III. DEUX DIFFICULTES, LIEES A UNE GESTION DE PLUS EN PLUS COMPLEXE DE LA RESSOURCE APPELÉE ET A LA SITUATION DES PERSONNELS CIVILS

1. Une ressource appelée de plus en plus virtuelle

Le civisme des jeunes Français soumis aux obligations du service national antérieur à la loi du 28 octobre 1997 a été souligné ci-dessus.

Mais cet aspect positif de la réforme ne saurait occulter le fait que l'effectif très substantiel des jeunes en report d'incorporation fait peser sur l'armée de terre d'importantes difficultés en matière de gestion de la ressource.

Si l'on fait, en effet, la somme des différentes catégories ayant vocation à bénéficier d'un report d'incorporation, force est de constater le caractère quelque peu « théorique » de la ressource constituée par les jeunes gens incorporables. Il est à noter que les assouplissements apportés par la loi du 28 octobre 1997 au régime des reports d'incorporation ont encore aggravé la situation :

- entre 1997 et 1998, le nombre de jeunes gens titulaires de reports pour études ou formation professionnelle a augmenté de près de 35.000 personnes : la nouvelle loi permet, en effet, de bénéficier de ce report jusqu'à 26 ans ;

- les titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée ont été 30.794, au ler mai 1999, à bénéficier des dispositions de l'article L. 5 bis A de la loi de 1997, auxquels il convient d'ajouter les quelque 15.000 demandeurs qui, en attente d'une décision, sont placés de facto en situation de report ;

- si l'on ajoute les 1.761 titulaires d'un CDD, la ponction totale sur la ressource du service national liée aux nouvelles dispositions législatives s'élève à 67.555 jeunes gens .

Cet effectif est à rapprocher d'un volume total de 220.723 titulaires, au ler avril 1999, d'un report pour études ou formation professionnelle, et d'un volume encore plus considérable, à la même date, de 432.861 jeunes gens titulaires d'un report d'incorporation de droit commun . On compte donc 653.584 sursitaires du fait des dispositions législatives antérieures et un volume total de 721.139 jeunes gens titulaires d'un report, quelle que soit la nature de celui-ci.

La libéralisation des reports induite par la loi du 28 octobre 1997 est ainsi à l'origine d'environ 9 % des reports. On remarque de plus une tendance (bien naturelle, au demeurant) des jeunes gens nés avant 1979 à tirer tous les avantages possibles de la nouvelle législation sur les reports.

On constate aussi que les tensions observées à certaines périodes à l'égard de la réalisation des effectifs de l'armée de terre, comme le déficit préoccupant d'août 1998, ont pu être imputées à ces appelés manquants du fait de l'assouplissement du régime des reports d'incorporation opéré par la loi d'octobre 1997.

Pour l'instant, les prévisions sur le taux moyen de vacances d'emplois d'appelés dans l'armée de terre sont de 12%, soit un chiffre important mais non encore alarmant ; de fait, il est nécessaire d'attendre les résultats des incorporations décisives d'août et d'octobre 1999 avant de pouvoir exprimer une réelle inquiétude.

Une interruption anticipée de la conscription obligerait l'armée de terre, selon son état-major, à « mettre en sommeil » une unité élémentaire par régiment, ce qui compromettrait évidemment les capacités de projection de cette armée. Une extinction de la ressource plus rapide que prévu conduirait inéluctablement à une altération provisoire dans l'aptitude de l'armée de terre à remplir son mandat opérationnel , même s'il est vrai que ces difficultés imputables aux reports d'incorporation prendront fin, de toute manière, dans trois ans .

La solution, parfois évoquée, de l'engagement d'un effectif accru de militaires du rang professionnels, pour pallier une insuffisance de la ressource appelée, ne semble pas réellement pertinente. D'une part, ce surengagement momentané d'EVAT impliquerait un certain déséquilibre de la pyramide des âges de cette catégorie ; d'autre part, la ponction totale des armées s'établit déjà (toutes catégories confondues) à 27.000 jeunes environ chaque année : aller au-delà impliquerait d'abaisser à l'excès les critères de sélection, ce qui n'est pas souhaitable.

