3. Quel avenir pour la relation France-OTAN ?

Une insertion techniquement réussie....

Sur le plan militaire, la France s'est insérée sans difficulté, dans ce premier conflit conduit par l'organisation atlantique, au dispositif OTAN, tant pour les opérations aériennes que terrestres.

Participant à part entière au Conseil atlantique -y compris au niveau des ministres de la défense depuis la décision du 5 décembre 1995- la France est présente également au Comité militaire et 5 officiers français sont insérés dans l'état-major international -contre quelque 25 Britanniques et 40 Allemands cependant.

La France, en revanche, n'étant pas partie aux autres niveaux de l'organisation militaire intégrée, est représentée par des missions militaires placées auprès des différents commandements (SHAPE à Mons et AFSOUTH à Naples), ou par des officiers de liaison. Une équipe française de planification est également insérée dans l'état-major de SHAPE.

Notre pays intervient donc aux différentes étapes, tant pour l'élaboration des plans que pour les opérations elles-mêmes.

- Pour l' élaboration des plans, notre pays intervient :

. pour la définition de l'objectif politique réalisée par le Conseil de l'Atlantique Nord ;

. pour l'approbation du schéma directeur d'opération élaboré par le commandement subordonné - AFSOUTH en l'occurrence ;

. pour l'approbation du plan d'opération par le Comité militaire ;

. pour l'approbation finale du plan d'opérations par le Conseil de l'Atlantique Nord ;

- Sur les opérations , la décision de mettre en oeuvre un plan, prise par le Conseil de l'Atlantique Nord, ne peut l'être sans l'accord de la France. Il faut rappeler que les forces françaises engagées dans une opération OTAN demeurent toujours sous commandement opérationnel du chef d'état-major des armées qui délègue le contrôle opérationnel au SACEUR, celui-ci donnant délégation aux commandements subordonnés.

Enfin, des éléments de liaison français auprès des commandements subordonnés ont pour mission de vérifier que les missions assignées aux unités françaises sont conformes aux règles d'engagement acceptées par la France. Dans le cas contraire, ils rendent compte au chef d'état-major des armées, qui les fait annuler.

Au cours de la campagne aérienne au Kosovo, la France a introduit, dans le cycle habituel de préparation des frappes, une consultation systématique de l'état-major des armées sur les missions assignées à ses propres unités avant chaque mission. Au vu, d'une part, des missions imparties aux appareils français par l'OTAN et, d'autre part, des règles d'engagement définies par l'autorité politique, le Chef d'état-major des armées pouvait ainsi refuser que des appareils français participent à l'attaque de telle ou telle cible.

• ... qui conforte la singularité française...

La spécificité de la position française par rapport à l'organisation militaire intégrée n'est pas sans lien avec la " valeur ajoutée " politique que cette singularité apporte.

- Elle a démontré sa pertinence dans la relation bilatérale privilégiée France-Etats-Unis, aussi bien que dans le cadre des pays les plus impliqués -Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie-, pour la prise en compte de préoccupations spécifiques liées, par exemple, aux choix des catégories de cibles.

- Elle a permis également d'avoir prise sur certaines initiatives du SACEUR dont la pente naturelle est de faire prévaloir ses propres priorités sur celles que souhaitent privilégier les instances politiques.

- Notre pays s'est ainsi fait l'avocat d'une plus grande responsabilisation nationale sur le plan militaire. Cette attitude a suscité l'intérêt d'autres alliés, comme l'Allemagne, qui ont pu, à l'occasion du conflit au Kosovo, mesurer le degré de souveraineté délégué par eux aux instances militaires suprêmes de l'Organisation.

La crise du Kosovo aura donc finalement conforté la singularité française, en mettant en avant une culture de responsabilisation nationale et de primauté du politique , qui devront trouver, à l'avenir, une traduction concrète dans les nécessaires aménagements et adaptations que l'OTAN engagera, compte tenu du nouveau contexte dans lequel elle évoluera.

• ... mais n'exclut pas quelques interrogations.

Confortée par la crise, cette position singulière n'en suscite pas moins des interrogations :

- à l'évidence, le statut de la France dans l'OTAN ne saurait faire école. Aucun de nos alliés n'entend procéder à une révision de son statut actuel qui le conduirait à adopter une attitude comparable à celle que nous conservons. N'y a-t-il pas là, à l'heure où l'OTAN s'élargit, un risque d'isolement , en particulier à l'égard des nouveaux membres de l'organisation, surtout depuis que notre réforme des armées et la crise qui vient de se produire ont démontré notre disponibilité -au demeurant nécessaire- à participer, sans états d'âme particuliers, à des opérations de gestion de crises dans un cadre multinational, sous commandement OTAN ? N'est-elle pas de nature à nourrir une suspicion " de principe " chez nos alliés, qui risquerait de dévaloriser notre engagement, déjà ancien, en faveur d'une capacité militaire européenne distincte de l'OTAN ?

- dans le contexte précis de l'élaboration et de la mise en oeuvre des groupes de forces interarmées multinationales (GFIM), qui sont sensées être la pierre angulaire de la future structure des forces de l'Alliance et la clé de la coopération de l'OTAN avec l'Union européenne en matière de défense, pourrons-nous tenir toute la place à laquelle nous prétendons ou bien notre spécificité conduira-t-elle nos alliés à ne nous y concéder qu'une participation limitée ?

- enfin, notre absence des états-majors intégrés où s'élaborent certains des modes et des règles de travail de l'organisation -planification stratégique, commandement...-, qui vont voir leurs structures profondément réformées à l'avenir, ne risque-t-elle pas de pénaliser les propositions que nous sommes capables d'avancer dans les différents domaines de standardisation, de simulation, de doctrine d'emploi, etc... alors même qu'elles peuvent avoir, en aval, pour certaines d'entre elles, des incidences industrielles non négligeables, en particulier dans le cadre de l'initiative sur les capacités de défense ?

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