EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 24 mai 2000.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Serge Vinçon a approuvé l'analyse du rapporteur qui lui a semblé particulièrement pertinente dans la phase actuelle de réflexion en vue de la prochaine loi de programmation. Le porte-avions lui apparaît comme un instrument important dans la gestion des crises, au service du pouvoir politique. Il reste un instrument de souveraineté mais peut être éventuellement mis à la disposition de l'Europe de la défense. La question de la construction d'un second porte-avions avait été esquissée dans l'actuelle loi de programmation militaire, sous la condition que la conjoncture économique le permette, condition qui semble aujourd'hui levée. Pour M. Serge Vinçon, il ne fallait pas tarder à prendre une décision afin de profiter des investissements réalisés dans le cadre du programme Charles de Gaulle. Il a indiqué qu'il lui semblerait très souhaitable que le second porte-avions soit construit plus rapidement et à moindre coût, en s'appuyant sur les efforts de restructuration engagés par la direction des constructions navales (DCN). Il a, enfin, souligné qu'un effort budgétaire devrait impérativement être consenti dans la prochaine loi de programmation, observant que les budgets militaires européens avaient tendance à décroître, contrairement à ce que l'on pouvait observer aux Etats-Unis.

M. André Boyer a précisé que l'investissement total programmé représentait environ 70 milliards de francs, dont 50 milliards pour le groupe aérien et 20 milliards pour le porte-avions lui-même. Des économies importantes pourront être réalisées si la restructuration de DCN tient ses promesses, si l'on parvient à éviter les surcoûts de prototypes et surtout, si, dès le départ, la durée de construction et le coût du nouveau bâtiment sont précisément circonscrits.

M. André Rouvière a souhaité connaître quelle serait l'activité du Charles de Gaulle dans les prochains mois. Il s'est inquiété de la sensibilité d'un certain nombre de pays, dont l'Australie, à l'énergie nucléaire et du risque environnemental que pourrait représenter un tel bâtiment en cas de dommage survenant en situation de combat. Enfin, il s'est demandé quelles pourraient être les solutions de rechange pendant les périodes d'indisponibilité du Charles de Gaulle.

M. André Boyer a apporté les précisions suivantes :

- des essais à la mer, à partir de Brest, se dérouleront de mai à juillet. La clôture d'armement interviendra en septembre 2000, enfin une traversée de longue durée marquera la dernière étape avant l'entrée au service actif à la fin de l'année 2000 ;

- l'évolution de la sensibilité de l'opinion publique internationale à l'égard du nucléaire est un élément de préoccupation. Elle conduit la Marine, parmi d'autres éléments, à ne pas faire, de la propulsion nucléaire, un impératif ;

- le porte-avions Foch sera désarmé à partir de septembre 2000, la Marine ayant renoncé, pour des raisons financières, au maintien du bâtiment en service actif ou même " sous cocon ".

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, et à MM. Robert Del Picchia et Charles-Henri de Cossé-Brissac, le rapporteur a précisé que le Foch pouvait, théoriquement, naviguer encore cinq à dix ans, la France ayant cependant décidé de ne pas le conserver compte tenu des travaux nécessaires à son adaptation au Rafale, financièrement trop lourds par rapport à l'avantage opérationnel escompté. En tout état de cause, il n'aurait pu accueillir à son bord l'avion de guet " Hawkeye ".

M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est inquiété de l'insuffisance du budget de la Marine qui compromettait l'exercice de ses missions de service public, en particulier du fait d'un nombre insuffisant d'hélicoptères, dans l'attente du NH90. Il s'est également interrogé sur une éventuelle version navalisée de l'Eurofighter.

M. André Boyer a alors précisé que :

- selon les experts rencontrés au cours des auditions, la navalisation de l'Eurofighter semblait problématique ;

- le budget de la Marine devra nécessairement être augmenté pour pouvoir réaliser tous les programmes envisagés. Ceci étant, les enveloppes qui seront définies dans la prochaine loi de programmation militaire seront fondées sur une réflexion interarmées par système de force.

M. Xavier de Villepin, président, a alors insisté sur le fait qu'un examen approfondi des budgets militaires devra être mené au regard de cette nouvelle perspective interarmées et de l'augmentation des budgets militaires de grands pays comme les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé quelles avaient été, à l'origine, les raisons qui avaient motivé le choix de la propulsion nucléaire. Il s'est ensuite interrogé sur l'utilité, pour la France, de garder une capacité autonome d'action, étant donné l'évolution du contexte géostratégique, de la construction de l'Europe de la défense, et notamment des perspectives de coopération avec le Royaume-Uni. Il a souhaité qu'une réflexion globale soit menée pour déterminer, avant d'investir à nouveau 12 milliards de francs, les priorités de l'action militaire de la France. M. Xavier Pintat s'est également interrogé sur l'utilité stratégique, pour la France, de disposer d'un deuxième porte-avions.