2. Les personnels civils : un décalage entre les besoins et les effectifs réalisés impose la recherche de modalités d'organisation différentes pour les fonctions non opérationnelles

Le recours accru aux personnels civils (pour lequel a été forgé le néologisme de « civilianisation ») était destiné, dans la logique de la loi de programmation militaire, à compenser la disparition des appelés , et devait ainsi permettre d'affecter les militaires professionnels aux fonctions strictement opérationnelles , dans la logique d'une armée conçue pour la projection.

Or, l'insuffisante montée en puissance de ces personnels , illustrée par un décalage persistant entre les objectifs de la loi de programmation et les effectifs réalisés, paraît justifier un recours plus important à des partenaires contractuels du secteur privé, dans le cadre d'une politique encourageant la « sous-traitance » de manière plus systématique. Cette nouvelle organisation des fonctions non opérationnelles ne pouvait être envisagée en 1996, lors des débats sur la loi de programmation, à un moment où il paraissait logique de procéder à l' affectation des personnels civils rendus surnuméraires par les restructurations à des emplois devenus disponibles du fait de la suppression de la conscription.

a) La « civilianisation » de l'armée de terre professionnelle : une hypothèse désormais théorique à court terme.
(1) Une situation préoccupante

Dans la logique de la loi de programmation, les personnels civils devaient passer, dans l'armée de terre, d'un effectif de 30.596 en 1996 à 34.000 en 2002, jusqu'à représenter 20 % des effectifs globaux à cette date au lieu de 12 % en 1996, parallèlement à la disparition progressive des appelés et à la diminution des effectifs d'officiers et de sous-officiers.

Les civils sont sensés, dans la maquette future de l'armée de terre, jouer un rôle considérable . Affectés exclusivement dans la composante non projetable de l'armée de terre, les personnels civils peuvent servir dans les régiments, à raison de 35 postes dans les corps de troupe, dans les services de soutien (commissariat, matériel, génie, ...), dans les organismes de formation (écoles et centres d'instruction), dans les organismes à vocation territoriale et dans les camps d'entraînement... Dans la composante territoriale, les civils devraient, à terme, représenter 53 % des effectifs, et 87 % dans les services de soutien. Ils sont donc appelés à constituer une catégorie déterminante des personnels de l'armée de terre professionnalisée.

Or, on constate un décalage sensible entre les droits ouverts à l'armée de terre par les budgets successifs et les effectifs réalisés , illustré par les graphiques ci-après.

En 1997, la différence entre les effectifs budgétaires et les effectifs réalisés était de 3.111 postes. Le déficit était estimé, au début de 1999, à 3.357 postes budgétaires, soit 11 % des effectifs prévisionnels. Il était le plus important, en 1998, dans les régions de Metz (- 16 % par rapport aux droits ouverts, soit 735 emplois vacants) et d'Ile de France (- 22 %, soit 1.224 emplois vacants), comme l'atteste le tableau ci-après, qui concerne les sous-effectifs constatés en 1998.

 

CMIDF (1)

RENNES

LIMOGES

BORDEAUX

LYON

MARSEILLE

LILLE

METZ

BESANÇON

Volume

- 1224

-279

- 344

- 177

- 75

- 136

- 95

- 735

- 92

%

- 22 %

- 8 %

- 10 %

- 6 %

- 10 %

- 5 %

- 6 %

- 16 %

- 5 %

(1) Circonscription militaire de l'Ile-de-France

La situation actuelle est assez paradoxale. On constate, en effet, d'un côté, des mouvements de personnels civils liés aux restructurations des forces et des établissements de l'armée de terre (2.034 emplois seraient ainsi libérés entre 2000 et 2002), tandis que l'insuffisante mobilité géographique des personnels concernés empêche l'armée de terre de bénéficier de la ressource rendue disponible par ces restructurations . Il est clair, par exemple, que le camp de Mourmelon reste peu attractif pour les personnels concernés, par rapport à certaines affectations proposées dans le sud. Il convient, de surcroît, de rappeler qu'une forte proportion de ces personnels n'est pas soumise à obligation de mobilité.

Les moyens consacrés à encourager les mouvements ont pourtant été généreusement définis  :

- un agent civil touche ainsi, en cas de déménagement, entre 75.000 F et 80.000 F selon sa situation de famille,

- l'indemnité est de 54.000 F si le nouvel emploi est situé entre 20 et 40 km de son domicile,

- elle est portée de 65.000 F à 75.000 F (selon la situation de famille) si le déplacement nécessaire excède 40 km.

