16. Nouvelles technologies - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Jeudi 30 janvier)

Présentant ses observations, le rapporteur explique que les nouvelles technologies entraînent des transformations profondes dans la société, comme l'ont fait en leur temps la machine à vapeur, l'électricité et l'automobile, et leurs effets positifs ne se feront vraiment sentir que longtemps après les premiers bouleversements.

Les autoroutes de l'information défient le temps et l'espace, et rendent le savoir immédiatement accessible. Leurs conséquences sur l'emploi sont difficiles à prévoir, mais elles pourraient bien entraîner le développement d'un marché du travail très intéressant pour de nombreux Européens.

Il propose quelques mesures pour coordonner la mise en place des nouvelles technologies et garantir une transition en douceur vers la future société de l'information :

- renforcer les liens entre l'industrie, les universités et la recherche ;

- préparer les enfants à l'avenir qui les attend en accordant une plus grande place aux sciences et aux technologies dans les programmes scolaires ;

- prévoir les incidences sur la société par la mise en place d'un " observatoire sur les technologies " ;

- encourager les bonnes pratiques de gestion et optimiser les retombées bénéfiques du point de vue de la compétitivité et de la création d'emplois ;

- aider les petites et moyennes entreprises à accéder aux réseaux d'innovation internationaux ;

- utiliser ces technologies pour aider les villes à encourager les arrivées d'informations en provenance des pouvoirs locaux et régionaux.

M. Claude BIRRAUX, député (UDF), a pris la parole dans le débat en ces termes :

" Mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier et féliciter notre collègue Beaufays pour la qualité remarquable de son rapport.

Je voudrais aussi signaler qu'avec ce rapport, la commission de la science et de la technologie et notre Assemblée continuent leur travail de réflexion sur les mutations technologiques et leurs conséquences, sur la vie et l'environnement, au sens large du terme, des citoyens, comme je le rappelais lundi dans le débat sur les structures de notre Assemblée.

Nous avions commencé à aborder le thème des nouvelles technologies avec l'excellent rapport de notre collègue Lentzer sur les technologies stratégiques.

Ces deux rapports se complètent et montrent à l'évidence que l'économie d'aujourd'hui, et encore plus celle de demain, sera dominée par le savoir. Quelles en seront les conséquences pour les citoyens ? Quels sont les enjeux pour la société ?

Lors du colloque organisé par notre commission à Lyon, M. Lasfargue distinguait huit types d'enjeux pour la société de l'information : techniques, industriels, économiques, sociaux, culturels, politiques et militaires, juridiques et moraux, écologiques et médicaux.

Ces enjeux ne sauraient être dissociés les uns des autres et, pris globalement, c'est à une véritable révolution de notre société qu'ils conduisent : révolution dans les actes de production, par les nouvelles technologies ; révolution dans les métiers : le temps où l'homme apprenait une fois pour toutes un métier qu'il exercerait toute sa vie est résolu.

Cela peut être une chance de promotion et de qualification, à condition de mettre en place un système régulateur qui donne à chacun une chance égale d'accéder à cette formation et à ce savoir. Cela suppose aussi que le système de formation soit suffisamment souple, ouvert et interactif pour s'adapter aux données nouvelles des besoins en formation. A n'en pas douter, il y a là un problème de démocratie réelle.

Autre problème lié à la démocratie : l'attention que la société portera aux exclus de la société de l'information.

Je suis frappé, dans mes rencontres de parlementaire, au temps de la " société de l'information ", où il semble que chacun dispose sur son écran de télévision ou d'ordinateur d'une abondance inégalée d'informations, du décalage flagrant entre cette abondance d'informations et l'ignorance des citoyens ou leur perception erronée.

Cette révolution dans les métiers et leur apprentissage conduira aussi à une forme d'exclusion : les exclus de l'abstraction.

Ces enjeux conduisent, enfin, à une révolution dans les rapports sociaux.

