René PETIT Président de la Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR)

Comme le disait le président Larcher, au-delà de la vision très immobilière et désuète de la poste, il faut rappeler que l'un des métiers principaux de La Poste aujourd'hui est de déplacer des objets pour le compte des individus. Cela signifie que s'intéresser à la libéralisation du secteur postal revient à s'intéresser au devenir des opérateurs de marchandises en Europe.

La situation actuelle

Je rappellerai tout d'abord les grandes mutations de ce secteur. Tout - d'abord, le fret à transporter a beaucoup évolué au cours de ces dernières années : on assiste à une parcellisation de plus en plus grande des marchandises, à une baisse des poids spécifiques moyens et au développement persistant du juste à temps et du 0 stock. Cela répond aux exigences des consommateurs qui souhaitent acquérir les biens achetés le plus près de chez lui et le plus rapidement possible. Ce phénomène se retrouve dans les livraisons entre entreprises : livraisons en bord de chaîne, mise en rayon dans la grande distribution etc...

D'autre part, nous nous situons dans une période d'ouverture européenne et de tentative d'harmonisation des conditions de concurrence. Cette harmonisation est très diverse : en termes de fiscalité, elle est presque achevée, en termes technique, elle est en cours, en terme sociaux, elle est excessivement difficile à mettre en oeuvre. Pourtant, des problèmes se posent : ainsi, en matière de fiscalité, l'harmonisation s'est bien trop souvent faite par le haut.

Parallèlement, les prix baissent régulièrement, donnant lieu à une recherche de productivité accrue. Les opérateurs sont donc forcés d'atteindre une taille critique pour être vraiment concurrentiels : réseaux les plus étendus possible, maillage le plus fin possible et économies d'échelle sur les coûts de transport. La troisième évolution importante a été l'intégration de la culture de nos clients à nos prestations. Il a donc fallu recourir à différentes technologies nouvelles comme le tracking sur Internet, par exemple.

La nouvelle directive européenne

Aujourd'hui, la directive de 1997 a été transposée par la loi Voynet sans donner lieu à un débat préalable avec les partis concernés. Cela aurait certainement permis d'apporter de nouveaux éléments utiles à la rédaction de la loi. Celle-ci a reconnu l'existence d'un service universel et d'un secteur réservé, la nécessité de mettre en place un organisme de régulation, et la nécessaire transparence des comptes. Pourtant, il faut savoir que la libéralisation du marché européen a poussé les opérateurs publics à ajouter à leurs activités de base des domaines d'action qui étaient jusqu'ici le fait d'opérateurs privés (petit colis, mono-colis et messagerie par exemple).

Ainsi, la libéralisation a eu l'effet inverse de celui attendu : les opérateurs privés ne se sont pas positionnés sur les métiers traditionnels des postes mais ce sont les postes qui ont élargi leur champ d'activité. Pour cela, elles ont eu recours à une croissance externe importante, comme c'est le cas notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. Il est vrai que, face à la baisse de l'activité d'acheminement du courrier traditionnel, à l'agressivité de certaines postes européennes et à l'importance de leur clientèle entreprise, La Poste sera obligée de faire preuve d'un esprit de compétition accru.

En ce qui concerne les opérateurs de droit privé, ils devront certainement réagir également et de façon assez rapide.

Henri LOIZEAU

À ce propos, ne pensez-vous pas, suite aux acquisitions de la Deutsch Post et de TPG, que les entreprises françaises courent également le risque d'être "cannibalisées" par les grands opérateurs publics européens ?

René PETIT

Les entreprises privées craignent en effet que les entreprises privées ne recourent aux fonds publics pour généraliser cette stratégie d'acquisitions. Cela donnerait certainement lieu à une vague de procès et il m'apparaît donc souhaitable d'assurer une véritable transparence des comptes pour éviter ce phénomène.

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