Ce manque de mobilité géographique n'est pas propre à ceux qui devraient quitter leur emploi pour s'installer dans les régions du nord et de l'est de la France, injustement réputées insuffisamment attractives. Des refus de mobilité géographique sont également constatés au sein de la région de Lorraine. Selon les informations transmises à votre rapporteur lors d'un déplacement, le 10 juin 1999, dans la CMD (circonscription militaire de défense) de Metz, alors qu'il est jugé indispensable de procéder à des recrutements de personnels civils à Nancy pour accompagner la montée en puissance du 5 e GLCAT (Groupement logistique du commissariat de l'armée de terre), une faible proportion des personnels concernés par la dissolution de l'ERCAT (Etablissement de ravitaillement du commissariat de l'armée de terre) de Metz accepteraient une mobilité vers Nancy ... Cet état d'esprit discutable des personnels civils rend modérément pertinente la solution tendant à recruter de nouveaux personnels pour éviter à ceux dont l'emploi serait supprimé par les restructurations l'épreuve douloureuse d'un déracinement entre Metz et Nancy...

En Lorraine, l'importance des besoins fait que l'offre d'emplois est substantielle pour les personnels civils de la défense : 500 postes dans les seuls régiments professionnalisés de la région, et un total de 1.600 postes pour l'ensemble de la circonscription militaire de défense.

La situation est rendue plus complexe par l' impératif de formation et de recyclage induit par les nouveaux besoins , parallèlement à la technicité croissante des emplois concernés . Ainsi certains mécaniciens civils devront-ils acquérir une formation les rendant aptes à servir dans des régiments d'hélicoptères ou de blindés. Il n'est pas exclu que cet impératif contribue, lui aussi, à décourager de nombreux personnels.

Notons, par ailleurs, que le déficit en personnels civils dans la CMD de Metz ne date pas de la mise en oeuvre de la professionnalisation. Le taux de réalisation des effectifs civils s'établissait déjà à 88 % seulement en 1996 , avant la mise en oeuvre de la réforme, soit 507 postes vacants. La situation s'est aggravée en 1997, avec 575 agents manquants. Or, d'ici 2003, l'objectif est d'augmenter les effectifs civils, à Metz, de 58 %, soit 1.831 créations de postes, afin d'atteindre un effectif de 2.155 agents civils.

Le décalage entre les effectifs budgétaires et les effectifs réalisés est également lié à la décision prise par le Ministère du budget, dès le début des années 1990, de limiter, voire de bloquer les embauches d' ouvriers d'Etat . Rappelons, en effet, que les ouvriers d'Etat bénéficient d'un régime de préretraite dès 55 ans (dénommé improprement « dégagement des cadres »), et que la politique tendant à interdire l'embauche d'ouvriers d'Etat était destinée à financer cette préretraite particulièrement onéreuse.

Face aux besoins en personnels civils amplifiés par la professionnalisation, il a été procédé, en 1998-1999, à des recrutements non négligeables (dans le domaine essentiellement des métiers de bouche et de l'infrastructure), tandis que de trop rares mobilités permettaient de pourvoir 77 postes à Metz. 593 postes au total ont ainsi été pourvus dans la circonscription militaire de défense Metz, compensant le déficit qui y avait été constaté en 1997.

Il n'en demeure pas moins que le déficit en personnels civils contribue à fragiliser le processus de professionnalisation , notamment dans l'armée de terre. En effet, la solution choisie, face à ce déficit, a été d'affecter des EVAT à des emplois statiques sensés être confiés à des civils . 800 postes de militaires du rang ont ainsi été affectés par l'Armée de terre à des emplois à caractère professionnel et de maintenance.

Cette solution est, à l'évidence, de nature à altérer les capacités de l'armée de terre à remplir son mandat de projetabilité.

(2) Des conséquences de la « civilianisation » encore imprévues à ce jour

La part que les personnels civils sont appelés à occuper dans les fonctions non projetables de l'armée de terre est telle que dans certains établissements, les personnels civils constitueront une catégorie dominante par rapport aux militaires . Ainsi, dans le camp de Mourmelon , par exemple, devrait-on compter, en 2004, 244 personnels civils et 102 militaires seulement.