M. André Boyer, rapporteur, a expliqué que la décision d'avoir recours à la propulsion nucléaire avait été prise dans les années quatre-vingt, après que les deux chocs pétroliers eurent montré la dépendance énergétique de la France et la possible utilisation du pétrole comme arme politique. Il a également rappelé que la propulsion nucléaire avait des avantages opérationnels importants, permettant une plus grande autonomie et un déplacement plus rapide du groupe aéronaval dans son ensemble. L'espace libéré par la propulsion nucléaire permet également de disposer de capacités de ravitaillement supplémentaires pour l'escorte et l'aviation embarquée. Il permet aussi une meilleure ergonomie du pont d'envol et des installations aviation.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité qu'une réflexion sur l'avenir et les conséquences de l'Europe de la défense soit menée, pour essayer de déterminer dans quelle mesure certaines capacités pourraient être partagées.

M. André Boyer a alors fait remarquer que l'Europe de la défense avait connu récemment des progrès rapides. Toutefois, il lui a semblé que la France aurait intérêt, aussi bien pour elle-même que dans le cadre d'une Europe de la défense, à maintenir une capacité cohérente et autonome d'action. Les Etats-Unis incitent d'ailleurs l'Europe à prendre en charge la sécurité de son environnement proche.

M. Xavier de Villepin, président, a noté l'évolution positive de la position britannique, notamment après le choix des programmes Météor et A400M. Il s'est toutefois interrogé sur la volonté d'autres pays européens de consentir les efforts financiers nécessaires à une Europe de la défense disposant des moyens de son autonomie, sachant qu'elle pourrait être amenée à intervenir aussi bien au Proche-Orient qu'en Afrique.

M. Christian de La Malène a estimé que la construction du second porte-avions, pourrait justifier de s'affranchir du schéma budgétaire traditionnel. D'après lui, la priorité du second porte-avions devrait l'emporter sur les considérations strictement économiques.

M. André Boyer a alors précisé que l'impact financier ne concernait pas le seul porte-avions, mais aussi le groupe aéronaval dans son ensemble, les deux éléments étant indissociables.

M. Gérard Roujas a insisté sur le fait que la France ne serait vraisemblablement plus, sur le plan militaire, amenée à agir seule, mais dans le cadre d'une défense européenne dont il convenait de définir les priorités stratégiques.

M. Robert Del Picchia a ensuite estimé que la France pourrait mettre son groupe aéronaval à la disposition de capacités européennes, ce qui justifiait qu'elle puisse disposer d'un second porte-avions. Il a, par ailleurs, insisté sur les retombées industrielles positives qui pourraient être générées par la construction d'un tel bâtiment.

M. André Boyer a précisé que la construction d'un second porte-avions ne nécessiterait pas d'investir dans un groupe aérien supplémentaire.

M. Paul Masson a estimé que la France se trouvait devant une alternative entre une ambition planétaire, d'une part, et une approche plus régionale, d'autre part. Certains considèrent qu'il serait du devoir de la France de pouvoir continuer à participer à des missions de police internationale, notamment en Afrique. Espérer toucher les dividendes de la paix apparaît donc comme une illusion dans les vingt prochaines années puisqu'il faudra faire face à des guerres civiles ou à des famines, dans lesquelles l'Europe devra s'impliquer pour défendre ses intérêts et, surtout, ses principes inspirés des droits de l'homme. Ses missions iront alors au-delà des intérêts proprement commerciaux ou de la surveillance de ses propres frontières. Certes, la France n'interviendrait sans doute pas seule. L'Europe, l'OTAN ou l'ONU, n'étant pas, pour M. Paul Masson, les cadres les plus appropriés, il en a appelé à la constitution d'une " Europe maritime " en collaboration étroite avec le Royaume-Uni, avec lequel la France partage une tradition de puissance maritime et de nombreux intérêts. M. Paul Masson a indiqué que si c'était cette seconde analyse qui était retenue, alors la construction d'un deuxième porte-avions était nécessaire.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que deux exemples récents venaient illustrer ces réflexions : l'intervention britannique, en Sierra Leone, destinée à sauver des soldats de l'ONU, ou notre intervention au Timor oriental, très positivement perçue en Australie.

M. Jean-Guy Branger s'est inquiété de la difficulté qu'il y avait aujourd'hui à apprécier réellement les évolutions de l'Europe de la défense et la volonté réelle des pays européens à la construire.

Répondant à une interrogation de M. Xavier de Villepin, président, M. André Boyer a expliqué que les Etats-Unis maintenaient leur choix en faveur de la propulsion nucléaire pour leurs porte-avions. Ces derniers sont, en effet, plus de deux fois plus importants et doivent parcourir de grandes distances, liées aux responsabilités mondiales des Etats-Unis.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué le débat sur le nucléaire civil. Il a notamment relevé les évolutions des opinions publiques et des responsables américains et même australiens sur cette question.

La commission a ensuite autorisé la publication de la communication de M. André Boyer sous la forme d'un rapport d'information.

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