B. NIVEAU DE VIE DES ACTIFS, COTISATIONS ET FONDS DE RÉSERVE

• L'évolution du pouvoir d'achat des actifs à l'horizon 2040 dépendra essentiellement de l'évolution de la productivité du travail. Celle-ci déterminera l'évolution du pouvoir d'achat du salaire brut .

Dans l'hypothèse du scénario macroéconomique de référence du rapport CHARPIN (+ 1,7 % par an pour la productivité du travail), le pouvoir d'achat du salaire brut est multiplié par deux à l'horizon 2040.

Faudra-t-il augmenter les taux de cotisation aux régimes de retraite pesant sur les actifs au fur et à mesure qu'apparaîtront les déséquilibres financiers, ce qui se traduira par une évolution moins favorable du salaire net que du salaire brut ?

Votre rapporteur considère qu'il s'agit là du principal sujet du débat pour l'avenir, puisque l'évolution de l' âge de la retraite dépend étroitement de la réponse qui y sera apportée.

L'augmentation du taux de prélèvement sur les actifs pose à la fois un problème d' efficacité économique et un problème d' acceptabilité sociale .

Avant d'évoquer ces deux aspects, il faut rappeler l'ordre de grandeur des prélèvements sur les actifs que nécessiterait le rééquilibrage des régimes de retraite, à réglementation inchangée : entre 4 et 7,3 points de cotisations salariés selon les experts de l'OFCE. Cette évaluation doit être prise avec précaution : notre système de retraite ne repose pas sur un régime unique, avec un taux de cotisation unique, mais sur une multiplicité de régimes de telle sorte qu'il est impossible de " transformer " des déséquilibres financiers en points de cotisation, en raison de la difficulté de mesurer précisément leur assiette.

Malgré son caractère fictif, le calcul de l'OFCE permet néanmoins de rappeler les enjeux macroéconomiques.

• Concernant l'efficacité économique d'une hausse des prélèvements sur les actifs, on ne trouve pas dans le rapport CHARPIN d'éléments qui permettent de trancher le débat de manière définitive. Il y est certes dit que la " baisse du chômage pourrait être entravée par la hausse des prélèvements ". A l'appui de cette thèse, le rapport se réfère à des travaux empiriques qui montreraient qu'une hausse des cotisations supportée par les entreprises se traduirait par une hausse du taux de chômage d'équilibre.

Le rapport est cependant beaucoup plus elliptique sur l'hypothèse où la charge des retraites serait intégralement prise en charge par les salariés , se contentant d'observer sans plus de commentaire que " le taux de cotisations d'équilibre resterait cependant élevé " et ajoutant immédiatement après que " seule une remontée de l'âge de la retraite aurait au final un impact à la baisse significatif sur le taux de prélèvement... ".

La question d'une hausse des taux de cotisations pesant sur les seuls salariés aurait certainement mérité une discussion plus approfondie. Il peut être compréhensible que le rapport lui-même, dans le souci de ne pas bloquer la discussion sur cet aspect du problème, ne s'y soit pas consacré plus longuement. Il est plus étonnant que les organisations de salariés, dans leurs contributions annexées au rapport, aient également évité d'aborder clairement cette question, qui les concerne pourtant directement.

Votre rapporteur ne peut que regretter que la question de la hausse des cotisations n'ait pas été, jusqu'à présent, clairement abordée, certainement parce qu'elle est liée à celle des prélèvements obligatoires . Ceux-ci atteignent dans notre pays un niveau qui est très largement considéré comme élevé. Une hausse des cotisations des salariés pour financer les régimes de retraite se traduirait par une augmentation des prélèvements obligatoires d'un montant équivalent aux déficits projetés (soit de l'ordre de 4 points de PIB). Il est donc nécessaire que les conséquences éventuelles en soient mieux étudiées.

• La question de l' acceptabilité sociale d'un financement des régimes de retraite par la seule hausse des cotisations des actifs est tout aussi délicate.