On ne peut s'empêcher de craindre les conséquences de ce déséquilibre sur l'état d'esprit des personnels militaires , qui pourront être tentés de comparer les différences de statuts et d'astreintes entre civils et militaires...

Dans le même ordre d'idées, il n'est pas certain que l'on puisse continuer à organiser l'entraînement dans des camps comme celui de Mourmelon selon les mêmes principes qu'actuellement. Sera-t-il, par exemple, possible de faire venir des personnels civils pour des tirs de nuit, sans altérer l'organisation du travail dans les camps d'entraînement ?

On peut donc s'interroger a posteriori sur la pertinence du pari qui consistait à fonder une part importante de la professionnalisation de l'armée de terre sur le recours à un effectif accru de personnels civils, compte tenu des difficultés suscitées par l'insuffisante mobilité géographique de cette catégorie.

Il semble fondé, aujourd'hui, d'envisager, pour l'organisation des fonctions non opérationnelles dans l'armée de terre, des solutions différentes de celles prévues par la loi de programmation.

b) Les perspectives ouvertes par l' « externalisation » de certaines fonctions non opérationnelles
(1) Une formule à étudier

Qualifiée de manière impropre de « sous-traitance » -car ce terme renvoie au démembrement d'une partie d'un contrat par le recours à un autre cocontractant- le fait de confier à des partenaires du secteur privé des tâches exécutées jusqu'à présent par du personnel (civil ou militaire) de la Défense pourrait éventuellement contribuer à assurer la professionnalisation des forces terrestres dans de meilleures conditions que si l'on persiste à attendre la montée en puissance, désormais relativement théorique, des effectifs civils prévus par la loi de programmation.

Il faut aussi rappeler que le recours à des cocontractants privés extérieurs est habituel à la Défense , notamment dans le domaine de l'entretien des infrastructures. Ce recours au privé est, à tout le moins, aussi vieux que les marchés publics . En 1998-1999, l'armée de terre a ainsi consacré quelque 900 millions de francs de son budget à de semblables prestations.

Les difficultés causées par le déficit de personnels civils pourrait justifier un renforcement de ce mode d'organisation , déjà pratiqué par la Défense à une échelle moindre, dans le but :

- d'une part, d'éviter au budget de la Défense de supporter le coût de certains personnels dont l'emploi ne paraît pas nécessaire à temps complet ;

- et d'autre part, de réaliser des économies en recourant à des prestataires de services souvent plus compétitifs, et desserrer ainsi la contrainte budgétaire de la défense.

Selon certains observateurs, les coûts ont pu être réduits par certaines armées étrangères de 30 à 40 %, grâce au recours à cette formule.

L'externalisation semble une solution opportune face à l'insuffisance des effectifs civils pour deux raisons :

- d'une part, le caractère quantitativement modeste des effectifs concernés (1.710 créations d'emplois de personnels civils pour l'armée de terre, sur une augmentation nette totale de 2.054 postes entre 1996 et 2002 : l'effort marginal lié au recrutement de personnels civils représente moins de la moitié des recrutements de volontaires prévus par la loi de programmation) ;

- d'autre part, de nombreux besoins exprimés par l'armée de terre en ouvriers fonctionnaires paraissent correspondre à des fonctions essentiellement matérielles, qu'il paraît possible d'externaliser sans remettre en cause les compétences devant être conservées en permanence par une armée professionnelle, ainsi qu'il ressort du tableau ci-après :

Bilan, par spécialités, des besoins exprimés en ouvriers-fonctionnaires
par les neuf circonscriptions militaires de défense en mai 1999

INFRASTRUCTURE

 

Electricien

68

Installations sanitaires et thermiques

13

Jardinier

53

Maçon

50

Menuisier

41

Métallier/serrurier

14

Peintre bâtiment

47

Plâtrier

7

Plombier

38

Soudeur

2

Tapissiers

1

Ouvrier de casernement

1

ENTRETIEN VEHICULES

 

Chaudronnier

7

Electricien auto

11

Mécanicien

101

SECURITE SURVEILLANCE

152

ALIMENTATION

 

Cuisinier

128

Pâtissier

22

Restauration

24

ELECTROMECANIQUE (TEI)

35

DIVERS

 

Audiovisuel

17

Photographe

3

Audio tel.