L'indicateur du temps de travail est la pierre angulaire des rapports sociaux, dans la société industrielle traditionnelle. Avec le développement de nouvelles formes d'activités à distance, avec la diversification des lieux de travail, le temps de liaison entre ces lieux, le temps passé à communiquer avec son bureau, comment mesurer réellement le temps de travail ?

Les rapports sociaux s'organisent aussi au sein de branches professionnelles, régies par des règles spécifiques et conventions collectives. Ces branches professionnelles, survivances des activités du XIXe siècle, sont remises en cause par la société de l'information. Elles étaient classées, soit par la notion de matière première - par exemple le bois ou la métallurgie -, soit par produits - comme le textile - , soit par technologie - telle que la chimie -.

Dans quelle catégorie ranger l'industrie de l'information, qui compte une seule matière première : l'information, et une seule famille de technologies : celle des outils de traitement de l'information ?

Pour réussir la société de l'information, il faudra établir de nouveaux rapports sociaux fondés sur de nouveaux critères, en évitant les exclusions dont je parlais à l'instant.

On peut se demander quel rôle les pouvoirs publics peuvent et doivent jouer. Bien sûr, il peut y avoir la tentation du laisser faire - le marché et lui seul - et de se retrouver à gérer les conséquences sociales.

Je crois que, dans la perspective qui est celle de notre Assemblée, les valeurs démocratiques, les pouvoirs publics doivent s'investir, car il y a aussi un enjeu démocratique : enjeu démocratique dans l'accès égal des citoyens à la formation à ces nouveaux métiers ; enjeu démocratique dans la solidarité de la société à l'égard des exclus de la société de l'information ; enjeu démocratique dans la correction des effets pervers de mécanismes de marché, lorsqu'ils produisent des effets indésirables ; enjeu démocratique dans l'accès aux connaissances, à leur diffusion ; enjeu démocratique dans l'emploi permettant aux PME aussi bien qu'aux grandes entreprises de développer leur potentiel d'innovation ; enjeu démocratique dans la création de mécanismes régulateurs, afin d'éviter les décalages entre évolution technologique en évolution sociale ; enjeu démocratique en renforçant l'enseignement des sciences et technologies à l'école, afin de mieux préparer les jeunes aux bouleversements futurs.

Enfin, les enjeux politiques et démocratiques se posent à tous les niveaux. National, avec les questions du rôle de l'Etat, du type de financement des investissements, des aides publiques ou non à la recherche. Européen : quel rôle pour la Communauté ? quel type de réglementation, modéré ou sans contrainte. Mondial : problème de la normalisation et, par conséquent, monopole et domination d'un pays ou bien coopération entre eux ?

La maîtrise de l'information - ou de la désinformation - est, à l'évidence, un enjeu politique ou militaire important. Quelle influence sur la vie démocratique ?

Par delà les bouleversements économiques, culturels et sociaux qu'apportent la société de l'information, par delà l'incidence sur l'emploi, c'est toute la hiérarchie des valeurs qui fondent notre société qui se trouve bouleversée. La valeur du travail, à la fois droit et devoir, conditionne dans toutes les catégories sociales nos modes de vie, nos jugements, nos rapports à la société. C'est du travail que nous vient une partie de notre morale.

Ce sont bien les valeurs fondatrices de notre société et de notre civilisation qui sont en jeu. Nous sommes au coeur même de notre engagement politique et de la raison d'être de notre Assemblée. Comment façonner cette société pour en préserver les valeurs qui en font l'essence et accompagner les mutations technologiques en gardant à l'esprit les repères qui font précisément notre raison d'être ? "

Le rapporteur M. Pierre BEAUFAYS a apporté à M. Claude BIRRAUX la réponse suivante :

" Je vous remercie d'avoir rappelé les enjeux et vous avez bien dit qu'ils doivent tous être pris globalement. Je vous remercie aussi pour votre participation personnelle au travail de la commission, notamment en ce qui concerne la réunion de Lyon fort importante. Vous avez terminé en parlant de l'enjeu démocratique, c'était véritablement opportun. "

Après un débat et l'adoption de plusieurs amendements, la recommandation 1314 figurant dans le rapport 7713, amendée, est adoptée.

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