Celle-ci comporterait un double risque :

- celui de faire peser la charge de l'ajustement sur un nombre réduit de générations : celles-ci pourraient avoir le sentiment qu'elles sont lésées par rapport aux générations antérieures ;

- celui de l'imprévision qui ne laisserait d'autre choix que d'augmenter unilatéralement et brutalement les taux de cotisation, avec le péril de se trouver dans une situation irréversible. Ceci serait contraire à un principe fondamental de conduite des politiques publiques qui est de laisser ouvert en permanence l'éventail des choix possibles.



• Le rapport CHARPIN rappelle qu'un fonds de réserve peut viser deux objectifs assez différents :

- réduire le taux de cotisation à long terme, ce qui suppose de mettre en place un fonds permanent dont les revenus complètent de manière pérenne les ressources des régimes ;

- ou bien lisser la hausse des cotisations , afin d'en réduire le rythme au moment du changement de régime démographique. Dans ce cas, les réserves accumulées au départ sont consommées progressivement, le fonds s'épuisant à terme.

Dans le premier cas (création d'un fonds permanent permettant de réduire le taux de cotisation à long terme), le montant des réserves à accumuler devrait représenter 28 points de PIB (2.500 milliards de francs aux conditions actuelles), dans l'hypothèse d'un rendement moyen des actifs supérieur de 1 point au taux obligataire 79( * ) . Cela permettrait de diminuer le besoin de financement à long terme de 1,5 point de cotisations.

Dans le second cas (lissage des besoins de financement), le montant des réserves à constituer devrait représenter 3 à 4 points de PIB (350 milliards de francs aux conditions économiques actuelles).

Plusieurs pays ont déjà mis en place de tels fonds : par exemple, le Canada en 1997 avec un fonds répondant à un objectif de financement pérenne des régimes de retraite et qui devrait représenter 10,5 % du PIB en 2020, les Etats-Unis en 1983 avec un fonds de lissage des cotisations dont les réserves devaient être épuisées en 2032.

Compte tenu des sommes en jeu, le Commissaire au Plan a clairement indiqué devant la Commission des Affaires sociales ou devant votre Délégation, qu'il était déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds permanent et que seul un fonds de lissage apparaissait aujourd'hui réalisable.

Au terme d'une analyse particulièrement détaillée, notre collègue Alain VASSELLE conclut, dans un rapport d'information de la Commission des Affaires sociales 80( * ) , qu'" il apparaît à l'évidence que si le Gouvernement souhaite réellement donner une signification à la création de ce fonds de réserve, il convient d'en définir sans délai les finalités et les modalités d'intervention ".

Votre rapporteur souscrit entièrement à cette recommandation. Il se contentera donc de ne formuler sur cette question que trois observations de nature macroéconomique :

- la création d'un fonds de lissage de la hausse des cotisations permet de répartir sur un nombre de générations plus important la charge de rééquilibrage des régimes de retraite. La création d'un tel fonds répond ainsi à des considérations d' équité entre générations et peut rendre plus acceptables les ajustements nécessaires ;

- qu'il soit alimenté par des apports financiers externes au régime de retraite ou par une cotisation temporaire, un tel fonds s'analyse comme une réduction du déficit et de la dette publique. Dans une période où le redressement de la demande privée semble établi sur des bases solides, ainsi que le montre le dernier rapport d'information sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme 81( * ) présenté par le Président de la Délégation, M. Joël BOURDIN, un dispositif de cette nature ne compromettrait certainement pas la reprise économique en cours. En renforçant la confiance des ménages dans leur système de retraite, votre rapporteur considère qu'il pourrait même avoir une incidence favorable sur la consommation et la croissance ;

- il est nécessaire que le dispositif de ce fonds de réserve garantisse sa sécurité . Compte tenu de la complexité d'ensemble des finances publiques françaises, on peut craindre en effet que, dans une période de ralentissement de la croissance qui se traduirait par une dégradation des comptes publics, les ressources de ce fonds ne soient utilisées pour financer des dépenses courantes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page