4

Lingère

4

Graphiques

5

Bourrelier

1

Electronique

3

TOTAL

852

La même remarque vaut pour la plupart des besoins exprimés en vue de la « civilianisation » des camps d'entraînement : cuisiniers, pâtissiers, conducteurs d'engins spéciaux (tous terrains, travaux publics, engins agricoles...), mécaniciens-monteurs, magasinage, maçons, plombiers, électriciens, peintres, chauffagistes, techniciens de surface, jardiniers ... Il semble donc possible d'envisager l'externalisation de certaines de ces fonctions, compte tenu de la faible attractivité d'une affectation dans un camp auprès des personnels civils de la défense rendus disponibles par les restructurations.

Pour autant, l'externalisation ne doit en aucun cas être abordée de manière systématique.

Ainsi, si la maintenance semble un domaine où l' " externalisation " peut constituer une solution économique, le recours à une entreprise privée pour des tâches de maintenance en informatique peut poser de sérieux problèmes de sécurité et de confidentialité. La même remarque vaut pour le gardiennage : cette fonction peut être confiée à un cocontractant privé, notamment pour les emprises récemment libérées dans le cadre des restructurations, mais d'autres installations plus sensibles, telles que les dépôts de munitions, nécessitent une habilitation particulière.

La question à résoudre actuellement est donc de savoir quels savoir-faire doivent être entretenus en permanence par la Défense , et quelles fonctions pourraient être externalisées. Il s'agit, à cet égard, d'identifier les fonctions qui, en raison de leur incidence sur la disponibilité opérationnelle des forces , ne sauraient être confiés à des entreprises privées. En revanche, les fonctions purement matérielles comme l'entretien des espaces verts, l'alimentation et la mécanique paraissent offrir un champ d'expérimentation assez large, sous réserve des indispensables précautions à prendre en matière de sécurité ci-dessus mentionnées.

L'invention de formes nouvelles de coopération avec le secteur privé aurait, à l'évidence, le mérite de favoriser le recentrage des personnels militaires sur le coeur du métier de défense . Encore faut-il définir ce " coeur du métier " : cette définition obéit à des traditions culturelles différentes selon les pays . Ainsi la marine américaine a-t-elle privatisé sa fonction transports, -de même, d'ailleurs, qu'a été privatisée une très large part de la logistique militaire américaine. La France ne paraît pas mûre pour suivre cet exemple.

(2) Des incidences budgétaires à préciser

Compte tenu des tensions budgétaires sur le titre III des crédits de la Défense régulièrement relevées par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il paraît difficile de parvenir à financer l'externalisation de certaines fonctions tout en continuant à assurer le coût des personnels dont l'externalisation a précisément pour objet de limiter la charge permanente.

On peut donc, dans une certaine mesure, souscrire à certains gels ou suppressions d'emplois dans l'armée de terre, en contrepartie d'une augmentation conséquente des crédits de fonctionnement destinés à couvrir le coût des externalisations , à condition :

- que les fonctions transférées au privé soient définies de manière suffisamment rigoureuse pour qu'il ne soit pas nécessaire par la suite de revenir en arrière et de confier à nouveau à des personnels de la défense des fonctions transférées à des entreprises privées (il faut certainement, pour cela, limiter les externalisations à des tâches strictement matérielles),

- que les crédits transférés sur le titre III du budget de la Défense pour financer le recours à la sous-traitance en lieu et place de personnels de la Défense soient rigoureusement « sanctuarisés », et ne fasse l'objet d' aucune remise en cause , ni par voie réglementaire, en cours d'exercice, ni par loi de finances ;

- et que les emplois gelés ou supprimés ne soient pas susceptibles d'altérer les conditions de la professionnalisation ; à cet égard, il est nécessaire d'exclure tout gel ou suppression de postes de militaires du rang engagés.

Il convient toutefois de relever les réticences qu'inspirent ces hypothèses aux responsables de l'armée de terre de crainte que ces conditions ne soient pas respectées. Ceux-ci sont hostiles, de manière générale, à un accroissement du recours au secteur privé, et considèrent que l'armée de terre utilise déjà de manière suffisante les facultés offertes par les marchés publics. On constate d'ailleurs que l'armée de terre altère sa capacité de projection en affectant des militaires professionnels à des emplois recouvrant des métiers effectués dans le civil (électriciens, cuisiniers...) plutôt que de recourir davantage à l'externalisation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page