Rohan MALHOTRA European Express Organisation

Je tiens à remercier le sénateur Larcher de m'avoir invité pour participer à ce colloque. Je vous parlerai au nom de l'EEO (European Express Organisation) qui représente les intérêts du secteur privé du courrier express. Ces opérateurs desservent plus de 200 pays dans le monde, ce qui nécessite une flotte de véhicules, une infrastructure au sol, des moyens informatiques et un personnel qualifié très importants. Le secteur privé emploie plus de 400 000 personnes en Europe et nécessite l'emploi de centaines d'avions, dont récemment, une flotte d'Airbus.

Ce réseau global est totalement intégré, c'est à dire géré de bout en bout. Nous sommes tenus d'apporter une attention soutenue aux besoins de nos clients tout en conservant une extraordinaire flexibilité pour faire face à un environnement très concurrentiel. Cela a permis à notre secteur d'activité de connaître une très forte croissance et de contribuer de façon marquante à l'économie européenne. Ceci nous distingue généralement du secteur postal qui n'est pas soumis à cette compétition.

L'EEO est organisé en partenariat avec les parlements et les Gouvernements et, comme eux, il s'implique dans le développement du commerce européen global. Les services des entreprises express sont en effet très importants pour les entreprises européennes qui exportent leurs produits partout dans le monde. Elles doivent être assurées du bon acheminement de ces produits et de la vitesse de leur transport qui sont des facteurs de croissance prépondérants.

La directive de 1997 a le mérite de proposer un cadre d'action pour les services postaux tout en prévoyant la libéralisation du marché à l'horizon 2003. La politique européenne vise ainsi à créer un marché concurrentiel contrôlé en limitant le service réservé des postes traditionnelles aux envois de moins de 350 g, en forçant les postes à aligner leurs prix sur les coûts réels, en les obligeant à tenir des comptabilités séparées pour le service universel et réservé et en poussant les états membres à créer une autorité régulatrice.

Le problème est que la plupart des états membres ont pris du retard dans la transposition de cette directive. Pourtant, l'Union européenne a fait paraître une communication très claire sur l'application des règles de concurrence au secteur postal. Elle rappelle que les règles de concurrence sont applicables immédiatement et que les postes ne doivent pas pouvoir utiliser leur position dominante sur le marché national pour étouffer l'émergence des nouveaux opérateurs.

L'EEO demande donc la mise en place d'un cadre concurrentiel loyal en France et en Europe. Pour le moment, les sociétés privées d'express sont concurrencées par les postes dans des conditions de concurrence déloyale : les services réservés de La Poste alimentent en effet des subventions croisées vers les activités concurrentielles comme la livraison de colis express. Ces subventions croisées empêchent les opérateurs privés de concurrencer La Poste et dissuadent des investisseurs éventuels.

La communication postale de l'Union européenne est claire : au paragraphe 3.3, il est dit que "subventionner des activités concurrentielles est susceptible de fausser la concurrence en violation de l'article 86 du Traité de Rome". L'EEO demande donc aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités et d'assurer un cadre concurrentiel loyal qui empêche les subventions croisées en France et encouragent l'investissement et l'innovation dans ce secteur.

Pour cela, il est absolument nécessaire d'assurer la transparence des comptes. C'est la pierre angulaire du marché postal unique. Les obligations comptables de La Poste doivent être précisées dans la législation postale et les comptes doivent être accessibles à tous. Seule cette mesure permettra d'assurer la fin des subventions croisées au bénéfice de Chronopost et des activités express européennes du groupe La Poste.

Ce problème ne se pose pas uniquement en France : la semaine dernière, la commission européenne a décidé d'ouvrir une enquête sur le fonctionnement de la poste allemande. Il ne s'agit pas là d'un problème de subventions croisées mais de savoir si les ambitions européennes de la poste allemande sont compatibles avec la libre concurrence. De nombreuses postes européennes ont en effet réalisé des acquisitions dans le domaine du transport et du courrier express. Or certaines de ces acquisitions ont été financées par des aides d'État ou grâce aux garanties publiques dont ces entreprises bénéficient.

Ce sont des méthodes anti-concurrentielles puisque les opérateurs privés n'y ont pas accès. Il est donc très important que la commission européenne ouvre une enquête sur la poste allemande en vertu des règles communautaires sur les aides d'État. Mais nous savons que ce type d'acquisition a également été réalisé par La Poste en Espagne et en Allemagne, notamment. La question est alors de savoir comment elle a financé ces acquisitions. On peut supposer que c'est en utilisant les recettes qu'elle tire de son monopole ou, plus directement, des aides d'État.

Ce sont autant de moyens anti-concurrentiels : le service réservé n'existe que pour garantir le service universel et non pour permettre aux postes de réaliser l'acquisition d'opérateurs privés. Si elle le lui permet, c'est sans doute que ce monopole est trop étendu et doit être réduit. L'EEO espère donc que les pouvoirs publics prennent note des acquisitions de La Poste et qu'ils réduiront son monopole jusqu'au niveau nécessaire pour assurer le service universel, c'est à dire aux envois de moins de 50 g.

De plus, une autorité réglementaire est absolument nécessaire pour assurer la libre concurrence. Elle doit être indépendante à la fois de La Poste et des ministères et être dotée de moyens suffisants pour ouvrir des enquêtes. Dans le cas contraire, il sera très difficile d'assurer un environnement réellement concurrentiel pour les nouveaux opérateurs entrants.

Il faut donc se poser plusieurs questions : Le secteur postal attire-t-il de nouvelles entreprises ? Les utilisateurs bénéficient-ils d'un service de meilleure qualité ? Le prix du timbre a-t-il baissé ? A toutes ces questions, la réponse est non. Nous partageons donc le point de vue du BEUC et nous espérons que la nouvelle Commission Européenne publiera bientôt un projet de directive contenant un objectif de libéralisation en 2003, comme prévu à l'article 7 de la directive actuelle.

L'EEO espère que le parlement et le Gouvernement français appuieront cette libéralisation. Aujourd'hui, toutes les postes veulent devenir des acteurs internationaux sans ouvrir leur propre marché. Sans libéralisation équilibrée, ce sera parfaitement impossible. Il faut donc libéraliser, améliorer la qualité des prestations postales, assurer la transparence des comptes des opérateurs, désigner une autorité réglementaire indépendante, réduire le monopole au niveau nécessaire pour assurer le service universel et appuyer la libéralisation du marché postal en 2003.

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