les enseignants et les personnels.

Dans le même temps, nous pensons ces propositions inadaptées à l'école de la réussite que le Groupe Communiste Républicain et Citoyen préconise.


Notre vote, contre les conclusions de la Commission signifie plus que jamais notre détermination de voir s'ouvrir sans tarder dans notre pays un débat national sur la politique éducative que nous souhaitons voir mise en oeuvre.

Hélène LUC,

Sénatrice du Val-de-Marne

Présidente du Groupe Communiste Républicain et Citoyen du Sénat

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