B. A LA POSTE : LA MARCHE À PETITS PAS

1. Les résultats : des signaux encourageants mais un peu poussifs

Les chiffres relatifs aux résultats de La Poste cités dans le rapport « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique » se référaient à l'exercice 1996. Depuis, ceux des exercices 1997 et 1998 ont été publiés. Il est donc utile de les résumer.

LES PRINCIPAUX INDICATEURS DU GROUPE LA POSTE

(en milliards de francs courants)

1997

1998

Chiffre d'affaires consolidé

- dont courrier et colis

- dont services financiers

89,88

68,31

20,95

93,38

71,29

21,51

Résultat d'exploitation

1,95

2,54

Résultat net

0,05

0,33

Source : La Poste (Rapports financiers)

Parallèlement à la croissance de 3,7 % du chiffre d'affaires 1998, il est à noter :

- une poursuite de la progression de la collecte sur les produits financiers (1.079 milliards d'encours) ;

- un tassement de l'effort de désendettement (réduction des charges financières de 279 millions de francs en 1998, contre 326 millions de francs en 1997) ;

- une augmentation de la marge brute d'autofinancement (5 milliards de francs en 1998).

Le bénéfice net, bien qu'en progression, reste modeste et démontre la faiblesse structurelle de la rentabilité de l'entreprise.

Au total, ces résultats n'alarment pas mais ne réjouissent pas non plus quand on les compare à ceux d'autres postes qui tendent à devenir des concurrentes.

2. Les 35 heures : handicap de productivité ou progrès du service public ?

L'accord sur la mise en oeuvre de la loi sur la réduction du temps de travail passé à La Poste, au 1 er trimestre 1999, porte sur les exercices 1999 et 2000. Il prévoit, pour respecter les orientations de la loi, de compenser chaque année les 20.000 départs naturels par 20.000 recrutements.

Au regard des resserrements d'effectifs antérieurs, cet accord fait apparaître une augmentation significative du nombre des embauches.

Cependant, il convient de remarquer que cela n'entraîne pas de hausse du niveau de l'emploi à La Poste , les nouveaux recrutements devant compenser au cours des deux prochaines années les départs naturels.

Surtout, cet effort volontariste en faveur de l'emploi, ne bénéficie d'aucune aide d'Etat. En effet, au contraire d'Air France et de France Télécom, La Poste ne figure pas sur la liste des entreprises publiques éligibles au dispositif d'incitation financière mis en place par le Gouvernement pour favoriser le passage aux 35 heures.

Or, des sources dignes de foi estiment le coût de la réforme appliquée par La Poste à quelque 3 milliards de francs.

Au regard de la faiblesse des bénéfices de l'opérateur et de l'importance des défis qu'il a à relever, la politique suivie est-elle raisonnable ? N'aboutit-elle pas à lui imposer un nouvel handicap de compétitivité ?

Bien sûr, la présentation officielle des décisions, gage cette nouvelle charge sur des augmentations de productivité. Si ces dernières sont si aisées à obtenir, que n'ont-elles été réalisées avant pour dégager des excédents confortables ?

On avance également l'amélioration de la qualité du service public comme l'un des avantages qu'entraînerait la mesure. Pourtant, dans certains départements, sa mise en oeuvre se traduit déjà par une réduction globale de la durée hebdomadaire d'ouverture des bureaux. Parfois, cela s'accompagne de plus grandes plages d'ouverture un ou deux jours par semaine. Il n'en demeure pas moins que le service public se trouve globalement plus souvent fermé aux usagers. Est-ce là un progrès ?

3. Des avancées dans la bonne direction : Denkaus, filiale CCP, Coelo

a) Un début de riposte aux offensives de ses homologues européens

Pendant que La Poste française se mobilisait sur l'application des 35 heures, ailleurs en Europe d'autres opérateurs historiques se préoccupaient d'abord de stratégie commerciale. Les offensives qu'ils ont déclenchées tous azimuts en 1998 seront décrites ci-après. L'importance de ces offensives a au moins eu le mérite de favoriser une certaine prise de conscience des dangers et de susciter une réaction de La Poste.

Depuis décembre 1998, elle a successivement annoncé, dans le domaine de l'express :

- un accord avec Correos y Telegrafos, la poste espagnole, pour la création d'une filiale commune avec Chronopost Espagne ;

- un accord de partenariat commercial et opérationnel avec Der Kurier, le spécialiste allemand de l'express domestique à j+1, racheté début 1999 par la poste britannique ;

- l'acquisition par Chronopost de 51 % du spécialiste britannique de la livraison express en 24 heures : Panic Link.

Dans le domaine du colis , l'événement majeur est la prise de contrôle par notre opérateur du transporteur bavarois Denkhaus, au prix d'un milliard de francs 20 ( * ) .

Denkhaus est membre du réseau Deutscher Paket Dienst (DPD) qui fédère les transporteurs de colis indépendants en Allemagne. Denkhaus réalise 1,8 milliard de francs de chiffre d'affaires. Il emploie un peu moins de 3000 salariés. Il détient 21 % du marché allemand du monocolis d'entreprise. Le réseau DPD, quant à lui, occupe la 4 ème place en Europe pour le transport de colis entre entreprises. Les membres de ce réseau couvrent plus particulièrement l'Europe centrale et du Nord. DPD a également développé un partenariat en France au travers d'une franchise où se retrouvent derrière l'Alsacien Heppuer : Dubois, Logithaus, Régis Marthelet, Rochais Bonnet et Société des Transports Gautier (STG).

En outre, en juin 1999, quelques jours avant la publication du présent rapport, La Poste a annoncé qu'elle se renforçait outre-Rhin en achetant 50,1 % de la société Bikart (360 millions de chiffre d'affaires) et la totalité de Interspe (450 millions de chiffre d'affaires). Cette opération accroît de 16 % son poids dans le réseau DPD puisque ces deux entreprises en sont membres 21 ( * ) . L'investissement consenti est de 650 millions de francs.

Cette entrée de La Poste sur le marché allemand marque le début d'une riposte aux opérations d'envergure conduite par la poste germanique en France et en Europe. Il est aussi la première traduction de l'objectif stratégique de doubler sa part de marché dans le colis européen 22 ( * ) que s'est fixé notre poste pour 2002.

Objectif dont on ne peut que se féliciter. Mais, force est de constater qu'il sera difficile à atteindre par croissance externe, sachant qu'aucune dotation en capital de sa tutelle n'est prévue pour permettre des échanges ou des prises de participation d'envergure et que ses propres résultats ne permettent guère à La Poste de consacrer actuellement plus de 2 milliards de francs à de telles opérations.

b) Une filiale dédiée à la gestion financière des fonds CCP

La Poste a obtenu, dans le cadre de son contrat de plan, le droit de gérer progressivement, à compter de 1999, les quelque 180 milliards de francs des fonds CCP, antérieurement centralisés au Trésor.

Pour assurer cette gestion, elle a créé au début de cette année une filiale sous statut d'entreprise d'investissement. Cette filiale n'est pas un établissement de crédit. Sa création n'en est pas moins un mouvement vers une meilleure structuration des activités financières car elle pourrait être l'embryon d'un véritable bilan bancaire et un élément utile pour la construction de partenariats financiers.

c) Un holding « colis et logistique »

A la fin mai 1999, a été annoncé une séparation en deux pôles de Sofipost, le holding financier qui regroupe les quelque 20 filiales de La Poste.

Le premier pôle rassemblera, dans le cadre d'une société dite Coelo 23 ( * ) , toutes les filiales et participations dans le colis et la logistique (Chronopost, TAT Express, Denkhaus, Publi-Trans).

Le second pôle abritera les autres entités de Sofipost, notamment l'Aéropostale (filiale de La Poste et d'Air France).

Avec Coelo, qui pèse potentiellement 12 milliards de chiffres d'affaires , se trouve forgé un levier d'expansion dans le secteur du colis qui peut se révéler d'autant plus prometteur qu'il s'appuie sur le développement des activités fret d'Aéropostale. Celle-ci a en effet prévu, en liaison avec Air France Cargo, un renforcement de son réseau fret entre les plus grandes villes françaises en intégrant trois gros porteurs Airbus A300.

* 20 Selon l'estimation donnée par M. Claude Bourmaud, Président de La Poste, lors de son intervention au colloque « Postes Europe Territoires » tenu au Sénat, le 2 juin 1999.

* 21 Au même moment notre opérateur a fait savoir qu'il s'implantait aux Etats-Unis en acquérant les activités de transport international de presse de la société INSA (100 millions de chiffre d'affaires).

* 22 En la portant à 10 %.

* 23 Au capital de 125 millions de francs.

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